M. Sébastien Lecornu, ministre. Je l’avais bien compris !

M. Stéphane Artano. Je vous laisse le bénéfice du doute !

Je ne parle même pas des courriers parlementaires qui restent sans réponse du préfet. Il s’agit bien d’une hégémonie de l’État, que l’on pourrait presque croire en perpétuelle campagne électorale,…

M. Sébastien Lecornu, ministre. Ce n’est pas mon cas !

M. Stéphane Artano. … ce qui interpelle à plus d’un titre.

Nous subissons une situation de blocage institutionnel anormale, contre laquelle je ne peux que me dresser. Jamais je n’aurais cru devoir le faire à cette tribune et à ce moment précis, mais c’est ainsi.

Quand on prétend rechercher des partenaires de confiance, il faut être loyal et ne pas saborder à dessein des projets majeurs de développement du territoire. Bien sûr, ce que je dénonce se fait de manière très intelligente, sous couvert d’un État républicain, mais la population n’est pas dupe.

À cet égard, les bâtons que l’on met dans les roues du conseil territorial sur le projet de construction portuaire le plus important de ces trente dernières années sont assez révélateurs. Entre les atermoiements de l’État sur le site d’implantation d’un quai, la recherche de munitions au fond de l’eau en 2019, la réalisation, en 2020, d’une étude d’impact sur les phoques – eh oui, il y a des phoques à Saint-Pierre-et-Miquelon ! – ou encore les sondages en vue de possibles fouilles archéologiques en 2021, je n’ose croire, monsieur le ministre, que la légèreté de l’État soit allée aussi loin dans le pilotage d’un projet d’investissement de près de 40 millions d’euros. Nous ne pouvons plus continuer ainsi.

L’écrivain Jérôme Leroy a déclaré : « En politique avoir raison n’est rien, convaincre est tout. » Comme de nombreux compatriotes, je ne suis pas du tout convaincu de certains choix de l’État à Saint-Pierre-et-Miquelon, monsieur le ministre.

Au-delà de ces considérations strictement locales, je vous indique que le groupe RDSE votera les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur de nombreuses travées.)

(M. Vincent Delahaye remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord saluer l’ensemble des membres de la délégation sénatoriale aux outre-mer. Réunis ce matin, nous avons élu notre collègue Stéphane Artano à la présidence de cette délégation. Je me permets une nouvelle fois de le féliciter.

La délégation peut maintenant reprendre ses travaux. Il ne fait nul doute que leur qualité continuera à être reconnue, dans la lignée de ceux qu’avaient été entrepris les deux présidents précédents, MM. Serge Larcher et Michel Magras.

Mes chers collègues, vendredi dernier, nous nous sommes retrouvés derrière un amendement de notre collègue Victorin Lurel sur la mission « Plan de relance » pour créer un nouveau programme, intitulé « Plan pour l’égalité réelle outre-mer » et doté de 2,5 milliards d’euros. C’est à peu près le montant des crédits de la mission « Outre-mer » que nous examinons aujourd’hui.

L’objectif de cette mission est de réduire les écarts entre l’Hexagone et les collectivités d’outre-mer. C’est ambitieux, mais impératif.

Lorsque l’on parle d’égalité républicaine, nous avons l’ambition que les valeurs qui s’y rattachent soient partagées sur tout le territoire français, peu importe la distance qui sépare Paris de Papeete, Cayenne ou Pointe-à-Pitre.

Les crédits de la présente mission sont insuffisants pour répondre à cet enjeu de l’égalité républicaine. Certains soulignent l’évolution de l’enveloppe globale. Certes ! Pour notre part, nous souhaitons insister sur la baisse des crédits de paiement de l’action Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle, sur la diminution de 5 % de ceux du programme « Conditions de vie outre-mer », de quasiment 3 % de l’action Logement ou encore de 10 % de l’action Aménagement du territoire.

Nous parlons de crédits de paiement. À cet égard, nous souhaitons alerter, comme malheureusement chaque année, sur la sous-consommation des crédits de la mission « Outre-mer ». Cette non-utilisation de crédits ne justifie en rien la réduction des moyens alloués. Les difficultés à engager les dépenses de cette mission sont inacceptables. Nous demandons au Gouvernement d’agir à ce sujet. Le Parlement ne peut voter des crédits qui ensuite ne sont pas utilisés, alors que les outre-mer en ont cruellement besoin !

