M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse et de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg sur la coopération sanitaire transfrontalière
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2

Est autorisée l’approbation de l’accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg sur la coopération sanitaire transfrontalière, signé à Luxembourg le 21 novembre 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi. – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 2
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse et de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg sur la coopération sanitaire transfrontalière
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse et de l’accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg sur la coopération sanitaire transfrontalière.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse et de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg sur la coopération sanitaire transfrontalière
 

4

Agence nationale de la cohésion des territoires

Adoption en nouvelle lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié et des conclusions d’une commission mixte paritaire

 
 
 

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires (proposition n° 518, texte de la commission n° 562, rapport n° 561) et des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi organique relative à la nomination du directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (texte de la commission n° 432, rapport n° 431).

La conférence des présidents a décidé que ces textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, tout d’abord, de vous transmettre les excuses de Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, qui n’a pu être présente ce matin, car retenue aux côtés du Premier ministre à la réunion du comité interministériel de la transformation publique.

La Haute Assemblée a adopté en première lecture, en novembre dernier, la proposition de loi portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires, déposée par le groupe du RDSE, dont je salue le président. Nous en débattons aujourd’hui en nouvelle lecture, après l’échec de la commission mixte paritaire réunie le 3 avril dernier.

Le Gouvernement a constaté que, en dépit d’efforts de diplomatie et de dialogue, aucun compromis n’avait pu être trouvé entre les membres de la commission mixte paritaire. C’est dommage, mais c’est ainsi !

Je ne rappellerai pas la genèse du projet de création d’une Agence de la cohésion des territoires, annoncé par le Président de la République en juillet 2017. Je ne referai ni la description de son fonctionnement ni la présentation des bénéfices pour les territoires que nous en attendons tous. Ces sujets ont été abondamment débattus.

La création de l’ANCT marque tout d’abord un changement de méthode au travers de la mise en place d’un outil de coordination des opérateurs de l’État qui constitue, par l’intermédiaire des préfets de département, un guichet unique vers lequel les élus pourront se tourner pour obtenir une aide et un soutien à leurs projets. C’est aussi un changement de méthode en ce qu’elle permet de sortir d’une logique verticale, celle d’un État « prescripteur » qui aménage le territoire sur la base d’appels à projets, pour lui substituer une logique ascendante, celle d’une action de l’État et de ses opérateurs à partir des besoins et projets exprimés et portés par les élus d’un territoire. L’État se met ainsi au service des territoires.

L’ANCT sera également un outil au service de toutes les collectivités, pour tous les territoires, qu’ils soient de métropole ou d’outre-mer, qu’il s’agisse de communes, d’intercommunalités, de départements, de métropoles, de régions ou même de territoires dont les périmètres ne sont pas ceux délimités par les « frontières administratives ».

En l’espèce, nous souhaitons que l’intervention de l’ANCT ne se limite pas aux territoires institutionnels, mais qu’elle profite aux territoires qui portent des projets – je pense aux pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, les PETR, aux pays. Cela n’est pas incompatible avec le fait que l’ANCT déploiera prioritairement son action dans les territoires les plus fragiles, là où les moyens manquent le plus pour réaliser des projets et où les besoins en ingénierie, en copilotage, en soutien financier sont les plus forts.

Enfin, l’ANCT apportera une aide sur mesure, en partant des volontés et des besoins locaux. En coordonnant les services et les opérateurs de l’État, l’agence pourra mobiliser et, surtout, fédérer leurs ressources techniques et financières.

Cet appui sera complémentaire de celui que les collectivités territoriales ou le secteur privé peuvent eux-mêmes en apporter. L’ANCT interviendra en complémentarité, et non en concurrence avec les ressources dont disposent les collectivités territoriales et leurs agences locales.

De cette manière, l’intervention de l’agence ne sera pas uniforme : là où il n’y a pas de besoins, là où les élus locaux ne souhaitent pas qu’elle intervienne, elle n’interviendra pas ; là où il y a des besoins, là où les élus le souhaitent, elle apportera un soutien en complément de leurs éventuelles ressources.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte d’initiative sénatoriale a fait l’objet d’une véritable coproduction législative entre les assemblées parlementaires. De nombreux amendements, déposés par plusieurs groupes et adoptés au Sénat et à l’Assemblée nationale, ont apporté des enrichissements en ce qui concerne tant les domaines d’intervention de l’Agence, ses priorités, son mode de fonctionnement que sa gouvernance.

