M. le président. Il faut conclure, cher collègue !

M. Antoine Lefèvre. Enfin, je rappelle que, s’agissant du dossier prioritaire « Action cœur de ville », les EPL ont l’expertise et le savoir-faire nécessaires pour conduire la redynamisation des centres-villes et des centres-bourgs.

Plus largement, les EPL interviennent dans une quarantaine de domaines. Il convient donc de sécuriser le fonctionnement des 1 284 EPL en activité et des 116 qui sont en cours de création. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à adopter cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet.

M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il arrive que le Conseil d’État prenne une décision incitative.

M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. C’est rare, mais ça arrive !

M. Pierre-Yves Collombat. Notre collègue est un grand comique !

M. Arnaud de Belenet. Nul doute que l’arrêt du 14 novembre 2018 a été d’une redoutable efficacité en matière d’incitation – les précédents orateurs ont dit combien l’émotion et l’inquiétude étaient fortes dans leur territoire.

J’ai été très heureux, après avoir été sollicité notamment par le président de la communauté d’agglomération de Marne et Gondoire, au moment où je commençais à travailler sur le sujet, de constater qu’Hervé Marseille avait fait preuve d’une diligence tout à fait inouïe, diligence…

M. Loïc Hervé, rapporteur. … qu’on lui connaît !

M. Arnaud de Belenet. … qui le caractérise, en prenant l’initiative de cette proposition de loi.

J’évoquerai deux points.

Premier point : la décision du Conseil d’État met bel et bien un terme à une divergence d’appréciation sur l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales. Il fallait donc, urgemment, une réponse, sous forme de clarification.

Un certain nombre de tribunaux privilégiaient une interprétation fonctionnelle du rôle des SPL, qui étaient alors considérées comme de « simples outils d’intervention économique mis à la disposition des collectivités publiques » – c’est le cas notamment du tribunal administratif de Clermont-Ferrand dans sa décision de 2014.

L’analyse retenue par le Conseil d’État n’aborde plus les SPL comme un outil au service des actionnaires, mais comme leur prolongement organique. Dès lors, par son considérant de principe, le juge de cassation estime que « la participation d’une collectivité est exclue lorsque cette collectivité n’exerce pas l’ensemble des compétences sur lesquelles porte l’objet social de la société ». Il faut donc l’arbitrage du législateur.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Oui !

M. Arnaud de Belenet. Ce n’est pas une question de « défiance », pour reprendre le mot de Jacques Bigot : il appartient bien au législateur d’intervenir. J’ai d’ailleurs constaté, dans les précédentes interventions, un accord de principe sur la pertinence et les objectifs de cette proposition de loi.

La commission des lois – c’est mon second point – a souhaité apporter quelques éléments de clarification rédactionnelle et étendre le champ d’application du texte aux SPLA, ce qui est certainement très bien.

Le seul désaccord, marginal, entre nous, porte donc en définitive sur le niveau de précision de ce lien entre compétence de la collectivité et objet social de la SPL. Sous cette question de précision de la formulation est posée celle de la place laissée au juge. M. le rapporteur le disait précédemment, plus nous sommes imprécis, plus la marge de manœuvre du juge est grande et plus on suscite d’inquiétudes.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Certes, soyons précis !

M. Arnaud de Belenet. Il convient donc d’être le plus précis possible.

M. Pierre-Yves Collombat. Ce serait bien, en effet !

M. Arnaud de Belenet. Or le Gouvernement estime que la formulation employée dans le texte issu des travaux de la commission est insuffisamment précise et ne permettrait pas de faire obstacle à ce qu’une partie de l’activité de la SPL ne relève d’aucune des compétences des collectivités ou des groupements actionnaires. Il propose donc une nouvelle rédaction des articles 1er et 2 de la présente proposition de loi.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Il ne fait pas mieux que nous !

M. Arnaud de Belenet. Ces amendements méritent d’être défendus par M. le secrétaire d’État, afin de préciser la proposition de loi.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Ils le seront !

