COMPTE RENDU INTÉGRAL

Présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Mireille Jouve,

M. Guy-Dominique Kennel.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

application de la législation en matière de non-désignation des conducteurs par une entreprise

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, en remplacement de M. Yannick Botrel, auteur de la question n° 074, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Yannick Vaugrenard, en remplacement de M. Yannick Botrel. Je suis en effet le porte-voix de notre collègue Yannick Botrel, qui ne peut être présent aujourd’hui pour des raisons de santé.

La question de M. Botrel porte sur les difficultés résultant de la mise en œuvre de la législation en matière de non-désignation des conducteurs depuis le 1er janvier 2017.

Si cette évolution législative apparaissait souhaitable pour lutter contre des comportements peu civiques et dangereux qui avaient été constatés, son application pose en revanche de grandes difficultés pratiques, comme le font remarquer certaines associations d’automobilistes. En effet, les pouvoirs publics semblent avoir des difficultés à faire la distinction, du point de vue administratif, entre les entreprises disposant d’une flotte de véhicules, d’une part, et les particuliers utilisant leur véhicule personnel à des fins professionnelles, comme c’est notamment le cas pour les professions libérales, d’autre part.

Ainsi, de nombreux particuliers se voient adresser depuis le 1er janvier 2017 des amendes au montant très important, alors qu’ils ne sont pas concernés par les dispositions adoptées par la représentation nationale. M. Botrel s’interroge sur les raisons d’un tel résultat ; il souhaite que soit respecté l’esprit de la loi votée et que cessent ces pratiques qui pénalisent injustement et lourdement un grand nombre de nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur Vaugrenard, je vous prie avant tout de bien vouloir transmettre mes amitiés à M. Botrel.

Comme vous le savez, l’obligation de désignation s’imposait déjà aux représentants légaux de personnes morales avant le 1er janvier 2017. Le changement que constitue l’envoi d’un avis de contravention pour non-désignation permet de sanctionner un comportement qui, avant cette date, était déjà contraire aux obligations des représentants légaux et aux objectifs de la sécurité routière.

Depuis le 1er janvier 2017, les personnes morales dont le représentant légal ne désigne pas la personne physique qui a commis une infraction au volant d’un véhicule leur appartenant ou qu’elles détiennent reçoivent un avis de contravention pour non-désignation. L’envoi de ce nouvel avis de contravention doit mettre fin à la situation qui voit certains contrevenants ayant commis une infraction au volant d’un véhicule professionnel échapper au retrait de points. Il arrive même, dans certains cas, que la personne morale paie directement l’amende, en lieu et place du contrevenant. De tels procédés déresponsabilisent les auteurs d’infractions et sont contraires aux objectifs de sécurité routière.

Dès lors qu’un véhicule est enregistré dans le système d’immatriculation des véhicules au nom d’une personne morale, entraînant l’établissement d’un certificat d’immatriculation à son nom, son représentant légal a l’obligation de désigner le conducteur qui commet une infraction au volant de ce véhicule. Ni le fait que la personne morale porte le même nom que son représentant légal ni celui que ce représentant est le seul à conduire le véhicule ne sauraient l’exonérer de se désigner en tant que conducteur.

Les avis de contravention envoyés aux représentants légaux ne leur sont pas nommément adressés. Y figurent seulement la mention de la qualité de représentant légal du destinataire de l’avis, celle de la raison sociale de la personne morale qu’il représente, ainsi que l’adresse de cette dernière.

Afin de faciliter les démarches des représentants légaux, l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions, ou ANTAI, a procédé récemment à l’adaptation des documents qu’elle leur envoie dans le cadre du contrôle automatisé. Toutes les informations utiles aux représentants légaux ressortent ainsi de la lecture combinée de l’avis de contravention et de la notice de paiement qui lui est jointe.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour répondre à Mme la ministre.

