compte rendu intégral

Présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Mireille Jouve,

M. Victorin Lurel.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

 
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
Discussion générale (suite)

Financement de la sécurité sociale pour 2018

Rejet d’un projet de loi en nouvelle lecture

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
Question préalable (début)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de financement de la sécurité sociale pour 2018 (projet n° 121, rapport n° 122).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie, tout d’abord de bien vouloir excuser Mme la ministre des solidarités et de la santé, qui regrette de ne pouvoir être parmi nous ce matin.

Elle se trouve actuellement auprès des agents hospitaliers, des patients et des autorités de Guadeloupe, à la suite du violent incendie qui a touché, comme vous le savez, le CHU de Pointe-à-Pitre, mardi dernier.

Nous nous retrouvons donc pour l’examen, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

L’examen du texte en première lecture par les deux assemblées a permis, je veux le souligner, de constater des convergences, et même un consensus, sur de nombreux points – preuve en est le nombre d’articles adoptés conformes, 37 au total, dont les articles d’équilibre.

La nouvelle lecture à l’Assemblée nationale a confirmé ce constat, puisque des articles majeurs – sur la vaccination, le tabac ou le tiers payant, par exemple – ont également été votés dans la version adoptée par le Sénat.

Le PLFSS pour 2018 engage la transformation du système de santé que le Gouvernement souhaite conduire. Il vient en soutien de la stratégie nationale de santé, dont la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, arrêtera les orientations dans quelques semaines, à l’issue d’une concertation publique lancée début novembre.

Cette stratégie privilégie, vous le savez, quatre axes – la prévention, l’égal accès aux soins, l’innovation, la pertinence et la qualité des soins – qui emportent chacun une très forte adhésion. C’est le cas, tout d’abord, du primat donné à la prévention.

Les dispositions relatives à la vaccination obligatoire des jeunes enfants ont fait l’objet, comme je viens de le souligner, d’un large consensus au sein des deux assemblées.

Il en est de même de la priorité donnée à la lutte contre le tabac, en portant à dix euros le prix du paquet de cigarettes. À cet égard, le Gouvernement veut réaffirmer sa détermination à agir, à l’échelon national comme à l’échelon européen, pour lutter contre les trafics et la contrebande.

La reconfiguration de la taxe sur les boissons sucrées a également été validée comme un outil pertinent de la lutte contre le surpoids, notamment chez les jeunes. Comme le Gouvernement s’y était engagé, les travaux d’expertise avec les industriels du secteur ont été poursuivis, et l’Assemblée nationale a adopté, mercredi dernier, un barème correspondant au souhait, partagé sur toutes les travées, d’une mesure incitative pour les producteurs, mais qui ne pèse pas fortement sur les ménages.

Ces trois mesures, auxquelles s’ajoute la prise en charge d’une consultation de prévention des cancers du sein et du col pour les femmes de 25 ans, sont les marqueurs d’une volonté politique forte et transpartisane d’agir en profondeur sur les déterminants de santé. Ce mandat, très clair, donné par le Parlement viendra conforter la construction du plan national et des projets régionaux de santé, élaborés dans le semestre à venir.

Nous faisons également le constat d’une très large adhésion du Parlement aux orientations et aux outils proposés pour faire évoluer notre système de santé. L’article 35 du projet de loi donnera possibilité d’expérimenter, de financer et d’évaluer des organisations différentes, dépassant les clivages sectoriels de l’hôpital et de la ville, du soin et de la prévention, et incitant à la pertinence des soins.

Enfin, un consensus s’est également exprimé autour de la volonté du Gouvernement de lever les obstacles au développement de la télémédecine. C’est l’un des volets du virage numérique que le système de santé doit prendre et que le Gouvernement impulsera au cours des prochains mois.

Au-delà des orientations relatives au système de santé, des points d’accord ont pu également se dégager quant à la nécessité de conduire la réforme du régime social des indépendants, le RSI, que le Gouvernement a proposée.