En la matière, j’insiste pour que cet outil soit le plus souple et le plus adaptable possible. Nous y avons tous intérêt si nous souhaitons le succès de la nouvelle agence.

Cela explique pourquoi le Gouvernement s’est montré particulièrement soucieux que les règles de fonctionnement et de composition des comités locaux de cohésion territoriale, dont la Haute Assemblée avait souhaité la création, ne soient pas fixées avec trop de rigidité.

La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales l’a affirmé à plusieurs reprises, et je tiens à le réaffirmer devant vous : la définition de la composition de ces comités sera déterminée au niveau local, en concertation entre préfets et élus locaux. Nous adresserons une circulaire en ce sens aux préfets, pour leur demander d’associer à ces comités, dès lors que leur présence est nécessaire, des acteurs tels que les agences de l’eau ou les comités de bassin. En la matière, le Gouvernement est attaché à ce que la loi laisse la souplesse nécessaire aux intelligences locales pour déterminer le bon format et le bon mode de fonctionnement de ces comités.

S’agissant toujours de la gouvernance, nous connaissons le désaccord entre, d’un côté, le Gouvernement et l’Assemblée nationale, et, de l’autre, la Haute Assemblée à propos des équilibres au sein du conseil d’administration.

En première lecture, vous aviez ainsi souhaité que les représentants des collectivités territoriales disposent de la moitié des sièges dans ce conseil. Je tiens à rappeler que le Gouvernement est tout à fait favorable à ce que les représentants des élus locaux disposent d’une large place au sein du conseil d’administration de cette agence. Cela n’est pas incompatible avec la conservation d’au moins la moitié des sièges pour les représentants de l’État. Au demeurant, un tel équilibre est totalement cohérent, au regard du fait que l’ANCT sera une agence de l’État, composée d’agents de l’État et dont le budget fonctionnera à partir des crédits de l’État. Le principe selon lequel « qui paye décide » doit tous nous guider.

Je tiens également à rappeler que, dans le cadre des discussions qui se sont tenues pour tenter de parvenir à une CMP conclusive, les députés ont fait des pas supplémentaires pour renforcer le poids des élus au sein du conseil d’administration :

Tout d’abord, ils ont fait passer le représentant de la Caisse des dépôts et consignations – la banque des territoires – du côté des représentants de l’État, ce qui a permis de donner un siège supplémentaire aux collectivités.

Ensuite, ils ont proposé de donner aux représentants des collectivités le pouvoir de demander une seconde délibération sur un point inscrit à l’ordre du jour du conseil qui ne leur conviendrait pas.

Toutefois, la Haute Assemblée demandait à ce que cette possibilité de demander une nouvelle délibération soit étendue à l’infini, sous la forme d’une nouvelle délibération permanente : dès lors qu’un point inscrit à l’ordre du jour ne recueillerait pas l’avis favorable d’une partie des représentants des élus locaux, ces derniers seraient fondés à demander, autant de fois qu’ils le souhaiteraient, une nouvelle délibération. Instituer ainsi un pouvoir de blocage permanent ne nous paraissait pas acceptable, car cela aurait, dans les faits, permis à une minorité d’entraver le fonctionnement normal de l’agence.

Cela étant, nous voulons être très clairs sur le point suivant : nous n’imaginons pas un seul instant que l’État, dans le cadre du fonctionnement d’une agence au service des territoires entièrement tournée vers le soutien aux projets locaux, ne recherche pas le consensus le plus large sur les questions débattues au sein du conseil. Nous imaginons encore moins que l’État passe en force sur une question qui ferait l’objet d’un large rejet de la part des représentants des collectivités territoriales.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement, attaché au dialogue et à la construction de solutions consensuelles, a soutenu l’introduction par les députés du mécanisme de la seconde délibération, dès lors que celui-ci ne saurait être détourné pour en faire un moyen de blocage. Le Gouvernement présentera donc un amendement visant à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale sur ce point.

C’est sous le bénéfice de ces observations que le Gouvernement vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à adopter la proposition de loi qui vous est soumise en nouvelle lecture, afin que le processus législatif entamé en octobre dernier puisse maintenant aller à son terme dans les meilleurs délais. Le Gouvernement pourra alors passer aux travaux pratiques et mettre très rapidement l’agence en œuvre, au service des territoires et de leurs projets.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur de la commission de laménagement du territoire et du développement durable et rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis ce matin en nouvelle lecture, après l’échec de la CMP réunie le 3 avril dernier, de la proposition de loi portant création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, déposée au Sénat en octobre 2018 par le président Jean-Claude Requier et les membres du RDSE.

