Mme Françoise Gatel, rapporteur. Et alors ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Eh bien, à l’heure actuelle, pour figurer sur la liste présentée par le président du conseil départemental pour composer son exécutif, il faut avoir été élu sur sa liste !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. C’est évident !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je veux que cela soit bien dit ! Cet article change tout de même quelque peu la conception et le fonctionnement de l’intercommunalité.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Non !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Mais si ! Le président de l’intercommunalité veut s’assurer que le bureau sera stable ; vous l’avez dit vous-même, madame le rapporteur, et je peux le comprendre, sérieusement et en toute bonne foi. (M. le rapporteur sesclaffe.) Vous rigolez, monsieur le rapporteur, mais ma bonne foi est réelle !

Le président veut que le bureau soit stable, mais la situation ne sera déjà plus la même. Il faudra quand même que le maire ou maire-adjoint qui voudrait être vice-président trouve au préalable un accord avec le président de l’intercommunalité pour figurer sur sa liste. En effet, pardonnez-moi de parler comme l’élu communautaire de base que je suis, mais s’il n’est pas sur la liste du président, c’est qu’il est sur celle d’en face ! Je n’ai pas fait de grandes études, mais je pense que c’est ainsi que cela se passera !

Dès lors, si vous voulez être vice-président, vous ne pourrez plus tenter votre chance – pardon de le dire aussi trivialement –, lever la main et être candidat, pas forcément contre quelqu’un d’autre, mais pour faire valoir votre affaire…

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Le résultat est le même !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Mais non !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Mais si !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Attendez, monsieur le rapporteur : nous avons tous connu, dans les intercommunalités où nous avons pu siéger, un maire qui, candidat à la première vice-présidence, est battu ; il se présente à la deuxième vice-présidence, il est encore battu ; enfin, parce que telle ou telle autre personne ne convient pas, ou parce que la ville-centre est déjà largement surreprésentée au bureau de l’intercommunalité, il est élu à la troisième vice-présidence. Cela existe !

Je veux simplement rappeler qu’avec une liste, par définition, on crée un filtre. Je ne pense pas dire là de bêtise ni faire d’erreur. J’entends que la commission des lois assume un tel choix, et ce pour de bonnes raisons : selon elle, il est si nécessaire que l’intercommunalité fonctionne correctement, il faut tant s’assurer que le président s’entende bien avec ses vice-présidents, que le scrutin de liste est nécessaire.

Je peux comprendre cet argument, mais en agissant de la sorte on acte encore autre chose. Hier, lors de la discussion générale, j’entendais certains parlementaires affirmer qu’il fallait remettre la commune à sa place, une place noble, et que l’intercommunalité était au service de la commune. Eh bien, petit à petit, tout doucement, mais sûrement, on s’oriente vers une intercommunalité dont le président désignera ses vice-présidents comme un maire ses adjoints, comme un président de département ou de région ses vice-présidents.

Je veux simplement que, au moment où vous vous prononcerez, vous preniez acte de ce fait, parce que cela changera la vie des intercommunalités.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Il y a trois points à aborder dans ce débat.

Reconnaissons en premier lieu qu’un choix politique, au sens littéral, se fait au sein de l’intercommunalité lors de la mise en place de sa gouvernance. Monsieur le ministre, je tiens sur ce point à vous citer un texte, non par facétie, mais simplement pour vous montrer les attentes qui s’expriment au sujet des intercommunalités. Ce texte est le guide du candidat LaREM aux élections municipales de 2020, cosigné par Stanislas Guerini et Pierre Pierson. On y lit la chose suivante : « Réfléchissez également au troisième tour de l’élection, donc à vos objectifs intercommunaux. Les intercommunalités représentent un acteur crucial de la vie politique locale. C’est à ce niveau que se situent les leviers politiques les plus efficaces. » Cela signifie tout simplement, monsieur le ministre, que même votre majorité reconnaît que l’enjeu politique est situé au niveau des intercommunalités !

En deuxième lieu, vous considérez qu’il y a une différence, non plus de degré, mais de nature, entre ces deux modes d’élection. Je ne partage pas du tout cette approche.

