M. Xavier Iacovelli. C’est faux !

M. Sébastien Meurant. Voilà l’état du droit positif actuel !

Lorsque la prime de l’État existait, ces maires pouvaient la recevoir ou avoir des critères de tension au vert au sein de leur agglomération et être malgré tout désignés comme de vilains élus, notamment ceux de droite, ne voulant pas construire.

Il faut regarder la réalité en face ! L’aménagement des villes et le nombre de logements sociaux qu’on y trouve sont le fruit d’une histoire et de l’identité des territoires et pas forcément le fait de vilains maires qui ne voulaient pas construire.

Pendant plus d’une dizaine d’années, j’ai été maire d’une ville qui avait été plus de trente ans à gauche et dont l’ancien maire travaillait alors avec Martine Aubry. Autant dire qu’il était bien à gauche ! (M. Roger Karoutchi sesclaffe.) À mon arrivée, la ville comptait 11 % de logements sociaux. Nous avons fait du logement et respecté les engagements triennaux, bien qu’il y eût peu de foncier.

Reste que certaines villes ne peuvent pas le faire, parce qu’elles se trouvent au bord d’un fleuve, sous plan d’exposition au bruit ou sont soumises à la loi Littoral. L’État fixe des règles qui interdisent de construire, et ces villes finissent carencées du fait de ces réglementations.

Il faut faire preuve de bon sens et d’intelligence au service du bien commun et de la construction. La construction de logement social ne peut pas être dissociée de la construction du logement en général, pas plus que du contexte budgétaire, comme le soulignait ma collègue. J’ai rappelé ce matin que, pour un département comme celui du Val-d’Oise, petit département de grande couronne, la DGF avait baissé de 36 % en quatre ans. Or on nous demande de construire avec moins de moyens ! Qui finance les écoles ? Qui finance les services ?

La loi SRU est une loi totémique – on comprend pourquoi –, mais elle bute tout simplement sur la réalité des territoires, bien indépendamment de la volonté des maires. D’ailleurs, au regard du montant des amendes versées, il y a certainement de moins en moins de maires réticents.

On a décidé de passer de 20 % à 25 %, parce que l’on est plein de bonnes intentions, mais il s’agit d’une loi symbolique. La réalité n’est pas celle-là !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, sur l’article.

M. Jean-François Husson. Comme d’autres, je souhaite faire part de mon expérience.

Des métropoles, il en est de toutes les tailles. On parle de celle de Paris, mais certaines sont de taille plus modeste, par exemple celle du Grand Nancy, au sein de laquelle je siège, et qui est à taille humaine.

Avec le projet de loi ÉLAN, nous engageons une démarche en faveur des politiques de l’habitat, qui viennent s’intégrer dans des plans locaux d’urbanisme intercommunaux, ou PLUI, et des plans locaux de l’habitat durable, les PLHD. Il faut tenter de résoudre la quadrature du cercle.

Dans la métropole du Grand Nancy, sur vingt communes, si une ou deux n’ont pas encore atteint les 25 %, certaines sont à plus de 65 % de logements sociaux ! Ne peut-on imaginer, à l’instar de Mme la rapporteur, des accords possibles ou des fongibilités ? Il faut en effet une disponibilité foncière en même temps qu’un certain nombre d’équipements susceptibles de répondre aux besoins de mobilité et de proximité des équipements publics nécessaires. En effet, plus l’on va densifier, plus il faudra rendre accessibles un certain nombre de services, publics ou privés.

Pour ma part, je nous invite à ne pas chercher à avoir le premier prix, selon que l’on serait un homme ou une femme, un maire de droite ou de gauche, à la tête d’une grande ville, d’une grande métropole ou d’une métropole de taille plus modeste. Ce sujet mérite d’être traité avec pragmatisme – je vous ai souvent entendu employer ce mot, monsieur le ministre –, bon sens, mais aussi justice – c’est le cas des propositions de la rapporteur et du rapporteur pour avis –, pour que les territoires qui ont des responsabilités éminentes dans ce domaine puissent conduire graduellement et avec efficacité les programmes qu’ils veulent développer ensemble.