Le Gouvernement et le Parlement doivent être vigilants sur la bonne exécution des crédits du plan de relance comme de cette mission, ainsi que sur leur déclinaison dans les collectivités qui manquent d’appui en matière d’ingénierie de projet, dont l’État est responsable.

Cette sous-exécution chronique concerne notamment le logement, dont les crédits sont très inférieurs au niveau constaté jusqu’en 2017 et bien en deçà des besoins ressentis en outre-mer. Il y a 69 432 demandeurs de logements sociaux et les besoins de logements sociaux sont évalués à plus de 10 000 par an. La crise du logement en outre-mer est nourrie par la forte pression démographique, la rareté du foncier, l’urbanisation rapide, la pauvreté des ménages et l’insalubrité. Pourtant, la commission des finances dénonce un niveau de crédits « historiquement bas ».

La crise touche de manière différenciée nos collectivités d’outre-mer, mais elle aggrave les inégalités. Rappelons que la part des jeunes de 18 ans en difficulté de lecture varie entre 30 % et 75 % dans les départements d’outre-mer, contre 10 % dans l’Hexagone. Le taux de chômage est deux à trois fois plus élevé qu’en métropole. Les personnes les moins qualifiées y sont surexposées. Par conséquent, la formation des jeunes doit être améliorée, et il faut renforcer les moyens de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, d’autant plus que ses dispositifs sont déstabilisés par la crise.

Les effets de la pandémie creusent les écarts existants. C’est également vrai sur le plan économique, au regard de la grande dépendance des outre-mer à l’extérieur et au tourisme, avec de fortes incidences sur le pouvoir d’achat. Rappelons que les produits alimentaires coûtent en moyenne 12 % plus cher en outre-mer, et même jusqu’à 28 % à La Réunion, où un quart des habitants vivent avec moins de 867 euros par mois.

La pauvreté s’ajoute à cette « vie chère ». Le taux de pauvreté atteint ainsi 77 % à Mayotte, contre 14 % en France métropolitaine, où seul le taux de pauvreté de la Seine-Saint-Denis est à peu près comparable à celui de certains territoires ultramarins.

L’épidémie implique d’appliquer des règles sanitaires de base, comme se laver les mains. Toutefois, comment en faire un geste naturel lorsque l’on n’a pas d’eau au robinet ? Une réelle politique de l’eau doit être mise en œuvre en outre-mer, où la vétusté des réseaux entraîne, au quotidien, des coupures et des contaminations.

Monsieur le ministre, des crédits nous sont présentés, mais leur lecture ne nous inspire aucun enthousiasme. Nous savons bien que nous abordons un sujet transversal, touchant l’ensemble des ministères, mais votre rôle est essentiel pour faire entendre la voix de l’outre-mer auprès du Gouvernement. Les enjeux sont de taille ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nassimah Dindar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons et le répétons, les territoires d’outre-mer accusent des retards structurels par rapport aux régions hexagonales. Chacun a des défis de développement majeurs à relever pour l’avenir de ses populations.

Aussi, chaque année, le Sénat salue l’effort financier global de l’État en faveur des outre-mer sur l’ensemble des programmes.

La mission « Outre-mer » définit trois priorités principales, afin de contribuer à la reprise économique qui suivra la crise sanitaire.

Cette crise a largement affecté l’économie de nos îles, sur des secteurs aussi importants que le BTP, le tourisme ou encore le commerce. Elle a également touché les publics vulnérables que sont les personnes âgées, les porteurs de handicap, les familles. Je veux aussi insister sur les conséquences de cette période difficile pour les salariés du secteur social et médico-social.

On ne l’a pas dit suffisamment, cette crise a aussi affecté le moral de nos jeunes d’outre-mer et leur confiance en l’avenir. Pour les avoir rencontrés lors de votre dernier déplacement à La Réunion, vous le savez, monsieur le ministre. À cet égard, je salue l’augmentation du budget dédié au SMA.

Cependant, le chômage des jeunes de moins de 30 ans requiert, dans les outre-mer, l’organisation d’un véritable Grenelle de l’emploi, avec des mesures incitatives pour la formation professionnelle, la mobilité étudiante et professionnelle, l’embauche dans un premier emploi et la pérennisation des premiers emplois.