Enfin, je rejoins M. le président de la commission et nos rapporteurs sur un troisième point : quand on compare les procédures de vote, il s’avère qu’une d’entre elles a un intérêt immédiat, à savoir le scrutin de liste. Pourquoi ? Je veux écarter pour l’instant la question de la parité, qui est certes incidente, et à laquelle est liée notre préférence pour ce mode de scrutin.

Mais au sein même de l’intercommunalité, monsieur le ministre, ce mode de scrutin a un avantage. Que se passera-t-il dans ce cas, comme dans tous les autres scrutins locaux où des listes se bâtissent ? Eh bien, le président de l’intercommunalité aura tout intérêt à rassembler et à représenter au mieux le territoire de l’intercommunalité par le choix de ses vice-présidents. Sinon, il peut en effet être remis en cause. Dans cette perspective, le scrutin de liste est peut-être, contrairement à ce que vous pensez, le gage d’une meilleure représentation du territoire.

Enfin, monsieur le ministre, nous pouvons toujours adjoindre à la rédaction présente de l’article une autre solution. En effet, on s’inquiète de ce que, si les listes sont complètes et bloquées, certaines personnes ne pourraient pas se présenter. Dans ce cas, il suffit de débloquer les listes, de préciser que la liste présentée par le président peut être incomplète. Vous verrez plusieurs listes s’affronter… (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Cécile Cukierman. Après, il y aura toujours une majorité, autour du budget !

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Cela étant, je vous assure que le scrutin de liste aura, en l’espèce, un effet rassembleur et, par ailleurs, paritaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote.

M. Jacques Genest. On ne peut pas laisser dire que M. le ministre est ici pour défendre les communes rurales et que nous serions contre !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Et pourquoi pas ?

M. Jacques Genest. Je suis élu rural…

M. Sébastien Lecornu, ministre. Moi aussi !

M. Jacques Genest. Je suis président de l’Association des maires ruraux de l’Ardèche ; je considère que j’essaie de défendre les maires ruraux.

Pour défendre les communes rurales, monsieur le ministre, il fallait commencer par accepter le conseil des maires, qui serait une possibilité démocratique dans nos communautés de communes…

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je le propose dans le projet de loi !

M. Jacques Genest. Je ne suis pas sûr que tout le monde ait été d’accord…

Pour qu’une communauté de communes fonctionne, il faut un certain consensus, avec ou sans scrutin de liste.

D’abord, l’argument de la parité n’est pas valable : malheureusement, l’organisation même d’une communauté de communes empêche la parité, puisqu’il y a des communes qui n’envoient qu’un délégué au conseil communautaire, donc un homme ou une femme.

Un nouveau président qui veut gérer l’intercommunalité comme il faut doit trouver un consensus. Pour ce faire, puisque ce sont souvent les maires des communes les plus importantes qui jouent un rôle important, il va essayer d’intégrer dans sa liste les communes les plus rurales. Or si l’on passe à un scrutin uninominal et que le combat est dur, les maires des communes urbaines voteront contre les représentants du monde rural, qui seront toujours battus.

Je pense que cet article peut constituer une solution : je suis personnellement toujours opposé aux scrutins de liste, mais en l’occurrence cela peut en être une. Et puis, si le Gouvernement est vraiment opposé à ce dispositif, peut-être votre proposition, monsieur le ministre, d’accepter le scrutin de liste en l’absence d’opposition pourrait être la solution la moins mauvaise.

Quant à moi, j’estime que la représentation des communes rurales, qui m’importe au premier chef, peut être mieux garantie par un scrutin de liste. Je le dis alors même que je suis opposé, en général, au scrutin de liste, parce qu’on est bien obligé de trouver un consensus.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.

M. Charles Guené. M. le rapporteur a selon moi bien posé le sujet. Effectivement, nous devons choisir entre deux options.

J’ai quelques scrupules à défendre ma position, dans la mesure où M. le président de la commission a extrêmement bien défendu la position selon laquelle, en quelque sorte, on pourra faire le bonheur des gens malgré eux. Je crois toutefois que le texte que nous sommes en train d’élaborer doit fondamentalement être fait pour les territoires et leurs élus, et en particulier pour rétablir la prééminence des communes par rapport à l’intercommunalité, or le scrutin de liste, très objectivement, ne répond pas à cet objectif.