M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. le ministre et à Mme le rapporteur, je vous signale que le nombre de demandes de parole sur l’article 46 a triplé au cours de la discussion, passant de cinq à seize. Il est totalement légitime que vous vous exprimiez, mais vous inscrire avant la séance permet d’organiser les débats.

Je veux y voir un aspect positif : ces interventions en amont permettront peut-être d’aller à l’essentiel lors de l’examen des amendements. (Exclamations amusées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Philippe Dallier. Ça, ce n’est pas sûr !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre. Sur ce dossier difficile – il l’est depuis la promulgation même de la loi SRU –, je souhaite réaffirmer la position de fond du Gouvernement.

Il n’est nullement dans les intentions du Gouvernement de mettre à mal et d’abattre cette loi, dont je dis depuis le début des débats à l’Assemblée nationale et même avant, puisque j’ai eu à répondre à quelques agressions médiatiques, que le Gouvernement n’entend pas en toucher les fondements. Cette loi a, depuis des années, montré qu’elle avait globalement un effet positif sur le logement social ; l’immense majorité d’entre vous s’est d’ailleurs exprimée en ce sens.

Je commencerai par répondre à certaines interpellations. Ce matin, on m’a dit que nous voulions inhumer l’encadrement des loyers, cet après-midi, que nous voulions enterrer la loi SRU ; bientôt, à l’occasion d’un prochain article, on en sera à l’incinération… (Sourires.) Ce n’est nullement notre objectif. Il y a un corpus qu’il convient de conserver, parce qu’il a fait ses preuves. Cette loi a montré son utilité en termes d’accélération de la construction de logements sociaux.

Cela étant, au fil des ans, on constate un certain nombre de dysfonctionnements, que l’on peut considérer comme marginaux. J’ai d’ailleurs parlé d’adaptations mineures de bon sens pour répondre à ces problèmes. Jean-François Husson vient de parler de pragmatisme : c’est de cela qu’il s’agit in fine.

J’ai entendu dire – pas ici, heureusement – qu’il n’avait point été touché à la loi SRU.

M. Philippe Dallier. C’est faux !

M. Jacques Mézard, ministre. Elle a déjà fait l’objet d’un certain nombre de modifications.

M. Roger Karoutchi. Tous les deux ou trois ans !

M. Jacques Mézard, ministre. À l’Assemblée nationale, tous les groupes, sauf La France insoumise, ont proposé des modifications. Certes, celles-ci sont de nature diverse et reposent sur des convictions différentes.

Comme ancien avocat, j’aime beaucoup les procès, mais pas forcément les procès d’intention. Or on nous fait le procès de vouloir faire passer de cinq à dix ans la durée au cours de laquelle on compte encore les logements sociaux dans les ventes d’HLM, mais la période de cinq ans n’était pas initialement prévue dans la loi SRU ! Il s’agit d’une modification datant de 2007.

La loi Égalité et citoyenneté a aussi beaucoup modifié l’application pratique de la loi SRU.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. C’est exact !

M. Jacques Mézard, ministre. Prenons les chiffres : en 2017, sur un peu plus de 35 000 communes, 1 997 ont été concernées par la loi SRU ; 1 219 d’entre elles parce qu’elles ne respectaient pas leurs obligations légales et devaient produire des logements sociaux pour rattraper leur retard. Dans le même temps, 711 communes ont respecté le taux légal de logement social applicable, 649 communes n’ont pas atteint les objectifs de rattrapage triennaux fixés sur la période 2014-2016 et 259 communes, pas davantage – on peut considérer que c’est beaucoup, mais ce n’est tout de même pas énorme, même si c’est 20 % de plus que dans le rattrapage triennal précédent –, ont fait l’objet d’un arrêté de carence.

Le décret que j’ai signé le 28 décembre dernier prévoit l’exemption de 274 communes pour les années 2018 et 2019, comme le permet la loi Égalité citoyenneté, loi qui a entraîné la multiplication par quatre du nombre de communes exemptées. Ce n’est pas une simple révision à la marge !

