M. le président. La parole est à M. Georges Patient, sur l’article.

M. Georges Patient. L’article 78 porte les diverses mesures concernant la DGF. Si je prends la parole, c’est pour vous faire partager ma satisfaction, mes chers collègues, de voir enfin un changement profond dans l’approche gouvernementale du traitement de l’outre-mer dans la répartition des dotations.

Très explicite à cet égard est le document d’évaluation du PLF pour l’article 78, qui constate que la dotation d’aménagement des communes d’outre-mer, la Dacom, en dépit de son mode de calcul, se révèle moins favorable au total que ce que pourrait amener l’application des règles de péréquation applicables en métropole.

Tout y est dit ! Cela peut paraître anodin aux yeux de certains, mais, pour les Ultramarins, et pour moi tout particulièrement, c’est une avancée considérable.

Depuis mon élection en 2008, je n’ai eu de cesse au sein de cette assemblée de dénoncer le traitement inique des outre-mer et de présenter des amendements pour mettre fin à cette situation. En vain ! La Cour des comptes a fini par le reconnaître en 2017. Le Président de la République l’a admis durant la réunion organisée à l’Élysée avec les élus locaux d’outre-mer, lors du grand débat, et le Gouvernement concrétise aujourd’hui les engagements pris.

Rendez-vous compte, cela faisait des années que les plus pauvres des territoires de la République ne percevaient pas ce à quoi ils avaient droit, subissant même une double peine avec la contribution au redressement des finances publiques (CRFP) qui les a lourdement pénalisés, contrairement aux communes les plus fragiles de l’Hexagone.

Certes, nous ne pouvons pas tout remettre à plat d’un seul coup. La proposition du Gouvernement d’une mise à niveau sur cinq ans, avec la création d’une dotation de péréquation des outre-mer, dotée de 18,3 millions d’euros supplémentaires tous les ans, jusqu’à atteindre 91 millions d’euros, montant estimé de l’écart entre les communes des DROM et celles de l’Hexagone, est à saluer.

Néanmoins, pour parvenir à un réel ajustement et à une réelle mise à niveau, des mesures exceptionnelles doivent être envisagées, notamment pour financer des plans d’accompagnement pour les communes les plus en difficulté et pour lesquelles la Cour des comptes reconnaît que, « malgré un train de vie très rigoureux, le retour à l’équilibre n’est pas envisageable par les seuls moyens de la commune. »

Enfin, je veux terminer sur ce qui, à mon avis, est une des causes du refus de voir depuis de si nombreuses années la réalité du traitement injuste des collectivités d’outre-mer dans la répartition des dotations : leurs faibles poids et représentativité au sein du Comité des finances locales (CFL), instance qui a la haute main sur les dotations.

Que pèsent 212 communes ultramarines face à près de 36 000 dans l’Hexagone ? Comment garantir dans ces conditions une réelle prise en compte des enjeux ultramarins au sein du CFL, hors gestion de crise ? Jusqu’à quel point êtes-vous prêts à faire jouer la solidarité nationale pour les outre-mer ? Telle est en fait la question.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article concerne la répartition de la DGF. Mon intervention synthétisera notre point de vue sur des amendements déposés par mes collègues.

Le Gouvernement s’applaudit, car il dit nous présenter un budget dit « stable ». Ce budget ne fait cependant rêver aucun élu, parmi tous ceux que j’ai pu rencontrer – des élus de villes de tailles différentes, qui sont issus de toutes les familles politiques.

Mon groupe pense que le Gouvernement souhaite non pas stabiliser la situation, mais la figer. En effet, toutes les dispositions proposées ne tiennent pas compte des évolutions économiques, démographiques, politiques et sociales.

Les débats techniques que nous aurons seront pertinents, grâce à la grande expérience de l’ensemble des sénateurs et sénatrices. Cependant, les élus locaux souhaitent être accompagnés, pour investir davantage, et surtout mieux, au sein de leur collectivité.

