M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Le titre IV, qui traite de l’accès aux ressources génétiques et du partage juste et équitable des avantages, est très important.

Il crée dans le code de l’environnement une procédure d’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées de partage des avantages découlant de leur utilisation. Il constitue aussi un outil de prévention et de lutte contre la biopiraterie.

La France choisit ainsi de mieux préserver et de mieux valoriser la richesse que constitue sa biodiversité. Vous avez été nombreux à le rappeler, notre pays se situe aux tout premiers rangs pour la biodiversité. Je pense notamment aux outre-mer, à la Méditerranée, au milieu marin, à nos collections etc.

Le fait de réglementer l’accès aux ressources génétiques pour les protéger et de garantir un partage équitable des avantages constitue véritablement une avancée considérable.

Ce dispositif s’inscrit d’ailleurs dans le contexte de l’entrée en vigueur, en octobre 2014, du protocole de Nagoya, que la France avait signé en octobre 2011, mais qu’elle n’a pas encore ratifié – c’est l’objectif – et, en novembre 2015, du règlement européen et de son règlement d’exécution, fixant les règles de conformité au protocole de Nagoya.

Il est donc important d’aboutir sur ce texte, afin de permettre à la France de tenir ses engagements internationaux, qui, en l’occurrence, remontent à 2011.

Il serait souhaitable que la France puisse ratifier le protocole de Nagoya avant la Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique, ou COP 13, qui se tiendra au Mexique en décembre 2016. J’espère que les sénatrices et les sénateurs qui sont présents ce soir pourront faire partie de la délégation française pour le Mexique ! Nous allons prendre les noms… (Sourires.)

D’autres pays riches en biodiversité réglementent déjà l’accès à leurs ressources génétiques. Je pense par exemple au Costa Rica, à l’Afrique du Sud ou à l’Australie.

Ces réglementations ont apporté de la sécurité juridique aux chercheurs.

Lorsque les bénéfices ont été retirés de l’utilisation de ces ressources génétiques, un partage d’avantages, parfois monétaire, a eu lieu. Ainsi, au Costa Rica, depuis les années quatre-vingt-dix, les revenus cumulés représentent plus d’un million de dollars. Ce pays bénéficie de 50 % des royalties versées au titre des produits commercialisés par des entreprises nationales et internationales, et consacre cet argent à la protection de la biodiversité.

Nos voisins européens ont également pris des initiatives. L’Espagne a adopté en septembre 2015 une loi qui réglemente l’accès à ses ressources génétiques. L’Italie et, au-delà de l’Europe, le Japon sont en train d’observer l’expérience française. Ils nous ont même demandé des informations sur ce que nous étions en train de faire.

Vous connaissez bien l’exemple de la Polynésie française, productrice du monoï de Tahiti, qui, après avoir été victime de biopiraterie dans les années quatre-vingt, a réussi à reprendre le contrôle de ce savoir-faire ancestral. Aujourd’hui, c’est une formidable filière de développement économique et touristique !

Et que dire du secteur de la cosmétique, de l’industrie pharmaceutique ou des biotechnologies agroalimentaires, qui constituent autant de fleurons de notre économie ? Ils doivent également permettre à de jeunes entreprises de se développer. Nous devons donc leur offrir la sécurité juridique nécessaire lorsqu’ils travaillent sur des ressources génétiques françaises.

Tel est l’objectif du titre IV du présent projet de loi pour la reconquête de la biodiversité. (Mme Odette Herviaux applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis.

Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Ainsi que Mme la ministre l’a souligné, l’article 18 ouvre le titre IV, qui est consacré à l’accès et au partage des avantages tirés de l’exploitation de la biodiversité des ressources génétiques.

Le génie génétique se déploie dans des champs de plus en plus larges : l’agriculture et l’alimentation, à travers l’innovation variétale, mais aussi la pharmacie, la cosmétique, les biomatériaux et bien d’autres domaines encore.

De nombreux organismes, publics ou privés – je pense notamment à l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, que nous avons auditionné –, grands ou petits – la précision a son importance - ont constitué des collections d’espèces végétales et organisé leur conservation ; ils les utilisent aujourd’hui pour la recherche.

Tout cela s’est effectué sans encadrement juridique particulier jusqu’en 1992, date à laquelle la Convention sur la diversité biologique de Rio de Janeiro a posé le principe d’un partage juste et équitable des avantages issus de l’utilisation de ressources génétiques, avec une double préoccupation : permettre l’utilisation de ces ressources, mais également ne pas spolier les États ou les communautés d’habitants dont elles sont issues.

