compte rendu intégral

Présidence de Mme Hélène Conway-Mouret

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Catherine Deroche,

Mme Patricia Schillinger.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Conventions internationales

Adoption définitive en procédure d’examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république fédérale démocratique d’éthiopie relatif aux services aériens, de l’accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république du costa rica relatif aux services aériens et de l’accord relatif aux services aériens entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république du mozambique

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale démocratique d'Éthiopie relatif aux services aériens, de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica relatif aux services aériens et de l'accord relatif aux services aériens entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mozambique
Article 2

Article 1er

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale démocratique d’Éthiopie relatif aux services aériens (ensemble trois annexes), signé à Paris le 30 janvier 2017, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale démocratique d'Éthiopie relatif aux services aériens, de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica relatif aux services aériens et de l'accord relatif aux services aériens entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mozambique
Article 3 (début)

Article 2

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica relatif aux services aériens (ensemble une annexe), signé à San José le 23 mars 2017, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article 2
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale démocratique d'Éthiopie relatif aux services aériens, de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica relatif aux services aériens et de l'accord relatif aux services aériens entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mozambique
Article 3 (fin)

Article 3

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord relatif aux services aériens entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mozambique (ensemble une annexe), signé à Maputo le 3 mai 2017, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale démocratique d’Éthiopie relatif aux services aériens, de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica relatif aux services aériens et de l’accord relatif aux services aériens entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mozambique (projet n° 732 [2018-2019], texte de la commission n° 261, rapport n° 260).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

Article 3 (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale démocratique d'Éthiopie relatif aux services aériens, de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica relatif aux services aériens et de l'accord relatif aux services aériens entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mozambique
 

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république du tchad relatif aux services aériens et de l’accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république d’angola relatif aux services aériens

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tchad relatif aux services aériens et de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Angola relatif aux services aériens
Article 2 (début)

Article 1er

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tchad relatif aux services aériens (ensemble une annexe), signé à Ndjamena le 9 février 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tchad relatif aux services aériens et de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Angola relatif aux services aériens
Article 2 (fin)

Article 2

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Angola relatif aux services aériens (ensemble une annexe), signé à Luanda le 1er mars 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tchad relatif aux services aériens et de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Angola relatif aux services aériens (projet n° 733 [2018-2019], texte de la commission n° 263, rapport n° 262).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

Mme Christine Prunaud. Le groupe CRCE s’abstient !

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

Article 2 (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tchad relatif aux services aériens et de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Angola relatif aux services aériens
 

3

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso et de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso
Discussion générale (suite)

Conventions avec le Burkina Faso

Adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso et de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso
Article 1er

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso (projet n° 705 [2018-2019], texte de la commission n° 191, rapport n° 190).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, « la liberté a souvent, hélas ! le goût du sang versé ». C’est par ces mots que, le 2 décembre dernier, le Président de la République ouvrait l’éloge funèbre de treize soldats français morts dans le cadre de l’opération Barkhane.

Permettez-moi d’évoquer quelques instants le Sahel dans sa dimension sécuritaire avant d’en venir au texte qui nous réunit, puisque le Burkina Faso participe pleinement de cet espace parcouru d’un certain nombre de fragilités, traversé de crises et ayant bien des défis à relever.

Le sacrifice de ces héros a suscité l’émoi de toute la Nation. Il a rappelé combien la France prend sa part dans la lutte contre le terrorisme, sur son territoire comme par-delà ses frontières.

Cet événement tragique fut l’occasion pour nos concitoyens de témoigner une fois de plus de leur attachement à l’engagement remarquable de nos soldats dans leur combat pour la liberté. Cette reconnaissance de la patrie a été de nouveau exprimée par le Président de la République lorsqu’il s’est déplacé auprès des forces françaises en Côte d’Ivoire, basées à Port-Bouët et qui sécurisent cette voie sacrée, cet axe logistique de ravitaillement jusqu’à Gao.

En réunissant à Pau, le 13 janvier dernier, les pays du G5 Sahel, le Président de la République a réaffirmé l’engagement militaire de la France dans la région, annonçant l’envoi de renforts, ainsi que de moyens logistiques et de renseignement supplémentaires pour poursuivre cette lutte contre le terrorisme. La France espère que cet effort sera également mis à profit par nos alliés pour permettre le redéploiement de l’État, la reconstruction des appareils de sécurité.

