M. Jérôme Bascher. Très bien !

M. Antoine Karam. Mais en sommes-nous vraiment capables ? C’est là un chantier que je vous soumets, madame la ministre, et pour lequel vous m’aurez toujours à vos côtés : faire de la recherche française un moteur de l’économie de la connaissance en Guyane.

De manière générale, il me semble essentiel d’articuler la recherche fondamentale et la recherche appliquée, et de favoriser l’interaction avec les entreprises dans les domaines d’avenir.

La biodiversité, mais aussi l’économie bleue, l’économie circulaire ou encore le développement des biocarburants – en somme, tout ce qui converge vers la transition écologique – représentent une voie incontournable vers l’avenir autant que des filières d’emplois à structurer.

Madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, notre groupe votera favorablement les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec une certaine gravité que je porte, au nom des chercheurs, de leurs syndicats et de plusieurs sociétés savantes, devant vous, une grande inquiétude devant le décrochage de la science française.

D’année en année, la part du produit intérieur brut que la France consacre à la recherche ne cesse de diminuer. Elle était de 2,23 % en 2015 et elle devrait être de 2,19 % en 2017.

Non seulement l’objectif ambitieux d’une part de 3 % du PIB s’éloigne inexorablement, mais son écart avec les taux de nos voisins ne cesse de s’accroître. Pour ne prendre que deux exemples, les dépenses de recherche de la Belgique rapportées à son PIB ont dépassé celles de la France en 2012 et ne cessent de progresser ; celles de l’Allemagne se trouvent quasiment au niveau de 3 % du PIB.

Plus grave encore, les dépenses de recherche et développement des industries de la construction spatiale et aéronautique sont en forte baisse, de 3,2 %. Ce désengagement a des conséquences directes sur l’emploi des chercheurs dans ces domaines, en baisse de 1 %. À terme, c’est toute la capacité de recherche et d’innovation de notre pays qui est menacée.

Au XVIe siècle, Jean Bodin affirmait : « Il n’y a richesse, ni force que d’hommes. » La maxime s’applique avec encore plus d’évidence au domaine de la science : il n’y a pas de recherche sans chercheuses et sans chercheurs. Or les opérateurs publics voient leurs effectifs se réduire inéluctablement. Certes, dans les documents budgétaires produits par le Gouvernement, les plafonds d’emplois semblent préservés, mais, pratiquement, ils ne sont jamais atteints et il devient impérieux de nous interroger sur leur sincérité.

Je salue la qualité de l’analyse budgétaire produite par notre collègue Jean-François Rapin, rapporteur spécial de la commission des finances. Il montre avec grande précision que le coût des mesures salariales décidées par le Gouvernement n’est jamais intégralement compensé et que les opérateurs de la recherche sont donc obligés de réduire leur masse salariale pour équilibrer leur budget.

Ainsi, pour le CNRS, le coût supplémentaire du financement du seul glissement vieillissement-technicité, le fameux GVT, est évalué, pour le budget de 2019, à 25,3 millions d’euros. Il impose au CNRS de réduire son recrutement de cinquante chercheurs et de le porter à un niveau historiquement bas, qui compromet la crédibilité des concours et, en amont, la pérennité de nombreuses filières de l’enseignement supérieur.

En deux ans, les effectifs du CNRS ont diminué de 375 équivalents temps plein. La baisse est de plus de 1 000 postes depuis 2011.

Je partage totalement ce que fait observer Jean-François Rapin dans son rapport spécial : « Alors que notre pays cherche à attirer des chercheurs, la baisse des effectifs envoie un signal singulièrement négatif. »

J’ajoute que la fuite vers l’étranger est devenue la seule issue possible pour une génération de chercheuses et de chercheurs qui se sent sacrifiée.

Cette saignée a des répercussions sur la capacité de la science française à maintenir son rang. Ainsi, les financements obtenus par les équipes françaises pour le programme-cadre pour la recherche et l’innovation de l’Union européenne étaient encore de 13,5 % de son montant total, pour le cinquième programme, mais de seulement 11,3 % pour le septième, qui s’est achevé en 2013.

De nombreux autres indicateurs attestent la baisse continue de l’influence de la science française. Je regrette vivement que vous donniez à votre ministère la seule ambition de l’accompagner.

À cet affaiblissement de la capacité d’action des opérateurs publics s’ajoutent des choix stratégiques discutables, qui concentrent davantage les aides apportées à la recherche privée sur un dispositif, le crédit d’impôt recherche, ou CIR, qui mobilise plus de 6 milliards d’euros, pour des résultats que, désormais, la représentation nationale considère comme difficilement quantifiables.