Le taux de chômage des jeunes s’élève à 23,4 % à La Réunion et à 35 % à Mayotte, contre 8 % dans l’Hexagone. Derrière ces chiffres, il y a de la précarité et de la souffrance. Aucun élu de la République ne peut s’en contenter.

Certes, le PLFSS est venu renforcer les exonérations de cotisations patronales, mais ce renforcement est intervenu en compensation de la suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Si ces exonérations sont salutaires pour les entreprises, pouvons-nous nous satisfaire d’un simple transfert comptable ?

Nous souhaiterions que la même somme soit destinée à des exonérations pour l’embauche des moins de 30 ans. Pourrions-nous envisager que votre ministère et celui qui est chargé de l’emploi s’accordent sur des pistes pour ce Grenelle que nous appelons de nos vœux ?

Monsieur le ministre, je défendrai tout à l’heure un amendement de mon collègue Gérard Poadja visant à étendre la prime spécifique d’installation que touchent tous les fonctionnaires civils et militaires lors de leur première affectation en métropole, à l’exception des ressortissants de Polynésie française, de Nouvelle-Calédonie et de Wallis et Futuna. Je sais que vous serez le ministre qui mettra fin à cette discrimination !

Mes collègues ont longuement évoqué le logement social. Je sais que cette question est une priorité du ministère chargé des outre-mer.

La politique du logement social en outre-mer est bipède : elle est constituée, d’une part, par les aides directes – les aides à la pierre –, et, d’autre part, par les aides à la personne. L’équilibre du secteur ne peut tenir qu’en renforçant ces deux composantes.

Je me félicite de la hausse de 18 millions d’euros des crédits de la LBU. En revanche, je demeure interrogative sur la réduction des aides au logement qu’entraînera la baisse importante, de 50 millions d’euros, des crédits alloués à l’outre-mer dans le cadre du programme 109.

Aussi, au-delà de l’attention que vous portez aux aides directes, monsieur le ministre, nous vous demandons de ne pas fragiliser les ménages, leur solvabilité et, par ricochet, les opérateurs et entreprises qui construisent nos territoires. Vous engagez-vous à nous garantir que, en dehors de la base des ressources prévue par la réforme, les critères d’octroi des aides au logement à caractère familial et social ne seront pas revus outre-mer ?

Notre regret à tous vient bien de la sous-consommation des crédits LBU, comme le soulignaient les rapporteurs spéciaux de la commission des finances. Il conviendrait de s’interroger sur ce point avec précision, car il n’est pas normal que de telles sommes soient sous-consommées, alors que nos populations sont dans le besoin. Aidez-nous, monsieur le ministre, à simplifier ces procédures !

La même demande de simplification est formulée par tous les acteurs concernant l’important et très attendu plan de relance, dont va bénéficier l’ensemble des territoires et que nous saluons. Il faut simplifier et rendre ces fonds accessibles aux TPE et PME, dont de récentes études ont souligné la faiblesse en matière de compétences et d’organisation administrative.

Notons que, à ce budget, s’ajoutent au moins 1,5 milliard d’euros dans le cadre du plan de relance outre-mer.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Nassimah Dindar. Cette somme importante est attendue. Je sais par avance, monsieur le ministre, que vous allez vous impliquer dans ces dossiers.

Bien évidemment, le groupe UC votera les crédits de la mission outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Stéphane Artano applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Viviane Malet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Stéphane Artano applaudit également.)

Mme Viviane Malet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » du PLF est un moment fort pour les élus ultramarins que nous sommes. C’est l’occasion d’insister sur les actions prioritaires à retenir pour nos territoires, afin de réduire le retard persistant avec l’Hexagone.

Le dernier rapport de l’Observatoire des inégalités, publié le 26 novembre dernier, vient nous le rappeler avec force : 33 % des habitants sont confrontés à la pauvreté en Martinique, 34 % en Guadeloupe, 42 % à La Réunion et 77 % à Mayotte.

Cette année, l’examen de la mission présente un caractère particulier du fait de la crise de la covid.

L’éloignement, l’insularité, la petitesse des marchés font que les outre-mer sont frappés de plein fouet et voient leur économie vaciller. Aucun secteur n’est épargné : BTP, tourisme, restauration, services, événementiel… Pour la seule île de La Réunion, ce sont 4 300 emplois qui ont été détruits depuis le début de la crise, malgré les aides diverses mises en place par l’État.