Vous avez exprimé au cours des débats votre grande attention à la mise en œuvre de cette réforme. Je veux redire ici que le Gouvernement entend donner le temps et les moyens nécessaires à cette transformation de grande ampleur.

La période de transition qui s’ouvrira le 1er janvier 2018, permettra de faire évoluer progressivement les organisations de travail et de mener un dialogue social de qualité avec les salariés et leurs représentants. Elle n’impose pas de date butoir s’agissant de l’évolution des systèmes d’information. Le Gouvernement est particulièrement attentif à ce que l’organisation mise en place permette une évolution graduée et maîtrisée de ces systèmes, dans des conditions de sécurité garanties.

Je veux aussi dire son attachement à la reconnaissance, au sein du régime général, de la spécificité de la situation des travailleurs indépendants, de façon à adapter le service qui leur est rendu.

Ces points de convergence sont très significatifs. Le Gouvernement, comme l’Assemblée nationale, les a constatés pour se féliciter du travail parlementaire de grande qualité qui a été conduit.

Cependant, ils ne peuvent dissimuler des désaccords sur des dispositions essentielles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, raison pour laquelle votre commission des affaires sociales a adopté, hier, une motion tendant à opposer la question préalable et à ne pas débattre du nouveau texte.

Le principal désaccord porte – bien évidemment, allais-je dire – sur la baisse des cotisations salariales, en contrepartie d’une hausse de la CSG. L’Assemblée nationale a confirmé son vote de première lecture, en améliorant le dispositif sur des points que vous aviez relevés, notamment sur les aidants ou les artistes auteurs.

Cette disposition du projet de loi a été longuement débattue. Je veux rappeler que cette mesure conforte l’assiette du financement de notre protection sociale en étant certainement plus en phase avec l’évolution de notre modèle social.

Il s’agit d’une disposition sans incidence sur les plus petites retraites. Et c’est aussi une mesure qui doit permettre d’accroître, de façon substantielle, le pouvoir d’achat de près de 20 millions de salariés et d’alléger les charges des trois quarts des travailleurs indépendants.

Un deuxième point de désaccord a trait aux dispositions relatives à la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE. Vous en avez également beaucoup débattu en première lecture avant de voter la suppression de l’article 26, que l’Assemblée nationale a rétabli en nouvelle lecture.

Dans la construction de ce premier PLFSS de la mandature, des choix ont été faits en faveur des familles les plus pauvres, et notamment des familles monoparentales. Ces choix conduisent globalement à augmenter de plus de 70 millions d’euros la dépense en faveur des familles en 2018.

Il s’agit d’une orientation forte de l’action gouvernementale, celle de considérer que la politique familiale a une place essentielle dans la stratégie de lutte contre la pauvreté.

Pour autant, ces choix ne résument évidemment pas l’ensemble de l’action que le Gouvernement, et particulièrement la ministre des solidarités et de la santé, veut conduire en matière de politique familiale. Cette dernière fera l’objet d’une réflexion approfondie au cours des premiers mois de 2018.

Après une nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 revient devant le Sénat non seulement conforté dans bon nombre de ses dispositions essentielles, lesquelles ont recueilli l’accord des deux chambres, mais aussi restauré, à travers le rétablissement d’un certain nombre de dispositions que votre Haute Assemblée avait choisi de supprimer.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame, messieurs les rapporteurs, chers collègues, à l’issue de l’examen par l’Assemblée nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 en nouvelle lecture, 38 articles restent en discussion.

C’est relativement peu, comme vient de le souligner M. le secrétaire d’État, si l’on se réfère aux années précédentes, quand le Sénat n’avait adopté ni les tableaux d’équilibre ni la trajectoire pluriannuelle des comptes sociaux.

Outre la trajectoire financière, le Sénat a marqué son accord avec les orientations proposées en matière de santé : le développement d’une politique de prévention, notamment en matière vaccinale, une démarche d’expérimentation en matière de prise en charge des parcours de soins et la promotion de la pertinence des actes et de l’innovation.

