M. Julien Bargeton. En tout cas, les sanctions pourront aller jusqu’à 10 000 euros par logement pour les propriétaires et à 50 000 euros pour les plateformes. Il est important d’avoir accru ces sanctions, car la mesure était attendue dans les villes.

La loi ÉLAN permet également d’apporter des réponses concrètes à des déséquilibres territoriaux. C’est, par exemple, la transformation des bureaux en logements. En Île-de-France, les professionnels estiment que près de 700 000 mètres carrés de bureaux sont obsolètes et durablement vacants. Le bénéfice est clair : c’est un gisement potentiel de 10 000 à 20 000 logements pour la région.

C’est aussi surtout le plan « Action cœur de ville », qui prévoit de redonner de l’attractivité à 222 villes moyennes en matière d’habitat, de commerce, de transports. Cette préoccupation se retrouve d’ailleurs dans l’article 74 bis instaurant une réduction d’impôt pour l’investissement dans les logements locatifs intermédiaires réhabilités en centres-villes. Cela permet de sortir des guerres picrocholines du zonage de la politique du logement, qui, objectivement, manque de lisibilité et d’efficacité. Cela permet également de mettre de la cohérence entre le dispositif « Action cœur de ville » et ce dispositif.

L’engagement du Gouvernement en faveur de l’hébergement est total. Monsieur le ministre, je tiens à vous redire publiquement le soutien du groupe La République En Marche sur le plan Hiver déployé depuis le 1er novembre dernier pour mettre à l’abri les personnes dans cette période critique. Je rappelle que 6 millions d’euros sont fléchés pour le soutien des maraudes, essentielles pour identifier les situations de fragilité. Par ailleurs, 105 000 personnes sont hébergées chaque soir en Île-de-France. L’objectif de l’État est de trouver 7 000 places cette année en Île-de-France, dont 3 700 à Paris.

Enfin, je ne peux conclure mon propos sans dire un mot de l’habitat indigne et dégradé, qui a été mis en évidence par le drame de Marseille. C’est le sens de l’initiative « copropriétés », qui mobilisera 3 milliards d’euros sur dix ans pour transformer celles qui sont les plus dégradées. C’est surtout l’accélération de la rénovation urbaine : le budget de l’ANRU est doublé de 5 milliards à 10 milliards d’euros, le taux de subvention pour la démolition des copropriétés très dégradées passe de 50 % à 80 % et l’accompagnement des élus est renforcé pour simplifier la conduite des projets.

J’ai entendu aujourd’hui beaucoup de critiques dans les interventions. Parfois, la force des propositions n’est pas en rapport avec vigueur de ces critiques. Je pense, notamment, aux nombreux amendements budgétaires qui tendent à réallouer des ressources entre tel ou tel programme. En ce qui nous concerne, nous voterons les crédits de cette mission.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de cette mission sont très vastes, puisqu’ils recouvrent les crédits de deux anciens programmes : la politique des territoires et le logement. Je ne pourrai donc pas, dans le temps qui m’est imparti, être exhaustif ; il y aurait pourtant beaucoup à dire.

Quelques mots tout de même sur le lien entre les élus et l’État, marqué par la défiance et le mépris. En témoigne l’absence du Président de la République au Congrès des maires qui s’est tenu la semaine dernière. En témoigne également la poursuite des politiques marquées du sceau de l’austérité, qui renforcent les inégalités territoriales.

L’État organise aujourd’hui sa propre faillite en se privant de compétences avec la baisse généralisée des moyens, humains et financiers, au sein de ses services, agences et opérateurs. Conjuguée à la baisse continue des dotations aux collectivités, les conséquences concrètes en matière de service public seront dramatiques. Je pense ici particulièrement aux habitants des territoires ruraux, des outre-mer, mais également des banlieues, qui attendaient beaucoup du plan Borloo, jeté aux oubliettes dès sa parution.

Les politiques publiques ne font office que de rustines inefficaces, alors que les maux sont très lourds : concentration du chômage, des difficultés scolaires et de logement, difficulté de mobilité, d’accès aux loisirs et à la culture, autant de chantiers que vous ne voulez pas affronter, préférant faire des cadeaux à la finance. C’est un choix politique que nous ne partageons pas, considérant que concurrence et libéralisme ne font pas bon ménage avec aménagement du territoire et maintien des services publics.

