compte rendu intégral

Présidence de M. Claude Bérit-Débat

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Demande par une commission des prérogatives des commissions d’enquête

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen d’une demande de la commission des lois tendant à obtenir du Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qu’il lui confère les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour le suivi de l’urgence, pour une durée de six mois.

Il a été donné connaissance de cette demande au Sénat lors de sa séance du mercredi 9 décembre 2015.

Je vais mettre aux voix la demande de la commission des lois.

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix la demande de la commission des lois.

(Cette demande est adoptée.)

M. le président. En conséquence, la commission des lois se voit conférer les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour le suivi de l’état d’urgence, pour une durée de six mois.

Le Gouvernement sera informé de la décision qui vient d’être prise par le Sénat.

3

 
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2015
Discussion générale (suite)

Loi de finances rectificative pour 2015

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2015 (projet n° 227, rapport n° 229, avis n° 230).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2015
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, après avoir terminé il y a seulement deux jours l’examen du projet de loi de finances pour 2016, nous entamons aujourd’hui celui du projet de loi de finances rectificative de fin d’année.

Cette discussion est habituelle à cette période de l’année. Toutefois, le texte que vous propose le gouvernement n’est pas un simple texte balai : c’est un projet de loi qui propose plusieurs réformes fiscales significatives et qui opère des redéploiements importants, afin de tenir l’objectif de dépenses de l’État.

Tout d’abord, le volet fiscal de ce texte est très important. Alors que la COP 21 poursuit ses travaux, le Gouvernement vous propose une réforme de la fiscalité de l’énergie. Fruit d’un long travail, celle-ci s’articule autour de trois objectifs.

Le premier est de donner de la visibilité au prix du carbone pour 2017. Il se traduit dans la contribution climat-énergie qui constitue la composante carbone des taxes intérieures de consommation sur les énergies fossiles. Celle-ci n’est aujourd’hui votée que jusqu’à 2016. Le Gouvernement vous propose de fixer le prix de la tonne de carbone pour 2017 à 30,50 euros, conformément à la trajectoire permettant d’atteindre l’objectif fixé dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte d’un prix de la tonne à 56 euros en 2020.

Le deuxième objectif est d’utiliser le rendement ainsi obtenu pour sécuriser le financement du service public de l’électricité et des énergies renouvelables à compter de 2017. Ce financement est par ailleurs mis en conformité juridique avec le droit de l’Union européenne.

La contribution au service public de l’électricité, ou CSPE, est donc remplacée par une taxe intérieure de consommation finale de l’électricité élargie, dont l’assiette est la même que celle de l’actuelle CSPE. En 2016, son tarif est identique à ce qu’aurait été celui de la CSPE sans la réforme : 22,50 euros par mégawattheure.

J’insiste sur la stabilisation pour l’avenir de ce tarif de 22,50 euros pour la fiscalité électrique. En effet, à compter de 2017, les ressources de la contribution climat-énergie nous permettront de financer la dynamique des charges de service public de l’électricité, sans avoir à mobiliser davantage la fiscalité électrique.

Le troisième objectif, enfin, est de concrétiser la convergence de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, sur l’essence et le gazole, afin de relever le défi de la qualité de l’air. Le texte adopté par l’Assemblée nationale intègre notamment la hausse de un centime sur le gazole, compensée par la baisse de un centime sur l’essence.

En résumé, quelle sera l’incidence de cette réforme en 2016 et en 2017 à la fois sur le volet électrique et sur le volet carbone ?

Pour ce qui concerne le volet électrique, en 2016, la CSPE va augmenter, comme c’est le cas chaque année depuis 2011. Je rappelle, en effet, que, à la suite du rapport de vos collègues députés Jean Launay et Michel Diefenbacher, il avait été décidé en 2011 de mettre en place un mécanisme conduisant de facto à une augmentation automatique de la CSPE chaque année, permettant de financer les énergies renouvelables et de rembourser la dette de l’État envers EDF au titre, notamment, de ces dispositifs.