En définitive, comme le rappelait le Président de la République en conclusion de ce sommet, l’objectif politique est la consolidation de l’État, le retour de l’État partout et dans toutes les régions.

Précisément, nous avons évoqué le retour de l’État malien à Kidal, la consolidation de l’État burkinabé. Cet objectif politique est indispensable et complémentaire de l’objectif militaire.

Si l’effort et la coopération militaires sont essentiels à la réaffirmation de la présence des États, la mise en place d’une coopération judiciaire pénale moderne et efficace entre la France et ses partenaires constitue un objectif majeur dans la stratégie française de lutte contre le terrorisme dans la région.

En matière de coopération judiciaire pénale, la France et le Burkina Faso sont actuellement liés par l’accord de coopération en matière de justice signé en 1961 – il a donc cinquante-neuf ans.

Depuis 2014, la France a adressé vingt demandes d’entraide judiciaire en matière pénale au Burkina Faso, principalement pour des faits de terrorisme et d’atteinte aux personnes. La multiplication des attaques terroristes au Burkina Faso, à l’occasion desquelles des ressortissants français ont été tués ou blessés, nécessite en effet la coopération des autorités burkinabées pour les besoins des procédures judiciaires en France.

Au moment où je prononce ces mots, j’ai une pensée toute particulière pour Thierry Gouy, notre compatriote décédé dans l’attaque contre un café-restaurant à Ouagadougou, dans la nuit du 13 au 14 août 2017 et pour toute sa famille.

Les négociations engagées avec le Burkina Faso font suite aux conclusions d’un groupe de travail interministériel piloté par le ministère de la justice français et consacré à l’entraide pénale en matière de lutte contre le terrorisme avec des États du continent africain identifiés comme prioritaires. Ces travaux remontent au dernier trimestre de 2016. Des négociations analogues ont été menées avec le Niger et le Mali.

Les deux conventions qui font l’objet du présent projet de loi ont pour objectif de moderniser le cadre juridique quelque peu obsolète de la coopération judiciaire en matière pénale et de répondre efficacement aux défis posés par la lutte contre la menace terroriste et la criminalité organisée.

Depuis 2014, les autorités burkinabées ont adressé à la France un plus faible nombre de demandes : quatre demandes d’entraide et deux demandes d’extradition. Toutefois, elles sont d’une importance particulière en raison des faits commis. Elles illustrent également le besoin d’une coopération bilatérale efficace entre nos deux pays.

Ces deux conventions prévoient le principe d’une coopération large et efficace.

La convention d’entraide judiciaire crée la possibilité de recourir aux techniques spéciales d’enquête : auditions par vidéoconférence, demandes d’informations en matière bancaire, saisies et confiscations d’avoirs criminels, livraisons surveillées, infiltrations et interceptions de télécommunications. Elle organise de manière claire les modalités de communication et de transmission des demandes, notamment dans les cas les plus urgents. J’ajoute que les échanges sont renforcés pour assurer une exécution plus efficace et plus rapide des demandes d’entraide par l’institution de mécanismes de consultation à différentes étapes de l’exécution des demandes.

En matière d’extradition, la lutte contre la criminalité et l’impunité sera renforcée grâce à des stipulations encadrant très précisément et au plus près des besoins opérationnels la coopération bilatérale. Dans cet esprit, les modalités de l’arrestation provisoire des personnes recherchées pour éviter leur fuite et celles des communications entre les autorités compétentes des deux États méritent d’être soulignées.

Les stipulations de ces deux textes, qui s’inspirent largement des mécanismes standards de coopération judiciaire du Conseil de l’Europe, sont conformes aux plus récents accords signés par la France et à nos engagements européens et internationaux.

À ce titre, conformément aux règles classiques du droit de l’extradition, la convention prévoit plusieurs motifs de refus, notamment lorsque l’État requis considère que la personne recherchée est réclamée pour une infraction politique ou de nature exclusivement militaire, ou encore lorsqu’elle a des raisons sérieuses de croire que l’extradition a été demandée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d’opinion politique.

Cette nouvelle convention préserve le principe de refus d’extradition des nationaux tout comme elle prévoit un tel refus en cas de prescription de l’action publique ou de la peine, et également en application du principe non bis in idem.