En matière de droit au logement, l’année qui vient de s’écouler a été particulièrement difficile, marquée par l’accroissement des expulsions locatives, par des morts dans la rue faute de place dans les structures, par la baisse des APL, par les scandales de l’insalubrité, qui ont conduit à l’effondrement d’immeubles, comme récemment à Marseille, et, enfin, par l’adoption de la loi ÉLAN, un pas supplémentaire vers la financiarisation et la privatisation du logement social, confirmant ainsi le désengagement de l’État.

La Seine-Saint-Denis est particulièrement touchée par l’insalubrité, vous le savez, monsieur le ministre. À Aubervilliers, où vous avez effectué une visite avec sa maire, Mériem Derkaoui, 74 immeubles sont sous le coup d’un arrêté de péril, et 31 d’entre eux sous celui d’une interdiction d’habiter les lieux.

Une année noire que ce budget, encore en recul, vient conforter, confirmant, j’y insiste, le désengagement de l’État, qui, pour la première fois, ne s’engage plus dans les aides à la pierre : zéro euro pour la construction ! Déjà, depuis l’an dernier, il n’apportait plus son aide aux maires bâtisseurs. Une décision symbolique, alors même que la loi SRU a été largement remise en cause par la loi ÉLAN.

À l’inverse, les dispositifs de soutien à l’investissement locatif entraînent une dépense fiscale toujours plus importante, de l’ordre de 1,3 milliard d’euros sur les 13 milliards de dépense fiscale générale liée à ce programme. Nous considérons, pour notre part, qu’il convient, au regard de l’ampleur des sommes en jeu, d’opérer une véritable analyse sur l’efficacité de cette dépense, laquelle serait bien plus utile pour soutenir directement la production sociale et l’effort de rénovation du parc public comme du parc privé.

Disons-le, mes chers collègues, l’insalubrité et les marchands de sommeil sont le revers d’un marché saturé par la demande, où le logement est à la fois rare et cher.

Avec la loi ÉLAN, les conséquences sur la construction seront dramatiques. Ainsi, selon une étude de la Caisse des dépôts et consignations, les baisses de crédits et les changements de modèle vont conduire à pénaliser la construction, alors que l’on recense plus de 2 millions de demandeurs de logement. À court terme, le secteur se maintiendrait grâce à sa solidité et à la vente des logements sociaux, mais, à long terme, ce serait la catastrophe. Dès 2020, la production passerait sous la barre des 100 000 logements construits, puis se situerait à une moyenne de 63 000 entre 2027 et 2055. Seulement 63 000, alors que ce sont 200 000 logements sociaux qu’il faudrait construire par an pour répondre à la demande sociale ! Il s’agit là d’un renoncement de l’État, lequel doit pourtant garantir le droit constitutionnel d’accès au logement pour toutes et tous dans des conditions abordables.

La soutenabilité même du système nous inquiète, alors que nous savons tous que le secteur HLM sera incapable de faire face à la deuxième étape de la mise en place de la réduction de loyer de solidarité, prévue pour 2020.

Vous demandez un effort impossible, qui va conduire à stopper la construction et à brader aux investisseurs privés le parc existant. Cette politique à courte vue se double d’une politique antisociale au regard de la baisse continue des APL.

Cette année a été marquée par la baisse des APL de 5 euros, par la mise en place de la RLS, qui a transféré la charge de ces aides aux bailleurs pour 873 millions d’euros, par la suppression des APL accession pour 70 millions d’euros et le gel des prestations pour 126 millions d’euros. Et pourtant, ce n’est pas encore assez ! Au travers de ce projet de loi de finances, vous prévoyez une économie supplémentaire avec la contemporanéité des allocations pour 900 millions d’euros, ainsi qu’avec les 102 millions d’euros liés à la sous-indexation de la valorisation des APL, soit une économie cumulée de plus de 2 milliards d’euros sur le dos des plus fragiles, pour aider les multipropriétaires à acquérir de nouveaux biens via les dispositifs d’aide à l’investissement locatif. Comme toujours avec ce gouvernement, c’est sur le dos des plus fragiles, de ceux qui ont du mal à boucler les fins de mois, que cette économie va se faire !