Nous examinons également les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi organique déposée conjointement par le président Hervé Maurey et le président Requier pour prévoir l’audition du futur directeur général de l’agence par les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, en application de l’article 13 de la Constitution, ce texte ayant fait l’objet d’un accord.

Avant de vous présenter la position de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable pour cette nouvelle lecture, je souhaiterais revenir sur les principales étapes de la navette parlementaire.

En première lecture au Sénat, nous avions considéré que si la création de l’ANCT n’était pas une solution miracle au manque de dynamisme que connaissent certains territoires, elle constituait un premier pas pour replacer l’objectif d’un aménagement durable et innovant du territoire au cœur des politiques de cohésion.

En dépit de réserves tant sur la forme et la méthode employée que sur le fond, tenant notamment à des inquiétudes quant aux ressources et à la gouvernance de l’agence, le Sénat avait adopté un texte enrichi sur l’initiative de notre commission selon trois axes : en premier lieu, le renforcement du rôle des élus locaux et nationaux dans la gouvernance de l’agence ; en deuxième lieu, l’amélioration du fonctionnement et de la transparence de l’agence ; enfin, une meilleure prise en compte des territoires les plus fragiles.

Ces trois axes correspondaient d’ailleurs aux orientations retenues par le Sénat lors du vote, le 13 juin 2018, de la proposition de loi de nos collègues Bruno Retailleau, Philippe Bas et Mathieu Darnaud relative à l’équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale, qui comportait un volet dédié à l’Agence nationale de la cohésion des territoires.

Concernant la gouvernance, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable avait instauré, à l’article 3, la parité au sein du conseil d’administration de l’agence entre les représentants de l’État, d’une part, et les représentants des élus locaux et nationaux, d’autre part, position que le Sénat avait confirmée en séance par l’adoption d’un amendement de précision du président Hervé Marseille.

Notre commission avait en outre institué, à l’article 5, un comité local de la cohésion territoriale afin de renforcer l’information et l’association des élus locaux aux actions de l’agence dans les territoires.

Elle avait également prévu, à l’article 7, que les conventions pluriannuelles conclues par l’agence avec d’autres établissements publics de l’État soient transmises pour information au Parlement.

Enfin, des précisions avaient été introduites, à l’article 2, sur les missions de l’agence pour cibler les territoires les plus fragiles, et le Sénat avait rappelé que la vocation urbaine de l’agence ne devrait pas l’emporter sur sa vocation rurale.

L’Assemblée nationale a conforté l’essentiel de ces apports sénatoriaux en première lecture et a apporté des modifications opportunes au texte du Sénat, que ce soit sur la prise en compte des zones rurales mentionnées à l’article 174 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ou sur l’appui aux porteurs de projets locaux dans leurs demandes de subventions au titre des fonds européens.

Concernant les modalités d’intervention de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, l’Assemblée nationale a introduit plusieurs dispositifs, comme le contrat de cohésion territoriale, à l’article 2, qui aura vocation à regrouper divers instruments contractuels liant l’État et les collectivités, dans un souci de simplification, ou la création, à l’article 8 ter, d’une réserve thématique, qui permettra aux personnes volontaires de s’investir dans des projets soutenus par l’agence.

Malgré ces éléments relativement consensuels, une divergence fondamentale persiste entre nos deux assemblées concernant la gouvernance de l’agence et, plus particulièrement, à l’article 3 du texte, sur les pouvoirs des élus locaux au sein de son conseil d’administration.

En première lecture, l’Assemblée nationale était revenue sur la proposition sénatoriale de parité entre les élus et l’État au conseil d’administration, en rétablissant la majorité pour l’État. Au regard de l’objet de l’agence et des exemples d’établissements comparables, cela n’était pas acceptable pour le Sénat. J’ai donc fait des propositions en commission mixte paritaire pour tenter de trouver un accord.

Dans une démarche de compromis, j’ai proposé d’accepter la représentation majoritaire de l’État, à condition que les élus locaux disposent d’un droit de veto si la moitié d’entre eux est en désaccord avec une décision du conseil d’administration. Il était proposé que, dans ce cas, une nouvelle délibération ait lieu, dans les mêmes conditions de vote. Nous avons ensuite proposé que, pour toute nouvelle délibération, un blocage soit possible uniquement si les trois quarts des élus locaux s’opposent à la décision. Cette proposition, pourtant pragmatique et constructive, n’a pas été acceptée. Malgré les tentatives de conciliation du Sénat pour aboutir à un texte commun, ce point de désaccord est apparu insurmontable aux députés et, si j’ai bien compris, au Gouvernement.

En nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, le texte n’a été que peu modifié, mais j’ai deux regrets.

Le premier concerne le rôle des agences régionales de santé, qui ne figurent plus ni au sein du comité d’action territoriale de l’agence ni au sein du comité local de la cohésion territoriale.

Le second concerne le fonctionnement du conseil d’administration de l’ANCT. L’Assemblée nationale a placé, comme nous l’avions fait, le représentant de la Caisse des dépôts et consignations dans le même collège que les représentants de l’État, afin que les représentants des collectivités locales disposent d’un siège supplémentaire dans le deuxième collège. Par ailleurs, elle a donné un pouvoir de veto à usage unique aux élus locaux si la moitié d’entre eux sont en désaccord avec une décision du conseil d’administration.

Cependant, ne soyons pas dupes : ce veto n’ouvre droit qu’à une seule et unique seconde délibération, sans offrir de réelle faculté de blocage aux élus, comme le Sénat le souhaitait ! Autrement dit, sous couvert d’une démarche de compromis, l’Assemblée nationale a adopté une disposition en trompe-l’œil, qui ne changera rien au droit de regard réel des collectivités territoriales sur la gouvernance de l’ANCT.

C’est la raison pour laquelle la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a souhaité, la semaine dernière, reprendre la position défendue en commission mixte paritaire, afin de prévoir une réelle prise en compte des élus locaux. Pour notre commission, il n’est pas possible d’aller plus loin sans renier la volonté du Sénat de faire de l’ANCT un établissement au service des territoires et des collectivités.

Voilà, mes chers collègues, les éléments dont je voulais vous faire part en préambule. Notre vigilance quant au droit de regard des collectivités sur la gouvernance de l’ANCT est primordiale, car il s’agit d’un impératif tant de cohésion que de cohérence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Joël Bigot applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Joël Bigot.

M. Joël Bigot. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici parvenus à l’ultime étape de l’examen de ce texte, qui aura connu, entre l’annonce initiale et sa traduction législative, un certain nombre de vicissitudes. Pourtant, si la création de l’Agence nationale de cohésion des territoires suscitait des interrogations, des craintes, elle éveillait aussi énormément d’attentes.

Heureusement, le Sénat, chambre des territoires, a su remplir son office en améliorant significativement la proposition de loi initiale.

Annoncée comme l’antidote aux maux des territoires en difficulté, la création de l’Agence nationale de cohésion des territoires ne représente, en l’état, que la fusion de trois opérateurs, adossée à d’autres, qui seront dedans sans y être. Pour les collectivités, la superposition des acteurs à solliciter persistera donc. On est bien loin des ambitions initialement affichées par le rapport de Serge Morvan !

Le fonctionnement « en silo » des opérateurs de l’État est toujours à l’ordre du jour. Au lieu du « couteau suisse » territorial très attendu par les élus locaux, cette proposition de loi accouche d’un mauvais ustensile qui, de surcroît, sera entièrement à la main de l’État. On pouvait espérer mieux pour les territoires et la décentralisation !

Au-delà des inquiétudes quant aux futurs moyens financiers de l’agence, sur lesquels s’exprimera mon collègue Jean-Michel Houllegatte, je souhaiterais, pour ma part, insister sur les problématiques liées à sa gouvernance et sur le refus obstiné et du Gouvernement et de la majorité à l’Assemblée de donner aux élus locaux un poids significatif dans son fonctionnement.

Hier, une tribune rédigée par une centaine de députés En Marche acclamait une nouvelle fois la politique du Gouvernement à l’égard des collectivités locales…

L’Agence nationale de cohésion des territoires tient une place particulière dans le discours gouvernemental. Elle concentre beaucoup d’espoirs et est perçue comme le remède au sentiment d’abandon ressenti par bon nombre de nos élus locaux, notamment dans les territoires ruraux. C’est la raison pour laquelle nous avions, comme l’ensemble des groupes politiques de cette assemblée, soutenu le principe de la création d’une telle agence.

Il est vrai que l’ANCT aurait pu constituer ce guichet unique permettant de clarifier enfin le millefeuille d’agences étatiques, de faciliter les projets d’aménagement et d’apporter l’ingénierie nécessaire aux collectivités et à leurs groupements.

Au lieu de cela, l’ANCT se présente comme un nouvel outil préfectoral, dont la mise en œuvre aura pour conséquence de mettre sous tutelle les projets des collectivités. C’est bien la logique descendante et à sens unique qui prime dans ce texte !