M. Yannick Vaugrenard. Madame la ministre, je transmettrai vos amitiés à M. Botrel. J’ai bien entendu votre réponse. Il s’agit effectivement d’un problème très technique. J’espère que la facilitation des démarches pour les représentants légaux des personnes morales détenant ces véhicules permettra véritablement que l’application de la loi respecte l’esprit du texte voté par le législateur. Si tel est le cas, et sous réserve de vérifications, j’ose espérer que votre réponse donnera satisfaction à M. Botrel.

législation européenne relative au biocontrôle

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cuypers, auteur de la question n° 377, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Pierre Cuypers. Monsieur le ministre, l’agriculture française présente de nombreux atouts tant économiques que sociétaux. Le Gouvernement et sa majorité ne semblent cependant pas en être vraiment convaincus. Il est en effet déplorable de constater que le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous n’a toujours pas été adopté, pour les raisons que nous connaissons tous : la majorité de l’Assemblée nationale a tout bonnement renié ses votes de première lecture en commission mixte paritaire. Chacun appréciera ; il était important à mes yeux de le rappeler.

L’indépendance et la sécurité alimentaire constituent des enjeux stratégiques aux échelons tant européen que français face à un accroissement de la demande en production agricole et, notamment, végétale, dans un contexte d’augmentation de la population mondiale.

Si le climat tempéré de notre pays constitue un atout pour la diversité de nos productions, il est également source d’une forte diversité des bioagresseurs des cultures : ils sont plus de 10 000, évoluent et s’adaptent en permanence.

Dans ce contexte évolutif, monsieur le ministre, la santé des plantes est un enjeu au même titre que la santé humaine ou animale.

Pour y répondre, limiter les dégâts sur leurs cultures et satisfaire aux exigences des marchés, les agriculteurs ont besoin d’une diversité de solutions. Il peut s’agir de solutions agronomiques : ainsi, la mise en place de mesures prophylactiques comme la rotation des cultures ou les zones favorables aux auxiliaires. On peut aussi faire le choix de variétés résistantes aux agresseurs ou encore recourir, en cas de nécessité, à des produits phytopharmaceutiques pour protéger les cultures.

Face à la diversité des bioagresseurs et au vu du besoin de prévenir les risques d’apparition de résistances de ces derniers, il convient de combiner les méthodes en utilisant les produits de biocontrôle d’origine biologique ou minérale, mais également les produits de synthèse.

La mise au point de ces méthodes entraîne des coûts de recherche importants, de l’ordre de 250 millions d’euros pour une nouvelle substance. En outre, la recherche et le développement de ces produits requièrent une longue durée, onze ans en moyenne.

Ces investissements lourds nécessitent une anticipation et une fluidité des règles législatives et réglementaires relatives à la mise sur le marché de ces produits.

Ces derniers s’insèrent dans une réglementation européenne qui ignore la définition des produits de biocontrôle. Ce vide juridique rend le dispositif complexe et pose des difficultés d’interprétation entre les États membres.

L’application de la réglementation est en conséquence peu lisible et affecte les évaluations et les autorisations de mise sur le marché, ainsi que le système de contrôle.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, de bien vouloir m’indiquer les dispositions que le Gouvernement compte prendre pour clarifier la définition du biocontrôle aux niveaux européen et national, et de m’en préciser le calendrier.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le sénateur Cuypers, votre question porte sur les dispositions que le Gouvernement compte prendre pour clarifier la définition du biocontrôle au niveau européen.

Comme vous le mentionnez, une définition du biocontrôle et, plus précisément, des agents de biocontrôle a été introduite dans la réglementation française en 2014.

Cette définition indique que les agents de biocontrôle utilisent des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et qu’ils comprennent en particulier des macroorganismes, des microorganismes, des phéromones et des produits phytopharmaceutiques d’origine naturelle, qu’elle soit végétale, animale ou minérale.

Les règles d’autorisation et d’utilisation en France de chacune de ces catégories d’agents de biocontrôle sont parfaitement définies. Afin d’encourager le recours aux solutions de biocontrôle, l’État a prévu divers allégements, en particulier une réduction des délais et de la taxe d’évaluation.