Sur le RSI, nous sommes attentifs aux conditions de la réussite de la réforme. Nous avons alerté le Gouvernement sur les points décisifs. Je suis convaincu que les travaux des deux assemblées y ont contribué, dans la complémentarité.

Sur deux marqueurs importants de ce texte, nous sommes en désaccord.

À l’article 7, monsieur le secrétaire d’État, mesure phare de ce PLFSS pour 2018, le Sénat a marqué son désaccord non pas sur la baisse des cotisations salariales – ce n’est pas le sujet ! –, mais sur l’augmentation de 1,7 point de la CSG sur les pensions de retraite et d’invalidité.

Ce point de désaccord, qui représente 4,5 milliards d’euros, a suffi, à lui seul, pour constater l’échec de la commission mixte paritaire. Nous pensons que les effets collatéraux de l’augmentation de la CSG ne sont pas tous identifiés. Nous exprimons de doutes sur le sens qu’il y a à financer l’assurance chômage par l’impôt.

À l’article 26, le Sénat a marqué son désaccord avec les choix du Gouvernement sur la prestation d’accueil du jeune enfant. Alors qu’une réflexion va s’ouvrir sur les objectifs de la politique familiale, cette mesure n’était, à tout le moins, ni impérative ni urgente.

En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale est revenue, pour l’essentiel, à son texte de première lecture, en particulier sur ces deux principaux points de désaccord.

Si elle a retenu certains apports ponctuels du Sénat, elle a supprimé d’autres articles, adoptés avec l’avis favorable de la commission en troisième partie. Je pense notamment à l’extension des exonérations de cotisations aux EPCI pour l’aide à domicile, au cumul emploi-retraite des médecins retraités en zones sous-denses ou encore à la durée des contrôles URSSAF.

Sur la troisième partie, je voudrais encore signaler deux points : l’Assemblée nationale a revu le barème de la taxe sur les boissons sucrées pour en limiter le rendement supplémentaire, tout en en préservant néanmoins une partie.

Sur l’initiative du Gouvernement, les députés ont modifié les tableaux d’équilibre de fin de troisième partie pour tenir compte des votes intervenus au cours de l’examen parlementaire.

Les modifications apportées concernent, pour l’essentiel, les recettes des branches maladie et AT-MP et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, le solde de ce dernier étant dégradé d’environ 100 millions d’euros pour 2018.

Il serait souhaitable que le Gouvernement apporte des précisions quant au détail de l’impact sur les recettes des différents votes intervenus au Parlement. Les règles d’arrondi et la présentation de ces tableaux « à la centaine de millions d’euros près », nuisent à la qualité de l’information apportée. Ces tableaux, qui seront les tableaux définitifs du texte, mériteraient un niveau de détail beaucoup plus important.

Concernant l’assurance maladie, l’Assemblée nationale est revenue sur la plupart des évolutions du texte adoptées au Sénat, à quelques exceptions près, par exemple, le développement des modes d’exercice « coordonné », et non seulement « regroupé », l’extension de l’accès au dossier pharmaceutique pour les pharmaciens biologistes ou la reconnaissance du rôle des pharmaciens d’officine dans le déploiement de la télémédecine.

En revanche, ont notamment été supprimés la mention spécifique de la prise en charge des patients atteints d’insuffisance rénale chronique dans le champ des expérimentations, la création d’une procédure d’utilisation testimoniale éclairée et surveillée, les ajustements apportés à la régulation du secteur du dispositif médical…

Nos désaccords avec l’Assemblée nationale ne sont pas nombreux, mais ils sont suffisants. Il semble, après l’examen en nouvelle lecture par nos collègues députés, que nous soyons parvenus au terme du dialogue utile sur ce texte, sans qu’il soit nécessaire de rouvrir une discussion sur les articles restant en navette.

C'est la raison pour laquelle votre commission vous propose l’adoption d’une motion tendant à opposer la question préalable.

