M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.

M. Michel Amiel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, sujet technique s’il en est, la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui est simple, courte et toutefois pleine de conséquences et – oserais-je dire – d’espoir.

Cette proposition cherche à orienter l’attribution d’un dossier de demande d’essais cliniques vers des comités de protection de personnes – CPP – « disponibles et disposant de la compétence nécessaire ».

Les CPP sont chargés d’émettre un avis préalable sur les conditions de validité de toute recherche impliquant la personne humaine. Ils se prononcent sur les conditions dans lesquelles le promoteur – celui qui prend l’initiative d’une recherche, par exemple le laboratoire – assure la protection des personnes, et notamment des participants, ainsi que sur le bien-fondé du projet de recherche, sa pertinence et sa qualité méthodologique. En bref, cette formation s’assure de la qualité éthique du projet de recherche.

Dans la sélection des CPP, la randomisation – terme du jargon médical qui signifie tirage au sort – trouve sa source dans la loi Jardé de 2012.

Ainsi, afin d’éviter les conflits d’intérêts, les promoteurs de recherches sur les personnes humaines ne pouvaient plus choisir les comités validant leurs projets.

Dans son rapport, notre commission a réaffirmé son attachement au système de désignation aléatoire et la profonde conviction de la pertinence de ce système. Ce mécanisme, je cite, « réduit mécaniquement les risques de proximité entre le promoteur d’un projet de recherche et le CPP saisi de son évaluation éthique. »

Le tirage au sort constitue un élément important de prévention des conflits d’intérêts.

Toutefois, la situation et les délais actuels de traitement des dossiers par ces CPP peuvent apparaître préoccupants. En effet, comme le rappelait Mme la ministre des solidarités et de la santé, la moyenne de traitement des dossiers est actuellement de 71 jours, soit 15 jours de plus que les délais légaux, ce qui est d’autant plus préoccupant que le nombre de dossiers examinés par les CPP s’accroît.

Aussi, la proposition de loi vise à établir une répartition optimale de la charge de travail entre les trente-neuf CPP.

C’est pourquoi le groupe La République En Marche, que je représente, défend la position de la commission, qui admet que la modulation de ce tirage au sort « au moins à titre transitoire » permettra de répondre au problème et de fluidifier le traitement des dossiers de recherche.

Je défends cette mesure et voterai ce texte, d’autant plus qu’elle figurait dans le rapport d’information sur l’accès précoce aux médicaments innovants de nos collègues Yves Daudigny, Catherine Deroche et Véronique Guillotin, fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales.

N’oublions toutefois pas que ce rapport préconisait aussi, je cite, « un renforcement du niveau d’expertise de tous les CPP par la mise en place de formations adaptées et d’un réseau d’experts rapidement mobilisables ». M. le rapporteur vient de le rappeler.

Alors que les questions de bioéthique sont au cœur de l’actualité, nous avons ici l’opportunité d’améliorer de manière réelle et efficace la recherche médicale en France, en nous assurant que les spécialistes concernés pourront se prononcer plus rapidement sur des recherches qui, espérons-le, conduiront à des avancées thérapeutiques majeures. Mais il s’agit aussi de ne pas laisser se creuser un fossé entre l’industrie pharmaceutique française et celle d’autres pays, peut-être moins sensibilisés aux questions éthiques. (MM. Didier Rambaud et Daniel Chasseing, ainsi que Mmes Mireille Jouve et Catherine Deroche applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’objet de cette proposition de loi a déjà été largement évoqué et je n’en développerai pas davantage la genèse.

Les parlementaires qui sont à l’origine de ce texte déplorent les difficultés rencontrées par les comités de protection des personnes, qui sont bien souvent dans l’incapacité d’évaluer les projets de recherche dans le délai de 45 jours qui leur est imparti. Ils affirment que ces délais trop longs obligent les promoteurs à repousser la mise en œuvre de leurs projets, parfois de plusieurs mois, ce qui nuit à la recherche médicale en France.

Nous partageons ce constat : oui, les délais d’évaluation des projets sont parfois trop longs et oui, certains comités manquent d’experts compétents.