Vous l’avez indiqué, madame la ministre, il a fallu attendre le protocole de Nagoya, en 2010, pour disposer d’instruments juridiques permettant la mise en œuvre du principe posé en 1992.

Au niveau européen, un règlement du mois d’avril 2014 demande une traçabilité des autorisations d’utilisation des ressources génétiques par les opérateurs économiques, mais il appartient aux États membres de l’Union de mettre en place les dispositifs d’accès et de partage des avantages sur leur propre territoire.

C’est ce qui est proposé à l’article 18, qui a suscité beaucoup d’interrogations des professionnels, non pas sur son principe – il faut le dire très clairement –, mais sur ses modalités d’application.

Un point a particulièrement attiré notre attention : la nécessité d’obtenir une autorisation, sur la base d’une preuve de l’origine des ressources utilisées, pour les « nouvelles utilisations » de ces ressources. Cette disposition inquiète fortement la recherche. En effet, on utilise souvent des collections anciennes, comprenant du matériel végétal collecté depuis de nombreuses années et dont il est difficile de déterminer l’origine. Je pense aux grandes entreprises, mais aussi aux toutes petites entreprises de sélectionneurs, qui ont des collections assez anciennes et qui sont aujourd'hui en difficulté du fait de l’absence de précisions.

Une telle incertitude risque de détourner les chercheurs des collections détenues en France. Ils préféreront se prémunir de toute contestation ultérieure en allant trouver leur matériel de recherche dans d’autres pays. Par ailleurs, le concept de nouvelle utilisation – j’y reviendrai – mérite d’être précisé pour éviter toute fragilité juridique.

Enfin, les tarifs appliqués pour avoir le droit d’accéder aux ressources génétiques ainsi protégées risquent d’être très élevés, avec un taux maximum de 5 % du chiffre d’affaires mondial, ce qui peut être considérable, même s’agissant d’un maximum.

Lors des débats, il est apparu que le secteur agricole et semencier, couvert par un autre traité international, le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, ou TIRPAA, était largement à l’écart du nouveau dispositif.

Il n’en reste pas moins que d’autres secteurs, comme la pharmacie ou la cosmétique, sont légitimement inquiets des conséquences pour la recherche du mécanisme d’accès et de partage mis en place dans ce projet de loi.

Pour lever les doutes et les interrogations, notamment quant aux effets rétroactifs du dispositif, j’avais proposé un amendement à la commission des affaires économiques, amendement qui n’a pas été retenu par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Il nous faut absolument clarifier ce point, et j’espère que nos débats y contribueront. J’ai déposé plusieurs amendements en ce sens. Je ne doute pas de leur sort, mais ils permettront au moins de susciter un débat et des échanges, qui seront retranscrits.

J’espère que nos discussions permettront de trouver le bon équilibre entre innovation et complexité.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l’article.

Mme Marie-Christine Blandin. Comme l’ont rappelé Mme la ministre et Mme la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, nous discutons de deux textes fondateurs, auxquels vient s’ajouter plus récemment l’intervention de l’Union européenne.

Nairobi, mai 1992 ; Nagoya, octobre 2010 : une convention et un protocole dont les termes font dialoguer nature et culture…

J’entends les difficultés que relaye Mme Primas. Le dialogue entre nature et culture reste effectivement à décliner, et le cadrage doit être clair pour tout le monde, car on fait dialoguer diversité biologique et utilisation par l’Humanité de cette diversité.

On parle de bien commun, mais aussi de règles justes, pour que la valorisation par les uns ne signifie pas spoliation ou confiscation pour les autres. Là est le curseur.

Le sujet, éthiquement simple, est autrement complexe, en raison des enjeux économiques que vous nous avez rappelés, de différences internationales d’encadrement – à cet égard, nous ne pouvons que nous féliciter que la France refuse la brevetabilité du vivant –, de textes de statut et d’application très différents, qui vont de la loi sur les certificats d’obtention végétale, les COV, au TIRPAA, sans oublier le TAFTA et ses errances.

N’oublions pas non plus le poids très inégal de l’influence des lobbies face aux demandes modestes, mais très peu audibles, des peuples autochtones, victimes potentielles de biopiraterie. Car si les chercheurs et les industries ont su trouver votre téléphone, madame Primas, les peuples wayana et bushinengue ont peut-être rencontré davantage de difficultés. (Sourires.)

