M. le président. Personne ne demande la parole contre la motion ?…

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission, qui a délibéré, considère que les questions soulevées par notre collègue Dominique Watrin sont précisément au cœur de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Il nous semblerait donc dommage de vous priver d’un temps de parole, mes chers collègues. Certes, je sais bien que vous venez de gagner dix minutes supplémentaires en défendant cette question préalable (Sourires.), mais nous ne voudrions pas vous empêcher de vous exprimer sur les très nombreux amendements que vous avez déposés. (Nouveaux sourires.)

La commission a donc décidé, dans sa grande sagesse, d’émettre un avis défavorable sur la présente motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. À mon sens, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale mérite un véritable débat.

Cela me peinerait de devoir clore dès à présent l’ensemble des discussions que nous allons avoir sur des sujets touchant de très près la vie de nos concitoyens, qu’il s’agisse de la santé, de la politique familiale ou de la vieillesse.

Je souhaite donc que le débat puisse se poursuivre dans les jours à venir.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 442, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Je rappelle en outre que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 11 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 264
Pour l’adoption 15
Contre 249

Le Sénat n’a pas adopté.

Discussion générale (suite)

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous connaissez tous, comme moi, la situation « réelle » des comptes de la sécurité sociale.

Malgré une amélioration sensible de la situation financière de l’ensemble des branches, la dette sociale de la France demeure à un niveau très élevé, trop élevé, aux alentours de 5 milliards d’euros cette année encore. Selon la Cour des comptes, le retour à l’équilibre ne pourrait pas intervenir avant 2020. C’est dire l’illusion entretenue jusqu’ici…

Nous sommes réunis aujourd’hui pour entamer l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, premier budget de la mandature. Il a pour objectif la réduction du déficit de la sécurité sociale à 2,2 milliards d’euros.

Madame la ministre, engagés sur le thème de la réduction des dépenses et le retour à l’équilibre, nous ne pouvons que soutenir votre volonté affirmée de réduire ce déficit, à l’impérieuse condition, bien entendu, que les mots rencontrent les actes, car un retour à l’équilibre est absolument nécessaire, et pas seulement dans le domaine de la santé !

C’est sur le volet « santé » que je souhaite intervenir plus particulièrement. Convaincue que la prévention et l’innovation sont les deux piliers d’une gestion moderne et équilibrée des comptes en matière de santé, j’aimerais tout d’abord insister sur les mesures qui leur sont consacrées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

Vous indiquez, madame la ministre, que la prévention sera un axe central de la nouvelle stratégie nationale de santé et qu’elle sera arrêtée d’ici à la fin de l’année. D’ici là, l’une des mesures phares est l’extension d’obligation de vaccination pour les enfants, que je soutiens sans aucune réserve en tant que médecin.

C’est nécessaire compte tenu de la grande défiance des Français à l’égard de la vaccination, qui fait courir le risque d’un recul de la couverture vaccinale, avec comme conséquence la réapparition de maladies disparues aux conséquences graves, voire mortelles, pour nos enfants.

J’ajouterai même qu’un débat devrait être lancé sur la généralisation de la vaccination contre la grippe des professionnels de santé ; c’est aussi une question d’exemplarité et de solidarité.

Il en est de même pour le vaccin contre le papillomavirus. Madame la ministre, mes chers collègues, le constat est préoccupant. Notre pays accuse un retard considérable qui doit nous alerter : seulement 15 % des adolescentes françaises sont vaccinées, contre 90 % en Finlande et 85 % au Royaume-Uni. Nous sommes bien loin des objectifs de 60 % fixés par le plan Cancer 2014-2019.

En 2015, le cancer du col de l’utérus a encore touché près de 2 800 femmes en France et en a tué un peu plus d’un millier. Madame la ministre, il n’est pas acceptable que les femmes françaises soient plus exposées à ce cancer que nos voisines danoises, portugaises, finlandaises ou anglaises, alors qu’il est aujourd’hui considéré comme largement évitable grâce à la vaccination et au dépistage.

