compte rendu intégral

Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi

vice-président

Secrétaires :

M. Éric Bocquet,

Mme Catherine Deroche.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. Monsieur le président, lors du scrutin n° 30 tenu hier soir sur la première partie du projet de loi de finances pour 2019, M. Richard Yung a été considéré comme ne prenant pas part au vote, alors qu’il souhaitait évidemment s’abstenir, comme tous les membres du groupe La République En Marche.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

3

Explications de vote sur l'ensemble de la première partie du projet de loi (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Économie - Compte de concours financiers  : prêts et  avances à des particuliers ou à des organismes privés »

Loi de finances pour 2019

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 146, rapport général n° 147, avis nos 148 à 153).

Nous en sommes parvenus aux dispositions de la seconde partie du projet de loi de finances.

SECONDE PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Économie
Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Économie

M. le président. Nous allons maintenant entamer l’examen des différentes missions.

Économie

Compte de concours financiers : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Économie » (et articles 76 sexies et 76 septies) et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » (et article 85).

La parole est à Mme la rapporteur spécial.

Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les dispositifs de soutien aux entreprises inclus dans la mission « Économie » sont tellement hétérogènes que les gouvernements successifs semblaient s’être résolus, année après année, à une simple logique de rabot. Il faut reconnaître, madame la secrétaire d’État, que le vôtre n’a pas fait le choix du rabot : il a fait le choix du super-rabot…

Il suffit de considérer quelques chiffres : hors plan France Très haut débit, sur lequel je reviendrai, les crédits de la mission s’établissent à 1,8 milliard d’euros, en baisse, inédite, de 5,8 %, soit 100 millions d’euros. Cette baisse est très concentrée sur les dispositifs d’intervention en faveur des entreprises du programme 134, dont le montant global recule de 18 %, soit 632 millions d’euros, en un an.

Au demeurant, madame la secrétaire d’État, « super-rabot » n’est pas forcément une critique, car il est nécessaire de mettre de l’ordre parmi les multiples aides directes ou indirectes, prêts, garanties, actions collectives de formation, de promotion ou encore de mutualisation – sans même parler des crédits d’impôt et autres dépenses fiscales. En effet, leur accumulation progressive, leur sédimentation et leur gestion en silos avaient fini par les rendre illisibles et impropres à incarner les priorités politiques d’un gouvernement, quel qu’il soit.

Une partie de la baisse des crédits s’explique aussi par la suppression de la dotation de 40 millions d’euros à Bpifrance Garantie. Non que l’État se désengage, mais Bpifrance dispose, au moins pour l’instant, de la trésorerie nécessaire pour assurer cette mission. Je me félicite toutefois qu’une ligne de crédits, certes symbolique – 10 000 euros –, ait été rétablie par l’Assemblée nationale, sur l’initiative d’Olivia Grégoire, pour préserver le lien entre le Parlement et Bpifrance.

Mais tout de même, madame la secrétaire d’État : depuis 2014, le montant global des dispositifs d’aide aux entreprises est passé de 235 à 65 milliards d’euros, soit une réduction, considérable, de 73 % !

L’exemple le plus significatif est sans aucun doute celui du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, qui sera placé en gestion extinctive à partir de l’année prochaine, après avoir vu sa dotation fondre de 80 % entre 2010 et 2018. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.

Ce que nous percevons entre les lignes, c’est un désengagement progressif et délibéré de l’État, comme une manière de dire aux collectivités territoriales, et d’abord aux communes et aux régions : c’est maintenant votre travail !

Or les choses ne sont pas aussi simples. Dans un contexte budgétaire contraint pour les collectivités territoriales, le maintien de dispositifs ponctuels, au demeurant très modestes, constitue une forme de soutien complémentaire : pour ainsi dire, un « plan B », lorsqu’il n’existe pas de « plan A » au niveau local. Ce n’est pas grand-chose pour l’État, mais c’est beaucoup pour les territoires.

J’ajoute que, du simple fait de la recomposition de la carte intercommunale, de nombreuses communes rurales sortent des classements en zone de revitalisation rurale, ou ZRR, à la suite de quoi leurs entreprises perdent le bénéfice des exonérations correspondantes.