Pour autant, la solution apportée est une fausse bonne idée, qui peut aggraver les défauts dénoncés, au lieu de les supprimer.

Il ressort des auditions que les comités manquent de moyens humains et financiers. En effet, le budget qui leur est alloué stagne, voire diminue, alors que le nombre de dossiers à examiner est en croissance constante.

En outre, l’accès aux experts est inégal, ce qui résulte non seulement de leur nombre restreint dans certains domaines complexes, mais également du manque d’attractivité, au sein des comités de protection des personnes, de la fonction de rapporteur, très faiblement indemnisée.

Or la solution préconisée par cette proposition de loi n’est pas de donner aux comités les moyens nécessaires à l’exercice effectif de leurs missions, et notamment celle, centrale, de veiller à la protection des personnes qui se prêtent à une recherche médicale.

La solution proposée consiste à réduire le nombre de comités parmi lesquels le tirage au sort est effectué. En réduisant ainsi la part de hasard, ne prend-on pas le risque de porter un coup à l’indépendance et à l’impartialité des comités ? En effet, le comité reconnu comme spécialiste de telle ou telle question pourra être facilement identifié. Cela ouvre la porte à de potentielles collusions entre lesdits comités et les promoteurs de projets, bien souvent des industriels, qui ont intérêt à ce que leur projet soit validé, et le plus vite possible, du fait d’enjeux financiers élevés.

Par ailleurs, la mise en place de ce système ne présente aucune garantie démocratique. Mme la ministre des solidarités et de la santé nous a assuré, en commission, que la mise en relation entre les comités et les promoteurs des projets s’effectuerait au moyen d’un système informatique. Mais de simples algorithmes ne présentent pas des garanties suffisantes ! On ne sait pas comment ils sont développés, ni qui s’en servira.

Enfin, on ne sait pas quelles mesures seront prises pour éviter d’éventuels conflits d’intérêts.

Pour nous, la seule façon d’assurer le bon fonctionnement des comités et de garantir le respect de l’intégrité de la personne humaine est de donner des moyens financiers suffisants à ces comités, afin qu’ils puissent fonctionner de la façon la plus efficace possible.

Vous dites vouloir renforcer l’attractivité de la France dans le domaine de la recherche, ce qui paraît légitime puisque la recherche concourt au progrès médical.

Mais le secteur de la recherche est également un marché, dans lequel les entreprises sont en concurrence et cherchent à réduire les délais et les coûts. Pour cette raison, les exigences en la matière doivent être fortes. Or cette proposition de loi donne le sentiment de céder en priorité à des considérations économiques.

Tout nous appelle aujourd’hui – je pense notamment aux différents scandales sanitaires qui ont, hélas, marqué l’actualité récente – à agir afin que les autorités publiques reprennent le contrôle sur les intérêts privés, en renforçant les moyens et les pouvoirs des comités de protection des personnes, mais également des autres organes publics amenés à intervenir sur les questions de santé.

Nous le savons toutes et tous ici : le marché du médicament est une source considérable de profits, avec un chiffre d’affaires dépassant 1 000 milliards d’euros au plan mondial ! Nous ne pouvons laisser cette logique marchande prendre le pas sur la satisfaction des besoins de santé publique. C’est une question fondamentale liée à la maîtrise publique et à la transparence de la recherche médicale.

Pensez-vous réellement que ce soit le rôle de l’industrie pharmaceutique de financer la recherche, de se charger de l’information médicale ou encore de la formation continue des médecins ?

N’est-il pas temps, madame la secrétaire d’État, de donner aux pouvoirs publics un outil qui permettrait de sortir la chaîne du médicament de la loi du marché, ce qui passe, outre la production et la distribution des médicaments, par le développement de la recherche publique ? C’est tout le sens de notre proposition de pôle public du médicament en France et en Europe.

Parce que cette proposition de loi n’est pas assez ambitieuse et qu’elle ne répond pas au diagnostic, que nous partageons par ailleurs, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste ne pourra pas la voter !

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi entend résoudre le problème de l’allongement des délais de réponse des comités de protection des personnes, les CPP, désignés par tirage au sort et dont l’avis positif est indispensable à la réalisation d’un projet de recherche impliquant des personnes humaines.