Je le sais, dans le domaine vaccinal, il vous faut combattre la désinformation, voire parfois l’obscurantisme, mais nous ne pouvons pas nous satisfaire de la situation. Dans ce combat, je serai à vos côtés.

Toujours dans le champ de la prévention, j’aimerais évoquer le prix du tabac. Le Gouvernement prévoit plusieurs hausses successives jusqu’en 2020.

Le tabac, dont nous connaissons tous les conséquences néfastes sur la santé, doit faire l’objet d’une lutte sans merci de la part des pouvoirs publics, y compris avec le concours de nouvelles formes de communication, parfois innovantes, tout simplement pour atteindre en premier lieu le public jeune. La communication que je qualifierais de « punitive » n’a pas démontré en France toute son efficacité, vous en conviendrez. Votre combat pour lutter contre le tabagisme sera également le nôtre.

Cependant, une hausse des prix ne saurait à elle seule résoudre le problème. Je pense notamment aux habitants des territoires frontaliers, comme dans le Grand Est – région où je suis élue –, qui n’hésitent pas à se rendre au Luxembourg, à quelques kilomètres, pour s’approvisionner. Cette augmentation de la taxe sur le tabac, sans mesure d’accompagnement, serait la double peine pour ces territoires frontaliers, qui ont vu disparaître les bureaux de tabac, donc l’emploi. Mais, plus grave, le taux de prévalence du tabagisme, tout comme celui des maladies induites, y est bien supérieur à ceux des autres régions françaises.

Dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous avez indiqué qu’en parallèle à la hausse du prix du tabac sera engagée une politique de prévention et de sensibilisation, ainsi que des actions visant à lutter contre la contrebande et à limiter les achats transfrontaliers.

À l’instar, je le crois, de beaucoup de mes collègues, je souhaite que de telles mesures soient mises en place le plus rapidement possible. Je suivrai avec beaucoup d’intérêt les annonces sur le sujet. Certaines d’entre elles devront nécessairement être portées à l’échelon européen.

La prévention, c’est également la généralisation du sport à des fins de santé. L’élaboration d’un plan sport-santé fait partie des mesures annoncées que je soutiens. J’y vois toutefois des contradictions quand les associations sportives subissent dans le même temps des mesures qui les fragilisent, dont la suppression des emplois aidés ou la baisse de l’enveloppe dédiée au Centre national pour le développement du sport, le CNDS, et des dotations aux collectivités.

De plus, je ne vois toujours pas de grande évolution dans le domaine du sport-santé sur ordonnance depuis la publication du décret du 30 novembre 2016, qui permet aux médecins généralistes de prescrire une activité physique. Madame la ministre, quels financements envisagez-vous pour que cette mesure atteigne enfin son objectif ?

À titre personnel, je ne suis pas favorable à la disposition, introduite par l’Assemblée nationale, visant à moduler la taxe sur les boissons sucrées. Elle vise davantage à renflouer les caisses de l’État qu’à lutter réellement contre l’obésité infantile, dont les causes sont bien plus complexes. En plus d’être inefficace, une telle mesure me semble injuste, car elle touchera prioritairement le porte-monnaie des publics parmi les plus défavorisés et les plus éloignés de la prévention.

Encore une fois, l’effort doit être porté sur l’éducation à la santé, qui se révèle bien plus efficace : plus de prévention, c’est in fine moins de maladies chroniques et moins de soins. Encore faut-il avec audace inverser le logiciel, changer les comportements en profondeur dès le plus jeune âge, être ambitieux et innovants et octroyer à la prévention et à l’éducation un budget à la hauteur de l’enjeu !

L’innovation vient compléter le travail de prévention que je viens d’évoquer.