M. Arnaud de Belenet. Sans revenir sur la rédaction de la commission des lois, j’avais proposé, a minima, cher rapporteur, que soit ajoutée la mention d’un « lien direct » entre l’objet de la SPL et l’une des compétences de la collectivité. Je n’ai pas la prétention de penser que cet amendement puisse servir de compromis utile pour répondre aux observations du Gouvernement sans détricoter le travail consensuel de la commission des lois, mais nous avons vraiment, me semble-t-il, une marge de progression.

Je ne doute pas que la sagesse et la culture du Sénat permettront de traiter cette question avec toute la précision que méritent nos collectivités. Elles doivent pouvoir prendre leurs décisions sur le fondement juridique d’un texte suffisamment précis. En outre, elles méritent que nous soyons attentifs à la vertu prophylactique de ce que nous écrivons dans la loi – nous devons inciter les collectivités à ne pas prendre de risques.

C’est cette clarté et cette précision qui assureront cette prophylaxie et permettront la sécurité des décisions de nos collègues élus locaux, qui ont tant besoin, comme cela a été rappelé, de ces outils en très fort développement que sont les SPL. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste. – M. le président de la commission des lois et M. Alain Fouché applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne rappellerai pas l’importance prise par les SPL dans la vie de nos collectivités – cela a été fait, et bien fait.

Pour moi, les choses sont très claires : on ne peut que soutenir le texte de notre commission, un texte qui rétablit la portée de la loi initiale sur les SPL, soigneusement obscurcie et limitée par la jurisprudence administrative. Je n’en suis d’ailleurs pas surpris ; à ceux qui le seraient, je conseille la lecture du rapport du Conseil d’État de 2002 sur les collectivités publiques et la concurrence. Je cite : « La promotion du service public commence dans une pleine reconnaissance du cadre d’ensemble de libre concurrence dans lequel il est appelé à intervenir. »

Tout est dit, car, clairement, la formule de la SPL est une entorse aux lois de la concurrence, les sociétaires de ces structures n’étant pas assujettis à ces lois. Il convient donc de limiter la portée de cette aberration. C’est ce que fait la jurisprudence administrative, qui, bien sûr, ne fait pas de politique… Elle ne fait pas de politique, mais elle a bien, malgré tout, une politique !

Je dirai, pour conclure, que, si j’avais encore quelques doutes sur l’intérêt du texte présenté par la commission, les amendements clairement restrictifs, eux aussi, du Gouvernement, les lèveraient. Mais nous aurons l’occasion d’y revenir.

M. Antoine Lefèvre. Rendez-vous est pris ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Alain Fouché applaudit également.)

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le rapporteur et le président Marseille ayant déjà très bien exposé les questions juridiques, je me bornerai à formuler quelques observations.

À mon sens, ce texte est sous-tendu par une véritable ambition. Si certaines propositions de loi sont des textes d’affichage politique ou d’appel, dont chacun devine d’emblée quel sera le sort, la proposition de loi que le groupe Union Centriste nous présente aujourd’hui sur l’initiative de son président, M. Hervé Marseille, n’est pas de celles-là. Elle porte sur un problème juridique précis et n’a aucune visée d’affichage, bien au contraire !

Elle a vocation à redonner la parole au législateur dans un domaine, celui des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à l’actionnariat dans les SPL et les SEM, où différentes décisions des juridictions administratives sont venues semer le trouble dans nos territoires.

L’objet de la présente proposition de loi me paraît s’inscrire dans la problématique actuelle. Nous cherchons à préserver l’ingénierie et la capacité d’action des communes et des collectivités territoriales ; cela a été illustré par différents exemples.

En ces temps de grand débat et de recherche de proximité, où nous essayons de redonner des moyens aux communes, il me semble essentiel que celles-ci puissent continuer à disposer d’outils partagés, notamment en matière d’ingénierie, et les contrôler en étant présentes au capital.