Madame la ministre, il va falloir nous montrer les points positifs de ce budget. Les enveloppes sont fermées. Des redéploiements internes sont proposés au sein d’une DGF insuffisante : de véritables tours de magie ! Le Gouvernement déshabille les uns pour habiller les autres – à cet égard, je fais mienne la formule de Philippe Dallier. Le piège est bien celui-ci : nous faire débattre, afin que les uns paient la note des autres, ou paient la note de l’État au regard de ses propres responsabilités. La formulation même de ce texte contient des pièges.

Voilà qui est à l’image de la réforme de la fiscalité locale, qui bouleverse complètement l’autonomie fiscale des collectivités.

Nombre de maires savent bien que les compensations ne se feront pas à l’euro près. Pour les maires, il n’y a pas que les euros qui comptent. Ils aspirent au respect, ciment de notre République, et non au mépris. Ils sont au contact quotidien des femmes et des hommes qui constatent l’éloignement des services publics locaux.

Les élus sont fatigués ; certains sont étranglés financièrement par un gouvernement gestionnaire. Ce dernier ne se gêne d’ailleurs pas pour les contrôler et les contraindre. Je rencontre beaucoup d’élus d’autres départements, et pas seulement de la banlieue parisienne, qui ne voient dans les préfets que des donneurs d’ordre.

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. Pascal Savoldelli. Par exemple, je dois participer à une commission interdépartementale de coopération intercommunale. J’explique alors aux services de la préfecture que je dois assister au même moment à une séance du conseil départemental sur les orientations budgétaires. L’on me dit que je ne suis pas requis et que je peux envoyer mon suppléant ; or tous les suppléants sont conseillers départementaux…

Dont acte, la commission est maintenue ! Les exemples de ce genre sont très nombreux. Les préfets sont maintenant des donneurs d’ordre. Ils ne parlent plus de la même façon aux maires ou aux présidents des conseils départementaux.

Madame la ministre, vous accumulez des minorations sur le dos des maires, vous avez créé des dotations, vous approfondissez la péréquation sans accorder les financements adéquats, vous développez la métropolisation et les supracommunalités, alors qu’il faudrait renforcer les échelons essentiels que sont les communes et les départements.

Je me permets de vous dire, comme je l’ai déjà fait, que je trouve vraiment regrettable, alors que nous assistons à une telle crise des institutions et de la politique, que vous réalisiez la vraie réforme de la fiscalité après les élections municipales.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-254 rectifié bis, présenté par Mme Noël, MM. H. Leroy, Morisset, D. Laurent et Cambon, Mme Berthet, M. Savin, Mme Deroche et M. Charon, est ainsi libellé :

Alinéas 1 à 33

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Sylviane Noël.

Mme Sylviane Noël. Plusieurs communes qui ont fait le choix, au cours des années précédentes, de fusionner afin de créer une commune nouvelle, craignaient une baisse de la dotation de solidarité rurale, la DSR, réservée aux communes de moins de 10 000 habitants.

Cette crainte avait, dans un premier temps, été levée, puisque le Gouvernement avait accordé une garantie, sans limites de temps, en matière de DSR, aux communes ayant fusionné avant le 1er janvier 2018.

Or le présent article supprime cette disposition à compter de 2023. Pour nombre de communes connaissant une croissance démographique exponentielle, le seuil des 10 000 habitants sera dépassé en 2023.

L’exemple de la commune de Fillière, en Haute-Savoie, est flagrant. Avec cette disposition, elle perdra 150 000 euros en 2023, soit 50 % du montant de la DSR, en vertu d’une garantie de sortie, puis 300 000 euros dès 2024.

Pour cette commune, comme il en existe bien d’autres, la dotation ne pourra être compensée par le bénéfice de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, car cette dotation est distribuée en fonction d’un indice synthétique prenant en compte le potentiel fiscal par habitant, le poids des logements sociaux, le poids des bénéficiaires des allocations pour le logement et le revenu par habitant. Cette perte, conjuguée à la perte du bonus de la dotation globale de fonctionnement, ou DGF, réduira considérablement la capacité d’investissement de bon nombre de communes.