L’article 36 donne un cadre à la généralisation de la télémédecine en permettant notamment la tarification à l’acte. Je salue cette mesure attendue, qui répond à un réel besoin de la médecine moderne. Certes, elle répond aussi en partie aux problématiques des zones de désertification médicale, mais elle doit surtout être appréhendée comme un vecteur d’innovation et accompagner les nouvelles pratiques en matière de santé. Le champ de la formation dans ce domaine devra également appréhender rapidement les nouvelles orientations pour qu’elles soient efficaces sur le terrain.

Il est difficile d’évoquer le projet de loi de financement de la sécurité sociale sans s’arrêter sur les problématiques des déserts médicaux, qui touchent surtout les zones rurales, mais pas seulement… Sur certains de nos territoires, le torchon brûle ! Dans le nord de la Meurthe-et-Moselle, les projections à cinq ans indiquent qu’il n’y aura plus qu’un seul médecin généraliste dans une commune de 10 000 habitants que je connais bien.

Je ne crois aucunement aux mesures coercitives. Madame la ministre, vous avez annoncé vouloir doubler les maisons de santé pluriprofessionnelles, les MSP. Cela sera possible si les contraintes sont allégées. À ce jour, il faut environ cinq années pour qu’un projet de MSP aboutisse. C’est beaucoup trop long ; sur les territoires, l’urgence, c’est vraiment aujourd’hui !

Je crois que, dans ce domaine, il faut faire confiance et accompagner avec souplesse et réactivité toutes les initiatives des acteurs de terrain. C’est aussi cela, la nouvelle forme d’innovation !

Vous avez indiqué vouloir encourager l’expérimentation et son déploiement. Voilà quelques semaines, j’ai saisi votre cabinet du cas d’un projet porté par deux médecins de Herserange, dans mon département de Meurthe-et-Moselle. Comme beaucoup de projets innovants, celui-ci rencontre des difficultés administratives. Constatant le phénomène croissant de désertification médicale, les deux praticiens ont décidé de créer une société d’exercice libéral multisite, permettant d’installer des points de consultation de médecine générale sur des territoires considérés comme prioritaires. L’équipe serait constituée de généralistes jeunes diplômés et, proposition innovante, de lauréats de la procédure d’autorisation d’exercice, ou PAE, recrutés sous statut salarié. Il s’agit d’un modèle qui pourrait avoir vocation à se généraliser sur l’ensemble du territoire. C’est ce genre d’initiatives, je l’espère, que vous soutiendrez grâce à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Madame la ministre, comme vous l’avez déclaré dans vos propos, libérez l’initiative ! Libérez-nous d’organisations parfois inadaptées à ce siècle, parfois inadaptées à la révolution numérique en cours, à l’évolution rapide de la société ! Levez les nombreux obstacles bureaucratiques que les professionnels rencontrent. Permettez l’expérimentation, et n’hésitez pas à encourager tout ce qui pourrait être le fruit de l’imagination ou de la créativité dans le domaine de la santé.

Le groupe du RDSE se montrera particulièrement attentif au débat, auquel il contribuera de manière positive, afin d’améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens dans le domaine de la santé. Nous serons particulièrement attentifs au sort réservé à nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

(Mme Catherine Troendlé remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. Michel Amiel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, disons-le clairement : on peut fustiger à l’infini la hausse de la CSG, l’alignement des plafonds des allocations familiales concernant l’allocation de base de la PAJE sur celui du complément familial, la baisse du coût du travail, qui favoriserait uniquement le patronat, mais on ne peut pas vouloir à la fois la réduction des dépenses publiques et exiger le maintien des financements actuels d’un certain nombre de prestations. Le Gouvernement veut non pas les abolir, mais en réduire le coût pour avoir un budget conforme aux critères de Maastricht, idée que l’on peut bien évidemment ne pas partager, surtout si l’on se moque des déficits et de la dette.

Le budget, la santé, l’assurance vieillesse… Voilà bien des sujets d’une extrême importance, qu’il conviendrait d’aborder avec le plus grand sérieux et la meilleure projection à long terme si nous voulons que notre système non pas simplement survive, mais puisse être aussi bénéfique et protecteur pour les générations à venir.