Enfin, dernière condition à prendre en compte : la sensibilité culturelle française, qui tient à notre histoire, et qui fait que toute référence sur notre territoire à un « peuple », fût-il à 9 000 kilomètres de Paris, sans bureau de vote, sans route, sans assainissement, suscite l’implacable réponse : « En France, il n’y a qu’un seul peuple ! » C’est d’ailleurs pour cela que notre pays n’a jamais ratifié la convention 169 de l’OIT…

Dans ce contexte, l’article 18 va dans le bon sens. Je ne partage pas la frilosité à l’égard du terme « peuples autochtones », mais j’ai fait le choix, dans la rédaction de mes amendements, de respecter le contexte franco-français. Vous n’y trouverez donc aucune rupture avec le concept d’unicité de la Nation. L’ensemble des amendements que je vous proposerai, mes chers collègues, contribuera à approfondir fidèlement la transcription du protocole de Nagoya. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. L’amendement n° 252 rectifié, présenté par MM. Cornano et Karam, Mme Jourda et MM. Patient, Antiste, S. Larcher et J. Gillot, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Remplacer les mots :

leur étude et leur valorisation

par les mots :

l’étude et la valorisation de connaissances et de pratiques locales, issues du patrimoine matériel et immatériel, incarnant des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique

La parole est à M. Jacques Cornano.

M. Jacques Cornano. La définition de l’« utilisation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques » donnée dans le présent texte est particulièrement large, dans la mesure où les modalités d’études et de valorisation ne sont pas précisées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Cet amendement, qui vise à définir les termes « connaissances traditionnelles », me paraît satisfait, ceux-ci étant d’ores et déjà définis à l’alinéa 21 –au 5° du nouvel article L. 412-3 du code de l’environnement.

Cet amendement apporte des précisions intéressantes, mais il alourdit inutilement la rédaction de l’article. En conséquence, la commission en sollicite le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Votre préoccupation est légitime, monsieur le sénateur. Toutefois, cet article vise à mettre en œuvre le protocole de Nagoya, et cet amendement met en avant des notions de patrimoine matériel et immatériel qui ne figurent pas dans le protocole.

Je suggère donc que vous retiriez cet amendement, monsieur Cornano, d’autant que le Gouvernement soutiendra d’autres de vos amendements portant sur cette notion de « connaissances traditionnelles ».

M. le président. Monsieur Cornano, l'amendement n° 252 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Cornano. Non, s’il est satisfait, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 252 rectifié est retiré.

L'amendement n° 253 rectifié, présenté par MM. Cornano et Karam, Mme Jourda et MM. Patient, Antiste, S. Larcher et J. Gillot, est ainsi libellé :

Alinéa 14, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et, dans l’un ou l’autre cas, avec les régions et collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution, correspondant aux territoires dans lesquels se trouvent ces ressources

La parole est à M. Jacques Cornano.

M. Jacques Cornano. La biodiversité ayant une assise territoriale, cet amendement vise à permettre aux régions et aux collectivités territoriales de bénéficier du partage des avantages, aux côtés de l’utilisateur et, selon le cas, de l’État ou des communautés d’habitants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Je suis désolé, monsieur Cornano, mais l’avis sera, ici encore, défavorable.

Tout d’abord, les ressources visées à cet alinéa relèvent de la souveraineté nationale ; elles n’appartiennent ni aux régions ni aux communautés d’habitants, qui sont uniquement détentrices de connaissances traditionnelles. Les avantages doivent donc revenir à l’État, au travers de l’AFB.

Ensuite, la préoccupation qui vous anime me semble prise en compte à l’alinéa 77, qui précise que l’AFB tient compte de la biodiversité ultramarine quand elle sélectionne les projets bénéficiant du retour financier d’un contrat de partage des avantages.

Cela permettra aux collectivités d’outre-mer d’investir pour préserver les écosystèmes locaux, et d’éviter ainsi l’anthropisation.

Pour l’ensemble de ces raisons, il me paraîtrait sage que vous retiriez cet amendement, monsieur Cornano.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Cet amendement vise à faire bénéficier les régions et les collectivités territoriales du partage des avantages découlant de l’utilisation des ressources.

Outre les arguments du rapporteur, je précise toutefois que le protocole de Nagoya impose que le partage des avantages découlant de l’utilisation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques se fasse exclusivement avec les communautés détentrices de ces connaissances.

La répartition telle que vous la proposez se ferait donc aux dépens des communautés et aurait un effet contraire à celui que vous recherchez.