Ainsi que nous le faisons chaque année, et comme nous y encourage le ministre de l’action et des comptes publics, nous allons désormais entrer dans une phase d’évaluation et de contrôle de l’exécution des lois de financement passées. C’est donc une nouvelle séquence qui s’ouvre et qui pourra déboucher, je l’espère, sur une préparation plus concertée et plus enrichissante du prochain PLFSS. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Yvon Collin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après une nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, le PLFSS pour 2018 revient devant nous.

Il est important de rappeler qu’en première lecture, au Sénat, la moitié des articles ont été adoptés sans modification, dont les tableaux d’équilibre des différentes branches et la trajectoire pluriannuelle des comptes sociaux.

Le Sénat a marqué son accord, souvent avec enthousiasme, en faveur du développement d’une politique d’innovation – par exemple, la démarche d’expérimentation en matière de prise en charge des parcours de soins -, d’une politique de prévention – augmentation de la fiscalité du tabac et politique vaccinale, notamment –, et d’une politique de simplification, avec l’adossement du RSI au régime général…

Je ne peux m’empêcher de reprendre les propos du Sénateur Savary, lequel s’est exclamé, lors de l’examen de l’article 35 : « Madame la ministre, vous avez tout compris ! »

Malheureusement, un ensemble d’amendements, en particulier l'amendement relatif à la suppression du mécanisme de la CSG sur les pensions de retraite, ont généré un déficit de 7 milliards d’euros.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Non, de 4,5 milliards !

M. Martin Lévrier. De 4,5 milliards d’euros, puis de 7 milliards en ajoutant les autres mesures que le Sénat a adoptées.

L’Assemblée nationale est donc tout naturellement revenue à l’esprit originel du projet de loi de financement de la sécurité sociale et la CMP ne pouvait que constater l’ampleur des différends, en particulier sur la CSG.

Et pourtant, nous avons pourtant prouvé à plusieurs reprises que nous étions capables de nous entendre, capables de nous accorder sur la nécessité de protéger les plus faibles.

Toutefois, il est indispensable, dans le même temps, d’assurer l’équilibre financier du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Tout nouveau déficit générera de la dette supplémentaire et nous empêchera de respecter nos engagements européens, rendant, une fois de plus, la parole de la France totalement inaudible.

Par ailleurs, cette dette devra être remboursée par les générations futures, ce qui rend leur avenir incertain. Être en politique, c’est s’engager à construire l’avenir de nos enfants et des générations futures. Produire du déficit est l’exact inverse de cet engagement.

C’est pour cette raison, mes chers collègues, que la proposition du Sénat sur la CSG n’est pas tenable. Elle l’est d’autant moins que le Gouvernement, à travers l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, a tenu à protéger les plus fragiles en adoptant des mesures en faveur du minimum vieillesse, de l’allocation aux adultes handicapés ou encore en aidant les familles monoparentales.

Resituons l’application du mécanisme de la CSG sur les pensions de retraite dans son contexte global.

La proposition initiale du Gouvernement sur les exonérations de la CSG cumulées à la suppression de la taxe d’habitation permet à tous les retraités percevant moins de 2 500 euros d’échapper à une baisse de pouvoir d’achat. Je le redis : les personnes âgées dont les revenus sont inférieurs à 2 500 euros ne seront pas impactées, à terme, par la hausse de la CSG.

L’effort doit être collectif, mais réparti. Il n’est pas anormal de demander à chacun de participer à hauteur ses moyens.

Il reste assurément des ajustements à apporter, et nous en sommes capables, mais il est impératif de demeurer entre les deux bornes que sont l’équilibre du budget et une bonne appréciation des efforts demandés à chacun des citoyens. Eu égard aux débats qui nous ont animés en première lecture, je suis intimement persuadé que nous pouvons y parvenir.

Profitons-en pour mettre en évidence l’intérêt du système bicaméral et l’importance du Sénat dans ces débats. À ses détracteurs, je rappelle que ce système est essentiel à un fonctionnement équilibré de nos institutions, à la représentation de nos territoires et à une élaboration apaisée de la loi. Vérifier, améliorer si besoin, voire tempérer les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale, tel est le rôle du Sénat. Nous devons nous y tenir, il est indispensable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, quelles remarques nouvelles formuler au moment d’aborder cette nouvelle lecture du PLFSS pour 2018 ? Le texte que nous retrouvons ici ne tient que peu compte du travail des sénatrices et des sénateurs.