En 2017, en revanche, nous vous proposons de mettre fin à cette hausse annuelle. La CSPE, devenue TICFE, sera stabilisée et la hausse automatique mise en place en 2011 disparaîtra.

Concernant le volet carbone, la contribution climat-énergie augmente en 2016, comme prévu par la loi de finances pour 2014, afin de financer la montée en charge du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Elle poursuivra sa hausse en 2017. Son rendement sera utilisé pour financer la stabilisation de la TICFE et de nouvelles baisses d’impôt. Son augmentation n’entraînera donc pas de hausse des prélèvements obligatoires.

L’adaptation du droit à l’évolution du cadre européen constitue également un axe important du présent texte. Les dispositifs fiscaux qui encouragent l’investissement par les particuliers, notamment la réduction de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, en cas d’investissement dans les PME – dite « ISF-PME » –, seront ainsi adaptés au nouveau cadre européen applicable aux aides d’État en faveur du financement des risques, en les recentrant sur les entreprises jeunes ou innovantes, c’est-à-dire celles qui rencontrent les plus grandes difficultés pour se financer sur le marché.

Ce projet de loi prévoit également une évolution du régime d’imposition des sociétés mères et filiales, afin de tirer les conséquences de ce que chacun appelle aujourd’hui l’« arrêt Steria » de la Cour de justice de l’Union européenne.

Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit de supprimer la neutralisation de la quote-part de frais et charges afférentes aux dividendes versés entre sociétés d’un même groupe. Corrélativement, et compte tenu du coût que représente cet aménagement pour les groupes fiscaux, il prévoit d’abaisser à 1 % le taux de la quote-part de frais et charges afférentes aux dividendes éligibles au régime mère-fille que perçoivent les sociétés membres d’un groupe, d’autres membres du groupe ou de sociétés établies dans un autre État de l’Union ou de l’espace économique européen.

Dans ces deux cas de mise en conformité – ISF-PME et arrêt Steria –, les finances publiques ne supporteront aucun coût. Une solution de facilité aurait pu consister à financer par la dette ces adaptations techniques demandées par le droit de l’Union : ce n’est pas ce que propose le Gouvernement. Celles-ci doivent être réalisées dans le respect des intérêts financiers de l’État et ne doivent pas représenter de contribution supplémentaire pour les contribuables.

Un autre volet de ce texte concerne la fiscalité agricole. Vos collègues députés, comme le Gouvernement, ont introduit un certain nombre d’amendements relatifs, notamment, au dispositif de déduction pour aléas – DPA – ou aux régimes d’imposition forfaitaire, avec un abattement correspondant. Ces dispositions ont fait l’objet d’un travail important avec les organisations syndicales, dont je crois pouvoir dire qu’elles les approuvent largement dans leur version adoptée par l’Assemblée nationale.

Enfin, parmi les nombreuses mesures fiscales de ce texte, la réforme de la surtaxe sur les terrains à bâtir n’est pas la moins importante. Cette taxe, introduite par la précédente majorité, vise à libérer le foncier. Si nous partageons cet objectif, il est apparu toutefois qu’elle avait été mal calibrée. Nous avions déjà resserré son application aux 618 communes les plus tendues, où le déséquilibre entre l’offre et la demande de logements est le plus marqué. Nous en avions également exclu les terrains agricoles.

Cependant, le dispositif, qui s’est appliqué pour la première fois en 2015, était à la fois disproportionné et insuffisamment incitatif, en raison d’un manque d’information des contribuables. Nous proposons donc une réforme en deux temps, dont nous aurons l’occasion de préciser ultérieurement les détails.

J’en viens au volet budgétaire de ce projet de loi de finances rectificative.

Tout d’abord, les dépenses de l’État sont tenues en 2015, comme prévu. Je rappelle que l’objectif fixé dans le cadre de la loi de finances initiale était ambitieux : la baisse de 4,5 milliards d’euros de la dépense sous normes, hors charges de la dette et pensions, grâce à la première tranche du plan d’économies de 50 milliards d’euros sur trois ans.