Cet amendement vise donc à supprimer cette disposition, afin de garantir aux communes nouvelles créées avant le 1er janvier 2018, et dont la population ne cesse d’augmenter, de pouvoir continuer à bénéficier de la DSR sans limites de temps.

M. le président. L’amendement n° II-321, présenté par M. L. Hervé, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 8, 27 et 30

Supprimer les mots :

en application de délibérations concordantes

II. – Après l’alinéa 27

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Aux quatrième et dernier alinéas du II, aux troisième et dernier alinéas du II bis, aux troisième et dernier alinéas du III et aux troisième et dernier alinéas du IV de l’article L. 2113-20, les mots : « en application de délibérations concordantes des conseils municipaux » sont supprimés ;

…° Aux deuxième, cinquième et sixième alinéas de l’article L. 2113-22, les mots : « en application de délibérations concordantes des conseils municipaux » sont supprimés ;

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Cet amendement essentiellement rédactionnel a pour objet de supprimer, pour les communes nouvelles, la condition d’éligibilité de leur création « en application de délibérations concordantes des conseils municipaux ».

Le Gouvernement semble d’avis que ces dispositions doivent s’appliquer à toutes les communes nouvelles remplissant les conditions d’éligibilité, indépendamment de leur mode de création. L’adoption de cet amendement clarifierait ce point.

M. le président. L’amendement n° II-471, présenté par Mme Gatel, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

- le deuxième alinéa est supprimé ;

La parole est à Mme Françoise Gatel.

Mme Françoise Gatel. Cet amendement a autre problème la perception de l’ancienne dotation de compensation des EPCI.

L’article 78 du PLF pour 2020 propose de conditionner la perception de cette dotation de compensation aux seules communes-communautés, issues du 2 août 2019, regroupant moins de 150 000 habitants et n’adhérant pas à un autre EPCI à fiscalité propre.

Une commune-communauté, qui a vocation à reprendre des compétences anciennement intercommunales, ne peut se voir supprimer le montant de dotation de compensation de l’ancienne communauté, me semble-t-il, compte tenu de l’importance des sommes qui sont en jeu. Cette disposition va à l’encontre de la loi, qui facilite le regroupement de communes-communautés, et que nous avons votée en août 2019.

Le présent amendement vise à rétablir le principe de la perception de l’ancienne dotation de compensation de l’EPCI, supprimée, pour l’ensemble des communes-communautés qui souhaiteraient en disposer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Charles Guené, rapporteur spécial. L’amendement n° II-254 rectifié bis vise à revenir sur l’aménagement du mécanisme de garantie de la DSR pour les communes nouvelles, et cela sans limitation de durée. À partir du moment où le dispositif est incitatif, lui fixer une durée semble nécessaire.

Nous ne disconvenons pas que les indices synthétiques puissent poser problème. Cependant, le problème vient bien des indices, et non de la garantie de la DSR et de sa limitation dans la durée.

Nous vous demanderons donc de retirer cet amendement au profit de l’amendement n° II-321 de la commission des lois, qui tend à supprimer pour les communes nouvelles la condition des délibérations concordantes pour les garanties. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

En ce qui concerne à l’amendement n° II-321, qui a pour objet de rendre éligibles aux garanties du présent article les communes nouvelles regroupant une population inférieure ou égale à 150 000 habitants, nous convenons que son adoption simplifierait la rédaction, en supprimant une sorte de précision superfétatoire.

Nous sommes donc favorables à cet amendement.

En ce qui concerne l’amendement n° II-471 de Mme Gatel, celui-ci est déjà satisfait par le droit, en tout état de cause, dans la mesure où les communes-communautés sont considérées, au regard la DGF, et en particulier de la dotation de compensation de la part salaires, comme des communes isolées. Elles la perçoivent déjà.

L’amendement étant satisfait, nous demandons son retrait au profit de l’amendement n° II-321 de la commission des lois.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. En ce qui concerne l’amendement n° II-254 rectifié bis de Mme Noël, j’ai présenté tout à l’heure, pour le PLF 2020, une réforme du « pacte de stabilité » – si je puis m’exprimer ainsi – pour les communes nouvelles, qui auront ainsi une meilleure visibilité.