Dans son rapport, notre collègue Loïc Hervé a souligné que la position du Conseil d’État pouvait avoir des « effets dévastateurs pour l’action des entreprises publiques locales » et porter « une atteinte immédiate à la viabilité économique d’un grand nombre de SPL ». L’effet serait tout aussi dévastateur pour les collectivités territoriales, notamment les communes.

On évoque souvent la perte de substance ressentie, et d’ailleurs réelle, par nos collègues élus municipaux : il s’agit ici de leur laisser des moyens d’agir. Notre collègue Hervé Marseille évoquait la tenue des jeux Olympiques en Île-de-France. Les collectivités territoriales sont confrontées à de grandes structures, comme la Société de livraison des ouvrages olympiques, la Solideo, ou le Comité d’organisation des jeux Olympiques. Il me paraît particulièrement utile qu’elles puissent se regrouper, par exemple au sein de SPL, pour être en mesure de faire entendre ensemble et de disposer d’éléments d’analyse ou d’outils d’ingénierie.

C’est donc de manière parfaitement assumée que l’article 1er de la proposition de loi remet expressément en cause la jurisprudence du Conseil d’État, qui impose que toutes les compétences soient détenues par les actionnaires.

Le Gouvernement, qui semblait a priori favorable à l’esprit de la présente proposition de loi, a proposé un certain nombre d’amendements en commission. M. le secrétaire d’État a invoqué un esprit d’ouverture ; on ne peut que s’en féliciter, mais la conclusion de son propos m’a semblé marquer une certaine fermeture et la recherche, peut-être motivée par des considérations juridiques, de solutions qui n’en seraient pas.

Je veux donc réaffirmer ici la volonté qui est la nôtre de permettre aux collectivités territoriales de régler effectivement un problème auxquelles elles sont confrontées. Les ajouts dont le Gouvernement souhaitait l’adoption en commission allaient, me semble-t-il, bien au-delà d’une simple précision : il s’agissait de réintroduire une disposition qui, de notre point de vue, rouvrirait à coup sûr une succession d’interprétations jurisprudentielles contradictoires. Je me réjouis donc que la commission des lois ait choisi de ne pas donner une suite favorable à cette proposition. La formulation proposée aujourd’hui par le Gouvernement, avec la référence à une « part significative et régulière », nous paraît encourir les mêmes critiques.

La proposition de loi a un objet simple et précis : elle vise à sécuriser définitivement le régime juridique des entreprises publiques locales, et non à introduire des dispositions qui pourraient nourrir une jurisprudence abondante. Notre rapporteur a parfaitement compris cet objectif. Au nom de mon groupe, je le remercie de la qualité de son travail. Les modifications apportées par la commission vont dans le sens souhaité par les auteurs de la proposition de loi.

Le texte présenté aujourd’hui me semble simple et non équivoque ; il faut lui garder cette pureté. Il est attendu par les élus locaux. J’invite donc le Gouvernement et chacun d’entre vous, mes chers collègues, à soutenir activement cette proposition de loi. Le groupe Union Centriste salue l’excellente initiative de son président et votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Alain Fouché applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert.

Mme Sylvie Robert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi, de prime abord un peu technique, mais en réalité très politique, est essentielle pour l’aménagement, le développement et l’attractivité de nos territoires. En effet, elle ne vise rien de moins que la sauvegarde et la pérennisation des EPL.

Je ne reviendrai pas sur l’analyse de l’arrêt du Conseil d’État. La proposition de loi vient vraiment clarifier et sécuriser juridiquement le paysage des EPL, en restant fidèle à la lettre de la loi de 2010 et en prenant en considération les évolutions observées en France, mais aussi en Europe, concernant ces outils au service de la décentralisation. Plus précisément, elle fixe le principe suivant : la réalisation de l’objet de l’EPL doit « concourir à l’exercice d’au moins une compétence de chacun des actionnaires ». En somme, il s’agit de faire preuve de souplesse, de cohérence, mais aussi d’efficacité.