En cours d’année, nous avons mis en œuvre un plan d’économies complémentaires de 4 milliards d’euros visant l’ensemble des administrations publiques, pour compenser l’effet de la moindre inflation. Dans le cadre de ce plan, nous avons revu à la baisse de 700 millions d’euros l’objectif de dépenses de l’État.

Toujours en cours d’année, nous avons engagé un ensemble de dépenses nouvelles, principalement pour la sécurité et l’emploi des Français. Ce sont ainsi près de 800 millions d’euros de dépenses qu’il a fallu financer par des économies supplémentaires, dans le décret du mois d’avril, ainsi que par une mise en réserve complémentaire de crédits.

Pour cette année, nous visons à la fois une baisse globale de la dépense de l’État, peut-être sans précédent, et la mobilisation en urgence de nouveaux moyens ciblés. Ce projet de loi de finances rectificative démontre qu’il est possible de viser simultanément ces deux objectifs.

Après avoir financé les dépenses nouvelles, il s’agit maintenant de couvrir les surcoûts traditionnellement constatés en fin d’année, principalement le financement des apurements agricoles communautaires, des opérations extérieures – les OPEX – et des emplois aidés.

Pour cela, ce sont près de 2,1 milliards d’euros d’annulations de crédits qui doivent être mises en œuvre dans ce projet de loi de finances rectificative et dans le décret d’avance paru fin novembre, après avis de la commission des finances du Sénat.

Nous avons traversé une année mouvementée, et cela s’est traduit dans le budget de l’État. Nous avons en effet mobilisé des moyens exceptionnels pour la sécurité des Français, fait qui s’est ajouté aux aléas traditionnels que l’on rencontre lorsque l’on exécute un budget.

Les redéploiements effectués tout au long de l’année ont certes été plus importants que l’an dernier, mais nous les avons entièrement financés par des économies, et ce projet de loi le démontre de nouveau.

Concernant les recettes, tout au cours de l’année, certains ont joué les Cassandre en nous annonçant des moins-values de plusieurs milliards d’euros. Ces prédictions n’étaient fondées sur aucune analyse sérieuse. Au contraire, au cours des débats à l’Assemblée nationale, nous avons revu à la hausse la TVA de 830 millions d’euros et les successions de 200 millions d’euros. Grâce à ces recettes supplémentaires, nous vous proposons d’apurer la dette de l’État envers la sécurité sociale.

En un mot, qu’indiquent les chiffres ? Ils nous disent que les recettes sont dans la ligne de nos prévisions, et que la dépense est tenue. En conséquence, le déficit de l’État se réduit de 1,1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale ; c’est désormais une baisse de 12,3 milliards d’euros du déficit de l’État que nous anticipons en 2015 par rapport à 2014.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, telles sont les principales lignes de ce projet de loi de finances rectificative, et encore n’ai-je pas été exhaustif. J’aurais ainsi pu évoquer l’importante réforme des garanties à l’exportation, dont nous reparlerons à l’occasion de l’examen des articles.

Ce projet de loi poursuit également les réformes dans le champ fiscal, avec notamment une réforme majeure de la fiscalité écologique. Il poursuit les efforts déployés tout au long de l’année pour maîtriser la dépense de l’État tout en faisant face aux enjeux d’actualité qui peuvent exiger de nouvelles dépenses, notamment, je le répète, en matière de sécurité.

C’est enfin un projet de loi qui constate, n’en déplaise à certains, l’amélioration de la situation de nos finances publiques tout au long de l’année 2015. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après avoir consacré de nombreuses séances à l’examen du projet de loi de finances pour 2016, le Sénat en vient à la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2015, dont l’adoption marquera dans quelques jours la fin de notre marathon budgétaire.

Ce collectif budgétaire, qui comportait 47 articles dans sa version initiale, en contient désormais 110 après son passage à l’Assemblée nationale. L’ajout d’un grand nombre d’articles additionnels, le plus souvent sur l’initiative du Gouvernement, nuit à la qualité du travail législatif : nous en parlions à l’instant lors de la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances, ni nos collègues députés, qui découvrent la plupart des amendements en séance, ni nous-mêmes n’avons les moyens d’expertiser des dispositions parfois très complexes dans les délais extrêmement brefs qui nous sont impartis.