De plus, les produits de biocontrôle restent autorisés lorsque les produits conventionnels sont interdits, que ce soit dans les espaces verts ouverts au public, depuis le 1er janvier 2017, ou pour les jardiniers amateurs, à partir du 1er janvier 2019.

La réglementation française encourage donc le recours aux produits de biocontrôle, qui concilient faible risque et origine naturelle.

La réglementation européenne, pour sa part, se limite à distinguer les substances en fonction du niveau de risque qu’elles présentent. Elle les répartit de ce point de vue entre cinq catégories : les substances de base, ou sans risque, les substances à faible risque, les substances conventionnelles, les substances à substituer dès que possible et les substances à interdire. Elle ne prend pas en compte l’origine naturelle des substances ; cette lacune a été mise en évidence par l’évaluation de la réglementation européenne en cours.

Le Gouvernement considère que le biocontrôle constitue, dans un certain nombre de situations, une alternative aux traitements chimiques conventionnels. D’ailleurs, le secteur du biocontrôle connaît en 2017 une croissance de plus de 25 %.

Le plan Écophyto II +, que mes collègues et moi-même avons présenté le 27 juillet dernier, prévoit de nouvelles dispositions pour soutenir le développement du biocontrôle.

La France défendra au niveau européen la promotion du biocontrôle et l’introduction d’une définition au sein la réglementation européenne, notamment dans le cadre de la future révision du règlement (CE) n° 1107/2009 sur les produits phytopharmaceutiques.

Cette vision est déjà partagée par un des colégislateurs : dans une résolution du 15 février 2017, le Parlement européen a souligné la nécessité de réviser la législation européenne pour favoriser le développement des pesticides à faible risque d’origine biologique.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour répondre à M. le ministre.

M. Pierre Cuypers. Votre réponse, monsieur le ministre, ne me satisfait pas pleinement.

Il serait regrettable que la France et l’Europe ne parviennent pas à trouver des solutions communes pour le biocontrôle. Cette filière dynamique au fort potentiel pourrait conforter notre industrie et notre agriculture.

statut des pêcheurs professionnels en eau douce

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron, auteur de la question n° 406, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, en cette fin de session parlementaire particulièrement dense, je vous propose une pause avant la trêve estivale, un moment de calme tel qu’on peut en vivre auprès des pêcheurs en eau douce.

J’ai récemment participé à une émission de la chaîne Public Sénat, intitulée Manger cest voter, que je vous conseille de regarder si ce n’est déjà fait. Ce programme met à l’honneur des producteurs locaux qui se battent pour promouvoir le bien-manger. C’est ainsi que j’ai eu l’occasion de rencontrer M. Philippe Vignac, pêcheur de lamproie qui porte, dans mon département, l’ambition de préserver une pêche traditionnelle, artisanale et respectueuse de notre environnement. M. Vignac est par ailleurs président de l’association départementale des pêcheurs professionnels en eau douce.

C’est par lui et par le comité national de la pêche professionnelle en eau douce que j’ai été sensibilisée aux enjeux de cette profession. Ce comité représente près de 400 membres répartis autour de nos estuaires, de nos lacs et de nos rivières, sur l’ensemble du territoire français.

Une grande majorité d’entre eux sont assimilés à des agriculteurs du fait de leur affiliation à la mutualité sociale agricole, la MSA. Les autres dépendent du régime social de l’Établissement national des invalides de la marine, de par leur statut de marin pêcheur.

Ces pêcheurs veulent aujourd’hui voir leur profession reconnue statutairement comme une activité agricole pour une meilleure lisibilité juridique, sociale et fiscale. Ils pourraient alors relever à part entière des dispositifs rattachés, notamment au titre du régime des calamités agricoles et du regroupement en coopérative agricole.

