M. le président. L’amendement n° 178 rectifié est retiré.

Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 2165, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 à 7

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéa 8

Remplacer le mot :

sous-section

par le mot :

section

III. – Alinéa 16, première phrase

Supprimer les mots :

répondant aux critères cumulatifs fixés à l’article L. 229-55 A

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Cet amendement vise à rétablir la rédaction initiale de l’article. En effet, la définition de principes sur la compensation, introduite par le Sénat en commission, est de nature réglementaire.

Ces précisions devraient du reste être apportées par le décret qui détaillera les modalités de la compensation.

M. le président. Les amendements nos 105 et 757 ne sont pas soutenus.

L’amendement n° 2164, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 17, première phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Cet amendement tend à supprimer la mention d’une part minimale de projets de compensation situés en France et en Europe.

Bien sûr, il est important d’équilibrer l’action menée entre les différents territoires et la France soutient la compensation, en particulier avec le label Bas-carbone. Néanmoins, même si le potentiel actuel est en progression, il représente moins de 10 % des émissions annuelles du trafic aérien intérieur métropolitain.

À nos yeux, les compagnies aériennes doivent aussi pouvoir financer des projets d’ampleur internationale : à cet égard, les cibles de 50 % de projets en 2022, de 75 % de projets en 2023 et de 100 % de projets en 2024 sur le sol européen représentent des contraintes trop fortes.

M. le président. L’amendement n° 2076, présenté par M. Marchand, Mmes Havet et Schillinger, MM. Rambaud, Lévrier et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 17

1° Première phrase

Remplacer les mots :

des projets d’absorption du carbone sont

par les mots :

des émissions sont compensées par des projets

2° Seconde phrase

Remplacer les mots :

, mais aussi les prairies et toute autre forme d’agriculture régénérative

par les mots :

et plus généralement l’adoption de toute pratique agricole réduisant les émissions de gaz à effet de serre ou de toute pratique favorisant le stockage de carbone dans les sols

La parole est à M. Frédéric Marchand.

M. Frédéric Marchand. L’examen du texte par l’Assemblée nationale a permis l’adoption d’un amendement visant à instituer, à l’alinéa 17 de l’article 38, une priorisation des projets favorisant le renouvellement forestier, l’agroforesterie, l’agrosylvopastoralisme, le développement des prairies et de toute autre forme d’agriculture régénérative.

Bien entendu, nous sommes favorables à cette précision. Nous souhaitons simplement apporter une clarification en direction de nos agriculteurs, car les pratiques agricoles ayant pour objet la réduction des émissions de gaz à effet de serre doivent également être prises en compte.

Enfin, cet amendement vise à apporter une clarification rédactionnelle, en remplaçant la notion d’absorption du carbone par celle de compensation.

M. le président. L’amendement n° 943, présenté par MM. S. Demilly, Moga et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 17, seconde phrase

Après les mots :

les projets

insérer les mots :

contribuant à développer la capture, la séquestration ou la réutilisation du dioxyde de carbone pour produire du carburant d’aviation synthétique ainsi que les projets

La parole est à M. Jean-Pierre Moga.

M. Jean-Pierre Moga. Cet amendement vise à permettre aux compagnies aériennes de compenser leurs émissions de gaz à effet de serre par le recours à la capture suivi de la séquestration ou de la réutilisation du CO2 à des fins de production de carburants synthétiques pour l’aviation.

La captation, le stockage et le recyclage du CO2 sont en effet des technologies clés, qui nous permettront demain d’atteindre la neutralité carbone tout en bénéficiant de carburants à la fois propres et performants.

Le présent texte doit ouvrir la voie à cette évolution technologique majeure, dont le potentiel est particulièrement important pour le domaine de l’aéronautique : peut-être nous permettra-t-elle de maintenir des avions entre Bordeaux et Paris ! (Sourires.)

M. le président. L’amendement n° 1259 rectifié, présenté par MM. S. Demilly, Bonnecarrère, Levi, Klinger et J.M. Arnaud, Mmes Dumont, Saint-Pé et Billon, M. Somon, Mme Garriaud-Maylam et MM. Canévet, Détraigne et Laménie, est ainsi libellé :

Alinéa 17, seconde phrase

Après les mots :

d’agriculture

insérer les mots :

, dont l’agriculture

La parole est à Mme Denise Saint-Pé.

Mme Denise Saint-Pé. Cet amendement vise à donner toute leur place à tous les projets « carbone » agricoles éligibles sur le marché de la compensation carbone des liaisons intérieures métropolitaines.

La lutte contre le réchauffement climatique exige de mobiliser le maximum de solutions pour la réduction d’émissions et le stockage de carbone, sans nécessairement retenir à ce stade des typologies de projets et d’agricultures.

Les études de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, l’Inrae, confirment tout le potentiel de l’agriculture pour lutter contre le changement climatique.

Le label Bas-carbone, géré par le ministère de la transition écologique, garantit par ailleurs la qualité des crédits « carbone » dégagés, y compris par les exploitations de grandes cultures ou d’élevage, dont l’agriculture régénérative.

M. le président. L’amendement n° 2080, présenté par M. Marchand, Mmes Havet et Schillinger et MM. Lévrier et Rambaud, est ainsi libellé :

Alinéa 17, seconde phrase

Remplacer les mots :

, mais aussi les prairies et toute autre forme d’agriculture régénérative

par les mots :

et plus généralement l’adoption de toute pratique agricole réduisant les émissions de gaz à effet de serre ou de toute pratique favorisant le stockage de carbone dans les sols

La parole est à M. Frédéric Marchand.

M. Frédéric Marchand. Cet amendement de repli à l’amendement n° 2076 vise à compléter la mention de la priorisation des projets de compensation introduite au présent article par l’Assemblée nationale.