On prétend que la loi SRU est un texte intangible, auquel on n’a jamais touché. Pourtant, elle a connu des modifications, et pas des moindres !

Entre l’été et le décret du 28 décembre dernier, des commissions régionales et une commission nationale, créées grâce à une précédente disposition législative, se sont réunies. À cela s’ajoute le travail réalisé par les préfets de région.

Avec le secrétariat d’État, à la fin de l’été dernier, j’ai écrit aux préfets, en exigeant le renforcement des sanctions initialement envisagées par les préfets dans les communes les plus récalcitrantes. Je n’ai pas hésité à le faire. Si le Gouvernement avait eu l’intention de mettre à bas la loi SRU, je n’aurais pas écrit aux préfets que leurs propositions ne me paraissaient pas suffisamment fermes.

Ensuite, la commission nationale a siégé et a rendu un avis à la suite duquel j’ai décidé – c’est la responsabilité de l’État – d’être un peu plus conciliant qu’elle. C’est la loi qui m’en donne la faculté, et j’assume ma décision. À ma connaissance, je n’ai pas entendu de récriminations sur le contenu du décret du 28 décembre 2017. Voilà qui me paraît une bonne façon d’appliquer la loi.

Je le répète, il y a eu régulièrement des modifications. Cette loi n’est donc pas un totem.

J’ai ici la liste de toutes les communes avec leur situation, le nombre de logements réalisés ou non et les sanctions. (M. le ministre brandit un document.) On n’est pas forcément tendre : certaines communes sont sanctionnées à 400 % et elles le méritent ! Marnes-la-Coquette n’en fait pas partie, ce qui ne signifie pas que cette commune soit exemplaire : elle est en rattrapage. Certes, elle ne compte que 1 600 habitants, mais ce n’est pas parce que l’on est une petite commune que l’on n’a pas d’obligations.

Nous appliquons les dispositions légales et réglementaires de manière pragmatique, monsieur le sénateur Husson. Je ne sais pas si c’est avec suffisamment de bon sens, mais c’est en tout cas ainsi que nous envisageons les choses.

À regarder les chiffres, on se rend compte qu’un certain nombre de communes se trouvent confrontées à des difficultés mathématiquement et pratiquement insolubles au regard des textes actuels.

J’ai parlé d’adaptations mineures, pour trouver des solutions concrètes par rapport à des situations dont le nombre n’est pas considérable. Que l’on ne vienne pas me dire que nous voulons chambouler la loi SRU, car n’est pas le cas !

M. Xavier Iacovelli. Ce n’est pas ce que nous avons dit !

M. Jacques Mézard, ministre. J’émettrai un avis défavorable sur la plupart des amendements, car leur adoption irait à l’encontre de la position initiale du Gouvernement. En outre, il y aura une commission mixte paritaire, et j’espère que l’Assemblée nationale et le Sénat trouveront une solution constructive.

Sur cette question, la position du Gouvernement est claire. Sur la loi Littoral, nous avons fait œuvre utile tant avec l’Assemblée nationale qu’avec le Sénat en écoutant et en essayant de trouver des solutions concrètes à des problèmes concrets. C’est bien ce que veulent nos concitoyens : que nous facilitions et boostions la construction de logements sociaux. Reste que ce n’est pas en fixant, pour des cas très minoritaires, des objectifs inatteignables que l’on résout les problèmes.

Oui, il faut maintenir le taux de 25 %, mais il faut trouver des solutions pour les communes qui ne peuvent le respecter, en particulier les communes nouvellement entrantes.

M. le président. Monsieur le ministre, vous avez parlé pendant neuf minutes trente. C’est votre droit – votre temps de parole n’est pas limité –, mais il serait bon que tout le monde donne des signes pour que ce débat puisse se tenir dans les délais que nous avons fixés.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, j’en appelle à votre clémence si je devais dépasser le temps de parole qui m’est imparti. Il me semble important de situer le débat de façon à ce que nous puissions aller plus vite lors de la discussion des nombreux amendements qui ont été déposés sur cet article. J’ose espérer que ces différentes prises de parole, y compris celles du ministre, du rapporteur pour avis et la mienne, le permettront.