Vous l’aurez compris, nous ne voterons pas ces crédits, très faibles, qui témoignent d’une volonté de casser un modèle social – unique en Europe, voire dans le monde – pourtant performant, de s’affranchir de toute idée de solidarité nationale, alors que même la Commission européenne appelle les États membres à réinvestir dans ce secteur. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard. (M. Hervé Maurey applaudit.)

Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de commencer par saluer l’excellent travail réalisé par l’ensemble des rapporteurs, qui permet d’éclairer nos débats.

Nous devons discuter cet après-midi d’un budget héritier des choix récents en matière de stratégie de logement, qui se situe dans la continuité assez logique de notre dernier débat budgétaire.

Les crédits de la mission « Cohésion des territoires » sont de nouveau en baisse, une diminution liée à la poursuite des mesures de réduction des aides personnalisées au logement et de refonte de leur mode de calcul. Les APL comptent pour 82 % de ce budget. En effet, les crédits du programme 109, « Aide à l’accès au logement », sont en nette diminution entre 2018 et 2019, passant de 14,26 milliards à 13,11 milliards d’euros, soit une baisse de 8 %.

Outre que ce budget nous laisse un sentiment de déjà-vu, il nous confirme que les APL restent une variable d’ajustement budgétaire, avec cette baisse de 1,2 milliard d’euros qui est la conséquence de plusieurs décisions.

Il s’agit, tout d’abord, de la non-indexation de l’APL sur l’inflation, pour une économie de 102 millions d’euros, remplacée par une revalorisation de 0,3 %, qui risque de créer un effet ciseaux regrettable, couplé avec le prélèvement à la source.

Vient, ensuite, la réforme du mode de calcul de l’APL, pour 910 millions d’euros d’économies. À ce titre, permettez-moi de m’interroger doublement.

Je ne comprends pas que l’on ait préalablement fait le choix de la baisse des APL avant d’en modifier le mode de calcul. Par ailleurs, concernant le calcul sur la base des revenus actuels de l’allocataire – la contemporanéisation –, les difficultés qui s’annoncent vous ont fait finalement prévoir une entrée en vigueur au premier semestre de 2019, après le printemps, mais on entend maintenant parler de juillet ; nous en sommes tous très inquiets. En effet, les caisses d’allocations familiales ont été réformées il y a désormais un certain temps : les départements les plus denses, où l’on compte le plus de bénéficiaires de l’APL, ont été regroupés en une seule CAF où se prennent toutes les décisions. Vous avez beau avoir des annexes et des antennes, la mise en œuvre sera difficile, et il faudra être très vigilant ; à défaut, nous pourrions avoir des déconvenues.

Enfin, la mise en œuvre de la RLS, concomitamment avec la baisse des APL, tend à produire les effets que nous craignions et sur lesquels nous vous avions longuement alerté l’an passé.

Vous avez demandé un effort important aux bailleurs sociaux – 800 millions d’euros en 2018 –, avec l’idée d’une trajectoire identique en 2019. Entrée en vigueur au 1er février 2018, cette économie a donc été réalisée en onze mois. Si, aujourd’hui, les paramètres ne sont pas modifiés, la RLS représentera pour l’année 2019 un coût de 873 millions d’euros pour les bailleurs sociaux, soit 73 millions de plus que ce qui était prévu dans la trajectoire initiale. Aussi, les membres du groupe Union Centriste, ainsi que des collègues siégeant sur d’autres travées, souhaitaient vous proposer un amendement prévoyant que les paramètres de la RLS soient définis différemment, c’est-à-dire selon la trajectoire financière prévue au départ et conformément à l’engagement du Gouvernement. Or cet amendement a malheureusement été déclaré irrecevable. Monsieur le ministre, comment comptez-vous éviter ces effets de bords et faire en sorte que les bailleurs sociaux ne soient pas sollicités au-delà de ce qui était nécessaire ?

Le rendement de la TVA sur les constructions de logements sociaux s’annonce par ailleurs supérieur à ce qui était envisagé et pourrait atteindre 850 millions d’euros en 2019. Sur ce sujet, nous suivrons la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, qui propose d’ajouter au rapport, prévu à l’article 74 quinquies, une étude fine des impacts de l’augmentation de la TVA, comme l’a rappelé Philippe Dallier.