Affaiblir et limiter le recours aux EPL va à l’encontre du contexte actuel, qui favorise au contraire l’appel à ces structures par les collectivités. Trois facteurs en particulier vont dans ce sens.

Premièrement, le tarissement des dotations de l’État aux collectivités territoriales, combiné à l’application de la « règle d’or » pour leurs dépenses de fonctionnement et à l’assèchement de leurs ressources budgétaires, impose souvent aux collectivités d’innover, de trouver de nouvelles modalités d’exercice de leurs compétences ou, tout du moins, de recourir davantage à celles qui semblent le mieux adaptées à cet environnement en pleine mutation. Les EPL représentent justement une de ces modalités.

Deuxièmement, les EPL s’inscrivent dans une conception moderne de l’action publique, fondée sur une logique partenariale et de projet territorial. Il s’agit bien de créer, à l’échelle d’un territoire, les synergies nécessaires entre acteurs publics ou entre acteurs publics et privés en vue de l’accomplissement d’une mission d’intérêt général. Dans ce cadre, des mutualisations peuvent être opérées, les savoir-faire peuvent être partagés et, d’une manière générale, la gestion est efficiente.

Troisièmement, les EPL peuvent vraiment, à mon sens, accompagner ce nouveau mouvement de décentralisation que beaucoup appellent de leurs vœux. La tendance à vouloir renforcer l’action publique de proximité et à ancrer territorialement les politiques publiques stimule l’essor des EPL. En 2018, leur nombre s’est accru de 4 %, et leurs activités se sont diversifiées ; je pense notamment aux domaines de la culture et du tourisme.

Enfin, il me semble que les EPL peuvent participer du développement équilibré de nos territoires, car l’un de leurs atouts est leur présence sur tous les territoires, y compris ultramarins. Autrement dit, loin d’accroître les fractures territoriales, les EPL peuvent être utiles au rééquilibrage économique, social et culturel entre les territoires. Dans le contexte actuel, ce n’est pas anodin.

Au vu de tous ces arguments, c’est sans hésitation qu’un certain nombre de mes collègues et moi-même avons choisi de cosigner la proposition de loi de M. Marseille. Ce texte est, de mon point de vue, très important, à plus forte raison au regard des enjeux actuels. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Alain Fouché applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde. « Le Conseil d’État a encore frappé avec un manque total de nuances. » C’est en ces termes qu’Éric Landot, avocat à la Cour, a commenté le fameux arrêt rendu par le Conseil d’État le 14 novembre dernier.

Les SPL ont été créées en 2010 pour donner aux collectivités territoriales la souplesse des entreprises privées tout en garantissant un contrôle complet par les actionnaires publics. En effet, à la différence des SEM, elles ne comptent pas d’actionnaires privés à leur capital.

Cette souplesse, si rare en matière de commande publique, a été très appréciée des collectivités territoriales. De nombreuses SPL ont vu le jour depuis 2010 dans des domaines divers : aménagement de centre-ville, assainissement, déploiement du numérique…

Quinze jours après la publication de l’arrêt du Conseil d’État, d’application immédiate, le préfet des Hauts-de-Seine adressait à l’ensemble des collectivités du département le courrier suivant :

« […] S’il était établi qu’une collectivité ne pouvait être actionnaire d’une SEML ou d’une SPL dès lors qu’aucune de ses compétences ne figurait dans les statuts de la société, restait à trancher le cas des sociétés à “objet mixte”, dont les missions ne relèvent qu’en partie de la compétence de la collectivité. […]. Dans un arrêt du 14 novembre 2018, le Conseil d’État retient la lecture selon laquelle toutes les missions de la société doivent relever de la compétence de la collectivité. Aussi, je vous invite, lorsque votre collectivité ou votre établissement se trouve dans ce cas de figure, à engager, dans les meilleurs délais, les cessions d’actions qui s’imposent au sein des SEM et des SPL dont les missions ne correspondent pas intégralement à ses compétences […]. »