Afin d’assurer le respect de la Constitution de 1958, la convention permet à la France de refuser d’extrader une personne passible de la peine capitale, sauf à ce que le Burkina Faso donne des assurances que notre pays jugera suffisantes. C’est donc à cette aune que nous nous prononcerons. Sur ce point, il doit être relevé que le nouveau code pénal burkinabé, adopté le 31 mai 2018, prévoit la suppression de la peine capitale, qui reste cependant en vigueur dans certaines lois spéciales.

Ce mécanisme est également applicable aux peines contraires à l’ordre public français.

Par ailleurs, et s’agissant de l’exécution d’une demande d’entraide aux fins d’enquête, elle peut être refusée si elle est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l’ordre public ou à d’autres intérêts essentiels de la France.

Enfin, les deux conventions instituent des garanties pour la protection des données à caractère personnel transmises sur leur fondement, conformément aux engagements européens de la France.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les grands équilibres, les grandes lignes du projet de loi et des conventions qui sont soumis à votre appréciation ce matin. Je ne doute pas que M. le rapporteur, dans quelques instants, approfondira, avec la sagesse qui est la sienne, l’ensemble de ces éléments. (MM. Robert Laufoaulu et Jean-Claude Requier applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Cigolotti, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à remercier nos collègues André Reichardt et Philippe Mouiller, du groupe Les Républicains, qui ont souhaité l’examen en séance de cette convention, ce qui nous permet d’aborder la situation dramatique du Burkina Faso.

Comme l’a rappelé M. le secrétaire d’État, les conventions que nous examinons ce matin visent à actualiser le cadre juridique de la coopération franco-burkinabée dans les domaines de l’entraide judiciaire en matière pénale et d’extradition. Le cadre en vigueur, défini en 1961, est devenu obsolète et appelle une révision destinée à y inclure des dispositions plus adaptées au contexte et aux enjeux actuels. La justice française est par ailleurs confrontée à une certaine lenteur des autorités burkinabées à accorder l’entraide judiciaire, ce qui, dans la plupart des cas, vide les demandes de leur substance.

Afin de pallier le défaut de diligence de certains États, la France a entrepris la négociation de nouvelles conventions avec les pays de la bande sahélo-saharienne. Cette démarche a permis la conclusion des présentes conventions avec le Burkina Faso, ainsi que d’instruments similaires avec le Niger, que le Sénat a approuvés le mois dernier. Les négociations conduites à cette fin avec le Mali devraient également aboutir dans les mois à venir.

Les demandes d’entraide judiciaire émanant de nos autorités concernent principalement des dossiers très sensibles, comme des attentats ou des enlèvements de personnes. La triste actualité nous a rappelé à quel point cette région était dangereuse pour les populations locales, mais aussi pour nos compatriotes, et ce depuis plusieurs années déjà. Tout le monde a probablement en mémoire la double attaque djihadiste du 2 mars 2018 qui a frappé l’ambassade de France et l’Institut français de Ouagadougou, ou encore l’opération de récupération d’otages français qui a coûté la vie à deux militaires du commando Hubert le 9 mai 2019. Depuis 2015, le terrorisme a fait environ 750 morts dans le pays et plus d’un demi-million de déplacés.

L’ensemble du territoire burkinabé est désormais déconseillé aux voyageurs par le Quai d’Orsay tant la situation sécuritaire, déjà très préoccupante, se dégrade au fil des semaines.

Les zones frontalières du Mali, du Niger, du Togo et du Bénin font l’objet d’une vigilance soutenue eu égard aux risques très élevés d’enlèvement dans ces régions où les factions terroristes se jouent des frontières poreuses.

Les risques pour nos compatriotes sont réels : plus de 3 600 d’entre eux vivent au Burkina Faso et quelque 10 000 Français s’y rendent chaque année, alors que la situation s’enlise et que le ressentiment envers la présence militaire française sur place, pourtant essentielle au maintien d’une certaine stabilité, ne fait que s’accroître.

Des intérêts étrangers ont par ailleurs été visés en novembre dernier. En effet, une embuscade contre un convoi transportant des employés d’une société minière canadienne a fait une quarantaine de morts et une soixantaine de blessés.

Outre les actes terroristes et les enlèvements de personnes, les pays du Sahel sont confrontés à plusieurs types de trafic qui peuvent avoir des répercussions sur notre pays, comme le trafic de stupéfiants ou encore le trafic d’êtres humains à travers les réseaux de passeurs clandestins.