J’ai souvent évoqué l’introduction d’une pluriannualité dans notre processus budgétaire. Je me réjouis aujourd’hui de voir que ce budget s’annonce dans une vision à long terme et coordonnée des finances de la nation.

Le projet que le Gouvernement nous présente ici dans sa philosophie générale a un objectif clair de retour à l’équilibre des comptes pour les années à venir, en s’occupant à la fois des déficits et de la dette, qui devrait être résorbée en 2024.

Je souhaite souligner que ce budget s’est construit autour d’une prévision de croissance de 1,7 %, hypothèse semblable à celle de l’OCDE ; le Haut Conseil des finances publiques a salué la prise en compte d’un scénario macroéconomique à la fois prudent et raisonnable afin de déboucher sur un budget sincère.

La part du PIB consacrée aux dépenses de santé dans le monde est en moyenne de 9,92 % selon la Banque mondiale – ce sont les chiffres de 2014.

La France dépense de manière assez stable environ 12 % de son PIB, là où les États-Unis y consacrent 17,1 %, chiffre en hausse depuis 1995. Notre pays est souvent pointé comme ayant un bon système, issu des idées généreuses du Conseil national de la Résistance.

Mais depuis les Trente Glorieuses, le monde a changé, ne serait-ce que par l’augmentation des dépenses consacrées à la santé – elles sont passées de 6 % dans les années 1960 à 12 % actuellement – et par la baisse du nombre de cotisants depuis le retour des crises économiques successives.

Il faudra du courage pour aborder la problématique d’un cinquième sujet, que je ne saurais qualifier de risque, la dépendance. Cet aspect ne peut seulement représenter une variable d’ajustement dans notre système de protection sociale ; il représente un véritable défi puisque, selon les derniers chiffres de l’INSEE, en 2050, le nombre des personnes de plus de 65 ans aura doublé.

Je m’attarderai sur des décisions fortes prises pour la branche maladie, et tout d’abord sur l’aspect prévention.

Longtemps négligée, la prévention apparaît essentielle dans la réduction de l’occurrence et de la gravité des pathologies. Avec l’éducation à la santé, le dépistage est un levier essentiel pour notre politique de santé publique. Le texte qui nous est présenté contient deux mesures majeures dans cette lignée.

Tout d’abord, l’extension de l’obligation vaccinale à onze vaccins. N’en déplaise aux vendeurs de peur, cette mesure est une bonne mesure. Rappelons qu’un pourcentage important d’enfants est correctement vacciné, même si la cible préconisée par l’OMS n’est pas atteinte. Saluons au passage le rôle joué par la protection maternelle et infantile, ou PMI, dans le suivi et la vaccination d’enfants de familles modestes, mais pas seulement.

Les vaccins ont démontré leur efficacité et le rapport bénéfice-risque est nettement en leur faveur. Comment accepter que l’on puisse aujourd’hui mourir d’une maladie qu’un vaccin peut éviter : rougeole, méningite, cancer du foie causé par l’hépatite B ?

Dépassons les polémiques sur les adjuvants, puisque d’importants progrès ont été faits sur la tolérance vaccinale, ou sur les bénéfices des laboratoires pharmaceutiques, qui participent eux aussi activement à la recherche.

Vient ensuite l’augmentation du prix du tabac. Rappelons que le tabac est la première cause de mortalité en France, cancers et maladies cardiovasculaires confondus.

Notre pays est, hélas ! un des champions du tabagisme en Europe. Une fiscalisation plus importante du tabac a fait ses preuves, comme l’a montré une étude australienne, mais il faudra aussi s’attarder sur les effets pervers de cette mesure, qu’il s’agisse de la fraude ou de la contrebande, et développer activement une communication pour pointer les méfaits du tabagisme, en particulier chez les jeunes.

J’évoquerai maintenant la question de l’innovation développée par le PLFSS.