Je note que le nouveau fonds pour l’innovation et l’industrie, destiné à « garantir la souveraineté scientifique et technologique de notre pays et de son développement économique », répond à un modus operandi totalement différent de celui du CIR.

Ses axes stratégiques sont définis par un conseil de l’innovation, ses programmes confiés à des responsables chargés de leur mise en œuvre, chaque action faisant l’objet d’une convention et d’un rendu évalué. C’est le fonctionnement normal adopté par tous les pays pour orienter et maîtriser leurs aides à la recherche privée. Il faut se demander pourquoi il ne s’appliquerait pas au CIR.

Comme la recherche publique, l’enseignement supérieur souffre d’un désinvestissement de l’État dont les conséquences catastrophiques se mesurent notamment sur le taux d’encadrement des étudiants, qui ne cesse de diminuer.

Comme pour les opérateurs de la recherche, les universités sont dans l’impossibilité d’atteindre leurs plafonds d’emplois. Ainsi, pour la période 2013-2016, seuls 76 % des emplois notifiés aux établissements ont effectivement été ouverts au recrutement.

Dans un contexte de forte poussée de la démographie estudiantine, cette contraction ne permet pas d’améliorer l’accompagnement pédagogique, qui était pourtant l’un des objectifs de votre loi pour la réussite des étudiants.

S’agissant de son application, il est très regrettable que votre ministère ne nous ait pas fourni un bilan complet de Parcoursup avant cette discussion budgétaire. Pourtant, les premières données très générales disponibles montrent que les bacheliers des filières techniques et professionnelles ont subi des discriminations sur lesquelles nous aurions souhaité vous entendre.

Madame la ministre, votre budget consacre le renoncement du Gouvernement, il organise une forme de déclin ou d’étiolement accepté. Nous voterons donc contre. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, « dans la lutte qui vient de finir, l’infériorité de la France a été surtout intellectuelle ; ce qui nous a manqué, ce n’est pas le cœur, c’est la tête ». Voilà ce qu’écrivait Ernest Renan dans La Réforme intellectuelle et morale en analysant la défaite de 1870.

Alors que l’intelligence artificielle est partout, de l’industrie à la santé, en passant par l’environnement, l’énergie et surtout la défense, il faut pouvoir placer rapidement la France en pointe des nations les plus influentes en ce domaine.

Madame la ministre, vous avez dévoilé le 28 novembre à Toulouse la « stratégie nationale de recherche en intelligence artificielle », qui fait sienne cette ambition. Ce plan va bénéficier, au cours des quatre prochaines années, d’une enveloppe de 665 millions d’euros de la part de l’État, montant qui grimpera à un peu plus de 1 milliard d’euros pour la période 2019-2022.

Si le signal est fort, ce secteur continuera néanmoins à voir ses cerveaux fuir à l’étranger, où les chercheurs français sont parfois les plus courtisés. Pour inverser cette tendance, il serait urgent de revaloriser les carrières des enseignants-chercheurs, notamment dans l’intelligence artificielle.

Dans son rapport, Cédric Villani propose d’ailleurs de doubler le montant de leur salaire, et ce dès le début de leur carrière.

Malheureusement, vous semblez exclure définitivement cette modalité et je serai vigilante à ce que d’autres voies soient trouvées pour lancer ce chantier de la revalorisation salariale.

La rapporteure pour avis de la commission de la culture a estimé que le doublement du montant des primes de trois chercheurs sur quatre s’élèverait à 20 millions d’euros pour le CNRS et entre 30 millions et 35 millions d’euros pour l’ensemble des établissements publics à caractère scientifique et technologique.

Une telle réforme ambitieuse serait de nature à renforcer la compétitivité de la France.

Autre point de vigilance que je veux soulever : le manque de transparence sur le soutien de l’État aux domaines de recherche jugés prioritaires.

La concomitance de nombreux dispositifs et d’annonces parallèles fait qu’il est quasiment impossible d’évaluer le soutien financier réel de l’État aux recherches considérées comme prioritaires, et ce d’autant plus que la plupart de ces financements ne sont pas liés à la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Globalement, l’augmentation de crédits demandés au titre des programmes « Recherche » de la présente mission est de 2,4 % en autorisations d’engagement et de 2,9 % en crédits de paiement, ce qui traduit une ambition pour la recherche française qui reste en deçà de nos espérances.