Faire évoluer l’actionnariat des SPL est plus complexe que ne le laisse apparaître ce courrier. Les SPL ne peuvent compter ni sur l’actionnariat public national ni sur l’actionnariat privé pour remplacer les actionnaires ne disposant pas d’une identité de compétence. Or une SPL ne peut exister en l’absence de deux actionnaires publics locaux. Par ailleurs, les compétences des collectivités ont été spécialisées par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et la loi du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République. L’application de l’arrêt du Conseil d’État vient mettre fin à la coopération verticale, par exemple entre une commune et un département, sur un même territoire.

Au-delà de la potentielle difficulté à trouver un nouvel actionnaire prêt à acquérir les parts cédées, qui pourrait imaginer qu’une commune du périmètre de la métropole du Grand Paris ayant acquis sur ses fonds propres un terrain en friche devienne un actionnaire très minoritaire de la SPL qui l’aménage ? C’est l’ex-administratrice de la SPL Val de Seine Aménagement, qui porte le projet emblématique de l’île Seguin, qui vous parle !

Par conséquent, pour sécuriser l’ensemble des opérations et des contrats en cours gérés par les 169 SPL et les 333 SEM, recensées par la rapporteure publique du Conseil d’État, dont l’objet social excède le champ des compétences partagées par leurs actionnaires, il y a urgence à venir préciser l’esprit de la loi et la volonté du législateur.

Au-delà de ce texte, qui vient régler une difficulté précise – je profite de l’occasion pour remercier mon voisin, le président Hervé Marseille, de son initiative –, je ne peux qu’inviter le Gouvernement, qui s’est montré si frileux jusqu’ici, notamment lors du congrès des EPL à Rennes au mois de décembre dernier, à ouvrir un débat juridique sur la réglementation des sociétés publiques locales, outil indispensable à l’aménagement de nos territoires. La décision du Conseil d’État risque fort de faire jurisprudence pour les SPLA. Il conviendrait donc de modifier également les dispositions de l’article L. 327-2 du code de l’urbanisme dans un futur proche. La réflexion pourrait également s’engager sur la manière dont la France pourrait appliquer les règles plus souples de l’Union européenne en matière de in house, sans systématiquement sur-transposer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi tendant à sécuriser l’actionnariat des entreprises publiques locales

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à sécuriser l'actionnariat des sociétés publiques locales et des sociétés d'économie mixte
Article 2

Article 1er

Le deuxième alinéa de l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsque l’objet de ces sociétés inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires. La réalisation de cet objet concourt à l’exercice d’au moins une compétence de chacun des actionnaires. »

M. le président. L’amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le deuxième alinéa de l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales est complété par trois phrases ainsi rédigées : « Aucune collectivité territoriale ou aucun groupement de collectivités territoriales ne peut participer au capital d’une société publique locale s’il ne détient pas au moins une compétence sur laquelle porte l’objet social de la société et à laquelle celle-ci consacre une part significative et régulière de son activité. Lorsque l’objet de la société inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires. Chaque activité doit relever de la compétence d’au moins une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales actionnaire. »

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, aux yeux du Gouvernement, la rédaction retenue par la commission des lois du Sénat ouvre trop largement la faculté, pour les collectivités territoriales et leurs groupements, de prendre des parts au capital d’entreprises locales ou d’en créer y compris en l’absence de correspondance entre les compétences desdits collectivités ou groupements et les activités de ces sociétés.

Encore une fois, le Gouvernement craint qu’une telle rédaction comporte un risque de contournement de la réglementation, en encourageant le recours à des entreprises publiques locales à objets sociaux multiples, alors même que la compétence de la collectivité ne correspondrait qu’à une part négligeable des activités de la société.

Par ailleurs, selon nous, la rédaction proposée ne fait pas clairement obstacle à ce qu’une partie de l’activité de la SPL ne relève d’aucune des compétences des collectivités territoriales ou des groupements actionnaires. En effet, la formulation du texte, précisant que la réalisation de l’objet social « concourt à l’exercice d’au moins une compétence » des collectivités et groupements actionnaires, est à nos yeux trop indirecte.