Nous revenons à un régime de droit commun pour toutes les communes nouvelles, en mettant en effet un terme au bénéfice de la DSR à vie pour les communes nouvelles créées avant 2018. Ce bénéfice sera désormais valable durant trois ans. Au passage, l’adoption de cet amendement coûterait 23 millions d’euros.

Ces communes ont d’ores et déjà bénéficié de dispositions avantageuses par rapport aux autres communes, pendant de nombreuses années. Il convient de ne pas accentuer cette dérogation. Je demande donc le retrait de cet amendement.

Sur l’amendement n° II-321 de la commission des lois, le Gouvernement émet un avis favorable.

J’en viens à l’amendement n° II-471 de Mme Gatel. Celui-ci est déjà satisfait par le droit commun, comme l’a d’ailleurs souligné M. le rapporteur. Maintenir une dotation de compensation par un article spécifique reviendrait en fait à la doubler, sur le territoire de la commune-communauté, sans aucune justification.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Madame Noël, l’amendement n° II-254 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Sylviane Noël. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-254 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° II-321.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Madame Gatel, l’amendement n° II-471 est-il maintenu ?

Mme Françoise Gatel. Monsieur le président, je tiens à remercier Mme la ministre et M. le rapporteur, qui me disent que cet amendement serait satisfait ; cependant, personnellement, je ne suis pas satisfaite ! (Sourires.)

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, je ne comprends pas du tout vos explications, sans pour autant douter de votre bonne foi. Il s’agit ici de prévoir qu’une dotation de compensation peut être maintenue au sein d’un ensemble communal qui existerait sous une forme un peu différente. Cet ensemble communal ne prend de l’argent à personne.

Sur le fond, on ne peut à la fois vouloir encourager librement – vous avez parfaitement raison de le rappeler, madame la ministre – des évolutions de territoires pour une plus grande efficacité de l’action publique, et instaurer, d’une manière certes légale, mais bien tardive, des seuils pour contenir des dotations de compensation.

Je maintiens donc mon amendement, madame la présidente.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-471.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-472, présenté par Mme Gatel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 27

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

e) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les communes nouvelles qui ne sont plus éligibles au titre de la dotation nationale de péréquation ou de la dotation de solidarité rurale à l’issue de l’application des dispositions ci-dessus, perçoivent une attribution au moins égale à 90 % du montant perçu l’année précédente lors de la première année, un montant égal à 70 % du même montant la deuxième année, un montant égal à 50 % du même montant lors de la troisième année, et un montant de 25 % du même montant la quatrième année.

« Ces dispositions sont également applicables à compter de 2020 aux communes nouvelles créées depuis le 1er janvier 2015. » ;

La parole est à Mme Françoise Gatel.

Mme Françoise Gatel. Il s’agit d’un amendement relatif aux communes nouvelles soumises à une difficulté particulière ; je pense aux communes nouvelles composées d’anciennes communes rurales qui peuvent atteindre un niveau de population important, sans être pour autant comparables aux communes de la strate démographique à laquelle elles appartiennent désormais.

Ces communes nouvelles composées, je le disais, de communes très rurales perdent leur éligibilité à la dotation de solidarité rurale (DSR) du fait du dépassement du seuil de 10 000 habitants ; pourtant, elles ne sont pas éligibles à la dotation de solidarité urbaine (DSU) et elles gardent leur caractère rural.

Je puis l’entendre, il faut être raisonnable ; et je n’ai pas l’habitude de ne pas l’être.

Ainsi, afin d’éviter que des communes nouvelles créées entre 2015 et 2017 connaissent de vraies difficultés en sortant du pacte de stabilité et en perdant, de ce fait, des recettes importantes, je propose la création d’une garantie de sortie à durée limitée, d’une durée de quatre ans – c’est fort raisonnable –, du pacte de stabilité, lorsque ces communes ne sont plus éligibles à la DSR ou à la dotation nationale de péréquation (DNP), alors qu’elles l’étaient antérieurement à la fusion. En effet, il ne faut pas briser cette dynamique libre et volontaire de territoires qui se prennent en main pour garantir leur avenir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Cet amendement tend à étendre le mécanisme de garantie de DSR et de DNP au profit des communes nouvelles. Celles-ci bénéficieraient ainsi d’une attribution dégressive de ces dotations pendant quatre années supplémentaires, comme cela existe pour certains dispositifs.