Si le consensus est sans équivoque quant aux difficultés auxquelles font face les CPP, les moyens d’y remédier divergent et ne portent pas en leur sein les mêmes répercussions.

Les difficultés des CPP résident dans la baisse de leur budget de fonctionnement de 200 000 euros depuis leur création et dans la mise à disposition de chacun d’entre eux d’un seul équivalent temps plein de secrétariat, qui doit gérer un flux de demandes passé de trois ou quatre dossiers mensuels avant la réforme à désormais neuf ou dix. En outre, je rappelle que leurs membres sont bénévoles, il leur est donc difficile de consacrer plus d’une journée par mois à l’étude des projets.

La réponse la plus rapide et efficace à ces enjeux est-elle de nature législative ? Le doute est d’autant plus permis que l’auteur de la proposition de loi lui-même ne se cache pas de dire qu’elle n’a pas vocation à résoudre l’ensemble des problèmes…

Et nous ne sommes pas seulement dubitatifs quant aux supposées améliorations concrètes que permettrait la modification législative, car la liste des zones d’ombre est importante et les éléments de réponse apportés en commission n’ont pas permis de les dissiper.

En premier lieu, nos doutes portent sur l’opportunité, y compris sur le plan temporel, de toucher par voie de proposition de loi, donc sans étude impact, au corpus législatif issu de la loi Jardé, fruit de longs débats parlementaires en 2012, et ce alors que nous serons saisis dans les prochains mois d’une loi de bioéthique, qui aurait sans nul doute constitué un cadre approprié pour débattre, en connaissance, de l’ensemble des éléments et peser le poids de la nécessité et des implications de cette modification législative.

En second lieu, pourquoi modifier la loi à l’approche de l’entrée en vigueur, au plus tard courant 2020, du règlement européen sur les essais cliniques de médicaments, qui instaurera de fait un cadre exigeant en matière de délais de traitement des dossiers ?

Ce cadre sera non seulement à même de satisfaire les calendriers contraints des promoteurs de recherches, académiques comme privés, mais permettra également de sortir d’une logique de compétition entre pays européens au profit de la compétitivité européenne au niveau mondial.

En France, les acteurs concernés n’ont d’ailleurs pas attendu l’entrée en vigueur de ce nouveau cadre pour se préparer à ses nouvelles exigences en matière de délai : nous avons en effet été le premier pays à lancer une phase pilote de deux ans afin de simuler le futur cadre et ainsi travailler sur la réduction des délais d’évaluation.

Il convient à cet égard de souligner la forte mobilisation des acteurs – la direction générale de la santé, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ou ANSM, les CPP et l’ensemble des promoteurs privés comme académiques qui y ont participé – et les résultats positifs ainsi obtenus, qui ont été présentés par l’ANSM à la fin de 2017. L’Agence s’est même fixé pour objectif d’instruire la moitié des demandes selon les futures exigences européennes sur l’année 2018, illustrant ainsi que les efforts à consentir sont essentiellement de nature organisationnelle et financière.

Nos préoccupations ont également trait aux implications de la proposition de loi, qui introduit une pondération du caractère aléatoire de la désignation des CPP selon deux critères : la disponibilité et la compétence pour évaluer un projet de recherche.

Premièrement, les modifications proposées renvoient à la mise en œuvre – l’opérationnalité du principe de désignation aléatoire – et relèvent par conséquent davantage du domaine réglementaire que du domaine législatif.

Pour preuve, l’article L. 1123–6 du code de la santé publique, dont il est question de modifier le premier alinéa, n’a pas d’autre objectif que de consacrer le principe de désignation aléatoire, rempart pensé par le député Jardé contre les potentiels conflits d’intérêts. L’article renvoie ainsi la détermination des conditions de la désignation aléatoire à un autre article, le L. 1123–14, qui dispose quant à lui que ces conditions sont fixées par un décret en Conseil d’État.

Je pense que nous trouverions tous ici de bon sens que la partie réglementaire du code prévoie que le tirage au sort se fasse parmi les 39 CPP, dont le plan de charge permet l’étude d’un dossier dans les délais impartis, mais c’est bien le Gouvernement qui est habilité sur ce point, il n’y a nul besoin de toucher à la loi !