Il ne me semble pas que nous puissions faire l’économie d’un mot sur la situation des bailleurs, qui, avec la mise en place de la réforme, couplée à la restructuration du secteur prévue dans la loi ÉLAN, sont exsangues. Une perte d’autofinancement net de 21 % est constatée sur l’année 2018. Le nombre d’organismes en situation de fragilité passerait de 127 à 309, soit une augmentation de 143 %, selon l’analyse de la rapporteur pour avis Dominique Estrosi Sassone.

J’ai interrogé les métropoles de ma région pour voir l’effet sur ces territoires du mécanisme de la RLS, et considérant que le dispositif devrait y poser peu de difficultés.

En 2018, sur un objectif de production de 2 000 logements sociaux dans la métropole de Lille, on constate une réduction des constructions de 600 logements, alors même que le fait d’être dans une métropole devrait faciliter le dispositif. Quand bien même les bailleurs sociaux ont les moyens de trouver des financements, ils ont besoin d’avoir des fonds propres.

Le secteur du logement social connaît de grandes difficultés, avec probablement moins de 100 000 logements financés, contre 126 000 en 2016 et 113 000 en 2017.

Les chiffres concernant le nombre d’organismes en grande difficulté ou en autofinancement négatif sont de plus en plus inquiétants. En l’état actuel, et avec les mêmes conditions de financement, les ESH ne sont pas exemptées de ces problèmes, puisque leur taux d’autofinancement courant devrait être pratiquement divisé par trois en trois ans et pourrait devenir négatif à partir de 2025. Ce sont 28 nouvelles ESH qui passeraient dans le rouge dès 2018.

Pour ce qui concerne la vente de patrimoine – sujet sur lequel j’alerte régulièrement –, je me permets de vous encourager, monsieur le ministre, si vous ne voulez pas aggraver le coût de l’accompagnement des copropriétés dégradées, à travailler avec les collectivités et à entamer des programmes de gouvernance partagée avec les territoires, afin d’élaborer des plans de patrimoine. Ne travaillez pas avec les bailleurs seuls, avant de convier les territoires ; travaillons ensemble ! Nous espérons que la clause de revoyure que vous annoncez sera l’occasion de réaliser un certain nombre d’ajustements.

Il ne me semble pas que toutes les conditions soient réunies pour que le choc de l’offre attendu ait lieu. Je crains même, et nous sommes nombreux sur ces travées à vous avoir alerté sur ce point, que l’effet inverse ne se produise.

De mois en mois, la construction de logement diminue. Les mises en chantier de logements neufs ont ainsi reculé de 7,9 % au troisième trimestre. Il est à craindre que moins de 400 000 logements soient construits en 2019, et nous constaterons sans doute une perte de 40 000 logements en raison des restrictions du prêt à taux zéro, du dispositif Pinel, de l’APL accession et de la baisse des commandes HLM. La dégradation du secteur du logement impactera fortement nos territoires, avec des écarts qui se creuseront de plus en plus entre zones tendues et non tendues. Vous nous éclairerez sans doute sur la question de la déterritorialisation, du zonage ou du non-zonage, en nous faisant part de votre vision des choses.

Nous suivrons Philippe Dallier dans son souhait de rétablir l’APL accession, et nous vous proposerons au cours du débat des amendements de rééquilibrage du dispositif Pinel, afin qu’il soit adapté aux réalités des territoires en laissant les acteurs locaux responsables du zonage. Nous devons réfléchir collectivement à des dispositifs pour qu’aucun territoire ne soit laissé en marge.

Au-delà de la situation du logement, et s’agissant des autres programmes de la mission, nous observons quelques notes positives, non dénuées malgré tout d’interrogations.

Concernant le programme « Hébergement d’urgence », nous nous félicitons de la hausse de 43 millions d’euros des crédits de paiements, mais nous sommes interrogatifs sur les 60,2 millions de crédits supplémentaires ouverts par le dernier projet de loi de finances rectificative. Est-ce d’ores et déjà l’annonce que les crédits pour 2019 seront insuffisants ? Il faudra veiller à être au rendez-vous…

S’agissant du programme 147, « Politique de la ville », j’ai peu d’éléments à ajouter à la présentation d’Annie Guillemot, avec laquelle je suis en phase. Le plan Borloo a défini des lignes directrices. Nous espérons, monsieur le ministre, que vous saurez vous en inspirer. C’est essentiel !