Je rappelle à M. le ministre et à l’ensemble de nos collègues que la commission des affaires économiques et la commission des lois saisie pour avis n’ont pas du tout voulu détricoter, enterrer, inhumer ou faire disparaître la loi SRU. L’article 55 de la loi SRU a été un déclencheur, comme l’a dit Valérie Létard, qui a permis de faire prendre conscience à un certain nombre de territoires de la nécessité de construire non seulement des logements, mais aussi des logements sociaux.

Cependant, entre 2000, où a été fixé un objectif de 20 %, et 2013, où celui-ci a été porté à 25 % d’ici à 2025, la situation a considérablement évolué. C’est parce que ces délais sont devenus irréalistes et inatteignables pour un certain nombre de communes et que l’on risque de voir très rapidement augmenter le nombre de communes carencées, alors même que celles-ci auront consenti des efforts considérables pour produire du logement, y compris du logement social, que nous avons voulu prendre en compte la réalité exprimée dans les territoires. Ainsi, plutôt que de braquer les maires, de les décourager ou de les démoraliser, nous avons choisi de les accompagner et de leur donner une bouffée d’oxygène.

Certes, l’objectif de 25 % de logements sociaux demeure, mais un certain nombre d’assouplissements et d’adaptations sont mis en place qui leur permettront d’atteindre plus facilement cet objectif, ce qui leur est impossible aujourd’hui. C’est pourquoi, à notre sens, l’article 55 de la loi SRU n’est pas un dogme immuable.

La problématique des décomptes des logements sociaux est la seule « accroche » que vous ayez placée dans votre texte pour mentionner la loi SRU, monsieur le ministre. Au cours de la conférence de consensus sur le logement, nous vous avons alerté sur le fait qu’il était impossible d’aborder un texte sur le logement aussi important que celui-ci sans que nous puissions évoquer la loi SRU. Vous nous avez entendus et modifié la durée du décompte des logements sociaux, la portant de cinq à dix ans.

Nous avons souhaité aller un petit peu plus loin, sans pour autant dénaturer ce que doit rester un décompte de logements sociaux, en ajoutant trois cas à la liste existante : premièrement, les logements occupés par les titulaires d’un PSLA pendant une durée de dix ans ; deuxièmement, les logements objets d’un bail réel solidaire, parce que l’occupant de ce logement est soumis à des conditions de ressources ; troisièmement, sur proposition de la commission des lois, comme l’a rappelé Marc-Philippe Daubresse, les places d’hébergement d’urgence, conformément à ce qui a été voté dans le projet de loi Asile et immigration voilà quelques semaines.

Nous sommes bien convenus que nous n’allongerions pas davantage le décompte des logements sociaux. Par conséquent, la commission émettra un avis défavorable sur tous les amendements visant à compléter cette liste.

Par ailleurs, comme l’a montré le CGEDD dans son rapport, le calendrier de rattrapage prévu pour la réalisation des objectifs de logements sociaux est tout simplement irréaliste et risque de décourager les communes qui font des efforts. Ainsi, une commune décidée à remplir les objectifs inscrits dans la loi SRU aurait un seul triennat pour remplir 50 % des objectifs, mais plusieurs autres pour remplir les 50 % restants.

Soucieuse de prendre cet aspect en considération, la commission des affaires économiques a proposé d’insérer deux paliers supplémentaires de trois ans dans le calendrier de rattrapage et de tenue des objectifs de la loi SRU, pour pouvoir aller jusqu’en 2031, et non plus 2025, avec deux échéances intermédiaires, 2028 et 2031.

Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, la réforme territoriale est passée par là, en favorisant le regroupement des communes ou le développement des EPCI, ce qui a conduit bon nombre de communes à être désormais soumises aux dispositions de la loi SRU. Je pense plus particulièrement aux communes nouvelles et aux communes entrantes, qui n’ont été intégrées au dispositif qu’à partir du 1er janvier 2015. Par souci d’équité, nous avons souhaité que ces communes puissent, pour tenir les objectifs de 25 % de logements sociaux, disposer du même laps de temps que les communes entrées dans le dispositif depuis 2000. C’est la raison pour laquelle, pour les communes entrantes et les communes nouvelles, et uniquement pour celles-là, nous avons desserré le calendrier, en reportant l’échéance à 2040. Cela permettra de donner exactement le même nombre d’années pour atteindre les objectifs que celui qu’ont eu les communes entrées à partir de 2000.

Qui plus est, la commission a souhaité uniformiser les seuils d’application de la loi SRU, en prévoyant que sont désormais concernées, et donc uniformément, les communes de plus de 3 500 habitants. C’est une disposition que j’avais déjà portée par amendement dans la loi Égalité et citoyenneté. Votée, ici même, par la majorité sénatoriale, elle n’avait pas été conservée par l’Assemblée nationale.

En outre, la commission a proposé de mettre en place une expérimentation, sur laquelle nous avions commencé à travailler dans le cadre de la loi Égalité et citoyenneté, à ceci près que, dans cette même loi, il s’agissait non d’une expérimentation, mais d’une obligation, et que l’objectif de réalisation de 25 % de logements sociaux n’avait pas été maintenu.

Cette expérimentation fonctionne sur la base du volontariat et pour une durée de six ans. Elle vise à permettre à une commune ayant atteint 15 % de logements sociaux et devant toujours remplir l’objectif de 25 %, de conclure, avec le préfet, un contrat d’objectifs et de moyens. Ce dernier déterminerait le nombre de triennats nécessaires pour atteindre ce taux de 25 %, ainsi que les objectifs de réalisation de logements locatifs sociaux que la commune s’engage à respecter pour chaque triennat, et ce au regard des critères suivants, qui nous semblent réalistes : le nombre de demandes de logements sociaux enregistrées dans la commune, la vacance constatée ou non dans le parc social, les capacités tant foncières que financières de la commune.

La commission des affaires économiques a souhaité émettre un avis favorable sur l’amendement n° 519 rectifié de Marc-Philippe Daubresse, qu’il nous présentera en sa qualité de rapporteur pour avis de la commission des lois. Il s’agit là d’une nouvelle expérimentation, ce qui supposera éventuellement de choisir entre l’une et l’autre : toujours sur la base du volontariat, toujours pour une durée de six ans, elle ouvre la possibilité de mutualiser, au niveau de l’EPCI, le stock restant à construire pour passer de 20 % à 25 % de logements sociaux. Je me prononcerai également en faveur des deux sous-amendements déposés sur cet amendement, portés respectivement par Vincent Capo-Canellas et Valérie Létard.

Je serai, de plus, favorable à l’amendement n° 659 rectifié de Philippe Dallier, qui tend à fixer le taux à 20 % pour les communes bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, dans lesquelles le taux de pauvreté des ménages dépasse 25 % dans le parc locatif. Cette proposition, si elle amorce un changement de paradigme, nous semble suffisamment encadrée pour être raisonnable et réaliste.

Telle est la position de la commission des lois. Elle se veut pragmatique, réaliste, pour permettre aux maires de réaliser leurs obligations en matière de construction de logements sociaux à hauteur de 25 %, mais dans de bien meilleures conditions qu’actuellement. Il ne s’agit en aucun cas, je le répète, et nous nous sommes tous engagés sur ce point, d’exonérer les maires de leurs obligations. Les maires sont responsables, et ils continueront à s’inscrire dans la volonté de construire du logement social.

C’est la raison pour laquelle, vous ayant expliqué sa position, en liaison avec celle de la commission des lois, la commission des affaires économiques formulera, sur tous les autres amendements, soit une demande de retrait, soit un avis défavorable.

M. le président. Madame la rapporteur, vous avez parlé trente de secondes de plus que M. le ministre. Sans doute était-ce pour montrer les prérogatives dont dispose notre assemblée à l’égard du Gouvernement, même si vous n’en aviez pas complètement le droit.