Nous sollicitons donc également le retrait de cet amendement. En revanche, l’amendement suivant sera soutenu par le Gouvernement

M. le président. Monsieur Cornano, l'amendement n° 253 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Cornano. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 253 rectifié est retiré.

L'amendement n° 254 rectifié, présenté par MM. Cornano et Karam, Mme Jourda et MM. Patient, Antiste, S. Larcher et J. Gillot, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Compléter cet alinéa par les mots :

, tout en assurant leur utilisation durable

La parole est à M. Jacques Cornano.

M. Jacques Cornano. Cet amendement vise à garantir que les avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques soient affectés à la conservation de la diversité biologique et à l’utilisation durable de ses éléments constitutifs lors de l’enrichissement et de la préservation de la biodiversité, particulièrement à l’occasion de la conservation de la biodiversité hors site.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Cet amendement apporte une précision utile à la rédaction actuelle. La commission y est donc favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Comme je l’annonçais précédemment, le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui vise à insérer dans l’article la notion d’« utilisation durable ».

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 254 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 255 rectifié, présenté par MM. Cornano et Karam, Mme Jourda et MM. Patient, Antiste, Desplan, S. Larcher et J. Gillot, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Remplacer les mots :

au développement local

par les mots :

, au niveau local, à la création d’emplois pour la population et au développement

La parole est à M. Jacques Cornano.

M. Jacques Cornano. Le but de cet amendement est de permettre que le partage des avantages au niveau local puisse consister en la création d’emplois. L’ajout proposé est d’autant plus important que les territoires ultramarins souffrent d’un taux de chômage très important, qui touche leurs populations sans distinction de diplômes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. L’avis est favorable.

Le développement local est au cœur des objectifs du dispositif d’accès et de partage.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 255 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 256 rectifié, présenté par MM. Cornano et Karam, Mme Jourda et MM. Patient, Antiste, Desplan, S. Larcher et J. Gillot, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Après le mot :

formation

insérer les mots :

, de sensibilisation du public et des professionnels locaux,

La parole est à M. Jacques Cornano.

M. Jacques Cornano. Le but de cet amendement est de compléter la modalité de partage des avantages visée à cet alinéa, en prévoyant qu’elle peut également consister en une sensibilisation du public et des professionnels aux multiples potentiels qu’offre la biodiversité. Cela contribuerait à faire naître des vocations, mais surtout à encourager les populations locales qui sont en lien direct avec la biodiversité à mieux l’appréhender, et donc à mieux la protéger.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. C’est une précision extrêmement utile, qui justifie un avis favorable de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 256 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 257 rectifié, présenté par MM. Cornano et Karam, Mme Jourda et MM. Patient, Antiste, Desplan, S. Larcher et J. Gillot, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …) Le maintien, la conservation, la gestion, la fourniture ou la restauration de services écosystémiques sur un territoire donné ;

La parole est à M. Jacques Cornano.

M. Jacques Cornano. Comme le soulignait l’exposé des motifs du projet de loi initial déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, « la biodiversité est […] une force économique pour la France. […] Elle assure des services qui contribuent aux activités humaines […], dits services écosystémiques ». Il apparaît donc important d’intégrer ces services parmi les catégories de partage des avantages énumérées au nouvel article L. 412-3, 3°, du code de l’environnement, et ce d’autant plus que la promotion des services écosystémiques figure au deuxième rang des missions imparties à l’Agence française pour la biodiversité par le projet de loi – c’est le nouvel article L. 131-8 du même code.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission avait préconisé le retrait de cet amendement, mais j’émettrai à titre personnel un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Sagesse.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Je voulais en réalité prendre la parole pour explication de vote sur l’amendement n° 256 rectifié, mais vous n’avez pas remarqué que je levais la main, monsieur le président. Je prends acte du vote intervenu sur cet amendement, et je soutiendrai l’amendement n° 257 rectifié.

Imaginez toutefois un instant qu’en France, une industrie consommatrice d’énergie propose, au lieu de payer, de réaliser des actions de sensibilisation aux économies d’énergie… Vous refuseriez peut-être cette offre, mes chers collègues.

La proposition, au demeurant très sympathique, qui consiste à prévoir que des actions de sensibilisation puissent tenir lieu de paiement du partage des avantages risque fort de se transformer en monnaie virtuelle !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 257 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 258 rectifié, présenté par MM. Cornano et Karam, Mme Jourda et MM. Patient, Antiste, Desplan, S. Larcher et J. Gillot, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les actions mentionnées aux a à d sont examinées en priorité ;

La parole est à M. Jacques Cornano.