L’introduction du critère de compétence dans l’article L. 1123–6 est potentiellement plus problématique et nous ne disposons pas d’éléments sur la traduction concrète d’une telle modification.

Comment s’assurer que suffisamment de CPP se déclarent compétents sur une aire thérapeutique ? Devrions-nous déterminer un seuil minimal de candidats pour sécuriser le caractère aléatoire de la désignation ? Et comment fixer ce seuil ?

Ces questions laissent à penser que l’enjeu ne réside pas dans les compétences parmi les membres permanents des CPP, mais bien dans la manière dont ces derniers pourraient, par un dispositif souple et réactif, tel qu’un réseau de spécialistes agréés, accéder rapidement à l’expertise nécessaire.

Une piste tout à fait prometteuse, soutenue par les associations de patients, est la constitution d’une liste d’experts à laquelle les CPP pourraient se référer. Or celle-ci, malgré le fait qu’elle soit inscrite parmi les missions de la commission nationale des recherches sur les personnes humaines, n’existe toujours pas.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste et républicain s’abstiendra sur ce texte. (Mmes Michelle Meunier et Martine Filleul applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 6 juin dernier, je prenais la parole à cette même tribune pour apporter mon soutien à la proposition de loi du président Milon autorisant les analyses génétiques sur personnes décédées. Cette proposition de loi a un point commun avec celle que nous examinons aujourd’hui : elles portent toutes les deux l’ambition d’une politique de santé plus efficiente en termes de prise en charge précoce et d’accès à l’innovation.

Je ne peux que me réjouir, cette fois-ci, du soutien du Gouvernement. Dans son discours devant le Conseil stratégique des industries de santé, le 10 juillet, le Premier ministre a en effet présenté des mesures relatives aux essais cliniques, notamment la réduction du délai de réponse des CPP à moins de 60 jours.

Un tel engagement est à saluer. En effet, l’innovation en santé est une chance, une opportunité majeure pour les patients atteints de maladies chroniques et graves, notamment dans le domaine de l’oncologie, mais comme cela a été rappelé, c’est aussi un atout pour la vitalité économique et le rayonnement de notre pays.

Car il y a effectivement, en France, une économie de la recherche qui se porte bien, mais qui peine à conserver sa place parmi les leaders mondiaux. Face aux concurrents émergents, les trois pays les plus attractifs d’Europe – la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France – doivent être en capacité d’adapter leurs procédures au nouveau contexte international.

Dans notre pays, l’innovation s’appuie depuis de très nombreuses années sur une exigence éthique, qui doit absolument être préservée. Certains ont pu émettre des craintes quant à d’éventuelles conséquences de cette proposition de loi. Pour ma part, j’ai la conviction que l’équilibre entre exigence éthique et adaptabilité du système permettra de garantir son efficience.

J’ai surtout la conviction qu’il faut agir. Avec mes collègues Catherine Deroche et Yves Daudigny, nous avons rédigé un rapport sur l’accès précoce aux médicaments innovants, dans lequel nous rappelions que l’accélération des innovations pose de nouvelles problématiques en matière de rapidité et d’équité d’accès à ces traitements. Pour certains patients, il peut tout simplement s’agir d’une question de vie ou de mort.

Bien conscients du caractère prioritaire de l’expertise en matière d’essais cliniques, nous avions formulé, dans ce rapport, dix-huit propositions, dont celle de conforter les essais cliniques comme voie d’accès précoce aux traitements innovants, en renforçant notamment les CPP et leur expertise. Nous avons donc proposé d’adapter le système de tirage au sort, en prévoyant que celui-ci s’applique à un groupe restreint de CPP spécialisés, en fonction du domaine concerné par l’essai clinique.

Depuis 2016, l’attribution des projets de recherche aux différents CPP s’effectue par tirage au sort simple. Nous sommes tous d’accord pour considérer ce tirage au sort comme nécessaire face aux conflits d’intérêts.