En effet, les élus des territoires, élus que je connais depuis trente-cinq ans, seront viscéralement opposés au scrutin de liste, parce qu’ils n’aiment pas ce mode de scrutin. Par ailleurs, la commune ne sera plus la porte d’entrée en cas de scrutin de liste : on voit très bien que c’est assurer la prééminence du président d’intercommunalité et de son équipe.

Ces raisons n’empêcheraient d’ailleurs pas la mise en place du scrutin de liste là où, comme cela a été dit, tout le monde sera d’accord pour y avoir recours afin de gagner du temps.

En revanche, je pense très sincèrement qu’il ne faut pas introduire le scrutin de liste dans nos territoires. En outre, les gens considéreront qu’on veut politiser leurs élections.

M. Charles Guené. De fait, dans la plupart de nos territoires, il n’y a pas de soutien pour une telle politisation de ces élections. Je soutiendrai donc ces amendements de suppression de l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. J’aimerais que l’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit !

Premièrement, le problème n’est pas le scrutin de liste en soi, je l’ai bien dit, mais tout ce qui pourrait en découler. J’entends bien ce qui vient d’être dit, j’ai vu un certain nombre de mains se lever pour demander encore la parole, et je me doute de ce que ces orateurs auront à dire, mais je relève aussi, puisqu’on ne fait pas la loi par un seul amendement, toute la série d’amendements qui suivent ceux-ci. Cet article sera sans doute modifié – je dirais bien « inévitablement », mais il y a toujours des surprises dans cet hémicycle ! – et ce qui est écrit aujourd’hui ne sera donc pas ce qui sera adopté in fine.

Deuxièmement, il est certes indéniable, monsieur le rapporteur, qu’on ne fait pas la loi pour répondre à des problèmes particuliers, mais on ne la fait pas non plus en partant de bons fonctionnements particuliers. Si en Ardèche, au sein des intercommunalités, tout va très bien, tant mieux ! Mais s’en tenir là serait quand même, à mon sens, aller un peu vite en besogne et ne pas appréhender des réalités que chacun a déjà pu évoquer ici, des réalités qui ne sont pas des problématiques locales, mais simplement des problématiques de fonctionnement.

Sans faire injure à quelque président d’intercommunalité que ce soit, on peut reconnaître que la constitution d’une liste est révélatrice d’un message différent que celui qui résulterait de la constitution du bureau du conseil communautaire vice-président par vice-président.

Oui, il faudra en être ou ne pas en être dès le début. Oui, cela entraîne également un autre risque : demain, dans certaines intercommunalités, on risque de voir s’affronter – pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais pour faire vite il me faut employer des termes de l’ancien monde ! – une liste de gauche et une liste de droite, alors que tel n’est pas l’objectif du conseil communautaire.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Ce n’est ni ce que nous disons ni ce que nous voulons !

Mme Cécile Cukierman. Je ne vous ai pas interrompu, monsieur le rapporteur ; merci de me laisser finir !

Enfin, j’en reviens à ce que je disais dans ma défense de notre amendement : si l’on a recours au scrutin de liste pour, demain, l’encadrer et imposer à nouveau un certain nombre de critères qui finiront de tuer complètement la liberté dans la constitution de cette liste, je pense que ce n’est pas une bonne raison.

En l’absence de meilleure solution, je propose donc, en l’état, de supprimer cet article au vu de sa rédaction actuelle.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour ma part, je suis très opposée au recours au scrutin de liste pour le choix des vice-présidents d’une intercommunalité. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec M. Guené et avec le Gouvernement !

En effet, vous allez faire des vice-présidents qui n’auront pas d’autonomie. Vous allez préparer des groupes qui devront être inféodés au président de l’intercommunalité pour avoir une responsabilité. (Protestations sur le banc des commissions.) Voilà la réalité !

Mme Sophie Primas. Vous avez de drôles de principes !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Elle est là, la déconnexion !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est justement ce dont nous n’avions pas voulu ; ce n’est pas, en tout cas, le choix qui a été fait. L’intercommunalité n’est pas une collectivité locale,…

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. On ne cesse de le dire !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. … où les membres du bureau sont élus sur des listes politiques. Ils représentent la diversité des communes.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Merci de le reconnaître !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Or on se trouve dans une situation où vous voulez qu’il y ait, d’un côté, les bons qui voteront avec le président et, de l’autre, les mauvais qui voteront contre lui.