Ce qui vaut pour les dispositifs vaut aussi pour les acteurs. Pour eux aussi, l’effort budgétaire est inédit : 264 postes seront supprimés l’année prochaine dans le cadre du recentrage, sur certaines actions prioritaires, de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, de la direction générale des entreprises et de la direction générale du Trésor. En pratique, ce recentrage est surtout un resserrement des réseaux dans les territoires, avec notamment une suppression d’effectifs importante dans les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE.

La même remarque vaut pour les chambres de commerce et d’industrie. Comme nous avons déjà eu l’occasion de le signaler lors de l’examen de la première partie, alors que la revue de leurs missions se poursuit et que les mesures d’accompagnement du projet de loi PACTE ne sont pas encore votées, les CCI font face à une nouvelle baisse de leur taxe affectée : 100 millions d’euros en moins l’année prochaine, 400 millions d’euros sur le quinquennat. C’est pourtant l’inverse qui avait été annoncé l’an dernier. Résultat : elles doivent se préparer à supprimer 2 000 postes.

Madame la secrétaire d’État, il ne faudrait pas que la mission « Économie » devienne la mission « Économies », au risque d’abandonner sa vocation première !

Je terminerai par quelques mots sur le plan France Très haut débit. Le programme 343 représente la participation de l’État, soit 3,3 milliards d’euros, à cette opération destinée à assurer la couverture de 100 % du territoire en très haut débit d’ici à 2022.

Madame la secrétaire d’État, toutes les autorisations d’engagement ont aujourd’hui été consommées, et seuls des crédits de paiement seront débloqués en 2019. Or il est aujourd’hui clair que les sommes prévues ne suffiront pas.

Elles ne suffiront pas, d’abord, à résoudre les problèmes que nous constatons tous dans nos territoires. Seuls 10 % des locaux situés dans la zone d’initiative publique sont, à ce jour, éligibles à la fibre optique, contre 56 % des locaux de la zone d’initiative privée, plus dense, donc plus rentable.

La possibilité de demander des engagements contraignants aux opérateurs, les fameux appels à manifestation d’engagements locaux, ou AMEL, ne résoudra pas tous les problèmes. L’ouverture d’un guichet de cohésion numérique pour financer des technologies alternatives – 4G fixe et satellite – dans les zones reculées va dans le bon sens, mais ce guichet ne représente que 100 millions d’euros, sous forme de subventions individuelles de 150 euros par équipement, sans engagement des opérateurs à maintenir un tarif attractif au-delà d’un certain délai.

Surtout, si les crédits actuels permettent de financer la couverture du territoire à 100 % en très haut débit, ce qui compte, à terme, c’est bien l’objectif d’une couverture à 100 % en fibre optique. Il faut dès aujourd’hui se poser la question de l’après-2022. Je ne parle pas seulement du déploiement des réseaux, mais aussi de leur maintenance à long terme.

Demain, plusieurs réseaux coexisteront en France, ce qui constituera une rupture avec l’époque du monopole d’Orange sur le réseau cuivre. C’est un défi majeur.

M. le président. Il vous faut conclure, ma chère collègue.

Mme Frédérique Espagnac, rapporteur spécial. Le ministre chargé de la ville et du logement, Julien Denormandie, a confirmé que l’État continuerait à accompagner les collectivités territoriales via les crédits du Grand Plan d’investissement. On évoque un montant total de 700 millions d’euros, dont 200 millions dès 2020. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer ces chiffres ?

En matière de très haut débit, il n’y a rien de plus urgent que le long terme. Nous espérons que l’État saura relever ce défi ! (Mme Annie Guillemot applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Bernard Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil national de l’industrie, réuni par le Premier ministre le 22 novembre dernier, s’est ouvert sur une excellente nouvelle : pour la première fois depuis dix ans, les entreprises recréent des emplois industriels en France, notamment dans les 124 territoires d’industrie identifiés par le Gouvernement.