J’avais déposé un amendement à cette fin lors de l’examen du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Hélas, il n’a pu passer sous les fourches caudines de l’article 40 de la Constitution, comme cela était prévisible.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je vous interroge ce matin : je veux porter auprès de vous cette légitime demande de reconnaissance. La pêche professionnelle en eau douce ne peut-elle être aujourd’hui considérée comme une activité agricole ?

Je souhaiterais connaître votre intention, monsieur le ministre, concernant les revendications légitimes de ces professionnels.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Madame la sénatrice Françoise Cartron, votre question porte sur l’exclusion de la pêche professionnelle en eau douce de la définition de l’activité agricole par le code rural et de la pêche maritime.

Vous n’ignorez pas que, selon une pratique administrative constante, le responsable d’une entreprise de pêche professionnelle en eau douce est considéré comme un chef d’exploitation agricole, une telle entreprise pouvant être assimilée à une exploitation piscicole, donc agricole, notamment du fait de la détention très fréquente des captures vivantes dans des viviers avant leur valorisation.

En outre, les pêcheurs professionnels en eau douce sont affiliés à la MSA. Ils sont également soumis à la TVA agricole.

La qualification de la pêche professionnelle en eau douce en tant qu’activité agricole n’a cependant jamais été explicite.

L’action du Gouvernement sur ce sujet est simple. Aux fins de clarification définitive, et en vue d’éviter toute ambiguïté à l’avenir, la modification des articles L. 311–1 et L. 722–1 du code rural et de la pêche maritime pourrait se révéler opportune.

Cette reconnaissance comme activité agricole n’aurait pas de conséquence pour l’accès aux aides européennes, puisque les pêcheurs professionnels en eau douce relèvent du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, ou FEAMP.

Cette reconnaissance permettrait une sécurisation juridique et une simplification pour les pêcheurs professionnels en eau douce.

Il convient néanmoins d’approfondir cette question. La profession a récemment saisi le Gouvernement pour évaluer de manière globale l’impact d’une telle reconnaissance sur leurs activités. Le travail est en cours.

Des amendements ont été déposés sur des projets de loi en cours d’examen, dont le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Ces amendements n’ont pu être retenus, car ils constituaient des cavaliers législatifs ou ne passaient pas l’obstacle de l’article 40 de la Constitution.

Si l’expertise en cours conclut qu’il serait intéressant de clarifier la reconnaissance de cette profession comme activité agricole, je soutiendrai bien évidemment toute proposition de loi en ce sens. Une telle proposition de loi pourrait d’ailleurs englober d’autres difficultés identifiées de même nature, comme le régime applicable à la saliculture. Il est en tout cas important de préciser que nous souhaitons avancer dans la reconnaissance du travail des pêcheurs professionnels en eau douce.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour répondre à M. le ministre.

Mme Françoise Cartron. Merci, monsieur le ministre : nous entendons vos propos comme une porte ouverte. Il ne nous reste plus qu’à nous mettre au travail afin qu’une proposition de loi offre à ces pêcheurs cohérence et simplification.

reconnaissance de la saliculture comme activité agricole

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 407, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Daniel Laurent. Monsieur le ministre, ma question porte sur la reconnaissance de la saliculture comme activité agricole.

Sur l’initiative de M. Bruno Retailleau, nous avons été nombreux à nous associer à la proposition de loi n° 508 du 12 avril 2017 tendant à reconnaître la saliculture comme activité agricole.

Si l’exploitation du sel marin issu des marais salants est considérée comme une activité agricole dans de nombreux domaines – foncier, exploitation agricole, production, statut professionnel –, force est de reconnaître que les effets de la reconnaissance de la saliculture comme activité agricole sont assez divers, cette reconnaissance étant partielle et incertaine.

En effet, la définition de l’activité agricole qui figure à l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime fait actuellement obstacle à cette reconnaissance, alors que ce même code s’applique à cette activité et à ses producteurs.

Les saliculteurs ne maîtrisent donc pas pleinement leur statut professionnel, faute d’avoir une connaissance complète de leurs droits et obligations.