Plus que jamais, le collectif budgétaire fait donc figure de voiture-balai législative, et le nombre de cavaliers budgétaires, que la commission vous proposera d’ailleurs de supprimer, en témoigne.

À cela s’ajoutent, particulièrement cette année, des effets de miroir entre le projet de loi de finances et le projet de loi de finances rectificative qui conduisent à des difficultés de coordination entre ces deux textes. Je songe aux mesures relatives à la fiscalité énergétique, à l’éligibilité des investissements dans le haut débit des collectivités territoriales au FCTVA, le Fonds de compensation pour la TVA, ou encore, entre autres sujets, à la fiscalité agricole. Les limites de ces exercices croisés sont incontestablement atteintes.

Ces observations de méthode étant faites, j’en viens au contexte économique et à l’équilibre général de ce projet de loi de finances rectificative.

Au cours de cette année, l’activité économique a progressé dans les pays de la zone euro, en raison notamment du recul du prix du pétrole et de la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne qui a permis une diminution des taux d’intérêt et du taux de change de l’euro. Cependant, la croissance aura été de seulement 1 % dans notre pays, contre 1,5 % dans la zone euro. L’activité tarde à redémarrer, et le taux de chômage correspond à 10,6 % de la population active au troisième trimestre 2015, soit son niveau le plus élevé depuis 1997.

L’exercice 2015 a été marqué par une amélioration limitée de la situation budgétaire. Le solde effectif devrait représenter 3,8 % du PIB, soit 0,3 point en deçà de la prévision retenue par la loi de finances initiale. Cette bonne performance au regard des prévisions initiales est intégralement imputable à la révision du solde public de l’année 2014 : le solde effectif n’aura été réduit que de 0,1 point de PIB cette année et l’ajustement structurel, de 0,4 point de PIB, aura été inférieur à celui que recommandait le Conseil de l’Union européenne. Cela a été relevé par la Commission européenne dans son avis du 16 novembre 2015 sur le programme budgétaire de la France.

Compte tenu de ces éléments, la part de la dette publique dans la richesse nationale continuera d’augmenter. Le Gouvernement prévoit que celle-ci atteigne 96,3 % du PIB, soit 0,7 point de PIB de plus qu’en 2014.

Pour ce qui concerne le budget de l’État, les recettes fiscales nettes devraient s’élever à 278,7 milliards d’euros cette année, en baisse de 400 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale, et les dépenses du budget général, hors dette et pensions, seraient supérieures de 1,3 milliard d’euros par rapport à l’objectif du Gouvernement. Le détail de ces écarts à la prévision figure dans le rapport de la commission.

La norme de dépenses « zéro valeur » ne serait respectée qu’au prix d’un prélèvement de 255 millions d’euros sur la trésorerie du Fonds national de gestion des risques en agriculture, le FNGRA, et d’économies de constatation sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, soit 1 milliard d’euros. De même, la norme dite « zéro volume » ne serait pas dépassée grâce à des annulations sur la charge de la dette à hauteur de 2 milliards d’euros.

Hors dépenses exceptionnelles, le solde budgétaire serait dégradé de 3 milliards d’euros par rapport à 2014, le déficit atteignant 73,3 milliards d’euros.

Je rappelle enfin que la commission des finances a eu l’occasion, en donnant son avis sur le projet de décret d’avance du 27 novembre dernier, de souligner l’importance du schéma de fin de gestion. Ce sont près de 6 milliards d’euros de crédits qui devraient être ouverts par le décret d’avance et par le projet de loi de finances rectificative, auxquels il faut ajouter 1,1 milliard d’euros de redéploiement des fonds issus du programme d’investissements d’avenir, le PIA, soit un total de 7,1 milliards d’euros. Les arbitrages de la loi de finances initiale ne sont plus respectés. J’en veux également pour preuve l’ampleur de la mise en réserve de crédits, à hauteur désormais de 8 % des crédits initiaux, qui permet de modifier sensiblement en cours d’année les orientations présentées en loi de finances initiale.