Répartis dans tout le pays – chose assez extraordinaire – et souvent éloignés des métropoles, ces territoires rassemblent nombre de TPE, PME et PMI. Le potentiel industriel des territoires français est immense : c’est une vérité que nous devons tous partager !

Pourtant, madame la secrétaire d’État, la situation de notre commerce extérieur reste alarmante : l’année dernière, le déficit commercial de la France était de 61,7 milliards d’euros, et il continue malheureusement à se creuser. Si l’on se fie au Canard enchaîné, il semblerait même que l’administration ait quelques petits problèmes sur les méthodes statistiques : le déficit serait en réalité plus important encore. Mais tenons-nous-en à la statistique officielle.

Pourquoi en sommes-nous là ? Avant tout parce que nos TPE et nos PME, ne disposant pas des mêmes moyens que les grands groupes, sont trop peu nombreuses à se lancer à l’international : 125 000 entreprises exportatrices en France, contre 360 000 en Allemagne et 200 000 en Italie.

Mais, heureusement, les choses changent. Comme vous le savez, depuis 2015, Business France rassemble au sein d’une même agence les missions d’accompagnement à l’export et de promotion des investissements étrangers en France.

Principal opérateur rattaché à la mission « Économie », Business France n’a pas à rougir de son bilan : ses objectifs pour la période 2015-2017 ont tous été atteints, et avec des crédits budgétaires en baisse. Preuve que, lorsqu’on additionne talents, compétences et volonté, on peut obtenir des résultats avec un argent public restreint.

Reste que l’efficacité de cette politique publique était jusqu’à présent entravée par l’éclatement des acteurs et la superposition des compétences.

Le cœur du problème réside paradoxalement en France, dans ces territoires d’industrie dont j’ai parlé il y a quelques instants. Jusqu’ici, Business France n’avait pas de présence opérationnelle sur le territoire, mais seulement à l’international. Or, avec une volonté affirmée de se réinsérer dans nos territoires, Business France a la possibilité, avec ses 100 conseillers qui s’ajouteront aux 400 conseillers des chambres de commerce et d’industrie, de couvrir, hélas très partiellement, le territoire français.

Dans ce contexte, madame la secrétaire d’État, le Gouvernement a lancé en février dernier une vaste réforme du dispositif d’accompagnement des entreprises à l’international. Cette réforme consiste à faire travailler ensemble Business France, les chambres de commerce et d’industrie et les régions au sein de la « Team France Export », dont la porte d’entrée serait une « plateforme des solutions ».

Contrairement à la première tentative, en 2015, les choses ont l’air de très bien se passer. Tout en apportant notre soutien enthousiaste à cette réforme, nous pensons, madame la secrétaire d’État, qu’il faut aller encore plus loin. C’est le sens de la proposition que nous avons soumise à la commission des finances, qui l’a retenue : créer un dispositif permettant aux entreprises de bénéficier, pour une durée déterminée et, le cas échéant, en temps partagé, des compétences d’un étudiant ou d’un jeune diplômé qui se consacrerait spécifiquement à leur développement international.

Tout en devenant familier des métiers et du savoir-faire de l’entreprise, cet étudiant ou ce jeune diplômé resterait tout entier mobilisé pour sa mission de projection à l’international. Il assurerait le lien avec la « Team France Export » via la plateforme des solutions.

Ce dispositif pourrait être calqué sur celui du volontariat international en entreprise, le VIE, qui connaît un grand succès. Une autre solution serait de le faire entrer dans un cursus de type apprentissage. L’une n’empêche pas l’autre.

Bien entendu, ce dispositif demandera quelques financements publics, mais il serait possible de le mettre en œuvre à coût constant, ou presque. C’est avant tout une question de priorités.

Quant au VIE en France, il pourrait être éligible aux aides actuelles versées par les régions. Il entre déjà dans les critères des prêts de Bpifrance Assurance Export.

Madame la secrétaire d’État, nous n’en sommes qu’au début de cette réflexion, mais il nous semble que l’enjeu mérite toute votre, toute notre attention !