Le milliard et demi d’euros du plan de relance consacré en 2021 et 2022 aux outre-mer est le bienvenu. Cependant, comme le rappelle fort justement la commission des lois dans son rapport pour avis, il conviendra « d’être vigilants quant à la consommation concrète de ces crédits, puisqu’une partie d’entre eux dépendra d’appels à projets et rien ne peut garantir dès à présent que ces crédits seront effectivement consommés dans nos territoires ultramarins ».

J’en arrive à l’examen des crédits de la mission pour 2021, qui s’établissent à 2,68 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,44 milliards d’euros en crédits de paiement.

Les crédits 2021 du programme 138, « Emploi outre-mer », augmentent de 107 millions en AE et 94 millions en CP.

Les crédits du programme 123, « Conditions de vie outre-mer » connaissent quant à eux une hausse de 55 millions en AE et baissent de 31 millions en CP.

Monsieur le ministre, je tenais à saluer certaines annonces et certaines avancées effectuées lors de l’examen des crédits alloués à l’outre-mer à l’Assemblée nationale.

Je pense, tout d’abord, à l’augmentation de 3 millions d’euros des dispositifs en faveur de la continuité territoriale, permettant notamment un abondement et une modification des critères d’éligibilité de la « continuité funéraire », ainsi qu’un élargissement du dispositif à la fin de vie.

Je pense ensuite à la hausse de 8,7 % de la LBU, qui passe à 224 millions en AE, mais aussi à la mise en place de nouveaux contrats avec les collectivités territoriales en difficulté et, enfin, au passage de l’audiovisuel en secteur de compétitivité renforcée.

Cependant, je rappelle que l’augmentation des crédits alloués à la mission « Outre-mer », qui ne représente que 10 % des montants totaux des crédits alloués aux territoires ultramarins, fait suite à une diminution en 2020 par rapport à 2019, ce qui tempère quelque peu ma satisfaction.

Monsieur le ministre, je veux étayer mon propos en revenant sur un sujet auquel je tiens et qui est relatif à la continuité territoriale.

J’avais déposé un amendement, hélas déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, visant à ce que l’aide destinée à financer une partie des dépenses afférentes au transport aérien de corps puisse bénéficier aux familles qui ont perdu un enfant étudiant ou stagiaire à l’étranger, car de nombreux cursus universitaires rendent ces expériences internationales obligatoires.

La disparition tragique d’une jeune étudiante réunionnaise, emportée par la covid au Royaume-Uni, est venue rappeler la douleur des familles dans de telles circonstances. Je pense, monsieur le ministre, que vous pourriez porter la réforme que je propose.

Par ailleurs, lors des débats à l’Assemblée nationale, vous avez déclaré que, en vertu de la feuille de route qui est la vôtre jusqu’à la fin du quinquennat, vous vous intéresserez davantage aux modalités concrètes d’action qu’aux éternels grands débats, qui ont largement épuisé la patience de nos concitoyens. Je n’ai pas de raison de douter de votre volonté.

En conséquence, je souhaite insister sur trois points importants pour l’île de La Réunion.

En premier lieu, la filière réunionnaise du BTP a perdu un tiers de ses salariés et la moitié de ses entreprises entre 2008 et 2017. Le chiffre d’affaires du secteur a chuté de 40 % en dix ans et a atteint, en 2019, son niveau le plus bas depuis plus de vingt ans.

Il est regrettable que l’Assemblée nationale ait supprimé, en nouvelle lecture du PLFSS, la disposition votée par le Sénat permettant aux entreprises du BTP de bénéficier du régime de compétitivité renforcée de manière temporaire. Cette mesure aurait permis au secteur de faire face et de tenir jusqu’à la relance de l’activité, qui est prévue pour la mi-2021.

En deuxième lieu, je souhaite insister sur la nécessité d’anticiper l’évolution démographique de nos populations liée au vieillissement.

Ainsi, si l’une des trois priorités de la mission « Outre-mer » pour 2021 est la construction et la rénovation des infrastructures, ne faudrait-il pas réfléchir à un fléchage d’une partie des crédits LBU vers la construction de résidences pour personnes âgées à taille humaine, en développant un mode d’habitat innovant adapté à nos modes de vie ?