Il est vrai que vous avez consacré davantage de moyens à la politique de la ville. Mais il faut prendre garde à un point, que Mme Guillemot a rappelé : lorsque l’on annonce des financements supplémentaires sur des lignes non consommées, parce que les taux d’intervention sont tellement faibles, il arrive que les associations ou les collectivités ne viennent pas chercher ces crédits. Lorsque l’on consacre des moyens supplémentaires, il convient de redéfinir des taux favorisant une consommation des crédits.

Pour ce qui concerne le budget de l’ANAH, je remercie Philippe Dallier de nous avoir donné l’occasion de soutenir, au travers de l’amendement qu’il a déposé, la nécessité de maintenir les crédits et les quotas carbone qui lui sont affectés, afin que nous puissions rattraper notre retard et redoubler d’énergie. Certes, en dépit du rebasage des quotas carbone, les 420 millions d’euros de crédits suffiront pour l’année prochaine. Mais je crains qu’à la fin de l’année 2019, lorsque vous aurez débasé, le bond qu’il faudra faire pour le budget pour 2020 ne soit très important. Voilà encore un point auquel il faudra être attentif.

Vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste votera contre les crédits de cette mission, même si nous constatons que des efforts ont été faits sur les deux missions que j’ai évoquées. Mais, sur le logement, le compte n’y est pas. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Sophie Primas applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Serge Babary. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Serge Babary. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Cohésion des territoires » couvre l’ensemble des actions mises en œuvre en faveur du développement et de l’aménagement du territoire, du renouvellement urbain, de la solidarité entre les territoires, du logement, de l’hébergement et de l’habitat durable. Pour l’ensemble de cette mission, 16,1 milliards d’euros sont inscrits en autorisations d’engagement et 16 milliards d’euros en crédits de paiement. Comme l’année dernière, le budget de la mission « Cohésion des territoires » est en baisse : 5,8 % pour les autorisations d’engagement et 6,9 % pour les crédits de paiement.

Avec une diminution de plus de 1 milliard d’euros, le budget du ministère est mis une nouvelle fois à contribution, dans le cadre de la réduction des dépenses publiques. Tous les postes sont touchés, à l’exception de la politique de la ville. Dans le budget pour 2018, le programme 147, « Politique de la ville », avait accusé une baisse des crédits de paiement de 16 % en autorisations d’engagement, mais les crédits de paiement étaient demeurés stables.

Si le Gouvernement n’a pas souhaité reprendre l’ensemble des propositions de Jean-Louis Borloo, il a cependant, en juillet dernier, annoncé un plan de mobilisation nationale pour les habitants des quartiers, comprenant des mesures en matière de sécurité, d’éducation, d’emploi, de logement, d’amélioration du cadre de vie et de soutien aux associations. Alors, que prévoit le budget pour 2019 ?

Devant l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, vous l’avez qualifié de « deuxième grand pilier de l’action gouvernementale », de « priorité absolue du Gouvernement ». Effectivement, la politique de la ville semble être la seule rescapée dans un océan de baisses.

Conformément aux engagements pris en juillet dernier, les crédits du programme 147, « Politique de la ville », sont en hausse de 244 millions d’euros, soit une augmentation de 57 % en autorisations d’engagement, et de 84,4 millions d’euros, soit une hausse de 19,7 %, en crédits de paiement. Si l’on peut se réjouir de cet engagement accru de l’État dans la politique de réduction des inégalités territoriales, il reste toutefois très ciblé.

Les actions territorialisées concentrent plus de 62 % des crédits du programme, soit 419,4 millions d’euros à destination des quartiers prioritaires de la politique de la ville, mis en œuvre dans le cadre des contrats de ville ou de dispositifs spécifiques tels que le programme de réussite éducative, ou encore une partie du financement du dédoublement des classes de CP en REP et REP +.

L’effort budgétaire porte sur les actions en matière d’éducation et de lien social. Le projet de loi de finances prévoit notamment la création de 1 000 postes supplémentaires d’adultes-relais, le doublement du nombre de postes de coordinateurs associatifs, ou encore le renforcement de l’encadrement en maternelle dans une soixantaine de grands quartiers, avec une aide aux communes pour la création de postes d’ATSEM. Toutefois, la politique de la ville est construite autour de la contractualisation. Dans un contexte de baisse des dotations, les collectivités auront-elles les moyens de s’y investir ? Nous ne le pensons pas.