M. le président. Mes chers collègues, j’invite les orateurs à respecter leur temps de parole. Nous avons un agenda très chargé pour l’examen des différentes missions, et même quelques secondes comptent…

La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a observé avec inquiétude la forte baisse des crédits d’interventions en faveur des entreprises du programme 134 de la mission « Économie », d’autant qu’il est concomitant du désengagement forcé d’autres acteurs de l’accompagnement des entreprises, les chambres de commerce et d’industrie.

Dans ce cadre, elle a porté son attention sur trois sujets particuliers.

Le premier est la disparition annoncée du FISAC. Alors que le Gouvernement clame sa volonté de redynamiser les centres-villes, il fait disparaître ce fonds destiné au maintien des commerces de proximité, notamment en milieu rural.

Or l’enjeu de revitalisation commerciale ne concerne pas seulement les 222 lauréats du plan « Action cœur de ville ». Il est donc impensable de supprimer totalement le FISAC, même si on l’étouffe à petit feu depuis cinq ans. C’est pourquoi la commission a adopté un amendement tendant à maintenir les capacités d’intervention de ce fonds l’année prochaine.

La commission s’est également penchée sur l’évolution des DIRECCTE envisagée par le Gouvernement.

Une évolution du rôle économique de ces directions est effectivement devenue nécessaire, du fait de la montée en puissance de la compétence économique des régions et du rôle joué par les opérateurs spécialisés de l’État, Bpifrance et Business France. Toutefois, il importe que cette évolution n’aboutisse pas à l’abandon pur et simple par l’État de toute action micro-économique.

Il faut au contraire un recentrage fondé sur les principes de subsidiarité et de garantie des équilibres économiques nationaux, car l’État est le seul à même d’avoir une vision du développement économique qui dépasse l’échelle régionale. L’État déconcentré doit jouer le rôle de coordinateur des acteurs publics et parapublics dans la mise en œuvre d’une stratégie d’équilibre économique des territoires, en favorisant les synergies entre acteurs.

Il faut également conserver des capacités d’intervention ponctuelle ciblée, complémentaires de celles des autres acteurs.

Le troisième sujet sur lequel nous entendons insister est l’organisation des acteurs du monde consumériste.

Alors que le projet de loi de finances poursuit la réduction des crédits d’intervention en faveur des acteurs du monde de la consommation, la modicité et la réduction constante des moyens financiers mis en œuvre par l’État en faveur de la protection du consommateur doivent incontestablement conduire à une réflexion d’ensemble sur l’architecture du système de protection des consommateurs.

Or, plutôt que de s’engager dans cette voie, le Gouvernement mène malheureusement une politique de rabot continue, qui paralyse progressivement l’action des acteurs sans les engager dans un modèle d’organisation alternatif.

La commission a donc décidé de se saisir de cette question et de réfléchir au positionnement des différents acteurs pour proposer des pistes d’évolution. Dans l’attente de ses conclusions, elle vous proposera de ne pas obérer les capacités d’action des acteurs en 2019, en adoptant son amendement tendant à maintenir les crédits d’intervention en faveur du monde de la consommation à leur niveau actuel de 8,5 millions d’euros.

Sous réserve de l’adoption de ses deux amendements, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie ».

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ma contribution portera sur le volet numérique et postal.

En ce qui concerne la mission de transport de presse par La Poste, il conviendrait, à l’avenir, d’associer davantage les représentants du secteur de la presse à la définition des trajectoires de compensation de La Poste et des tarifs postaux.

Il faudrait également que cette compensation soit inscrite au sein non plus de la mission « Économie », mais de la mission « Médias, livre et industries culturelles », pour une meilleure lisibilité des aides à la presse.

L’Agence nationale des fréquences, l’ANFR, et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, sont correctement dotées, mais il faudra veiller à l’adéquation entre la nouvelle dotation de l’ANFR, destinée à financer le dispositif de mesure des ondes, et les besoins croissants de mesure qui se dessinent, notamment avec l’arrivée de la 5G.

Sur cette question des ondes, il me semble également qu’un travail renforcé de pédagogie auprès du grand public s’impose, afin que chacun soit en mesure d’apprécier correctement les risques et connaisse mieux les bonnes pratiques.