Ce mécanisme permettrait de lisser dans le temps la diminution de ressources liée à la perte d’éligibilité des communes nouvelles à ces dotations, tout en prévoyant une borne temporelle. Toutefois, cela se traduirait par une baisse du montant de DSR et de DNP perçu par les autres communes.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Eh oui !

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Cela dit, la commission a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat, parce que vous avez été assez sympathique pour prévoir une borne temporelle à ce mécanisme, madame Gatel ! (Sourires.)

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Néanmoins, lorsque le lissage arrivera à son terme, il serait souhaitable de ne pas retrouver, une nouvelle fois, un amendement visant à prolonger ad vitam æternam un tel mécanisme… (Exclamations amusées sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. Ce n’est pas le genre de Mme Gatel !

Mme Françoise Gatel. Vous avez ma parole !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je ne serai pas aussi compréhensive. (Oh ! sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Tout d’abord – il faut toujours revenir aux fondamentaux –, la création de communes nouvelles procède de la volonté des élus locaux ; on fait le choix de constituer ou non une commune nouvelle. Chacun défend les communes à l’aune de son expérience locale…

En outre, je le rappelle, le pacte de stabilité des nouvelles communes repose sur des principes clairs : la protection des communes contre la baisse des dotations pendant leurs premières années d’existence et une bonification des dotations – l’aide au démarrage ; ensuite, à l’issue de cette période, les communes nouvelles deviennent de nouvelles communes.

M. Stéphane Piednoir. On l’a déjà entendu, cela ! (Sourires.)

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cela faisait longtemps, donc je le répète… (Nouveaux sourires.)

Le PLF pour 2020 réaffirme ces principes, qui étaient parfaitement connus des communes au moment où elles ont choisi de fusionner. Ces collectivités ont fait ce choix en toute connaissance de cause, et l’on voit mal ce qui justifierait de prolonger de plusieurs années un régime dérogatoire particulièrement favorable.

M. Bruno Sido. Absolument !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’adoption de cet amendement se traduirait en effet par l’octroi d’une DSR et d’une DNP à des communes dont la situation financière ne le justifie pas forcément ; cela peut arriver, mais ce n’est pas nécessairement le cas.

Une telle mesure serait par ailleurs injuste et inéquitable, puisqu’elle se traduirait par l’attribution de montants moindres à ceux qui ne créent pas une commune nouvelle.

Enfin, cette garantie complexifierait considérablement le calcul de la DSR et de la DNP des communes nouvelles, dont la création peut remonter à cinq ans et qui bénéficieraient d’un régime dérogatoire pour quatre années supplémentaires.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, chère Françoise Gatel,…

M. Roger Karoutchi. Ah non, on ne joue pas sur l’affectif ! (Sourires.)

Mme Jacqueline Gourault, ministre. … de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.

M. Bernard Delcros. Je soutiendrai, pour ma part, l’amendement de Françoise Gatel. En effet, celui-ci vise évidemment, non pas à revenir sur la perte d’éligibilité à la DNP et à la DSR, mais à éviter une rupture brutale des recettes en raison de cette inéligibilité.

Ainsi, il s’agit de proposer une sortie en sifflet, un mécanisme prévu dans de nombreux cas et que l’on a adopté à plusieurs reprises ; on l’a d’ailleurs fait avec la dotation cible pour les communes dont le potentiel fiscal a évolué lors des fusions d’intercommunalités. (Marques dapprobation sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Je ne suis pas un grand défenseur des aides financières octroyées aux communes nouvelles, parce que cela risque d’entraîner un effet de « chasseur de primes », dont on voit ensuite, plusieurs années plus tard, les conséquences négatives.