Alors que l’on connaît l’importance stratégique de la recherche et développement dans la croissance économique, le groupe du RDSE regrette qu’un effort supplémentaire n’ait pas été fait afin d’approcher l’objectif Europe 2020, qui a pour ambition de porter, à cet horizon, la part de la recherche et développement à 3 % du PIB.

Or, d’après les indicateurs, en 2019, cette part sera seulement maintenue au niveau de 2018, soit 2,5 % du PIB.

Je regrette également que l’évolution des crédits à la hausse sur le volet « recherche » soit uniquement captée par les programmes du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, alors que les programmes dépendant d’autres ministères verront leurs moyens au mieux stagner, au pire diminuer.

Nous nous interrogeons sur la soutenabilité d’une telle politique à moyen terme et sur son implication sur les programmes en question, comme ceux qui visent à promouvoir la recherche culturelle et la culture scientifique et technique, avec, en son cœur, Universcience, dont le budget diminue une nouvelle fois.

Même au sein de la MIRES, dont le budget se voit consolidé, nous ne pouvons ignorer l’impasse budgétaire dans laquelle se trouvent certains organismes de recherche, qui ne bénéficient pas des financements adéquats pour mener à bien les plans qui leur sont commandés – CEA, INSERM ou IFREMER.

Parallèlement, la réforme de l’ISF a fait chuter les dons « d’au moins 50 % », selon France générosités, notamment en faveur d’organismes de recherche qui peuvent être fortement dépendants de ces contributions, comme le CNRS.

Dans un récent rapport sur le mécénat, la Cour des comptes ne traite malheureusement pas du mécénat des particuliers, mais je rejoins la rapporteure pour avis pour dire qu’il est nécessaire de trouver une solution pour le favoriser, afin de retrouver le niveau des montants dont bénéficiaient les opérateurs de recherche les années précédentes.

S’agissant du plan Étudiants, 123 millions d’euros supplémentaires doivent y être consacrés afin de répondre aux nouveaux défis de notre système, notamment l’afflux d’étudiants. Toutefois, ces nouveaux moyens risquent surtout d’être absorbés par la progression naturelle de la masse salariale et des dépenses. D’après le rapport pour avis de la commission de la culture, une fois que les établissements se seront réellement acquittés de leurs charges incontournables, ne resteraient plus que 26 millions d’euros pour lancer des actions véritablement nouvelles en 2019. C’est trop peu !

Je rejoins le rapporteur spécial pour dire qu’il faut renforcer le pilotage des dotations des universités, généraliser le dialogue stratégique entre le ministère et les autorités académiques pour aller vers un pilotage plus fin des ressources des opérateurs.

Mes chers collègues, même si ce projet de budget comporte des points d’inquiétude – que j’ai évidemment cités – relatifs à l’investissement de la France dans la connaissance et la recherche, clé de voûte de notre croissance future, il présente néanmoins des points positifs, au premier plan desquels une hausse des crédits. C’est pourquoi notre groupe votera en faveur de ce budget, même si celui-ci aurait pu aller plus loin. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains)

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame la ministre, la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » rassemble les programmes qui visent à investir dans les compétences et à stimuler l’innovation pour préparer l’avenir de la France et des Français.

Ce budget, en troisième position dans le budget général de l’État, connaît une hausse de plus de 5 % en deux ans, et atteint désormais un montant de 28,17 milliards d’euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2019.

Avec une part de 2,27 % du PIB, nous nous rapprochons de l’objectif européen de 3 %, mais nous sommes encore loin derrière les puissances technologiques que sont la Corée du Sud, Israël et le Japon.

La mission est composée de sept programmes, dont le programme 142, « Enseignement supérieur et recherche agricoles ». Nous mesurons son importance pour trouver des alternatives économiquement viables à notre modèle agricole hérité du XXe siècle.

Nous remarquons que trois programmes sont en nette augmentation : « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », « Formations supérieures et recherche universitaire », « Recherche spatiale ».

S’agissant de ce dernier programme, madame la ministre, une grande partie de l’augmentation des crédits est fléchée vers le remboursement des dettes de la France envers l’Agence spatiale européenne. Mais 205 millions d’euros sont budgétisés pour sécuriser le lancement d’Ariane 6 en 2020.

La mission que nous examinons est stratégique. Le bon fonctionnement de notre écosystème d’enseignement et de recherche, conjugué au dynamisme de nos entreprises, est un élément indispensable pour permettre à la France de s’adapter et de prendre part aux changements qui déstabilisent les anciens modèles et anciennes rentes.