J’ai bien noté que votre objectif était de faire avancer la discussion. Je vous prends donc au mot et considère que vous avez d’ores et déjà quasiment émis l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements déposés sur cet article. J’ose espérer que vous n’étayerez pas votre propos de développements trop importants.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Absolument, monsieur le président !

M. le président. Forts de cet engagement, nous entamons la discussion des amendements.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° 208 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 650 rectifié est présenté par Mme Keller, M. Laménie et Mme Garriaud-Maylam.

L’amendement n° 946 rectifié est présenté par MM. Labbé, Dantec et Guérini.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 208.

M. Pascal Savoldelli. J’ai apprécié, monsieur le ministre, que vous ayez rendu publique la liste des 274 communes exemptées, que j’ai moi-même sous les yeux. Est-ce à dire qu’en la matière tous les maires de ces communes ont fait une sorte de burn-out ?

M. Philippe Dallier. Caricature !

M. Pascal Savoldelli. Si c’est le cas, disons-le, d’autant que j’en connais un certain nombre. Faudra-t-il aller jusqu’à demander une commission d’enquête sur l’état moral des maires qui n’arrivent pas à appliquer la loi ? En tout cas, je ne boude pas mon plaisir de voir ainsi certains maires, notamment dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, aussi bien des hommes que des femmes, d’ailleurs, assumer leur conviction politique, c’est-à-dire le refus de tout logement social.

Cela me rappelle le débat qui nous avait opposés à Roger Karoutchi sur le niveau de l’impôt de solidarité sur la fortune à Neuilly. À Neuilly, on ne veut pas de logement social : voilà, c’est un choix ! Je ne mets pas en cause la légitimité du maire de Neuilly, qui l’avait annoncé dans son programme. J’ai connu pareille situation dans le Val-de-Marne.

Cela en étonnera peut-être certains, mais je souscris, du moins en partie, aux propos de M. le ministre. Oui, il a exempté 274 communes, et alors ? Qu’est-ce que c’est que cette manière d’évoquer je ne sais quelle alliance des communistes avec je ne sais qui ? À quoi rime cette joute verbale ? Monsieur Dallier, vous le savez comme moi, les difficultés ne manquent pas pour les maires : certains doivent composer avec la contrainte des dispositifs antibruit, d’autres avec la loi Littoral. Croyez-vous que nous soyons à ce point absents pour ne rien connaître de la France, de sa géographie, de ses réalités économiques ?

C’est en application de la loi Égalité et citoyenneté qu’il a été possible d’exempter, par décret, 274 communes. Si problème il y a, faisons la liste, ensemble, de toutes celles pour lesquelles il faudrait en faire de même, car confrontées à des réalités qui rendent totalement impossible le fait de construire des logements sociaux dans les proportions que nous décidons.

Sinon, nous aurons un faux débat. Il ne s’agit pas de faire l’historique des votes des uns et des autres. Apparemment, aujourd’hui, la loi SRU est source de béatitude pour quasiment tout le monde.

M. Roger Karoutchi. Vous êtes bien religieux, tout à coup…

M. Pascal Savoldelli. Voulez-vous vraiment que je ressorte le vote de chacun à l’Assemblée nationale et au Sénat ? Il y en a qui étaient tout de même dans l’autre camp, mes chers amis ! Il faut donc avoir une certaine honnêteté de ce point de vue.

Je veux m’adresser au Gouvernement.

M. le président. Concluez !

M. Pascal Savoldelli. Je conclus, monsieur le président.

Messieurs les ministres, il faut davantage travailler sur la question du foncier. Il importe d’aider les maires et les collectivités territoriales.

M. Pascal Savoldelli. La Foncière Logement existe : donnons-lui davantage de moyens, pour au moins résoudre cette question du foncier en vue de la construction de logements sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. L’amendement n° 650 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 946 rectifié.

M. Joël Labbé. L’élargissement du dispositif introduit en commission des affaires économiques contribue à changer les règles de la loi SRU de manière considérable, alors que celle-ci a déjà fait ses preuves. Pourquoi revenir sur un dispositif législatif, qui, malgré ses quelques imperfections, favorise la construction de logements sociaux ?