Néanmoins, à partir du moment où ces aides sont en place, il faut avoir la préoccupation de la stabilité des recettes, de la situation financière des collectivités, un sujet dont nous parlons ici à longueur de journée – Mme la ministre est parmi les plus familières de ce thème –, y compris à l’encontre de problèmes réels de péréquation.

Honnêtement, la fusion de ces communes n’a pas entraîné pour elles d’enrichissement ; il y a simplement eu un effet de groupement. Aussi, même s’il semble légitime de prévoir que, étant de nouvelles communes, elles ont vocation à passer dans le régime de droit commun et à perdre ces dotations, il me paraît relever de l’équité la plus élémentaire de veiller à ce que cette sortie se fasse de façon échelonnée.

J’ajoute, monsieur le rapporteur spécial, madame la ministre, que l’argument consistant à affirmer que cela déclencherait une perte pour les autres communes est infondé et mathématiquement inexact.

C’est simplement parce que ces communes nouvelles perdent le bénéfice d’une dotation que, dans le partage de la masse, les autres communes gagnent un surplus, d’ailleurs infinitésimal. Ce n’est donc pas une perte ; c’est simplement la perte d’un gain indirect.

M. Jean-François Husson. M. le ministre Richard est un excellent médiateur ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. Charles Guené a indiqué l’avis de la commission des finances, et je m’exprime ici à titre personnel.

Je ne partage pas votre position, madame Gatel ; je la partage souvent, mais là ce n’est pas le cas. En effet, il y avait là une règle, qui était donnée dès le départ.

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. Bien sûr que si !

En outre, quand un ensemble d’élus choisit de recourir à ce système pour constituer une commune nouvelle, il doit faire la part du feu entre les avantages et les éventuels inconvénients. Venir réclamer, après coup, les avantages en demandant la révision des règles pour échapper aux inconvénients me paraît malvenu.

Mme Françoise Gatel. Ce n’est pas cela !

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. Si, c’est bien cela ; je ne partage pas votre position et je serai sans doute battu, mais je tiens à le dire.

En outre, la comparaison faite avec d’autres mécanismes prévoyant une sortie en sifflet n’est pas du tout pertinente ; ce n’est pas de même nature. Certes, on sait faire des sorties en sifflet sur des dispositifs qui disparaissent, mais ne le faisons pas dans le cas d’une commune nouvelle, laquelle participe, je le répète, du choix volontaire des communes.

Je ne partage pas votre position, madame Gatel. Aussi, à titre personnel, je voterai contre votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. L’amendement de Mme Gatel était prévisible, parce que les règles du jeu pour instituer une commune nouvelle étaient claires. Je l’ai dit sur le terrain, dans mon bon département de la Haute-Marne : on fait un mariage non pour l’argent, mais parce que l’on a envie de se marier. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Cela dépend !

M. Bruno Sido. C’est vrai, il y a une incitation financière à constituer des communes nouvelles, ce qui d’ailleurs n’est pas sain – l’État n’aurait pas dû agir ainsi, il aurait économisé de l’argent –, car cela pousse au vice. Au bout de quelques années, ce mécanisme cesse pour ces communes, ce qui était prévu par la règle du jeu.

On nous demande maintenant de prévoir un nouveau sifflet de quatre ans. Mais non ! Ce sont des adultes ! Ils ont fait le choix du mariage, même si, je le répète, ils peuvent l’avoir fait pour l’argent.

M. Bruno Sido. Si, souvent ! (Protestations sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Ils doivent donc en assumer les conséquences, et la règle du jeu doit être appliquée. Pour ma part, je suis contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.

M. Stéphane Piednoir. Je m’insère dans ce débat centro-centriste… (Sourires.)

Mme Françoise Gatel. Mais de bonne qualité !

M. Stéphane Piednoir. Bien évidemment ! (Nouveaux sourires.)

Je veux m’inscrire en faux par rapport à ce que vient de dire Bruno Sido. Non, les communes nouvelles ne se sont pas créées, dans la majorité des cas, pour des raisons vénales.

Vous le savez, madame la ministre, je viens d’un département exemplaire dans le domaine de la création des communes nouvelles.