M. Jacques Cornano. L’objectif de cet amendement est de faire en sorte qu’il n’existe pas seulement une vision « marchande » du partage des avantages. C’est pourquoi il est important de favoriser en priorité les actions ne se résumant pas à une contribution financière. Cela répond mieux à l’objectif de partage mutuel et incite les utilisateurs de cette biodiversité à partager les connaissances avec les populations locales, à contribuer au développement local et à préserver et valoriser la biodiversité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, car il ne paraît pas opportun de prioriser les modalités de partage. Laissons aux parties la possibilité de parvenir au meilleur accord en fonction de la situation.

Je peux certes comprendre la préoccupation exprimée par notre collègue à travers cet amendement. Toutefois, les avantages sont négociés au cas par cas entre le demandeur d’accès et le fournisseur de la ressource et ils pourront tout à fait être non monétaires. Le retour financier est seulement l’une des possibilités pouvant être envisagées.

C’est donc un avis de sagesse, même si j’ai été mandaté pour émettre un avis défavorable. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement donne un avis de sagesse à cet amendement, qui vise à donner une priorité aux modalités non monétaires de partage des avantages.

Le protocole de Nagoya ne prévoit pas cette priorité, mais on en comprend aisément la justification. De fait, l’amendement est tout à fait judicieux, en tout cas prudent. En effet, il faut toujours préférer les actions concrètes aux contributions financières et c’est l’idée portée ici.

Certes, cela ne relève pas véritablement de la loi, mais plutôt d’une instruction. Toutefois, il vaut mieux l’inscrire dans le texte pour indiquer clairement que les contributions doivent être faites plutôt en nature, en actions concrètes, qu’en argent, dont l’utilisation n’est pas garantie.

C’est pourquoi le Gouvernement donne un avis de sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 258 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 368 rectifié bis, présenté par MM. Karam et Cornano, Mme Claireaux et MM. Antiste, S. Larcher, Patient et J. Gillot, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Après la seconde occurrence du mot :

habitants

insérer les mots :

et communautés autochtones et locales

La parole est à M. Jacques Cornano.

M. Jacques Cornano. Afin de prendre en compte l’intégralité des communautés d’habitants présentes dans les outre-mer, il convient de compléter la définition donnée à l’alinéa 20 du présent article et de faire référence de façon explicite aux communautés autochtones et locales, conformément à l’article 8, paragraphe j), de la convention sur la diversité biologique, consacrée à l’occasion du Sommet de la terre à Rio de Janeiro en 1992 et ratifiée depuis lors par la France.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Notre avis est ici plus nettement défavorable… En effet, cet amendement vise à modifier la définition proposée pour les communautés d’habitants, afin de la rapprocher de celle qui est donnée par la Convention pour la diversité biologique.

Il y a une raison pour laquelle le texte ne reprend pas le terme de « communauté autochtone » : il ne s’agit pas d’aller à l’encontre de la convention, mais ce n’est tout simplement pas constitutionnel !

La définition retenue à l’article 18 est un équilibre fragile, qui me semble par ailleurs satisfaire sur le fond l’objectif de l’amendement.

Aucune communauté actuellement présente sur le territoire national ne se verrait exclue du dispositif dans sa rédaction actuelle. C’est là l’essentiel.

C’est pourquoi nous demandons le retrait de cet amendement, à défaut de quoi nous y serions défavorables.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Nous demandons également le retrait de cet amendement, qui vise à introduire la notion de communautés autochtones et locales.

Constitutionnellement, il n’est pas possible de faire référence à cette notion onusienne. Et vous le savez, afin de la transcrire en droit français, notre préférence va au terme de communauté d’habitants.

La position de Gouvernement est constante. L’idée derrière ce concept reste intéressante, mais elle est traduite dans notre droit par le terme de communauté d’habitants.

Je suggère donc le retrait de l’amendement.

M. le président. Monsieur Cornano, maintenez-vous l’amendement ?

M. Jacques Cornano. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 368 rectifié bis est retiré.

Mes chers collègues, nous avons passé minuit. La conférence des présidents nous permet de prolonger nos travaux. Je vous propose, en accord avec la commission et le Gouvernement, de siéger jusqu’à une heure. (Assentiment.)

La séance est suspendue pour quelques instants.

(La séance, suspendue le jeudi 21 janvier 2016, à zéro heure cinq, est reprise à zéro heure dix.)