C’est ainsi que nous nous opposons au fait de pouvoir décompter durant une période de dix ans à compter de leur vente, contre cinq actuellement, les logements HLM répondant aux critères de l’article 55 de la loi SRU.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Avis défavorable.

Nous refusons de contraindre davantage le décompte des logements sociaux, au regard de ce que je viens de dire et de ce qu’a déjà adopté la commission des affaires économiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, pour les raisons que j’ai précédemment expliquées.

Je rebondirai très rapidement sur la question des exemptions, remerciant ceux qui sont intervenus à ce sujet, pour souligner que je n’ai pas reçu beaucoup de contestations à propos du décret du 28 décembre 2017. Monsieur Savoldelli, à vous entendre, nous pourrions tous nous mettre d’accord, en y travaillant ensemble, sur le nom des communes qui devraient figurer sur la liste. Cela ne me dérangerait aucunement, dans la mesure où il n’y a rien de caché dans l’élaboration de cette liste : le décret a été pris une fois l’avis de la commission nationale recueilli ; tout est public.

La législation, en l’état actuel, ne permet pas de résoudre tous les problèmes. Je vous le dis en toute conscience, c’est la constatation que j’ai été amené à faire justement en travaillant sur ce décret. Cela ne veut pas dire qu’il y ait énormément de cas problématiques, mais, aujourd’hui, nous ne pouvons pas tous les résoudre.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Pour une grande partie des communes, l’obligation de construction est passée de 20 % à 25 %, avec cinq ans de plus, aggravant les difficultés dans de nombreux cas. Mais ce n’est pas tout ! Plus important encore, la manière de décompter les objectifs par période triennale a changé. Précédemment, et c’était paradoxal, une commune pouvait tenir ses objectifs triennaux sans que cela lui garantisse, en 2020, de parvenir à ce taux de 20 %. Le dispositif était ainsi fait pour donner de la souplesse. Aujourd’hui, telle que la loi est écrite, la commune devra, à tout coup, en 2025, être à 25 %.

Autrement dit, la dernière marche se situe à 50 % du stock manquant, avec une montée progressive prévue au cours des deux périodes triennales. Là est le problème, car les marches deviennent trop hautes, même pour les communes qui ont toujours, jusque-là, respecté leurs engagements triennaux.

Je ne vous parle pas des maires qui ne veulent rien faire, ni de ceux dont les communes ont déjà été carencées. Je vous parle des maires dont les communes, depuis 2000, n’ont jamais été carencées, ont toujours tenu les objectifs triennaux et qui vont droit dans le mur. Mme la rapporteur a rappelé le rapport du CGEDD de 2014, lequel indique très clairement que, dans nombre de départements, à la fin de la période triennale s’achevant en 2019, 60 % des communes seront potentiellement carencées. Et ce sera pire à la fin de la période triennale suivante ! Vous allez envoyer toutes ces communes dans le mur.

Pensons aux maires qui, pleins de bonne volonté, ont fait du logement social. Ma commune a vu sa population s’accroître de 40 % entre 1995 et 2017 et la proportion de logements sociaux passer de 7 % à 16 %. Croyez-vous que ce soit facile à porter politiquement ? Moi aussi, je vais dans le mur avec de tels objectifs. Dans le même temps, ma commune est devenue éligible à la DSU, classée au cinq centième rang, et le nombre de ménages pauvres représente maintenant 30 % du parc locatif.

Comment voulez-vous que je parvienne à 25 % en 2025 ? Un, je ne saurais pas faire, même si je le voulais. Deux, en termes de mixité, c’est absurde. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Franck Menonville applaudit également.)

Mes chers collègues, il y a peut-être encore de la souplesse à donner au dispositif, pour faire en sorte de ne pas traiter de la même manière Marnes-la-Coquette, Neuilly-sur-Seine ou je ne sais quelle autre commune et toutes celles qui ont des difficultés réelles. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)