Je souhaiterais revenir sur les choix du Gouvernement, entérinés par la majorité des parlementaires, concernant l’hôpital public. Alors que, depuis des années, les hôpitaux subissent des réductions de moyens continues, ce PLFSS vient les réduire encore de 1,2 milliard d’euros.

Pourtant, quasiment chaque semaine, des personnels nous alertent et mènent des actions contre la détérioration de leurs conditions de travail et, de fait, contre la dégradation de la qualité d’accueil des patients.

Et, comme si cela ne suffisait pas, la Cour des comptes recommande, dans son rapport sur l’avenir de l’assurance maladie, publié mercredi dernier, de supprimer davantage de lits d’hospitalisation.

Une fois de plus, l’argument de la qualité et de la sécurité des soins est invoqué pour restructurer l’hôpital et réduire le nombre de lits, alors que les hôpitaux de proximité ont déjà été supprimés au profit de mégastructures, les groupements hospitaliers de territoires, ou GHT.

Il est certes nécessaire de faire évoluer l’hôpital et ses pratiques. Mais de quelles évolutions avons-nous besoin pour renforcer notre système de santé ? Comment ne pas voir que les demandes croissantes exigées des équipes pour tout codifier nuisent le plus souvent au temps passé près des patients et accroissent le stress des personnels soignants ?

Malheureusement, la Cour des comptes, dont on connaît l’influence auprès des gouvernements, aborde la question dans la continuité des propos de la ministre des solidarités et de la santé, selon laquelle 25 % des actes seraient inutiles à l’hôpital. Ainsi, les sages préconisent, par exemple, de diminuer d’un jour et demi l’hospitalisation pour les prothèses de genou ou de hanche. Les patients passeraient ainsi de 5 à 3 jours et demi d’hospitalisation, et tant pis pour les risques de complication et de retour à l’hôpital en urgence !

Or développer l’ambulatoire nécessite d’en créer les conditions en faisant en sorte que les patients soient pris en charge à domicile. Cela passe notamment par des personnels médicaux et paramédicaux en nombre suffisant, ce qui est loin d’être le cas.

Dans ce contexte de flux tendu, que veut dire « moins de lits d’hospitalisation » ? Quelles conséquences sur les urgences ?

Je vous invite, mes chers collègues, à prendre connaissance du rapport d’information de la commission des affaires sociales sur la situation des urgences hospitalières, auquel j’ai participé avec Catherine Génisson et René-Paul Savary.

M. Yves Daudigny. Excellent rapport !

Mme Laurence Cohen. Vous y constaterez que le rapport démontre, à l’opposé des préconisations de la Cour des comptes, la nécessité de stopper les suppressions des lits en aval.

Parallèlement, il faut s’attaquer à la désertification médicale. Nous regrettons que ce PLFSS n’assure pas un encadrement de l’installation des jeunes médecins, les deux premières années.

Nous l’avons déjà dit en première lecture, pour les jeunes médecins qui préfèrent, en grande majorité, exercer en tant que salarié, la présence d’un établissement public hospitalier est importante, de même que la présence d’autres professionnels soignants, ainsi que d’un centre de santé public par bassin de vie, permettant un travail pluridisciplinaire. L’implantation de services publics de proximité est également une condition indispensable à l’installation de professionnels de santé.

De plus, il est tout à fait dommageable que l’investissement public ne soit pas non plus au rendez-vous dans les facultés de médecine, afin de permettre de supprimer le numerus clausus tout en donnant aux universitaires les moyens d’assurer les tutorats.

Comme je l’ai souligné, la majorité La République en Marche a rétabli, pour l’essentiel, le texte du Gouvernement.

Ainsi la hausse de 1,7 point de CSG est-elle toujours au menu pour les salariés et les fonctionnaires, mais également pour les retraités et les bénéficiaires de pension d’invalidité, contrairement aux modifications adoptées par le Sénat.