Au sein de la nouvelle économie, qui est celle de la connaissance et de l’immatériel, la concurrence s’exerce désormais par l’intelligence, par la capacité à innover et à préparer l’avenir.

La première des priorités, madame la ministre, reste l’augmentation du niveau de qualification. Si les conditions d’insertion des jeunes diplômés se sont dégradées compte tenu du resserrement du marché du travail, le diplôme reste le meilleur rempart contre le chômage.

L’accès à la formation tout au long de la vie est la deuxième priorité de cette mission. Les connaissances acquises aujourd’hui ne nous seront plus d’aucune utilité dans cinquante ans. Que chacun soit en mesure d’exprimer le meilleur de lui-même, quels que soient son parcours et son âge : voilà notre ligne d’horizon !

À cet égard, je vous conseille de consulter le rapport sur les métiers de demain de la délégation à la prospective du Sénat, qui traitait ces problèmes en apportant un certain nombre de solutions, saluées par l’ancien ministre du travail, maire de Dijon.

Nous partageons la volonté du Gouvernement de favoriser les passerelles entre les formations et les générations, de développer une culture du progrès, de l’émancipation et du rebond. Le numérique est une opportunité inestimable. La mobilité géographique reste une nécessité. Aussi, madame la ministre, nous soutenons les mesures prises par le Gouvernement en faveur de la mobilité des étudiants et des chercheurs.

En revanche, notre groupe s’étonne du choix du Gouvernement de diminuer de 5 millions d’euros l’enveloppe consacrée à l’aide au mérite, pourtant fer de lance de l’émancipation pour bon nombre de jeunes talents issus de milieux défavorisés. C’est désolant !

La France, pays aux 68 prix Nobel, se classe au quatrième rang mondial dans le système européen des brevets, mais n’arrive qu’à la septième place dans la part mondiale de publications scientifiques, sous l’effet de l’entrée en scène de la Chine, de l’Inde et du Brésil.

Le soutien du Gouvernement à la recherche est fondamental. Le crédit d’impôt pour la recherche représente les deux tiers du soutien public à la recherche et développement privés.

Le plan Deep Tech, la création du fonds de l’innovation et le positionnement stratégique de la France en matière d’intelligence artificielle et de recherche spatiale viennent renforcer l’attractivité et le dynamisme de notre écosystème de recherche national.

Au sein du programme 172, cinquante bourses « convention industrielle de formation par la recherche » supplémentaires seront financées en 2019, permettant de renforcer les liens entre recherche et entreprise.

Le bilan de l’examen de cette mission est plus mitigé en ce qui concerne les dotations du programme 190, « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables ». Les moyens ne semblent pas au rendez-vous, malgré votre volonté politique affichée de faire de la France un acteur stratégique de l’énergie hydrogène, ce qui n’est pas tout à fait dans l’air du temps.

Au regard de ces différents éléments, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert.

Mme Sylvie Robert. Lors de la présentation du plan Étudiants, vous avez déclaré, madame la ministre, qu’il doit permettre de « poursuivre le financement de nouvelles places dans l’enseignement supérieur, d’accentuer l’effort de recrutement d’enseignants-chercheurs et de personnels pour les accueillir et les accompagner, et d’intensifier la reconnaissance de l’engagement pédagogique dans le supérieur ».

Sur le premier point, il faut saluer l’ouverture, en deux temps, de 30 000 places en licence pour accompagner l’arrivée de nombreux jeunes dans le supérieur à la rentrée 2018. Si la massification de l’enseignement supérieur est une chance pour notre pays, elle soulève plusieurs défis, au premier rang desquels figure l’adaptation de notre système pour accueillir au mieux les étudiants.

Si on prend comme postulat initial un investissement moyen autour de 10 000 euros par étudiant, il faudrait, pour 2019, une augmentation de 400 millions d’euros afin d’absorber parfaitement la croissance de la démographie estudiantine. Cette année, les établissements d’enseignement supérieur bénéficieront de 206 millions d’euros de crédits supplémentaires.

Or cette hausse, amputée des dépenses contraintes – GVT et compensation de la CSG, notamment – et de la montée en charge de mesures déjà engagées en 2018, ne servira qu’à financer 26 millions d’euros d’actions réellement nouvelles, ce qui nous paraît bien sûr insuffisant au regard du besoin de diversifier et de généraliser plus encore les modules pédagogiques, les fameux « oui, si », et contradictoire avec l’ambition affichée dans la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, dite loi ORE.