Monsieur le ministre, en février dernier, dans votre correspondance sur le statut des saliculteurs, vous m’indiquiez être prêt à soutenir les propositions législatives visant à simplifier et à mettre en cohérence la réglementation nationale.

Forts de cette réponse, nous pensions que le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous était le bon vecteur. Or les amendements déposés au sein de ce texte ont été déclarés irrecevables, soit au titre de l’article 40 de la Constitution, soit comme cavaliers législatifs. Dont acte !

Les sauniers sont actuellement en pleine récolte de sel et de cueillette de fleur de sel. J’espère que nous pourrons enfin leur annoncer une bonne nouvelle.

Elle est d’autant plus attendue que les sauniers de l’Atlantique sont particulièrement inquiets à la suite du feu vert donné par l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO, à l’indication géographique protégée « Fleur de sel de Camargue ». La méthode de production du groupe industriel Salins et la nature de ses produits ne sont pourtant en rien comparables à celles des producteurs artisanaux de nos marais salants. Depuis plus de dix ans, les sauniers sollicitent une protection de l’appellation. Si cette décision de l’INAO devait être entérinée, elle mettrait à mal la démarche de spécialité traditionnelle garantie en cours et pourrait encourager concurrence déloyale et autres contrefaçons.

En conséquence, monsieur le ministre, quelles réponses pouvez-vous nous apporter pour conforter le renouveau de la saliculture artisanale, tant du point de vue de la viabilité économique que de celui de la reconnaissance d’un produit de terroir de qualité ? La saliculture, comme activité agricole, a besoin d’une réponse ferme et définitive !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le sénateur Daniel Laurent, vous avez parfaitement raison : il nous faut avancer sur cette question.

La situation présente peut effectivement poser des difficultés dans plusieurs domaines que vous connaissez bien, tels que la sécurisation de l’activité salicole au sein des coopératives agricoles et la reconnaissance en organisation de producteurs. La pratique administrative assimile néanmoins déjà les saliculteurs à des agriculteurs du point de vue social, du fait de leur affiliation à la MSA, mais aussi fiscal, puisqu’ils sont soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles.

Une modification de l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime sécuriserait la situation de fait des coopératives et des sociétés de forme agricole exerçant une activité salicole.

Cette reconnaissance comme activité agricole n’aurait pas de conséquence pour l’accès aux aides européennes, puisque le sel ne figure pas à l’annexe I du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Outre une sécurisation juridique et une simplification pour les administrés, cette reconnaissance permettrait aux saliculteurs d’être éligibles à certains programmes du Fonds national de gestion des risques en agriculture, le FNGRA, en contrepartie d’une contribution des saliculteurs.

Vous avez rappelé que des amendements ont été déposés à cette fin au sein du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Ces amendements n’ont pu être examinés, car ils constituaient des cavaliers législatifs.

En revanche, j’ai souhaité qu’une réflexion parlementaire soit mise à contribution sur ce sujet pour répondre rapidement aux questions et aux légitimes préoccupations des saliculteurs concernant une activité économique qui s’exerce sur bien des territoires.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent, pour répondre à M. le ministre.

M. Daniel Laurent. Monsieur le ministre, vous m’aviez fait la même réponse devant la commission des affaires économiques et par courrier.

Vous savez ce qui vous reste à faire : les saliculteurs n’ont pas besoin simplement d’une réflexion parlementaire, mais d’une vraie réponse ! Cette réponse ne saurait venir dans deux ou trois ans : eux, ils travaillent, ils sont tous les jours au turbin ! Si vous voulez que des jeunes s’installent et conservent l’ambition de faire perdurer cette profession, il faut les protéger et les soutenir, réellement et non virtuellement !

Je vous remercie, monsieur le ministre, de prendre en considération cette demande et de vous montrer très actif et réactif.

remède contre le feu bactérien

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, auteur de la question n° 414, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le ministre, je souhaitais attirer votre attention sur le feu bactérien, maladie grave provoquant la nécrose des organes et pouvant entraîner la mort de l’arbre.