S’y ajoute la création d’une nouvelle dotation de 15 millions d’euros pour certaines associations nationales structurantes afin qu’elles soutiennent et mettent en œuvre des actions de proximité. Le Gouvernement souhaite ainsi soutenir l’emploi associatif. Mais il ne faut pas se leurrer, cette aide ne compense pas la réduction drastique des emplois aidés. Ce sont 20 000 associations qui ont disparu.

Quant à l’expérimentation des emplois francs, si les résultats sont loin des objectifs qui étaient affichés, 237 millions d’euros sont pourtant inscrits en autorisations d’engagement et un peu plus de 70 millions d’euros en crédits de paiement.

L’augmentation la plus notable du programme concerne l’action n° 04, Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie, qui porte les crédits consacrés au NPNRU.

Le budget pour 2018 avait acté le retour de l’État dans le financement du renouvellement urbain, aux côtés d’Action logement et des bailleurs sociaux. Le Gouvernement s’était engagé à porter le NPNRU de 6 milliards à 10 milliards d’euros sur la durée du programme, avec une part de financement de l’État de 1 milliard d’euros, soit 200 millions d’euros par an au cours du quinquennat. Pourtant, en 2018, seuls 15 millions d’euros étaient inscrits en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Dans le budget pour 2019, l’État augmente sa participation, qui atteint 185 millions d’euros en autorisations d’engagement et 25 millions d’euros en crédits de paiement. En proportion de son engagement global, l’État finance cependant moins que les bailleurs sociaux et Action logement.

L’article 74 du projet de loi de finances acte la participation des bailleurs sociaux au financement du NPNRU, à hauteur de 154 millions d’euros par an pendant toute la durée du programme, soit jusqu’en 2031.

La mise en place du NPNRU a accusé des retards : cinq ans après l’adoption de la loi de programmation, les contrats commencent seulement à être signés… Mais, finalement, ces retards ont permis à l’ANRU de ne pas mettre à mal sa trésorerie. Le groupe Les Républicains est favorable à cet article 74.

S’il faut reconnaître que les dépenses du programme 147 relatif à la politique de la ville concrétisent des engagements présidentiels, ces signaux positifs qui se mesurent en millions d’euros ne sauraient masquer les coups de rabot, qui, eux, se chiffrent en milliards. Pour ces raisons, le groupe les Républicains ne votera pas les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot.

Mme Annie Guillemot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Commission européenne vient d’appeler les pays européens à investir massivement dans le logement social, afin de faire face à la pénurie de logements abordables, présente dans de nombreux pays. La production de logements sociaux a en effet plongé partout en Europe depuis une dizaine d’années, excepté en France, où elle est restée supérieure à 100 000 logements par an. Beaucoup de pays européens ont mené des réformes, comme le retrait de l’investissement public ou la vente du parc social, dont on voit aujourd’hui les effets désastreux, et ils font maintenant marche arrière.

Monsieur le ministre, vous n’allez pas dans le sens de l’Europe, qui invite donc à prendre en compte la crise du logement et à relancer l’investissement public dans « le logement abordable », dont le logement social, le locatif intermédiaire et l’accession à la propriété. Elle estime l’investissement nécessaire à 57 milliards d’euros pendant cinq ans – c’est la première fois que l’Europe préconise un tel chiffre –, afin de « loger les plus modestes pour éviter les coûts sociaux du mal-logement », lesquels sont évalués à 194 milliards d’euros par an à l’échelle européenne, et afin d’assurer la transition énergétique.

Vous n’allez pas dans ce sens, contrairement à l’Allemagne, où Mme Merkel vient de lancer son offensive avec un plan volontariste de 5,7 milliards d’euros sur quatre ans pour construire 1,5 million de logements, renforcer les aides et stimuler l’accession à la propriété, et contrairement aussi à Theresa May, qui a lancé un plan de 2,3 milliards d’euros dédiés aux collectivités locales et bailleurs sociaux afin de construire et de réhabiliter le parc britannique de logements sociaux. Dans la continuité du budget précédent, votre objectif demeure, en effet, de faire des économies sur le logement. Rappelons que, jusqu’en 2017, notre pays faisait figure d’exception : alors que la production de logements sociaux s’effondrait en Europe, la France construisait encore plus de 100 000 logements sociaux par an.