On aurait pu aller plus loin, avec une gouvernance qui fasse la part belle aux collectivités. Il y a de réelles craintes d’une recentralisation autour de la personne du préfet, qui sera, conformément à l’article 5, le délégué territorial de l’agence. Tel que défini à l’article 3, le fonctionnement du conseil d’administration de l’agence, point d’achoppement de la commission mixte paritaire, confirme bien cette volonté de l’exécutif.

Au lieu de donner la main aux collectivités, le Gouvernement, par le biais de sa majorité, campe fermement sur ses positions et empêche les collectivités territoriales d’avoir le dernier mot. Les mécanismes de seconde délibération proposés aujourd’hui par le Gouvernement dissimulent mal son souhait de conserver la main en toute occasion.

L’absence de représentants des collectivités territoriales au sein du comité national de coordination de l’ANCT est éloquente de ce point de vue. Pourquoi avoir peur des élus locaux, monsieur le ministre, si cette agence leur est dédiée ? Nous représentons ici les territoires et nous vous le disons de manière quasiment unanime : acceptez un réel partenariat avec les élus ! N’ayez pas peur de l’intelligence territoriale, qui, couplée à l’ingénierie de la future ANCT, pourrait être un atout de développement majeur les prochaines années !

La formule du « qui paie décide », souvent avancée par le Gouvernement et par vous-même à l’instant, ne peut conduire à faire fi de la démocratie locale, d’autant que les collectivités porteuses de projets mettent bien sûr la main à la poche. À l’heure où les collectivités sont les fers de lance de la transition énergétique et écologique, créer une agence couperet pourrait avoir de fâcheuses conséquences.

Par ailleurs, êtes-vous bien sûr de ne pas créer ici un nouvel échelon administratif pour les collectivités ? Êtes-vous bien sûr de ne pas créer une nouvelle complexité pour nos élus, qui renforcerait les frustrations existantes ? Attention aux désillusions !

En outre, pourquoi ne pas accepter que les agences régionales de santé aient toute leur place dans l’organisation de l’ANCT ? Vous connaissez la problématique de la désertification médicale : à l’instar de la raréfaction des services publics en zones rurales, elle est au cœur du sentiment d’abandon de la population face au « déménagement du territoire ». Les ARS pourraient utilement être associées au dispositif de l’ANCT. Or, tout comme la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, vous persistez dans votre refus et dans votre vision technocratique de l’aménagement du territoire.

Ce texte n’est décidément à la hauteur ni des ambitions ni des attentes des acteurs locaux. Il risque d’engendrer de fortes déceptions. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons. (M. Alain Fouché applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, à ce stade de la navette des deux propositions de loi que nous examinons aujourd’hui, dont le RDSE est à l’origine, je rappellerai tout l’intérêt du Sénat pour les sujets qui les sous-tendent.

Je tiens à vous remercier de nouveau, mes chers collègues, du soutien à la création de l’ANCT que vous avez manifesté, dès la première lecture, en novembre 2018, à une très grande majorité des voix.

La pierre d’achoppement qui nous vaut cette nouvelle lecture est l’article 3 de la proposition de loi ordinaire, portant sur la composition du conseil d’administration. Nous sommes arrivés à un compromis qui nous paraît acceptable.

En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a, de son côté, proposé que les représentants de l’État et de la Caisse des dépôts et consignations constituent au moins la moitié des membres du conseil d’administration. Placer le représentant de la CDC dans le même collège que les représentants de l’État permet d’octroyer un siège supplémentaire aux représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements.

En commission, le Sénat a validé la composition du conseil d’administration telle qu’adoptée par l’Assemblée nationale, mais en instaurant un pouvoir de blocage par trois quarts des représentants des élus, en cas de deuxième délibération.

Nous soutenons la solution de compromis retenue, qui nous paraît effectivement préserver le pouvoir de décision et les intérêts des représentants des élus.

Mes chers collègues, c’est d’ailleurs dans le même esprit que nous entendons, en tant qu’auteurs de cette proposition de loi, veiller comme à la prunelle de nos yeux à ce que l’esprit initial du texte soit bien préservé.

M. Jean-Yves Roux. Nous sommes, en particulier, attentifs à ce que l’ANCT ne soit pas transformée, avant même sa naissance, en une usine à gaz, ce qui pourrait devenir un nouveau motif de désespoir pour nos petites communes. Nous sommes, à ce titre, tout aussi vigilants à ce que l’ANCT, en tant qu’établissement public, soit pleinement utile, accessible et efficace.