S’agissant du plan France Très haut débit, il est nécessaire d’amplifier l’accélération en cours dans les zones moins denses pour atteindre le rythme de 4 millions de prises par an. Le Gouvernement devra également définir d’ores et déjà les nouvelles orientations de l’après-2022, afin d’offrir une meilleure lisibilité aux acteurs et investisseurs.

Pour ce qui est du guichet de cohésion numérique, il conviendra de s’assurer de la bonne articulation entre les aides octroyées par ce guichet et celles versées par les collectivités territoriales afin de développer les technologies alternatives à la fibre, notamment l’Internet par satellite.

À propos du mobile, je salue l’exonération d’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau, ou IFER, pour les nouveaux déploiements opérés dans le cadre du dispositif de couverture ciblée, même si celle-ci est rédigée a minima. Une réflexion sur la fiscalité applicable aux opérateurs de communications électroniques s’impose aujourd’hui, s’agissant notamment de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, la TOCE, qui a perdu sa raison d’être : le financement de France Télévisions.

Enfin, le Gouvernement n’a pas jugé nécessaire de dresser un bilan de l’action de l’Agence du numérique avant de décider sa suppression et le transfert de son personnel à l’Agence nationale de la cohésion des territoires, l’ANCT. Seul le pôle French Tech restera à Bercy.

Globalement, l’Agence du numérique a su mener à bien des missions diverses et particulièrement évolutives. Le pôle chargé de l’inclusion numérique ne dispose toutefois pas des moyens de ses ambitions, même en prenant en compte les dernières mesures rendues publiques en septembre dernier. Il s’agit pourtant d’un enjeu majeur, qui concerne 14 millions de nos concitoyens, soit 28 % de la population.

L’Agence nationale de la cohésion des territoires devra mener à bien la mise en œuvre du plan France Très haut débit et du plan pour l’inclusion numérique. La plus-value à attendre de cette absorption reste encore à démontrer, car l’ANCT devra être aussi agile et souple que le fut l’Agence du numérique. L’enjeu est d’éviter les pertes d’expérience et la démobilisation des agents lors de l’intégration, tout en accélérant le plan France Très haut débit.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’industrie est de nouveau la grande absente des choix budgétaires du Gouvernement : alors que nos entreprises industrielles restent fragilisées et que la balance commerciale française est largement déficitaire, les moyens de la mission « Économie » se détournent peu à peu de l’industrie.

Mes chers collègues, le symbole est fort : la ligne Action en faveur des entreprises industrielles est tout simplement supprimée ! Ses crédits sont absorbés par une nouvelle action, Industrie et services, dont le champ très large complique grandement le travail de contrôle budgétaire du Parlement.

Certes, les crédits de paiement de la mission sont en légère hausse, mais les autorisations d’engagement chutent de 17 %. Dès lors, comment l’État entend-il s’engager dans une politique industrielle de long terme aux côtés de nos entreprises ? Moins d’un euro sur trois de la mission « Économie » est désormais alloué à des dépenses d’intervention…

Pour justifier l’extinction des crédits consacrés aux actions pilotées en centrale au profit des filières et des PME, l’État nous dit que les régions sont là pour cela, qu’elles deviennent un acteur de plus en plus important du développement économique. Tout de même, nous ne devons pas mettre un terme brutal au soutien de l’État !

La commission des affaires économiques a donc déposé un amendement tendant à maintenir le niveau actuel de dotation globale pour les actions de soutien à la compétitivité des entreprises : 3,2 millions d’euros de dotation seront ainsi préservés.

Alors que les taxes pèsent toujours plus sur les entreprises industrielles, avec la double peine de la fiscalité énergétique et de la fiscalité de production, le Gouvernement entend, de surcroît, étrangler le financement des centres techniques industriels, les CTI. La commission des affaires économiques propose de maintenir leur dotation à son niveau actuel.

En effet, ces centres jouent un rôle fondamental dans la diffusion du progrès technique et l’accompagnement des PME industrielles. Le Sénat a décidé hier, dans le cadre de l’examen de la première partie, de maintenir les plafonds actuels des taxes affectées. Je remercie toutes les sénatrices et tous les sénateurs qui ont voté cet amendement. Il faut maintenant nous opposer fermement à la réduction des dotations des CTI !