Il s’agit tout d’abord de l’innovation technologique, que ce soit en matière de diagnostic et de thérapeutique. La recherche, en particulier sur l’épigénétique, discipline de la biologie qui étudie les mécanismes moléculaires modulant l’expression du patrimoine génétique en fonction du contexte, a révolutionné le pronostic de certaines maladies qui, naguère fatales, sont devenues aujourd’hui curables. Certes, ces progrès ont un coût considérable, et il nous faudra réfléchir de façon approfondie à la question du prix du médicament, notamment à l’échelon européen.

Bien sûr cette innovation doit bénéficier à tous les patients, mais sans doute devrons-nous faire des choix, y compris sur le reste à charge des pathologies courantes.

L’innovation concerne aussi l’aspect organisationnel et la télémédecine – téléconsultation, téléexpertise, télésurveillance – qui en est la clé de voûte. Cela n’ira pas sans une réflexion sur le développement de ces pratiques, en particulier par la formation initiale, ni sans une réflexion sur la tarification. Pour la première fois, un projet de loi de financement de la sécurité sociale aborde ce sujet.

Pour clôturer ce court chapitre sur l’innovation, je rappellerai que l’innovation scientifique doit s’accompagner d’innovation éthique, comme le souligne Emmanuel Hirsch dans une récente tribune. La révision des lois de bioéthique en 2018 abordera ce sujet. Comme l’écrivait déjà Rabelais, « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

En matière d’organisation de notre système de soins, le PLFSS aborde aussi la question de la pertinence des actes. Selon une enquête récente de l’OCDE, 30 % d’entre eux ne seraient pas pertinents. C’est d’ailleurs un chiffre que vous avez repris, madame la ministre.

Une réflexion sera menée sur de nouveaux parcours de soins – décloisonnement ville-hôpital – et sur de nouveaux modes de rémunération, tels que la rémunération forfaitaire. En particulier, la tarification à l’acte à l’hôpital, la fameuse T2A, a révélé des effets pervers ; sans doute faudra-t-il remettre ce sujet à plat.

Mes chers collègues, le chantier est immense… et le sentier sera long. (Sourires.) Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne se réduit pas à de simples mesures d’économies budgétaires, mais il jette les bases d’une réforme structurelle en profondeur. Il intègre les progrès de la médecine dans sa dimension d’innovation tant scientifique qu’organisationnelle et il n’a d’autre but que de maintenir un système de santé juste, équitable et solidaire, en particulier d’un point de vue générationnel afin de ne pas faire supporter la dette aux générations de demain. Madame la ministre, vous êtes condamnée à réussir : nous vous y aiderons ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai mon intervention en rendant à mon tour un bref hommage à Jack Ralite, homme de culture et dirigeant communiste, décédé hier. Alors que nous examinons ce budget de la sécurité sociale, comment ne pas avoir une pensée pour ce grand humaniste qui fut sénateur, député, maire d’Aubervilliers et ministre de la santé, et qui plaçait l’être humain au cœur des politiques à mener ? J’espère qu’il inspirera nos travaux.

Je note que la motion tendant à opposer la question préalable défendue par mon collègue Dominique Watrin a été repoussée par souci du débat. Nous serons donc très exigeants quant aux réponses qui nous seront apportées.

Car ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 remet en cause les principes fondateurs de la sécurité sociale qui veulent que chacun cotise selon ses moyens et reçoive selon ses besoins.

Réduire les cotisations sociales, pour les supprimer in fine, sous prétexte d’augmenter le salaire direct est un leurre, voire une escroquerie intellectuelle.

Non seulement c’est une façon d’exonérer le patronat de toute augmentation de salaire, mais c’est couper les vivres à notre système de protection sociale, qui permet à chacune et à chacun de faire face, à égalité, à la maladie, aux accidents du travail, aux besoins de base de la famille et à la vieillesse. C’est faire voler en éclats le principe de solidarité entre générations, entre bien portants et malades, entre actifs et inactifs.