Et si, par hasard, il se trouve dans une intercommunalité quelqu’un de compétent qui ne veut pas entrer dans ce jeu où il doit être inféodé à l’un ou à l’autre, cette personne ne pourra pas être élue vice-président, même si ses pairs considèrent qu’elle a des qualités, qu’elle représente un territoire et qu’après tout elle a le droit d’être indépendante dans ses choix.

Vous transformez, de fait, la nature de l’intercommunalité. Certes, je suis pour la politisation des débats communaux, je n’ai jamais eu peur de cette politisation, mais s’il y a politisation il doit y avoir arbitrage démocratique du peuple !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Eh bien, les élus sont les représentants du peuple !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Or l’intercommunalité, ce n’est pas cela aujourd’hui. J’ai déjà plaidé hier pour une intercommunalité qui soit plutôt une coopération entre collectivités. Ce que vous proposez n’est pas de même nature ! Vous allez changer, de fait, l’essentiel. Vous parlez de consensus, vous nous dites tous qu’on parviendra ainsi à construire un consensus. Ça commence bien, si l’on voit deux listes qui s’opposent au lieu d’appeler au bureau des compétences différentes !

Par ailleurs, vous savez très bien que, s’il y a un vrai consensus, on n’assiste pas à une multiplication des candidatures pour chaque poste : on arrive à constituer des équipes. En revanche, quand il n’y a pas consensus, on évite dans le système actuel la domination d’un groupe sur le reste. Pour ma part, je suis hostile à ce scrutin de liste.

M. Emmanuel Capus. Je suis exceptionnellement d’accord avec Mme Lienemann !

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. J’ai naturellement bien écouté tout ce qui a été dit et je comprends la position de la commission. Elle ne justifie pas le recours au scrutin de liste par le fait qu’il est fastidieux d’élire chaque vice-président à tour de rôle et d’y passer, parfois, une bonne partie de la nuit ; finalement, cela n’arrive qu’une fois tous les six ans, ce n’est donc pas très grave. Sa position repose plutôt sur le fait indéniable que le président de l’intercommunalité est aujourd’hui le seul président d’un exécutif local d’importance qui ne peut pas choisir les futurs membres de son bureau, contrairement au président de région, au président de département, ou au maire d’une commune de plus de 1 000 habitants.

Je comprends tout à fait cette position, mais j’entends en même temps l’argument du Gouvernement, selon lequel – je le rejoins tout à fait sur ce point –, si l’on adopte ce système, on renforcera considérablement le pouvoir de l’intercommunalité par rapport à celui des communes. Or c’est exactement le contraire de l’objet de ce projet de loi et de ce que nous voulons dans cette assemblée !

Je suis très sensible à cet argument et j’imagine tout à fait que, si l’on adoptait le texte en l’état, la plupart des maires et, en tout cas, ceux que je connais le mieux, ceux de mon département, ne seraient pas contents, parce qu’ils auraient l’impression qu’on leur supprime encore une liberté essentielle, celle de postuler à un poste de responsabilité au sein de l’intercommunalité.

J’estime donc qu’un tel changement serait tout à fait préjudiciable. Peut-être, à terme, serait-il souhaitable, mais je pense qu’il est encore trop tôt : aujourd’hui, ce n’est pas opportun.

À mes yeux, l’ébauche d’amendement que M. le ministre a présentée mériterait peut-être d’être formalisée : on pourrait éventuellement se replier sur cette solution, aux termes de laquelle il y aurait scrutin de liste sauf si un membre de l’intercommunalité le refusait. En l’état, je ne suis pas favorable à ce qu’on impose des listes bloquées pour l’élection des vice-présidents des intercommunalités.

M. Jean-Paul Prince. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

M. Jérôme Durain. Où sont les femmes ? On n’a pas parlé d’elles ; la principale victime du débat que nous avons sur ce sujet est finalement la question de la parité, et elle le sera d’autant plus si l’on devait en rester au mode de scrutin qui prévaut actuellement. Certes, j’ai entendu l’argument selon lequel on a toujours fait ainsi, mais on peut apprendre à faire autrement !