Cependant, il nous faut également en mesurer les limites, notamment l’allongement des délais d’évaluation. Désignés de manière aléatoire pour l’examen d’un projet de recherche sur lequel ils n’ont pas les compétences en interne, certains CPP font appel à des avis extérieurs, ce qui allonge naturellement le délai d’évaluation. La composition des trente-neuf CPP n’étant pas homogène sur tout le territoire, il nous paraît nécessaire d’adapter ce tirage au sort pour qu’il s’applique effectivement à un groupe de comités disposant du niveau d’expertise requis pour chaque essai clinique.

Il s’agit d’une question de bon sens, qui ne remet en cause ni l’exigence éthique ni la sécurité des patients. Il s’agit notamment de s’adapter au droit européen, qui nous mettra face à nos dysfonctionnements dès 2020, en entraînant par défaut un avis favorable des CPP ne répondant pas dans les délais prévus. Sans adaptation de notre système, cette réglementation européenne fait peser un risque sur la sécurité des personnes, un risque qui nous force à agir.

Dans le même temps, il est nécessaire d’accroître le niveau d’expertise de tous les CPP grâce à des formations et à un réseau d’experts rapidement mobilisables. Comme notre rapporteur, j’insiste sur la nécessaire montée en compétences de l’ensemble des CPP. La liste de leurs expertises ne doit pas rester figée dans le temps, sous peine de voir ressurgir les risques de conflits d’intérêts. Dans notre rapport, nous avons également souligné l’importance de l’harmonisation des procédures d’évaluation et bien entendu du renforcement des moyens administratifs des comités. Sur ces différents points, nous resterons attentifs aux mesures concrètes qui seront proposées sur le terrain.

Bien que les auteurs de cette proposition de loi laissent au Gouvernement le soin de s’engager sur les moyens alloués aux CPP, ils apportent un début de réponse à la fragilisation de notre modèle.

L’engagement du Gouvernement à faire appliquer cette disposition dans les meilleurs délais nous pousse à l’optimisme. Gageons que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 et la nouvelle transformation de notre système de santé feront montre d’une même ambition en termes d’accès précoce aux innovations ! Dans cette attente, le groupe du RDSE votera en faveur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mmes Catherine Deroche et Sylvie Vermeillet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes saisis de l’examen de la proposition de loi relative à la désignation aléatoire des comités de protection des personnes. Examiné selon la procédure de législation en commission, ce texte n’a fait l’objet d’aucun amendement.

Les comités de protection des personnes ont pour mission d’analyser les projets de recherche impliquant la personne humaine. Ils déterminent si les protocoles envisagés sont de nature à préserver les droits, la sécurité et le bien-être des participants. À cette dimension éthique s’ajoute une mission scientifique d’évaluation de la méthodologie et de la pertinence de la recherche envisagée.

C’est le secrétariat de la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine qui réalise le tirage au sort désignant le CPP chargé d’instruire un projet de recherche parmi les trente-neuf comités agréés par le ministère de la santé.

Or, pour les raisons développées dans l’excellent rapport de notre collègue Jean Sol et rappelées par plusieurs collègues, l’allongement des délais de traitement pourrait compromettre le déploiement en France des projets de recherche les plus innovants. Ce sera a fortiori le cas au moment de l’application du règlement européen qui s’y rapporte et qui permettra au promoteur de choisir l’État membre rapporteur sur son projet de recherche.

Dans le même temps, le Gouvernement souhaite le renforcement de l’attractivité de la recherche clinique française. Il veut d’ailleurs en faire l’un des axes prioritaires du 8e Conseil stratégique des industries de santé.

Précisément, la présente proposition de loi pourrait permettre à la France non seulement de conserver son attractivité en matière de recherche scientifique, mais aussi et surtout de garantir sa compétitivité en la matière.

Pour autant, le manque de moyens est patent. Certains CPP ont, effectivement, une charge de travail trop lourde et ne peuvent tenir les délais réglementaires. Par exemple, le secrétariat des CPP est souvent assuré par un seul équivalent temps plein et les périodes de congés et les arrêts maladie sont susceptibles de paralyser leur fonctionnement.

En outre, depuis la mise en place de la procédure du tirage au sort, les projets peuvent être adressés à des CPP ne disposant pas d’experts nécessaires à leur examen.