Sous réserve de l’adoption de ces deux importants amendements, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Économie ».

Madame la secrétaire d’État, le budget n’est pas à la hauteur des enjeux industriels du moment. Il n’y a même pas de ministre de l’industrie dans ce gouvernement : tout un symbole…

M. Julien Bargeton. Ce n’est pas le problème !

M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Mais, si le Gouvernement a jeté la politique industrielle aux oubliettes, le Sénat, lui, la défendra avec conviction ! (M. Julien Bargeton s’exclame.)

L’industrie mérite un ministre de plein exercice !

M. Julien Bargeton. Voulez-vous un gouvernement de cinquante ministres ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme chaque année, la commission des lois a examiné les crédits du programme « Développement des entreprises et régulations » au titre de ses compétences propres en matière de droit des entreprises et de droit de la consommation.

Le projet de loi de finances pour 2019 prévoyait initialement une diminution très forte des crédits de ce programme : 7,8 % de crédits de paiement en moins, pour un périmètre quasiment inchangé par rapport à celui de 2018. Même ramenée par l’Assemblée nationale à 6,35 %, la réduction reste importante.

Elle est justifiée, nous explique-t-on, par la nécessité de réduire les déficits publics et de réorganiser les services de l’État, pour qu’ils interviennent plus efficacement et à moindre coût. La commission des lois souscrit globalement à cette tendance.

J’évoquerai rapidement les trois principales administrations auxquelles incombe la mise en œuvre de ce programme budgétaire.

La première est l’Autorité de la concurrence, qui serait la seule à voir sa situation préservée. Ses crédits de paiement seraient même en hausse de 4,55 %, retrouvant en 2019 leur niveau de 2017.

En application de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, l’Autorité de la concurrence a rendu deux avis en matière de liberté d’installation des notaires. Dans le second avis, rendu le 31 juillet dernier, elle a proposé la nomination de 700 nouveaux notaires d’ici à 2020. Dans la mesure où 1 620 notaires viennent d’être nommés, au terme d’un lourd processus de tirage au sort, la question se pose de l’urgence, voire de l’utilité, pour le Gouvernement, de prendre un nouvel arrêté pour mettre en œuvre cette dernière proposition.

La deuxième administration concernée est la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. La DGCCRF connaîtra l’année prochaine une baisse de 2,22 % de ses crédits de paiement et la suppression de quarante-cinq emplois. Pour que cette administration assure pleinement sa mission de contrôle et de protection des consommateurs, il importe de recentrer ses activités et de réorganiser ses services déconcentrés. Madame la secrétaire d’État, ce chantier reste, à ce jour, largement ouvert. Je vous invite à être ambitieuse en la matière.

La troisième administration compétente est la direction générale des entreprises. Elle aussi connaîtra une nouvelle diminution de ses effectifs en 2019, dans des proportions bien plus fortes que les années précédentes : son plafond d’emplois sera diminué, passant de 1 514 à 1 418, la réduction portant essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, sur les services déconcentrés.

Une telle évolution tire les conséquences du manque de moyens de l’État et de la montée en puissance des régions dans le domaine du développement économique local. Nous souscrivons à une telle démarche : il faut rationaliser le travail des acteurs chargés du soutien aux entreprises et du développement de celles-ci. Madame la secrétaire d’État, ne peut-on aller plus loin dans la restructuration des services déconcentrés, pour améliorer davantage encore la cohérence des politiques d’accompagnement des entreprises dans les territoires, sous l’égide des régions ?

Sur le terrain, sous l’effet des contraintes budgétaires, l’articulation entre les différents acteurs s’améliore, notamment entre les régions et les chambres de commerce et d’industrie dans le cadre de la mise en œuvre des schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, les SRDEII.

Compte tenu de l’ensemble de ces observations et de ces évolutions pour nous plutôt positives, la commission des lois a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Développement des entreprises et régulations ».