Assurer la réussite des étudiants, c’est principalement mettre en place une politique d’orientation efficace. Sans effectuer un bilan exhaustif de l’an I de Parcoursup, plusieurs constats peuvent néanmoins être dégagés : Parcoursup, en tant qu’outil d’affectation, a plutôt bien fonctionné, peu de jeunes se retrouvant sans aucune affectation à l’issue de la procédure ; mais Parcoursup, en tant qu’outil d’orientation, a-t-il bien fonctionné ?

Mme Maryvonne Blondin. Bonne question !

Mme Sylvie Robert. Rien ne prouve que la capacité de la plateforme à affecter correctement les étudiants soit un gage d’une orientation réussie. Ce n’est pas parce qu’un candidat accepte, in fine, une proposition de formation qu’il est satisfait de l’intégrer, d’autant qu’il n’existe plus de hiérarchisation des vœux. C’est l’énorme différence entre une orientation choisie et une orientation subie.

C’est pourquoi, madame la ministre, je vous demande de nouveau, à l’image de la plupart des syndicats étudiants, de conduire et de publier une enquête nationale qualitative, à partir d’un échantillon représentatif, pour connaître véritablement le degré de satisfaction des étudiants quant à leur orientation. C’est uniquement à cette aune que nous pourrons évaluer Parcoursup comme instrument au service de l’orientation.

Dernier point de vigilance, le nombre élevé de candidats ayant quitté la plateforme interroge : même si une partie d’entre eux s’est indubitablement dirigée vers des formations non répertoriées sur Parcoursup, il est évident que d’autres ont tout simplement abandonné la poursuite de leurs études. Madame la ministre, avez-vous pu effectuer une analyse plus fine de ces candidats dits « inactifs » ? Il est impératif, vous le savez, de lutter contre cette forme de décrochage et d’être encore plus proactif afin de l’endiguer.

En ce qui concerne le volet « vie étudiante », la poursuite des efforts engagés au cours du précédent quinquennat, notamment en matière de construction de logements – 60 000 d’ici à 2022 –, est une bonne chose. Il en est de même du gel du prix du ticket RU et celui de la suppression de la cotisation d’assurance maladie, qui accroissent le pouvoir d’achat des étudiants.

Pour autant, le plafonnement du produit de la contribution vie étudiante et de campus, la fameuse CVEC, à 95 millions d’euros, alors qu’il en est attendu un résultat – estimé par vos services lors des auditions – d’environ 130 millions d’euros, pose problème. Bien que vous ayez annoncé que l’intégralité de cette contribution serait reversée à la vie étudiante, en l’état, tout dépassement du plafond abondera, on le sait, le budget général de l’État.

Alors, pourquoi attendre ? Pourquoi ne pas prévoir d’ores et déjà un plafond suffisamment haut, de sorte que la totalité de la CVEC profite immédiatement aux étudiants ? En procédant ainsi, vous éviteriez de susciter une forme de suspicion autour de la finalité de la CVEC : elle n’a pas vocation à alimenter, vous le savez, même temporairement et partiellement, le budget de l’État ! L’amendement porté par notre groupe a été déclaré irrecevable, mais vous, madame la ministre, vous pouvez augmenter dès maintenant ce plafond en toute transparence.

Dernière inquiétude, loin d’être anodine : la hausse des frais de scolarité pour les étudiants extracommunautaires à la rentrée prochaine. Alors, allez-vous me dire, quel lien avec le PLF 2019 ? Outre que la méthode du Gouvernement pose question, notamment sur l’absence de concertation, cette annonce complètement inattendue suscite déjà un vif émoi et réveille des tensions au sein de la communauté étudiante, alors même que nous sommes en train de débattre du budget.

Surtout, nous aimerions comprendre en quoi multiplier par plus de dix les frais de scolarité pour ces étudiants serait source d’attractivité comme vous le prétendez. Soyons sérieux, ce n’est pas la création de 15 000 bourses – et voilà le lien avec le projet de loi de finances pour 2019 : où sont les crédits ? – qui sera de nature à compenser l’effet d’éviction massif des étudiants extracommunautaires pour raison pécuniaire, qui constituent, de surcroît, la grande majorité des jeunes venant étudier dans le supérieur français. La Suède a tenté récemment l’expérience, le résultat a été probant : une chute drastique de 80 % du nombre d’étudiants étrangers fréquentant ses universités. Est-ce ainsi que vous voulez améliorer le rayonnement de la France ? Est-ce ainsi que vous voulez atteindre le chiffre de 500 000 étudiants étrangers d’ici à 2027 ?