La politique qui est suivie avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale vise à livrer encore un peu plus le droit à la santé à la spéculation et à la marchandisation, dans les perspectives tracées par la loi HPST, par l’accord national interprofessionnel ou encore par la loi Touraine. Ainsi, les plus riches disposeront d’une assurance privée protectrice et la majorité des Français d’une assurance minimaliste.

Comment ne pas dénoncer les budgets des PLFSS successifs qui contraignent les dépenses de santé, à la fois au détriment de l’offre et de la qualité des soins, mais aussi des conditions de travail des personnels ?

Vous nous dites, madame la ministre, que 30 % des dépenses de santé ne seraient pas pertinentes. Ainsi, les Françaises et les Français dépenseraient trop pour se soigner ! Faut-il rappeler qu’en France les dépenses de santé s’élèvent à 11 % des richesses nationales, contre 12,5 % pour la moyenne des pays de l’OCDE ? L’allongement de la durée de vie nécessiterait à lui seul plus d’argent public.

Parmi vos propositions de financement, il y a l’augmentation de la CSG. Quoi de plus injuste quand on sait qu’elle repose à 70 % sur les revenus du travail et à 18 % sur les retraites ? Quoi de plus injuste quand on sait que 2,5 millions de retraités modestes ne bénéficieront pas des compensations financières du Gouvernement ? Quoi de plus injuste quand on sait que cette cotisation entre pour partie dans le revenu imposable ?

Ainsi, vous supprimez l’impôt sur la fortune pour les cent foyers les plus riches tandis que vous demandez toujours plus aux autres. Nous ne voterons bien évidemment pas cette hausse de la CSG !

Nous ne sommes pas face à des choix de bons gestionnaires visant à réduire des dépenses inutiles, mais nous sommes face à des choix de réduction drastique du périmètre de la protection sociale et du service public de santé : nous sommes face à des choix de société !

Toujours au nom des 30 % des dépenses de l’assurance maladie non pertinentes, vous justifiez un ONDAM à 2,3 % alors que, selon la Confédération des syndicats médicaux français, la croissance naturelle des dépenses est de 4,5 %. Sur les 4,2 milliards de restrictions budgétaires pour la branche maladie, l’hôpital public devra supporter 1,2 milliard de coupes sombres. Comment résister à cette nouvelle ponction après les cures d’austérité successives qu’il a subies avec Mmes Bachelot et Touraine ?

Comment pouvez-vous affirmer vouloir recentrer l’hôpital sur l’excellence et la haute technicité quand vos choix budgétaires vont entraîner de nouvelles fermetures de lits, la disparition de services et d’hôpitaux, alors que les urgences sont ultra-saturées, que les déserts médicaux gagnent du terrain et que les personnels sont à bout ? Comment prétendez-vous parfaire l’ambulatoire dans un tel contexte avec des manques de généralistes, de spécialistes, de personnels paramédicaux, avec des centres de santé en nombre insuffisant ?

Permettez-moi, à cet instant, de rendre hommage au personnel hospitalier mobilisé il y a deux ans à l’occasion des attentats. Ce sont les mêmes agents dévoués au quotidien pour l’intérêt général qui permettent à l’hôpital de tenir debout alors que leurs moyens sont réduits chaque année.

Comme j’ai eu l’occasion de le souligner en commission, j’attire l’attention de mes collègues : certains d’entre eux votent des budgets imposant des économies drastiques à notre système de santé alors que, sur le terrain, ils se lamentent sur les fermetures de services et d’hôpitaux de proximité et sur la dégradation des soins. Les choses sont intimement liées, mes chers collègues !

Il n’y a pas besoin d’avoir travaillé vingt-cinq ans à l’hôpital, madame la ministre, pour se rendre compte de la dégradation des conditions de travail du personnel hospitalier et de la détérioration de la qualité des soins. La semaine dernière, un neurochirurgien a mis fin à ses jours au CHU de Grenoble : le syndrome France Télécom atteint, hélas ! l’hôpital.