J’en viens maintenant aux articles du collectif budgétaire. Les mesures les plus importantes concernent la fiscalité énergétique, avec la réforme de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, et la modulation des tarifs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques pour le gazole et l’essence.

Lors du débat sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, le Sénat avait appelé de ses vœux une rebudgétisation de la CSPE, afin que le Parlement puisse enfin se prononcer sur une imposition qui pèse sur nos concitoyens à hauteur de 6,2 milliards d’euros cette année, et qui a vocation à croître à la mesure des charges à compenser. On peut s’interroger sur la constitutionnalité de cette imposition, qui n’est pas votée par le Parlement.

Notre appel a été entendu, mais tardivement. On peut s’étonner qu’une telle disposition ne figure pas dans le projet de loi de finances initiale pour 2016, et que la création d’un nouveau compte d’affectation spéciale, mesure relativement inédite, ainsi que d’un nouveau programme au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ait été réalisée lors de la nouvelle lecture par l’Assemblée nationale.

En tout état de cause, la commission des finances proposera, en coordination avec la commission des affaires économiques, dont je salue le président, d’aller plus loin, afin que le Parlement détermine le plafond et la répartition des charges à compenser en matière d’énergies renouvelables, et ne soit plus placé dans la situation de simple comptable des décisions prises par d’autres.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cela permettrait de respecter à la lettre l’article 34 de la Constitution, car c’est au Parlement, et non à une commission, si compétente soit-elle, qu’il revient de fixer l’assiette des impositions.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission proposera également au Gouvernement de respecter ses engagements en termes de convergence des fiscalités sur l’essence et le diesel, en rétablissant la baisse de 1 centime d’euros de la TICPE sur l’essence dès 2016, et non sur une partie simplement des essences.

Enfin, elle proposera de compenser la hausse de la contribution climat-énergie prévue en 2017 par un allégement de la CSPE, afin d’assurer sa neutralité sur le plan fiscal, ce qui était déjà prévu dans l’article 1er de la loi de transition énergétique pour la croissance verte, que nous respecterons donc formellement.

La commission présentera ensuite des amendements relatifs au régime fiscal de l’ISF-PME, visant notamment à l’orienter davantage vers les PME qui prennent des risques et qui ont le plus besoin de soutien, en excluant les activités de promotion immobilière – elles en sont normalement exclues, mais manifestement cette exclusion n’est pas respectée – et les activités qui bénéficient d’ores et déjà d’aides publiques. Elle proposera également que les frais des intermédiaires soient plafonnés.

Pour ce qui concerne la taxe pour la création de bureaux, de locaux commerciaux et de locaux de stockage en Île-de-France, elle proposera de revenir sur certaines dispositions adoptées par l’Assemblée nationale qui ne lui semblent pas pertinentes.

La commission proposera aussi la suppression de l’élargissement de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, aux commerces établis avant 1960, car, si cette imposition était mise en œuvre, elle pénaliserait des commerces de centre-ville qui souffrent déjà de difficultés économiques accrues dans la conjoncture actuelle et d’une fiscalité très élevée. Cela accroîtrait également sans doute la différence de traitement entre le commerce traditionnel et le e-commerce, qui n’est pas taxé de ce point de vue.

La commission reviendra sur des allégements fiscaux adoptés par l’Assemblée nationale et qui ne lui semblent pas pertinents, comme l’application rétroactive de la TVA à 2,1 % sur la presse en ligne, ou encore l’instauration d’un taux réduit de TVA sur les spectacles et concerts dans les discothèques.