Comme beaucoup d’entre vous, j’ai échangé avec l’Association des maires ruraux de France, pas plus tard que samedi dernier en l’occurrence, et j’ai pris part aux grands débats avec les élus qui se sont déroulés durant ce premier semestre. Croyez-moi, aucun élu ne m’a parlé de la composition du conseil d’administration de l’ANCT !

Les interrogations des élus sont en effet très pragmatiques : à quoi sert l’agence ? Comment fonctionnera-t-elle concrètement ? Comment la joindre ? Comment peut-elle nous aider à préparer nos dossiers de demande de subventions européennes, notamment au titre du programme Leader ? Il faudra, ministre le ministre, apporter une réponse à ces interrogations, si pratiques soient-elles.

Force est de constater que le dispositif l’article 2, qui récapitule les missions de l’ANCT, nous est revenu pour le moins dilué – c’est un euphémisme ! – de l’Assemblée nationale. On ne peut pas reprocher à nos collègues députés de s’être investis dans ce passionnant examen parlementaire, mais nous ne retrouvons pas ce qui fait le cœur même de l’ANCT. Si nous, auteurs de la proposition de loi, ne nous y retrouvons pas, comment nos élus pourraient-ils s’approprier le dispositif ?

Connaissant les enjeux, nous avons fait le choix de réaffirmer, par voie d’amendement, les missions principales et initiales de l’agence, en proposant une réécriture de l’article 2.

La raison d’être de l’ANCT est bien d’apporter une offre d’ingénierie aux collectivités locales les moins dotées en moyens humains et financiers. À ce titre, son rôle est d’accompagner concrètement les collectivités locales dans leurs projets et de veiller à la cohérence des réponses entre les services de l’État et les opérateurs saisis.

Nous avons demandé que l’ANCT puisse ainsi aider les collectivités locales à préparer leurs dossiers de demande de subventions européennes. En effet, dans l’esprit initial de notre proposition de loi, l’ANCT n’était pas une énième structure technocratique de conseil ou une interface de communication sur les politiques publiques d’aménagement du territoire ; elle participait bien d’une politique d’impulsion de cohésion des territoires. Ne nous y trompons pas, chers collègues : il s’agit bien là d’une demande viscérale des élus et des territoires que nous représentons. Nous avons la possibilité de faire simple, concret, accessible et utile. Ne nous en privons pas !

Monsieur le ministre, j’ai bien entendu M. le Premier ministre indiquer, dans sa déclaration de politique générale, que « beaucoup de territoires ruraux se battent, s’équipent en numérique, valorisent leurs atouts, mais s’estiment délaissés, décrochés, dans la rapide transformation du monde ». C’est vrai, et il fallait le rappeler.

J’ai également bien entendu M. le Premier ministre citer l’ANCT comme un outil de cohésion des territoires, aux côtés de la banque des territoires. Or un outil, par définition, doit être utile.

C’est d’autant plus nécessaire que, dans sa circulaire du 12 juin dernier relative à la mise en œuvre de la réforme de l’organisation territoriale de l’État, le Premier ministre écrivait encore que « la création de l’ANCT viendra […] renforcer les compétences d’ingénierie territoriale au plus près des territoires ». Notre amendement visait justement à mettre en musique cette décision.

Monsieur le ministre, en tant qu’auteurs de la proposition de loi portant création de l’ANCT, nous vous demandons de veiller avec nous à la réussite de cette agence, guichet unique pour les collectivités locales.

Les maires des plus petites villes ne sont pas nés de la dernière pluie. Ils savent que, dans des labyrinthes administratifs, peuvent se nicher la sous-consommation, le report de crédits, ainsi que la baisse de la dépense publique. Le prix en termes de démocratie en vaut-il la chandelle ? Je ne le crois pas.

Nous n’acceptons pas que la difficulté d’accéder aux aides légitimes de l’État soit dévoyée comme un moyen usuel de baisser ou de geler les dépenses publiques.

En effet, la définition de la trajectoire des dépenses publiques est le fait du Parlement. L’aménagement du territoire est décidé par le Parlement. Le regroupement de communes résulte de décisions démocratiques, et non de difficultés technocratiques.

C’est pourquoi nous demandons, très concrètement, que l’ANCT permette bien aux petites communes de parvenir, comme les autres, à consommer des crédits ou à disposer de moyens qui ont été votés par le Parlement et auxquels elles ont droit, au nom de l’équité territoriale.