On a également évoqué l’aspect folklorique des votes qui durent de manière interminable. M. Maurey a dit que ce n’était pas très grave, puisque cela n’arrivait qu’une fois par mandat. On a parlé de la capacité pour les uns et les autres de se présenter à chaque vice-présidence, l’une après l’autre, comme si la démocratie qui s’exerce dans les intercommunalités était toujours parfaitement spontanée, que personne n’avait appelé personne, qu’il n’y avait pas d’organisation et que, finalement, celui ou celle qui était pressenti – on sait toujours à peu près qui ce sera – n’avait pas essayé d’organiser un peu les choses. Certes, cela pourrait arriver avec le scrutin de liste, on y serait même contraint, mais cela se produit déjà avec le mode de scrutin qui existe.

Mais la vraie question est celle de la parité. Le HCE, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, où Françoise Laborde, Annick Billon et moi-même représentons le Sénat, a rappelé les chiffres : on compte 34 % de femmes dans les conseils communautaires et 20 % de femmes dans les exécutifs ; pire encore, 92 % de présidents d’intercommunalités sont des hommes ! Si l’on n’impose pas la parité, il n’y aura aucun moyen d’améliorer la position des femmes et leur accès à des responsabilités dans les intercommunalités. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Cela peut paraître secondaire…

M. Jean-François Husson. Ce n’est pas secondaire, mais c’est faux !

M. Jérôme Durain. Écoutez, il y a des chiffres !

M. Jean-François Husson. Ces chiffres sont faux !

M. Jérôme Durain. Pardonnez-moi, mais il me semble que cet objectif mérite que l’on se batte. Les amendements que nous avons déposés à cette fin pourraient être défendus si ces amendements de suppression ne sont pas adoptés. C’est le seul moyen par lequel on peut améliorer la condition de la parité dans les intercommunalités !

On peut considérer que ce sujet n’est pas important, mais il me semble quand même qu’il mérite qu’on s’en occupe et que c’est par le scrutin de liste qu’on peut progresser. Certes, ce mode de scrutin présente des inconvénients ; M. le rapporteur a d’ailleurs bien expliqué la diversité des situations territoriales et des intercommunalités dans notre pays. De fait, il n’y a pas de bon système ; il n’en reste pas moins que le système actuel est désolant du point de vue de la parité et que, si l’on n’en sort pas, il n’y aura aucune perspective d’amélioration. (Mme Annie Guillemot applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Je pense que nous oublions une chose : dans l’intercommunalité, le bureau n’a pas de pouvoirs. Toutes les décisions doivent être prises par le conseil communautaire ou, éventuellement, par une commission permanente élue, où tous sont représentés.

Un autre inconvénient de cet article, dans sa rédaction actuelle, est que, pour des raisons juridiques, on est obligé de prévoir la possibilité d’un deuxième tour de scrutin, à la majorité absolue, et d’un troisième tour, à la majorité relative.

En réalité – Mme Gatel a eu raison de le rappeler –, il faut se rappeler que le président ou la présidente de l’intercommunalité n’est pas élu au suffrage universel. Au moment même de l’élection du président, des discussions et des négociations se tiennent ; c’est aussi à l’occasion de ces négociations que se compose le bureau de l’EPCI.

Dans certaines situations, notamment dans les grandes villes ou les grandes intercommunalités, il peut effectivement y avoir une majorité et une opposition ; dans ce cas, ces deux forces se structurent comme cela se fait dans les communes. En revanche, dans la majorité des cas, il y a d’abord une négociation. Cela arrive même dans les grandes villes, comme j’en ai fait l’expérience en 2014 : la ville centre n’avait plus, d’office, la majorité au sein du conseil et les maires de beaucoup d’autres communes avaient pris une position distincte. Il a donc fallu mener des négociations. Or de telles négociations sont précisément rendues possibles par le scrutin de liste : elles ne le sont pas par ce que ses opposants appellent le scrutin le plus démocratique.