La seule nuance concerne le dédommagement perçu par les aidants familiaux au titre de la prestation de compensation du handicap, la PCH, qui ne serait plus considérée comme un revenu du patrimoine, mais comme un revenu d’activité permettant ainsi de bénéficier d’un taux de CSG de 9,2 %, contre 9,9 % dans la première mouture du texte. Quelle générosité !

De la même manière, les députés ont adopté un amendement pour compenser la hausse de la CSG pour les artistes auteurs. La future réforme de l’assurance chômage les concernant y est sans doute pour quelque chose.

Enfin, la ministre des solidarités et de la santé a annoncé le dégel de 150 millions d’euros de crédits pour les hôpitaux. Comment s’en plaindre ?, même s’il faut redire que vous prévoyez une baisse de 1,2 milliard d’euros et que le montant de ces crédits est légèrement inférieur – de moitié ! – à ce que les établissements hospitaliers réclamaient. La seule épidémie de grippe programmée au mois de décembre risque de réduire la portée de ce reliquat. Pour notre part, nous aurions souhaité qu’une partie de cette somme aille à l’hôpital de Bastia, que plus d’un millier de personnes ont manifesté samedi dernier pour sauver.

Comment ne pas évoquer la situation de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l’AP-HP, qui a annoncé la suppression de 180 postes non médicaux, en majorité dans les services de santé pour 2018 ?

Les comptes du plus grand hôpital français connaîtraient une telle dégradation qu’une baisse du nombre de salariés en CDD s’imposerait, principalement dans les services de soins – moins 101 équivalents temps plein, ou ETP – et parmi le personnel administratif – moins 49 ETP.

Ces réductions drastiques expliquent sans doute les menaces qui pèsent sur deux services de l’hôpital Henri-Mondor, à Créteil, à l’origine d’une demande de rendez-vous des six sénatrices et sénateurs du Val-de-Marne, toutes sensibilités politiques confondues.

En outre, je vous invite, mes chers collègues, à regarder le nouveau documentaire de Raymond Depardon, intitulé 12 jours, sorti cette semaine, qui montre les symptômes d’un inquiétant virage sécuritaire dans le monde de la psychiatrie. Filmé au centre hospitalier Le Vinatier, à Bron, il met en exergue les conséquences des réductions de moyens, qui entraînent le développement de protocoles standard à respecter, et les réductions de personnels, qui favorisent le recours à la contention.

Je le redis avec force, une politique alternative de santé est possible, dès lors que les choix budgétaires sont mis en œuvre en conséquence. Je ne vous ferai pas l’injure de répéter toutes les propositions de financement que nous avons formulées en première lecture et qui donnent crédit à nos propositions, car je suis certaine que vous les avez encore en mémoire.

Cette politique alternative de santé consiste à aller vers un remboursement des soins à 100 % par l’assurance maladie, plutôt que vers un « zéro reste à charge » reposant sur les complémentaires, au détriment des ménages, à avoir un service public hospitalier fort, ainsi qu’un pôle public du médicament et de la recherche, une médecine de proximité et une politique de prévention à la hauteur des enjeux et des besoins.

C’est possible, l’argent existe !

Vous l’aurez compris, comme en première lecture, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera, en nouvelle lecture, contre ce PLFSS pour 2018. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, une nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ? Un exercice dont nous savons qu’il sera écourté et dont l’utilité n’apparaît pas certaine…

Qu’exprimer à ce moment ? Peut-être un peu de tristesse de vivre la fin d’un voyage annuel à travers les paysages de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, et des « taux L » (Sourires.), un voyage bien préparé, dont la commission des affaires sociales a fixé les étapes, mais dont les participants ne souhaitaient pas tous, à l’évidence, atteindre le même terminus… Cela devait susciter des discussions souvent animées, mais où l’autorité bienveillante du président de la commission, du rapporteur général et des rapporteurs – il s’agissait d’un dialogue parfois vif, mais toujours dense et riche, avec Mme la ministre – ont permis de maintenir une ambiance constructive et de respect mutuel.