Malheureusement, tous les voyants sont au rouge, avec une production de logements en baisse, comme le prouvent les chutes de 5 % des autorisations de mise en chantier et de 12 % des dépôts de permis de construire, avec les mises en vente qui se contractent fortement, en baisse de 13 %. La diminution des agréments initiée en 2017, en baisse de 9 %, semble se prolonger avec leur baisse de 5 % en 2018.

Avec vos réformes, la France est à contre-courant. L’affaiblissement des ressources des organismes d’HLM, leur restructuration à marche forcée ainsi que la vente contrainte de leur patrimoine vont sérieusement déstabiliser le secteur. La suppression de l’APL accession, qui représente 50 millions d’euros, et le recentrage du prêt à taux zéro sur les zones tendues ont eu des effets quasi immédiats sur la construction : le nombre de permis de construire pour des maisons individuelles a chuté de 14 % par rapport à la même période de 2017. Là où les ménages modestes pouvaient encore accéder à la propriété, les aides ont été supprimées. On est bien loin d’un « élan » du choc de l’offre !

Pour 2019, le budget dédié à la cohésion des territoires se contracte de 1 milliard d’euros, dont 900 millions d’euros du fait de l’application en année pleine de la RSL, qui a rapporté 800 millions d’euros cette année et dont le Gouvernement escompte 870 millions d’euros l’année prochaine. S’ajoute à cela la contemporanéité des APL. Mais il faudra les moyens nécessaires aux CAF, qui sont vraiment terrorisées par cette nouvelle procédure.

Vous poursuivez aussi votre politique d’économies sur les APL, revalorisées à 0,3 % seulement, d’où 102 millions d’euros d’économies pour le budget. Si les organismes d’HLM semblent avoir intégré la baisse de leurs ressources en 2018, leur capacité à absorber la montée en charge de la RLS prévue en 2020, avec un quasi-doublement de la ponction – 1,5 milliard d’euros –, suscite de nombreuses inquiétudes. Il faut impérativement reconsidérer cette trajectoire en vue du budget pour 2020, car ce « mur » de 2020 va faire passer en deçà du seuil de 100 000 la production des logements sociaux.

Pour ce qui est de l’aide à la pierre, le désengagement de l’État est assumé. Très clairement, cette politique de retrait total est inacceptable. Elle contrevient avec l’équilibre qui a prévalu à la création du FNAP.

Enfin, comment ne pas déplorer, une fois de plus, votre inaction en matière de hausse du foncier, qui entraîne un renchérissement continu des logements neufs, pèse sur le pouvoir d’achat et augmente les inégalités ?

En outre-mer, par ailleurs, quel sera le devenir de l’aide à l’accession à la propriété, que vous rétablissez temporairement et à budget constant au détriment de l’action Urbanisme ? Et où sont les mesures de prévention des copropriétés dégradées dont parlait Valérie Létard ?

Je terminerai en évoquant le budget dédié à l’hébergement d’urgence, en hausse de 12 %, ce que nous saluons. Cependant, la situation des CHRS nous inquiète, car cette hausse est fléchée sur les places d’urgence et les nuitées hôtelières. Elle ne bénéficiera donc pas aux CHRS, qui assurent l’hébergement d’insertion. Nous craignons aussi la fermeture de certains centres et de postes d’intervenants sociaux, ce que nous ne pouvons accepter, même si vous avez fléché 20 millions d’euros supplémentaires en direction des sorties de familles des hôtels.

Monsieur le ministre, le logement n’est pas une marchandise comme une autre. C’est un toit, c’est un refuge, c’est aussi notre intimité… Financiariser le logement, c’est accentuer la précarité de milliers de nos concitoyens qui, pour certains, n’arrivent plus à faire face. La vente massive de logements ne saurait compenser la baisse de ressources des bailleurs sociaux.

Les questions essentielles aujourd’hui concernent la capacité du secteur du logement social à faire face à l’ensemble des réformes que vous avez décidées, et notamment au « mur » de 2020, et les difficultés toujours croissantes des Français à accéder à un logement « abordable » qui réponde à leurs besoins.

Le groupe socialiste votera contre ce projet de budget pour le logement, sachant que Xavier Iacovelli interviendra, quant à lui, sur le budget de la politique de la ville. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Valérie Létard applaudit également.)