De fait, pour reprendre les propos de Mme Gatel comme ceux de M. Darnaud et M. Bas, la composition de l’exécutif communautaire est le fruit de négociations : c’est ainsi que l’intercommunalité fonctionne. Si les négociations sont réussies, on a des chances que l’intercommunalité le soit aussi, mais si l’on met en place l’exécutif sans négociations préalables, on ne tiendra pas pendant les six ans du mandat et l’intercommunalité ne sera pas réussie. Quand on est favorable à l’intercommunalité, il faut donc être défavorable à ces amendements de suppression !

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.

Mme Françoise Cartron. Pour ma part, je voudrais revenir à mon ressenti du terrain. Depuis une quinzaine de jours, j’ai beaucoup circulé pour discuter avec les élus de la réalité de l’intercommunalité. Cette réalité n’est pas si souriante. Certaines communautés de communes marchent très bien, mais il y en a beaucoup où l’on observe une frustration énorme des petites communes, des petits maires… (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Il n’y a pas de petits maires !

M. Jacques Genest. Il n’y a que des maires de petites communes !

Mme Françoise Cartron. Certes ! Je n’ai pas employé le mot « petits » au sens péjoratif : je voulais simplement exprimer leur poids électoral au sein de l’intercommunalité.

Ces maires de petites communes ne se sentent pas du tout parties prenantes de l’intercommunalité. Ces maires nous ont bien expliqué comment les vice-présidences étaient attribuées de manière générale. Le président de l’intercommunalité est d’ordinaire issu de la plus grosse commune et il n’hésite pas à s’adjoindre, parfois, deux vice-présidents originaires de la même commune. Dès lors, les maires des toutes petites communes, de 1 000 ou 1 200 habitants,… (Rires sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Genest. Ce sont de grosses communes !

M. Jean-François Husson. Disons plutôt 50 habitants !

Mme Françoise Cartron. … sont quant à eux écartés de toutes responsabilités.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Vous parlez du scrutin uninominal !

Mme Françoise Cartron. Au sein de l’intercommunalité !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Oui, mais dans le système actuel ! Donc sans liste !

Mme la présidente. Laissez parler l’oratrice, s’il vous plaît, monsieur le rapporteur !

Mme Françoise Cartron. On parle bien de la gouvernance et de l’exécutif au sein de l’intercommunalité, donc sans recours aux listes.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Merci !

Mme Françoise Cartron. Je ne suis pas pour une liste bloquée : je suis pour que chaque maire, chaque membre du conseil communautaire, puisse postuler à un poste de vice-président.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Vous venez vous-même de montrer qu’aujourd’hui ça ne marchait pas !

Mme Françoise Cartron. Non ! Aujourd’hui, ils ne le peuvent pas ! Dans les faits, cela ne se passe pas ainsi.

Nous devons, me semble-t-il, adresser un signal. Opter pour des listes bloquées, c’est rigidifier un peu plus le système. (Mme le rapporteur le conteste.)

M. Emmanuel Capus. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Honnêtement, je n’ai pas tout compris dans l’amendement du Gouvernement. (Rires.) Chacun peut apporter son témoignage à partir d’exemples personnels. Les situations sont très variables d’une intercommunalité à l’autre, en fonction de la taille, du caractère rural ou urbain, ou encore du règlement intérieur et des statuts.

Mais je ne comprends pas non plus l’idée du vote par listes bloquées. Le système qui permet d’élire le premier, le deuxième et le troisième vice-présidents n’est pas si mal ; il suit « l’ordre du tableau », comme on dit dans les communes.

Bien entendu, tout dépend des dispositions relatives au mode d’élection et aux délégations qui figurent dans le règlement intérieur de l’intercommunalité. Le conseil de communauté a, j’en conviens, toute la légitimité. Dans certains cas, il peut y avoir des délégations au bureau.

De là à retenir le vote par listes bloquées… Certes, je suis totalement d’accord sur la nécessité de la parité. Il faut faire preuve de bon sens pour trouver les vice-présidents et les vice-présidentes. Le système doit être cohérent et souple à la fois. Est-ce le cas d’un dispositif aussi rigoureux, avec vote par listes bloquées sans possibilité de panachage ? Je me rallierai à l’avis de la commission des lois.