Il faut d’autres choix que ce sous-financement chronique des hôpitaux, cette gestion purement comptable et ce management qui met les soignants en souffrance.

Les personnels se mobilisent d’ailleurs un peu partout pour contrer cette logique qui nuit gravement à la santé. Je pense aux personnels de l’AP-HP en Île-de-France, à ceux du centre hospitalier de Millau dans l’Aveyron, de l’hôpital de Boulogne-sur-Mer dans le Pas-de-Calais ou encore de la maternité du centre hospitalier régional d’Orléans dans le Loiret.

Alors que, selon le dernier baromètre Secours populaire français-IPSOS, quatre Français sur dix renoncent à se soigner du fait de l’augmentation incessante du reste à charge, le forfait hospitalier va augmenter !

Dans ce PLFSS, le gouvernement Macron-Philippe ne témoigne aucunement de la volonté de rechercher de nouvelles recettes sans pénaliser la grande masse des assurés sociaux.

Que dire de la transformation du CICE en exonération pérenne des cotisations sociales pour les salaires en dessous du SMIC ? Contrairement aux éléments de langage du Gouvernement, le CICE n’est pas supprimé. Au contraire, il est sanctuarisé jusqu’en 2019 avant la disparition définitive des cotisations à la branche famille, soit 25 milliards d’euros en moins pour les comptes de la sécurité sociale. Comment admettre qu’aucun bilan ne soit tiré de ce CICE ?

Ce sont 45 milliards de deniers publics, de 2013 à 2015, qui ont servi à la création de seulement 100 000 emplois : beaucoup d’argent pour un bien piètre résultat ! En outre, je rappelle à ceux qui justifient ces exonérations de cotisations par l’excédent de 300 millions d’euros de la branche famille que, sans la remise en cause de l’universalité des prestations familiales pour 500 000 familles, cet excédent n’existerait pas.

Aujourd’hui, tel un illusionniste, le Gouvernement communique sur l’augmentation de 30 % du montant du complément de garde pour les familles monoparentales. Mais derrière ce rideau de fumée, l’allocation de base de la PAJE est réduite pour tout le monde.

D’après la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, 44 000 familles obtiendront un gain mensuel moyen de 70 euros par enfant gardé, tandis que la baisse du montant de la PAJE entraînera une perte de 500 euros sur la durée de versement de la prestation pour les familles les plus modestes et de 250 euros pour les familles de catégorie intermédiaire ayant de jeunes enfants.

À cette diminution du montant, s’ajoute la baisse du plafond de la prestation, ce qui exclura demain près de 10 % des familles qui pourraient percevoir aujourd’hui la prestation.

En réalité, le Gouvernement veut transformer la branche famille universelle en un système d’aide ciblée vers les ménages les plus précaires. C’est l’amplification de la rupture de l’universalité des allocations familiales déjà assumée durant le précédent quinquennat.

Ce double discours se retrouve à propos de la revalorisation de 100 euros du montant de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, alors que le recul de la date de revalorisation au 1er janvier 2019 rapportera 380 millions d’euros en 2018 au budget de l’État.

L’adaptation de la société au vieillissement est un véritable enjeu pour notre modèle de protection sociale, comme l’a souligné Dominique Watrin. Plutôt que de considérer les retraités uniquement comme des personnes exploitables à volonté ou d’envisager de moduler le montant des pensions avec votre projet de réforme des retraites, il serait temps d’investir massivement pour améliorer les conditions de travail du personnel d’aide à domicile, des aidants familiaux et du personnel travaillant dans les établissements qui subissent la réforme de la tarification. En aucun cas ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne règle ces problèmes.