À ce titre, il est important de rappeler l’imbrication du terrorisme et de la grande criminalité : en tissant des liens avec les narcotrafiquants, les groupes terroristes participent, directement ou indirectement, à ces trafics, qui constituent pour eux une source de financement importante. Par conséquent, le renouvellement du cadre conventionnel vise principalement à lutter contre le terrorisme, son financement et ses conséquences pour les intérêts français dans la région, en renforçant la coopération bilatérale. Cela permettra de fluidifier les échanges entre les parties et d’assurer ainsi une meilleure exécution des demandes d’entraide, notamment lorsqu’il s’agit d’enquêtes visant des infractions terroristes.

Pour ce faire, la nouvelle convention d’entraide judiciaire organise de façon claire les modalités de communication entre les parties, notamment dans les cas les plus urgents, et définit plus précisément les délais d’exécution des demandes.

Elle prévoit en outre la possibilité de recourir à des techniques spéciales d’enquête comme les opérations d’infiltration, les interceptions de télécommunications ou encore les livraisons surveillées, qui consistent à laisser passer certains convois de drogues pour permettre l’identification et l’arrestation des commanditaires ou des destinataires du trafic, sans se contenter des seuls convoyeurs.

Le texte offre enfin de larges possibilités en matière de gel des avoirs et de confiscation des produits et instruments des infractions.

Le Burkina Faso se dote actuellement des outils nécessaires à la mise en œuvre des techniques précitées. Ses magistrats ont été formés à la judiciarisation de ces crimes, notamment par la France, dans le cadre de programmes de coopération. « L’appui au retour de l’État » est d’ailleurs l’un des quatre piliers du nouveau cadre politique, stratégique et opérationnel défini par les chefs d’État lors du sommet de Pau sur la situation dans l’espace du G5 Sahel.

S’agissant, à présent, de la convention d’extradition, le texte retenu correspond au projet soumis par la partie française. Cette convention respecte donc parfaitement nos standards juridiques nationaux et internationaux.

Ainsi, les demandes d’extradition seront systématiquement refusées si elles concernent des infractions politiques ou des raisons tenant aux opinions politiques, à la nationalité ou à la religion de la personne demandée. Lorsque l’infraction est passible de la peine capitale, la demande sera systématiquement refusée. Il faut souligner à ce titre que le Burkina Faso a récemment aboli la peine de mort pour les crimes de droit commun à la faveur d’une réforme de son code pénal. Toutefois, le code de justice militaire prévoit toujours l’application de la peine capitale pour certains crimes.

En matière d’extradition, le volume de demandes est très faible. Au cours des dix dernières années, la France et le Burkina Faso ont ouvert six dossiers, qui, pour l’heure, n’ont pas abouti la remise des personnes aux autorités requérantes. L’une de ces demandes mérite néanmoins d’être signalée, celle qui concerne l’extradition de François Compaoré, frère de Blaise Compaoré, Président du Burkina Faso de 1987 à 2014.

François Compaoré a été arrêté le 29 octobre 2017 à l’aéroport de Roissy sur le fondement d’un mandat d’arrêt émis par un juge d’instruction investiguant sur les assassinats, en 1998, de Norbert Zongo, journaliste, et de ses trois compagnons de voyage. En juin dernier, la Cour de cassation a écarté la question prioritaire de constitutionnalité posée par l’intéressé et a rejeté le pourvoi qu’il avait formé contre l’avis favorable de la chambre de l’instruction. À la lumière de ces arrêts, un décret du Premier ministre accordant l’extradition est en cours de rédaction.

L’ambassadeur du Burkina Faso nous a indiqué que cette décision d’extradition était très attendue par la population burkinabée. Selon lui, il s’agit d’un acte important, de nature à apaiser les ressentiments qui s’expriment actuellement à l’encontre de notre pays, comme le fut la décision du Président de la République, Emmanuel Macron, de déclassifier les archives portant sur l’assassinat de Thomas Sankara. L’un des défis qui se posent aujourd’hui au gouvernement burkinabé est d’ordre mémoriel. Cette décision était heureuse à cet égard ; l’extradition de François Compaoré le sera tout autant.