Notre rapporteur a noté que le concours d’experts spécialistes du champ de recherche est limité par la faible attractivité de cette fonction, indemnisée à hauteur de 67 euros bruts par dossier.

Madame la secrétaire d’État, pour toutes ces raisons, une revalorisation du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » de la mission « Santé » correspondrait à l’objectif visé par le Gouvernement.

J’ajoute que le niveau d’expertise élevé que requièrent des projets toujours plus à la pointe épuise par voie de conséquence le vivier des spécialistes.

Enfin, la procédure actuelle ne permet pas aux CPP de se dessaisir une fois que le tirage au sort est effectué. Ainsi, même s’il est incapable techniquement de procéder à l’examen du projet, la seule issue pour le CPP est d’attendre l’extinction du délai réglementaire. Il le fait alors sans prononcer d’avis, ce qui équivaut à un rejet. Dès lors, cela relance un tirage au sort pour obtenir l’avis d’un CPP compétent. Ces lenteurs clairement identifiées finiront par disqualifier la France en la matière.

L’article unique de cette proposition de loi vise à s’assurer que le tirage au sort attribue un projet à un CPP disponible et compétent. Ce principe ne remet pas en cause la prévention des risques de proximité entre le promoteur d’un projet de recherche et le CPP saisi de son évaluation éthique.

Cette proposition de loi est susceptible de réduire le temps de traitement de l’examen des projets et elle mérite d’être soutenue. Il est toutefois urgent de doter les CPP d’aides financières et d’un appui administratif plus adéquat.

Vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, le groupe Union Centriste considère que ce dispositif est un levier, mais qui devra être complété. C’est pourquoi j’appelle votre attention sur les recommandations faites par M. le rapporteur, tout en vous confirmant le vote favorable de notre groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre assemblée se penche aujourd’hui sur la question du régime législatif des recherches impliquant la personne humaine. La loi Jardé du 5 mars 2012 a apporté des améliorations significatives à ce régime en créant une catégorie unique de recherche et trois sous-catégories de recherche. Toute expérimentation ou tout essai organisé et pratiqué sur l’être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales est donc aujourd’hui encadré par la loi.

Dans le fonctionnement de ce régime, les comités de protection des personnes, dits CPP, ont un rôle essentiel. Ils sont en effet chargés d’émettre un avis préalable sur les conditions de validité de toute recherche impliquant la personne humaine au regard des critères définis dans le code de la santé publique. Ils se prononcent donc sur les conditions dans lesquelles le promoteur de la recherche assure la protection des personnes impliquées, notamment des participants, ainsi que sur le bien-fondé, la pertinence du projet de recherche et sur sa qualité méthodologique.

Ces CPP sont aujourd’hui agréés par le ministère de la santé pour une durée de six ans, avec une compétence régionale. Afin d’assurer leur efficience et leur transparence, ils sont composés de manière pluridisciplinaire, avec 14 membres titulaires et 14 membres suppléants, répartis sur deux collèges et exerçant leurs fonctions de manière bénévole. Il convient d’ailleurs de rappeler, pour le saluer, le fait que ces personnes sont toutes soumises à l’obligation de déclaration publique d’intérêts afin que nul ne puisse contester la décision de ces comités.

Cet édifice juridique est cependant biaisé. En effet, la composition des CPP est très variable d’un territoire à l’autre, au point que certains de ces comités ne peuvent pas garantir l’expertise nécessaire à l’évaluation des projets de recherche. En effet, la mécanique du tirage au sort a conduit à la nomination de CPP dont aucun membre ne disposait de l’expertise suffisante pour l’examen d’un projet de recherche dont il était saisi. Cette situation absurde doit être corrigée en introduisant le principe d’un tirage au sort modulé par des critères de compétence et de disponibilité, afin de ne pas pénaliser en France l’innovation et la réalisation d’essais cliniques dans des délais raisonnables. C’est une nécessité tant pour la santé publique que pour l’économie pharmaceutique et, donc, pour l’emploi.

C’est pourquoi, monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants votera en faveur de cette proposition de loi de bon sens. (M. Michel Amiel et Mme Véronique Guillotin applaudissent.)