Elle proposera également de supprimer la majoration obligatoire de taxe foncière pour les terrains constructibles situés en zones tendues, en la rendant facultative et en annulant pour 2015 les désastreux effets d’une réforme à laquelle le Sénat s’était opposé.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Enfin, la commission proposera la suppression de la réforme relative aux organismes de gestion agréés, dont elle n’a pu avoir connaissance que trop tardivement, de même que l’Assemblée nationale, qui l’a d’ailleurs refusée, réforme qui semble totalement contradictoire avec les dispositions votées il y a un an à peine, sans que rien ne permette de justifier ce changement d’orientation.

Au final, fort de ses 110 articles, le collectif budgétaire apparaît malheureusement comme un texte sans unité et sans ligne directrice, mais la commission des finances et les différents intervenants s’efforceront d’en améliorer, autant que faire se peut, la cohérence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UDI-UC.)

M. Vincent Capo-Canellas. De la lumière ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Carrère. Oui, un peu de lumière ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques, rapporteur pour avis. J’ai noté les noms de ceux qui m’ont désigné ! (Mêmes mouvements.)

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, j’ai l’honneur de rapporter l’avis de la commission des affaires économiques sur le volet consacré à la fiscalité de l’énergie contenu dans le projet de loi de finances rectificative qui nous est ici proposé. Il s’agit essentiellement de la réforme de la CSPE et de la fiscalité sur les carburants.

Concernant la CSPE, chacun le sait, une réforme était nécessaire, et elle était d’ailleurs attendue depuis longtemps.

La CSPE a été créée, non pas comme on le lit souvent par la loi de 2003, mais par la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, sous une autre appellation, puisqu’il s’agissait à l’époque du « fonds du service public de la production d’électricité », ou FSPE.

Devenue CSPE, cette contribution vise à soutenir le développement des énergies renouvelables, mais elle participe également au financement de la péréquation tarifaire, de la cogénération, des tarifs sociaux, du poste de médiateur national de l’énergie…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sans oublier les îles !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. Bref, c’est devenu un fourre-tout !

À son instauration, en 2003, la CSPE représentait pour les clients des opérateurs d’énergie électrique un prélèvement de 4,50 euros par mégawattheure. Aujourd’hui, c’est 22,50 euros ! Cette véritable explosion est due, pour l’essentiel, au développement très important des énergies renouvelables, en particulier du photovoltaïque et de l’éolien.

En outre, la CSPE souffre d’un certain nombre d’inconvénients, à commencer par l’absence de contrôle démocratique par le Parlement. Ce dispositif est également exposé sur le plan juridique, ce dont témoigne l’abondance des contentieux qui s’y rapportent : songez que plus de 55 000 sont pendants auprès de la Commission de régulation de l’énergie, et 14 000 devant les tribunaux administratifs, sans compter la contestation élevée par la Commission européenne ! Au surplus, cette contribution n’est absolument pas maîtrisée.

Autant de raisons, mes chers collègues, qui rendaient une réforme nécessaire. Elle était annoncée depuis longtemps, la voici.

Quant à son architecture, la totalité des membres de notre assemblée s’accordent à trouver cohérents les choix opérés, qui s’ordonnent autour de trois orientations.

En premier lieu, la CSPE sera budgétisée, c’est-à-dire rapatriée au sein du budget général de l’État, sans que les consommateurs y échappent pour autant, puisqu’elle sera entièrement répercutée sur eux - le périmètre est donc constant.

En deuxième lieu, le dispositif sera sécurisé sur le plan juridique, au moyen d’un adossement à la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, ou TICFE, créée par la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi NOME ; ce système nous mettra à l’abri des contentieux dont je viens de parler, même s’il n’est pas lui-même sans inconvénient.

En troisième lieu, l’assiette est élargie, puisque la « taxe carbone » – en fait, la contribution climat-énergie – renforcera les moyens mis en œuvre pour soutenir, notamment, les énergies renouvelables.

Quel est donc, monsieur le secrétaire d’État, l’avis de la commission des affaires économiques sur votre dispositif, que, au demeurant, elle a eu très peu de temps pour examiner ?

Avant tout, nous considérons qu’il n’est pas acceptable que cette réforme intervienne maintenant.