Si nous souhaitons collectivement renforcer l’attractivité de la France, cultivons son image, dynamisons son réseau culturel, continuons à développer des formations à la fois reconnues à l’étranger pour leur qualité et leur spécificité. Mais ne cherchez pas à décupler les ressources des établissements supérieurs aux dépens de certains étudiants étrangers, ou – pour paraphraser un article paru dernièrement dans un quotidien – à « attirer les plus riches et, en même temps, à écarter les plus pauvres ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Nous en reparlerons, madame la ministre, car, sur le fond et sur la forme, c’est incompréhensible et c’est inacceptable !

La recherche est fondamentale pour le progrès scientifique et le développement économique. Pour la deuxième année consécutive, nous nous félicitons de ce que le budget consacré voie ses crédits augmenter, en l’occurrence de 330 millions d’euros. Cependant, plusieurs sujets méritent une vigilance accrue.

D’abord, il s’agit du statut des chercheurs. Pour rappel, la stratégie européenne Horizon 2020 a comme premier pilier l’excellence scientifique, qui vise notamment à « soutenir les chercheurs les plus créatifs et les plus talentueux dans leurs travaux de recherche exploratoire ». Or, en France, depuis de nombreuses années, leur statut se révèle en inadéquation avec leur cursus et avec l’apport bénéfique de leurs découvertes à l’ensemble de la société. Leur rémunération est indigne, eu égard à leur niveau de qualification et à l’importance de leur travail.

Madame la ministre, entendez-vous mener une réforme qui pose déjà les jalons d’un véritable statut, protecteur et stimulant ? C’est une affaire non seulement de reconnaissance, mais aussi d’attractivité de la France, afin de contrer la fuite des chercheurs français et d’attirer ceux qui sont étrangers.

Ensuite, la recherche culturelle et la culture scientifique et technique accusent encore une baisse, certes modique, de leurs crédits. Universcience va subir, une nouvelle fois, une diminution de son budget à hauteur de 2 millions d’euros. C’est pourquoi je soutiens l’amendement de ma collègue Angèle Préville, qui a pour objet de réaffecter les 2 millions d’euros à Universcience.

Pour finir, j’aimerais aborder la recherche afférente aux énergies renouvelables. Dans une note sur les dépenses publiques de recherche et développement en énergie en 2016, le Commissariat général au développement durable a mis en exergue que, depuis environ une décennie, l’investissement public en la matière s’est érodé. En 2016, il s’élevait à 913 millions d’euros, soit 5 % de la dépense publique en recherche et 0,05 % du PIB ! Quel constat effarant, dès lors que la transition écologique – surtout actuellement – est érigée en priorité cardinale.

Surtout, nous le savons, l’une des spécificités de la France est le poids du nucléaire dans cette recherche, puisqu’il concentre 45 % des dépenses. Il n’est donc guère surprenant que la dotation versée au titre du programme 190 au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables soit de 433 millions d’euros pour le financement de la recherche sur l’énergie nucléaire, et seulement de 51 millions pour la recherche sur les énergies renouvelables, soit neuf fois moins.

Par ailleurs, le fait que la dotation accordée à l’IFPEN ait été asséchée de 4,5 millions d’euros depuis 2017 est un vrai problème. Étant donné les engagements nationaux, européens et internationaux de la France liés à la transition énergétique, il serait incohérent que les moyens dédiés à l’IFPEN, qui œuvre pour le développement des énergies propres et la mobilité durable, baissent encore une fois.

Au final, les ambiguïtés de la recherche énergétique traduisent les tensions et contradictions plus globales de la politique énergétique française. Certes, la France occupe une place prépondérante dans certains domaines, comme la biomasse, mais il serait plus opportun que les crédits alloués à la recherche sur ces énergies soient augmentés drastiquement. De plus, un changement d’échelle est nécessaire, comme l’a préconisé la Cour des comptes.

Madame la ministre, vous l’avez compris, nous relevons des points positifs, mais nous avons de nombreux questionnements, réserves et points de vigilance. Vous portiez une grande ambition dans la loi ORE. Malheureusement, le premier rendez-vous budgétaire pour la mettre en œuvre dans de bonnes conditions n’est pas à la hauteur. Dommage ! Le groupe socialiste et républicain ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)