En troisième lieu, et enfin, même si la question ne relève pas de cette mission,…

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Viviane Malet. … je ne peux m’abstenir d’évoquer un sujet majeur pour nos territoires : la gestion des déchets.

En effet, en l’absence, à ce jour, de solution de valorisation énergétique, nos déchets sont acheminés en installations de stockage de déchets non dangereux, ou ISDND. Nos territoires ultramarins subissent donc de plein fouet la trajectoire de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP.

M. le président. Il faut vraiment conclure !

Mme Viviane Malet. Les réalités de nos territoires et de leurs habitants doivent être au cœur de nos actions, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Stéphane Artano applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens aujourd’hui pour la première fois en discussion générale dans cet hémicycle, en tant que sénatrice nouvellement élue. C’est une grande émotion, d’autant qu’il s’agit de l’examen de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances.

C’est aussi votre premier passage budgétaire en tant que ministre des outre-mer, cher Sébastien Lecornu.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Eh oui !

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Cela renforce mon émotion, car je connais votre sensibilité ultramarine.

Je ne reviendrai pas sur l’examen d’ensemble de la mission, qui a déjà été largement évoqué par nos rapporteurs, que je remercie. Je souhaite évoquer ici certains points qui me tiennent à cœur.

La Guyane est un territoire frappé de nombreux handicaps structurels, au premier rang desquels son étendue géographique, qui induit l’éloignement et l’isolement de bon nombre de ses habitants.

La population guyanaise est jeune, frappée par un taux de chômage élevé et une insuffisance de formation et de qualification professionnelle. J’apprécie donc l’effort porté sur le service militaire adapté, qui est une grande réussite. En Guyane, la création de la troisième compagnie de formation professionnelle et la construction d’un plateau pédagogique constituent une excellente nouvelle.

Concernant le programme 123, un effort budgétaire sans précédent est porté sur l’éducation. Je m’en félicite. Le plan d’urgence Guyane et des dotations spécifiques sont importants.

Cependant, monsieur le ministre, permettez-moi d’émettre le souhait que, l’an prochain, à l’instar de ce qui est prévu cette année pour Mayotte, la Guyane puisse bénéficier de nouvelles constructions scolaires, car nos structures sont actuellement insuffisantes et ne permettent pas l’accueil de tous les enfants.

Le logement social fait également l’objet d’un effort important, au travers de la LBU. C’est une nécessité absolue, tant cette question est cruciale, en particulier pour la Guyane.

La mise en œuvre de l’opération d’intérêt national en Guyane répond à un impératif. Nous attendons beaucoup de ce dispositif.

De même, le renforcement de l’accompagnement de l’État, nécessaire pour la réalisation des plans de développement stratégique de l’établissement public foncier et d’aménagement de la Guyane, se traduit par une augmentation bienvenue de l’enveloppe du fonds régional d’aménagement foncier et urbain, le Frafu.

Je vous adresse donc un grand merci, monsieur le ministre, pour l’aide accrue de l’État en matière de logement et d’aménagement du territoire en Guyane.

La croissance démographique dans l’ouest guyanais impose des orientations nouvelles dans tous les domaines, par exemple en matière de santé. Nous aurons notamment besoin de votre appui auprès du ministre de la santé pour la création, unanimement souhaitée, d’un service de réanimation au centre hospitalier de l’Ouest guyanais. Je reviendrai vers vous sur ce sujet.

Pour finir, je dirai un mot sur la question économique. Le soutien au microcrédit en Guyane est précieux. La fragilité de nos entreprises y est importante, et le recours au microcrédit est un levier indispensable pour les nombreuses microentreprises que compte notre territoire.

En ce qui concerne l’aide au fret, il me semble que le dispositif pourrait être amélioré. J’espère que nous aurons l’occasion d’en reparler.

Je vous remercie de nouveau, monsieur le ministre. Et bien évidemment, notre groupe votera ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Catherine Conconne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les années se suivent et se ressemblent, hélas !

Un hémicycle quasi désert, des lignes budgétaires déjà arrêtées et convenues et des élus qui vont s’acharner des heures entières à tenter de faire comprendre l’évidence et à réclamer le meilleur pour leurs pays. Ils seront tous là, tous présents, bravant kilomètres et risques sanitaires, rappelés à l’ordre par ce sens évident du devoir qui les anime.