Des regrets, aussi, de voir une discussion interrompue, un fonctionnement de la démocratie qui ne va pas au bout de ses possibilités, sans remise en cause de l’exigence du bicamérisme, mais qui pose toutefois la question de l’intérêt des nouvelles lectures pour les lois de finances ou de financement de la sécurité sociale. Combien de nouvelles lectures ont-elles été conduites jusqu’à leur terme au cours des dix derniers exercices ?

Des regrets, encore, à constater que l’Assemblée nationale est revenue, pour l’essentiel, à son texte de première lecture. Ce n’est pas une surprise s’agissant des points forts de divergence, relatifs à la hausse de la CSG ou à l’évolution de la prestation d’accueil du jeune enfant.

Mais une attitude plus ouverte de nos collègues députés pouvait être raisonnablement envisagée sur les exonérations de cotisations aux EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale, sur le cumul emploi-retraite des médecins retraités en zones sous-denses, ou encore sur la mention spécifique de la prise en charge des patients atteints d’insuffisance rénale chronique dans le champ des expérimentations – au moins, sur ce dernier point, le débat a-t-il été lancé.

Quelques satisfactions, tout de même, concernant la limitation du rendement supplémentaire de la taxe sur les boissons sucrées – satisfaction partielle, satisfaction quand même ! –, la solution trouvée en matière de hausse de la CSG pour les bénéficiaires de la PCH, la prestation de compensation du handicap, et les artistes-auteurs – c’est encore plus important, et mon groupe y était fortement attaché –, la prise en compte du bioéthanol pour l’exonération de la taxe sur les véhicules de société, ou encore le cumul de l’ACCRE, l’aide au chômeur créant ou reprenant une entreprise, avec l’exonération « jeunes agriculteurs », tous points que nous avions défendus.

Au cours des dernières semaines, les membres du groupe socialiste et républicain ont été attentifs à soutenir les mesures de prévention contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale : tabac, taxe sur les boissons sucrées, obligation vaccinale, consultation gratuite de prévention du cancer. Ils ont aussi soutenu avec vigilance, en apportant leur part au débat, les mesures d’expérimentations organisationnelles et le développement de la télémédecine.

Le texte sur lequel nous nous prononçons est désormais proche du texte de loi définitif ; à cette occasion, les membres du groupe socialiste et républicain réaffirment également leur opposition la plus résolue à la hausse de 1,7 point du taux de CSG applicable aux retraités, à l’utilisation telle qu’elle est définie du produit de la CASA, la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, ou à l’alignement des déterminants de l’allocation de base sur ceux du complément familial qui entraîne une baisse de la prestation d’accueil du jeune enfant. Opposition, aussi, au dispositif d’ajustement à la baisse des prix et tarifs des dispositifs médicaux ou à l’évolution du tiers payant généralisé en tiers payant généralisable, pour ne citer que les principaux points.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, le premier d’une nouvelle législature, est-il une étape dans l’évolution de notre système de santé ? Une étude et un rapport récents nous conduisent à maintenir, si besoin était, notre vigilance.

Le rapport, plutôt explosif, si j’en crois les premières réactions, est celui de la Cour des comptes – il a été évoqué précédemment. Je cite rapidement les grandes lignes du jugement porté sur notre système de santé : des résultats globalement satisfaisants, mais des faiblesses persistantes, des politiques de maîtrise de la dépense trop souvent mises en défaut, des modes de régulation en échec. Une perspective est tracée : donner la priorité aux objectifs de santé publique et de qualité des soins.

L’étude sur l’état de la santé dans l’Union européenne, réalisée sur l’initiative de la Commission européenne, a été moins médiatisée ; elle est pourtant très complète. Elle mérite notre attention, puisqu’elle a notamment conduit un grand quotidien national à titrer : Santé : la France n’est plus un modèle.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour la commission des affaires sociales du Sénat, cette matinée sonne la fin de l’examen du PLFSS pour 2018, mais le temps du repos n’est pas venu ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)