Mes chers collègues, ces nouvelles conventions répondent au souhait émis par les autorités françaises d’une coopération plus efficace avec le Burkina Faso dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Elles n’impliquent aucune adaptation de nos dispositions législatives ou réglementaires.

À la lumière de ces observations, je préconise donc l’adoption de ce projet de loi, voté à l’unanimité par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Rachid Temal.

M. Rachid Temal. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Sénat doit aujourd’hui se prononcer sur le projet de loi relatif à deux conventions avec le gouvernement du Burkina Faso : l’une portant sur l’entraide judiciaire en matière pénale et l’autre sur l’extradition. Ces conventions ont pour objet de remplacer les précédentes, qui datent de 1961, en les rénovant et en les améliorant. À cette époque, encore celle de la République de Haute-Volta, elles faisaient explicitement référence à la colonisation. Force est de constater que, depuis cette période, les relations diplomatiques entre nos deux pays – heureusement – ont évolué, tout comme le contexte international, à la fois judiciaire et militaire.

Ces deux conventions sont conformes aux standards français et européens. Elles ne soulèvent donc aucun problème particulier au regard de notre droit. Je ne reviendrai pas sur le détail de celles-ci, comme l’a fait M. le secrétaire d’État et, excellemment comme à chaque fois, M. le rapporteur, le présent projet de loi tendant à leur ratification ayant été adopté à l’unanimité en commission, comme cela a été rappelé. Je veux souligner la nécessité d’adapter ces enjeux à la lutte contre le terrorisme.

C’est le groupe de travail G5 Sahel, qui travaille notamment sur les questions de lutte contre le terrorisme, qui a évoqué la nécessité de rénover et de renégocier ces accords bilatéraux.

Au Burkina Faso, la criminalité est liée au terrorisme. Il est important – c’est l’enjeu de ces conventions – de s’attaquer au financement du terrorisme, lequel touche d’ailleurs l’ensemble des pays de la bande sahélo-saharienne.

Le Burkina Faso est dans une situation d’extrême urgence. L’influence terroriste se fait maintenant sentir dans une grande partie du nord du pays, et les attaques contre les civils s’accentuent : il y a encore quelques jours, trente-six civils en ont été victimes lors d’une attaque d’un marché. On le voit bien, les populations civiles sont très largement impactées par le terrorisme.

Notre République a engagé ses troupes au Burkina Faso, dans le cadre de l’opération Barkhane, anciennement opération Serval, qui avait été engagée sous le précédent quinquennat. Je veux à mon tour saluer l’engagement, le courage et le professionnalisme de nos troupes, ainsi que le sacrifice des hommes et des femmes qui sont tombés au combat pour défendre à la fois les populations, ces pays, le nôtre, notre démocratie, face à cette idéologie islamiste qui fait tant de dégâts dans le monde. Notre engagement vise à appuyer les forces armées des pays partenaires concernés, à renforcer la coordination des moyens militaires internationaux et à empêcher la reconstitution de foyers terroristes dans la région.

Je veux également saluer le fait que nous ayons dans notre hémicycle un débat sur l’opération Barkhane, non pas pour la condamner – telle n’est pas la position de mon groupe –, mais pour débattre de la réadaptation nécessaire et permanente de nos dispositifs, de notre théorie militaire d’intervention compte tenu de la grande complexité de la situation. Il ne faudrait pas, d’ailleurs, que les populations locales vivent durement notre intervention, ce qui est parfois le cas.

Notre engagement s’inscrit dans une stratégie 3D : un axe diplomatique, un axe de défense et un axe de développement. Je ne peux que regretter à cet égard la baisse des autorisations d’engagement de l’AFD (Agence française de développement), qui mériteraient plutôt d’être augmentées.

J’en viens maintenant, en quelques mots, au fond de ces deux conventions.

Premièrement, je salue le fait que l’accord de 2018 permette de transmettre par voie diplomatique les archives françaises déclassifiées relatives à la mort, en 1987, du Président Thomas Sankara. Je remercie le Gouvernement de cette décision.

Deuxièmement, comme l’a dit le rapporteur, se pose la question de l’extradition de François Compaoré, à la suite de son arrestation et des décisions à la fois de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel. Celui-ci est aujourd’hui mis en cause dans l’enquête sur l’assassinat, en 1998, du journaliste Norbert Zongo. Chaque 13 décembre, des milliers de Burkinabés se rassemblent pour lui rendre hommage. Il serait effectivement important pour nous que la justice burkinabée puisse trancher. C’est aussi de la liberté de la presse qu’il est question dans cette affaire.