Ajoutons à cela la suppression du RSI, du tiers payant généralisé et le passage de trois à onze vaccins obligatoires. Si nous soutenons les vaccins, en général, en tant que formidables protections pour les populations, nous demandons des garanties pour une sécurité vaccinale, notamment en ce qui concerne les adjuvants. L’absence de transparence a créé de la défiance et ce n’est pas en imposant les vaccins que la confiance va revenir.

Il est troublant de constater que vous suivez les directives de grands laboratoires pharmaceutiques qui déclaraient ne pas pouvoir sortir trois vaccins – le DT-Polio –, mais qui aujourd’hui en sortent onze ! Il faut dire que le rapport financier est nettement plus avantageux pour eux : trois vaccins étaient facturés un peu plus de 20 euros en 2008 tandis qu’ils pourront aujourd'hui empocher 350 euros pour onze vaccins !

Si la mesure devient obligatoire, a minima elle doit être totalement gratuite et prise en charge par la sécurité sociale. Il faut aller au bout de cette logique, madame la ministre, c’est le sens d’un amendement que nous défendrons et qui visera à mettre les laboratoires à contribution !

Plus de moyens pour l’hôpital public et la médecine de ville, c’est possible : il suffit d’en avoir la volonté politique. Pourquoi n’avoir rien prévu contre la fraude patronale, qui coûte la bagatelle de 20 milliards d’euros par an aux comptes de la sécurité sociale selon la Cour des comptes ?

Vous êtes, à juste titre, attentive à l’argent public, madame la ministre. Pourquoi ne pas faire respecter la loi par les entreprises qui ne l’appliquent pas concernant l’égalité salariale ? La Fondation Concorde a estimé le manque à gagner pour l’économie française à 62 milliards d’euros et à 25 milliards d’euros de cotisations pour la sécurité sociale.

Pourquoi ne pas décider la suppression de la taxe sur les salaires à l’hôpital, qui rapporterait 4 milliards d’euros, alors que votre gouvernement n’hésite pas à dilapider 3,4 milliards d’euros de deniers publics en supprimant l’ISF ?

De l’argent, il y en a : supprimer les exonérations de cotisations patronales pour les entreprises qui ne créent aucun emploi en contrepartie, ce sont 45 milliards d’euros par an, soit 10 % de la totalité du budget de la sécurité sociale !

Être en prise avec les évolutions de son temps, c’est défendre un système de protection sociale juste, solidaire et pérenne qui prend ses racines dans les conquêtes du Conseil national de la Résistance, sous l’impulsion d’Ambroise Croizat. C’est défendre les principes fondateurs de la sécurité sociale tout en étant favorables à son évolution. C’est l’ambition que je porte avec mon groupe, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. Nous voulons une évolution qui aille vers une plus grande prise en charge des soins, qui laisse moins de place aux complémentaires santé, et non l’inverse comme vous le proposez.

Au XXIe siècle, dans un pays riche comme la France, il est possible que la sécurité sociale rembourse les soins à 100 %, y compris les soins optiques, dentaires et les prothèses auditives. Il est possible de mener une politique ambitieuse de prévention qui passe notamment par l’arrêt du démantèlement de la médecine scolaire et de la médecine du travail, par le refus de voir disparaître les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT, dans la réforme du code du travail. Il est possible de développer l’innovation, d’améliorer la sécurité sanitaire par la création d’un pôle public du médicament et de la recherche.

Nous sommes des progressistes modernes et pragmatiques puisque nous proposons des mesures de financement crédibles en mettant à contribution les revenus financiers, en tenant compte de la politique salariale, environnementale des entreprises, mais également en supprimant les exonérations de cotisations patronales en tout genre.

Les difficultés de la sécurité sociale sont organisées volontairement sous la pression de ceux qui possèdent les richesses et qui se font sans cesse exonérer de leur contribution au bien commun.

Notre groupe ne peut entériner un tel projet de démantèlement de notre système de protection sociale, contraire à l’intérêt du plus grand nombre. C’est pourquoi nous voterons contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, à moins que nos amendements soient pris en compte. On peut toujours rêver… (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)