Si la compétence des collectivités territoriales ne se confond pas avec l’objet social de la société, celui-ci doit être défini de manière précise, afin que le lien avec les compétences des collectivités ou groupements actionnaires puisse être clairement établi, comme le rappelle la circulaire du 29 avril 2011 relative au régime juridique des sociétés publiques locales.

Par conséquent, cet amendement a pour objet de préciser que les collectivités et leurs groupements ne peuvent être actionnaires d’une société publique locale s’ils ne détiennent pas au moins une compétence sur laquelle porte l’objet social de cette dernière. Cette compétence doit en outre correspondre à une « part significative et régulière » de l’activité de la société.

Certes, ainsi que je l’ai souligné voilà quelques instants, la notion de « part significative », dont votre commission a déjà été saisie la semaine dernière, a fait l’objet d’un débat. Pour nous, c’est la solution la plus satisfaisante au plan juridique. Les acteurs de l’économie mixte locale et les collectivités territoriales sauront, je n’en doute pas, en faire une interprétation intelligente, en particulier dans le cadre d’un dialogue avec les représentants de l’État dans le département. D’ailleurs, ces derniers sont tenus de veiller à la bonne application de ces règles au titre du contrôle de légalité.

De plus, la formule proposée nous paraît plus souple que la fixation dans la loi d’un seuil chiffré, dont l’application ne manquerait pas de créer de nombreuses difficultés.

Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir adopter cet amendement. Certes, j’ai bien entendu les propos des orateurs qui se sont exprimés et je connais le résultat du vote intervenu en commission voilà quelques jours. Mmes Robert et Lavarde ont sollicité l’ouverture d’un débat juridique sur la régulation du secteur des sociétés publiques locales et des établissements publics locaux, quelle que soit la nature de leur activité. Je forme le vœu que la navette parlementaire nous permette d’aboutir à une régulation parfaitement claire. Cela évitera d’éventuels soupçons ou accusations de frilosité ; pour notre part, il s’agit plutôt de précaution. J’ai la conviction que nos échanges au cours de la navette nous permettront d’avancer et de trouver une position de compromis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. L’article 1er a été récrit par la commission des lois, afin d’établir un principe clair et de lever toute confusion entre objet des SPL et compétences des collectivités qui en sont actionnaires. La rédaction proposée par le Gouvernement soulève des problèmes allant bien au-delà de la seule sémantique ou de la légistique.

Le plus grave de ces problèmes tient au critère de « part significative et régulière » de l’activité. Qu’est-ce qu’une « part » d’activité ? À partir de quand est-elle « significative » ? Comment mesurer si elle est « régulière » ? Je ne le sais pas, et c’est probablement au juge qu’il appartiendra de le déterminer, au bout de quelques années de jurisprudence. Cela risque de poser des problèmes proches de ceux que nous tentons précisément de résoudre aujourd’hui…

Derrière l’utilisation de ces critères flous se cacherait en réalité le recours au bon vouloir des préfets. Ils disposeraient d’un droit de vie ou de mort sur les projets d’EPL, pouvant brandir la menace d’un contentieux tout à fait aléatoire. L’utilisation du critère de la régularité leur permettrait même de remettre en cause l’existence d’EPL déjà constituées. C’est d’ailleurs ce qui se passe actuellement dans un certain nombre de départements : des entreprises publiques locales reçoivent des courriers des préfets.

L’insécurité juridique manifeste qui découlerait d’une telle rédaction porterait préjudice aux entreprises publiques locales, aux collectivités qui en sont actionnaires et, in fine, aux projets et à la population des territoires concernés.

Mes chers collègues, mettez-vous donc à la place des collectivités : comment investir plusieurs millions d’euros dans un projet lorsque de tels aléas existent ? Vous l’aurez donc compris, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.