Troisièmement, j’observe que le système judiciaire du Burkina Faso a connu des changements – voire une révolution – quant à l’échelle des peines applicables. Un nouveau code pénal a été promulgué, le 21 juin 2018, abolissant la peine de mort. Toutefois, celle-ci est toujours prévue par le code de justice militaire, ce qui doit nous interpeller, même si, depuis 1988, aucune exécution n’a eu lieu.

Pour conclure, je veux souligner que la convention exclue toute possibilité d’extradition liée à des délits d’opinion, de nationalité, de race ou de religion. Il est important de le rappeler. De même, aucune extradition n’est possible, comme l’a dit M. le secrétaire d’État, quand pèsent des risques sur la vie des personnes.

Nous considérons que ces deux conventions doivent permettre à la fois de renforcer l’amitié entre nos deux pays, nos deux peuples, et de renforcer l’État de droit au Burkina Faso. Mon groupe votera donc ce projet de loi. (M. Thierry Carcenac applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au-delà de l’intérêt intrinsèque des deux conventions judiciaires qu’il nous est demandé d’approuver aujourd’hui, la situation sécuritaire et humanitaire au Burkina Faso et, plus largement, au Sahel, mérite d’être évoquée tant elle est préoccupante. On constate en effet depuis quelques mois une recrudescence des attentats djihadistes dans la région sahélo-saharienne, le Burkina Faso étant particulièrement touché.

Lundi dernier, c’est une nouvelle attaque qui a été perpétrée dans un village du nord, sur un marché, faisant trente-neuf victimes, qui s’ajoutent aux 600 militaires et civils tués depuis quatre ans. On compterait aujourd’hui plus d’un demi-million de personnes déplacées, un drame qui pourrait accroître les conflits communautaires qui n’épargnent déjà pas le pays.

Je rappellerai aussi qu’il faut s’inquiéter de l’extension de l’arc de crise, le Burkina Faso étant sous le feu des trois principaux groupes terroristes sur son territoire. Deux groupes attachés à Al-Qaïda sèment la terreur au nord, tandis que l’organisation État islamique, dans le Grand Sahara, frappe surtout l’est et le centre est depuis 2018. Pourtant, les autorités nationales, régionales et internationales ne ménagent pas leurs efforts. En octobre dernier, l’intervention de la force Barkhane, en soutien aux unités nationales du Burkina Faso, a permis d’éviter que la ville de Djibo tombe aux mains des djihadistes. Cette opération n’est pas sans rappeler l’assistance portée par la France à l’armée tchadienne l’année dernière, pour empêcher l’incursion au Tchad d’une cinquantaine de pick-up venus de Libye.

À cet égard, je salue l’action de nos 4 500 militaires présents au Sahel – dont l’engagement va, hélas ! parfois jusqu’au sacrifice de leur vie –, qui permet de remporter des succès sur le terrain. Cependant, malgré l’investissement de nos soldats, il faut bien reconnaître que l’insurrection djihadiste ne recule pas. Les groupes s’adaptent et détectent les fragilités sécuritaires pour cibler leurs actions. On le sait, la zone des trois frontières, dans laquelle la majorité des attaques se concentre, est devenue particulièrement dangereuse.

Dans ces conditions, et comme le Président de la République l’a souligné lors du récent sommet de Pau, il est indispensable que le G5 Sahel intensifie ses efforts en matière de lutte antiterroriste. Je ne suis pas partisan du désengagement de la France, car nous sommes en première ligne face au terrorisme.

Au-delà de notre soutien, les acteurs régionaux doivent accentuer leur mobilisation sécuritaire : les États doivent se ressaisir, notamment pour offrir à leurs concitoyens des services publics efficients. Or la fragilité institutionnelle des pays engagés dans l’approche partenariale du G5 Sahel ne facilite pas les choses.

J’ajoute qu’une meilleure appropriation des enjeux de sécurité par les pays africains concernés éviterait peut-être d’exposer la France à l’hostilité des populations locales. Depuis quelques mois, on a vu se répandre au Burkina Faso, ainsi qu’au Mali, un sentiment anti-Français dont il ne faut pas sous-estimer la portée.

À ce titre, la réforme du franc CFA annoncée par le Président de la République…