C’est la bactérie Erwinia amylovora qui est à l’origine de cette maladie. Cette bactérie, présente naturellement dans l’environnement, se propage notamment par l’intermédiaire des insectes pollinisateurs et de l’aspersion, mais aussi à partir des plantes hôtes – aubépines, sorbiers, pyracantha – situées à proximité des vergers.

Les zones de production de poires sont fortement touchées et, dans une moindre mesure, celles de pommes. Chaque année, de nouveaux foyers sont signalés en France comme chez nos voisins ; aucune région n’est épargnée. Actuellement, tout le matériel végétal est contaminé et peu de porte-greffes sont tolérants à la bactérie.

Une journée chez les arboriculteurs du val de Durance a d’ailleurs été organisée la semaine dernière dans mon département des Hautes-Alpes ; le département voisin des Alpes-de-Haute-Provence est lui aussi affecté. Les dégâts sont importants, notamment sur les arbres qui ont été récemment renouvelés ; les jeunes vergers, de moins de cinq ans, et les arbres surgreffés semblent en effet plus vulnérables.

C’est pourquoi la lutte contre le feu bactérien doit être traitée à la hauteur du danger qu’il représente pour la production française.

Sans négliger la recherche sur le long terme et l’approche curative sur le moyen terme, la lutte préventive à court terme doit elle aussi faire l’objet de toute notre attention, faute de quoi la bactérie se propagera et fera disparaître nos vergers alpins.

Les derniers essais prouvent que le BION 50 WG – fongicide qui induit une réaction de défense naturelle – est actuellement le produit le plus efficace. Il est autorisé en Europe, mais ne l’est pas en France.

Par conséquent, monsieur le ministre, je vous serais très reconnaissante de bien vouloir m’indiquer pourquoi la dérogation a été refusée pour l’usage de ce produit sur les pommiers et poiriers, alors qu’elle a été accordée, en 2018, pour son utilisation contre la bactériose du kiwi.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Madame la sénatrice Morhet-Richaud, le feu bactérien touche de façon cyclique les arbres fruitiers et ornementaux à pépins : pommiers, poiriers, néfliers et cognassiers.

C’est un danger sanitaire de deuxième catégorie, pour lequel, selon l’importance et la configuration du foyer découvert, des mesures d’assainissement sont obligatoires, par la taille ou la destruction des végétaux.

Ces mesures visent les pépinières, leur environnement et certaines zones de protection. Elles peuvent être étendues aux vergers de production par décision préfectorale.

Le traitement de cette bactériose végétale est assez délicat et les produits actuellement autorisés ont une efficacité limitée.

Le ministère de l’agriculture et de l’alimentation a été saisi au printemps dernier d’une demande de dérogation visant à autoriser l’emploi du produit BION 50 WG pour la lutte contre le feu bactérien du pommier et du poirier. Ce produit est un stimulateur de la défense des plantes, autorisé sur cultures ornementales, sur le bananier et sur la tomate. Ce produit ne présente lui aussi qu’une efficacité partielle.

Je vous rappelle que l’évaluation des substances se fait au niveau européen ; celle des produits contenant ces substances, au niveau national.

La substance active qui compose ce produit a donc été approuvée au niveau européen en 2016 ; cette approbation a toutefois été assortie d’une réserve à destination du fabricant, qui devait fournir des informations complémentaires avant le 1er juin 2017 concernant le potentiel de perturbation endocrinienne de la substance.

En parallèle, une demande d’autorisation pour l’utilisation du produit sur les pommiers et les poiriers a été déposée à l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. L’évaluation de cette demande est toujours en cours.

Les premiers éléments de cette évaluation mettent néanmoins en évidence un risque inacceptable pour l’opérateur lors de l’application sur les pommiers. Aussi, il n’a pas été possible de donner une suite favorable à la demande d’autorisation dérogatoire.