J’aurais pu me lancer dans des évaluations sur la baisse de telle ligne – notre éminent rapporteur Georges Patient l’a déjà fait –, sur le maintien de telle autre, et passer des minutes entières à regretter et à déplorer des indicateurs qui se ressemblent d’année en année.

Serais-je donc gagnée par la résignation ? Oui, peut-être. Par une forme de résignation qui remporterait la partie contre la détermination et l’optimisme ? Il y a certainement un peu de cela… C’est mon quatrième exercice au sein de la Haute Assemblée, et une forme de fatalisme pourrait certainement me gagner, tant les années se suivent et se ressemblent.

Néanmoins, nos pays, ceux que l’on appelle « l’outre-mer », nous imposent une réalité qui nous gifle tous les jours. Tous les jours, il faudra donc se battre aux côtés de nos compatriotes frappés par des indicateurs désastreux. Je me contenterais d’un seul, qui est éloquent : 30 % de la population martiniquaise vit au-dessous du seuil de pauvreté, soit un Martiniquais sur trois !

C’est pour ces personnes que je continue de venir ici. C’est pour elles aussi que je tente inlassablement de réclamer le meilleur. Et ma demande n’est pas une demande pour plus d’argent, plus de subventions ou plus de moyens financiers. Je viens vous demander, monsieur le ministre, de faire preuve d’ambition. Je viens vous demander une lucidité pour trouver les voies d’un vrai changement de l’approche de nos pays dits « d’outre-mer ». Je sais que vous le pouvez.

Chaque année, au dernier trimestre, nous vivons des moments totalement anxiogènes. Que nous réservera cet exercice budgétaire ? Que va-t-on encore changer, faire évoluer, faire disparaître ? Chaque exercice budgétaire est une course à l’information, aux auditions, à l’effarement aussi provoqué par telle ou telle mesure. Et souvent on en sort sonnés, sonnés par les vraies injustices, qui font hurler de douleur des pans entiers de nos économies.

En si peu de temps dans cette assemblée, j’ai vécu la suppression de la TVA non perçue récupérable, la TVA NPR, la réduction de l’abattement fiscal sur l’impôt sur le revenu, les coups de poing portés régulièrement à la défiscalisation et, record d’incompréhension battu, la suppression de la défiscalisation sur la réhabilitation sociale des logements. J’en oubliais presque la taxe sur le rhum, censée punir les vilains alcooliques que nous serions ! (Mme Victoire Jasmin et M. Victorin Lurel rient.)

Cette instabilité qui nous épuise, cette instabilité ne rassure pas, cette instabilité qui rajoute de la difficulté à la difficulté. C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, j’ai souhaité vous dire quel défi se trouvait devant vous qu’il vous faut relever. Mais, encore une fois, je suis certaine que vous en serez capable.

Il faut une vraie ambition pour nos pays. Il n’est plus possible de se contenter de ces arbitrages budgétaires en dents de scie pour rythmer le développement légitime de millions d’âmes.

Chaque pays, dans sa différence, ses intérêts et son identité, devrait pouvoir disposer d’une boîte à outils pertinente et pérenne pour au moins quinze ans. Il y a des lois à activer, comme la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant d’autres dispositions en matière sociale et économique ; j’en profite pour saluer le mémorable baroud de mon collègue Lurel, la semaine dernière. Nous partageons tous son SOS pour vous dire d’oser. C’est la seule condition – oui, la seule ! – pour parvenir à inverser des tendances qui se sont sédimentées avec le temps.

Il faut de la visibilité pour l’initiative entrepreneuriale : il faut de la visibilité pour les collectivités. Dans ces marchés très contraints, chaque décision a des répercussions, des effets domino qui créent souvent des désastres. Nos entrepreneurs sont épuisés d’être chahutés en permanence. Ouvrez le champ des possibles ! Nous avons les idées, nous savons ce qu’il faut faire.

Une fois de plus, les années se suivent et se ressemblent. Nous aurons droit à ces démarches traditionnelles, à nos déclarations et à nos inlassables amendements dont on connaît le sort d’avance – « défavorable » et « rejeté » sont les mots qui viendront conclure une fois de plus nos demandes, de manière cinglante.