Ainsi, il tend à clarifier la nature de ces projets en précisant que sont concernées de manière générale toutes les pratiques agricoles ayant pour objet la réduction des émissions de gaz à effet de serre ou toutes les pratiques favorisant le stockage de carbone dans les sols.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Tabarot, rapporteur. Madame la ministre, il nous paraît logique et nécessaire d’accompagner l’ascension de la compensation carbone dans la hiérarchie des normes en introduisant dans la loi le socle de son intégrité et de son efficacité, d’autant plus qu’elle inspire des interrogations, voire des doutes.

C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à l’amendement n° 2165.

En commission, nous avons également consacré un débat nourri à la part minimale des projets de compensation situés en France et en Europe. En tant que rapporteur, je ne puis que défendre la position que nous avons adoptée.

Cela dit, j’en suis bien conscient, l’offre des projets européens de compensation est aujourd’hui limitée, et leur coût est plus élevé. Le Gouvernement pourra sans doute nous dire si cet écart résulte des charges salariales, lesquelles sont plus élevées au sein de l’Union européenne, ou si d’autres facteurs l’expliquent.

En tout cas, nous sommes également défavorables à l’amendement n° 2164.

Monsieur Marchand, l’amendement n° 2076 tend à souligner le rôle des prairies et, plus largement, de l’agriculture régénératrice dans la compensation. D’un point de vue plus normatif, ces dispositions soulèvent une question intéressante : serait-il trop restrictif de faire figurer la notion d’absorption dans la loi ? Il me semble pourtant que le label Bas-carbone est attribué sur la base de la capacité de séquestration des projets.

Sur ce point, je sollicite donc l’avis du Gouvernement.

J’en viens à l’amendement n° 943. Certains projets visent à développer la capture, l’enfouissement ou la réutilisation du carbone pour fabriquer du carburant aérien. Au-delà de la question du coût de ces procédés, la commission s’est demandé s’ils entraient dans le périmètre de l’article 38, qui porte sur la compensation.

Je sollicite donc également l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

L’énumération de l’article 38, qui mentionne l’agriculture régénérative, n’est pas limitative. En revanche, mentionner l’ensemble de l’agriculture semble ouvrir un périmètre un peu trop vaste.

La commission est donc défavorable à l’amendement n° 1259 rectifié.

Enfin, viser les pratiques agricoles réduisant les émissions ou favorisant le stockage de carbone dans les sols améliorera vraisemblablement la précision du texte.

Pour cette raison, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 2080.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le Gouvernement souhaite le retrait de l’amendement n° 2076 au profit de l’amendement n° 2080, dont l’objet semble répondre aux mêmes objectifs et dont la rédaction est plus large.

Il émet un avis défavorable sur l’amendement n° 943, même s’il en partage l’objectif. L’énumération paraît en effet trop précise pour la loi.

Enfin, l’amendement n° 1259 rectifié paraît satisfait par l’amendement n° 2080. Le Gouvernement souhaite donc son retrait au profit de ce dernier amendement, sur lequel il émet évidemment un avis favorable.

M. le président. Monsieur Marchand, l’amendement n° 2076 est-il maintenu ?

M. Frédéric Marchand. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 2076 est retiré.

Monsieur Moga, l’amendement n° 943 est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Moga. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 943 est retiré.

Madame Saint-Pé, l’amendement n° 1259 rectifié est-il maintenu ?

Mme Denise Saint-Pé. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 1259 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 2165.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2164.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2080.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 100 rectifié n’est pas soutenu.

Je mets aux voix l’article 38, modifié.

(Larticle 38 est adopté.)

Article 38
Dossier législatif : projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets
Article 39

Articles additionnels après l’article 38

M. le président. L’amendement n° 179, présenté par M. Lahellec, Mme Varaillas, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 38

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l’article 3 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat est ainsi modifié :

1° Le mot : « indicatif » est supprimé ;

2° Les mots : « et non comptabilisées dans les budgets carbone mentionnés audit article L. 222-1 A, dénommé “budget carbone spécifique au transport international” » sont remplacés par les mots : « comptabilisé dans les budgets carbone mentionnés à l’article L. 222-1 A ».

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Afin de limiter les effets néfastes du transport aérien, cet amendement tend, conformément à la logique développée par la Convention citoyenne pour le climat, à modifier le code de l’environnement afin d’intégrer dans le budget carbone de la France les émissions de gaz à effet de serre issues du transport aérien international.

Le secteur aérien est la première source de croissance des émissions de CO2 en France ces dix dernières années, celles-ci ayant augmenté de 70 % en trente ans.

Il s’agit d’être transparent sur les émissions réelles dans notre pays.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Tabarot, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 179.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 715 n’est pas soutenu.

TITRE IV

SE LOGER

Chapitre Ier

Rénover les bâtiments

Article additionnel après l'article 38 - Amendement n° 179
Dossier législatif : projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets
Article additionnel après l'article 39 - Amendements n° 1118 rectifié bis, n° 190 rectifié, n° 303 rectifié et n° 485

Article 39

Après l’article L. 173-1 du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 173-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 173-1-1. – Les bâtiments ou parties de bâtiment existants à usage d’habitation sont classés, par niveau de performance décroissant, en fonction de leur niveau de performance énergétique et de leur performance en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Ce niveau de performance est exprimé en kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré et par an, s’agissant de la consommation énergétique, et en kilogramme de dioxyde de carbone par mètre carré et par an, s’agissant des émissions de gaz à effet de serre induites. Un arrêté des ministres chargés de la construction et de l’énergie définit les seuils permettant de classer les bâtiments ou parties de bâtiment dans les catégories suivantes :

«

Extrêmement performants

Classe A

Très performants

Classe B

Moyennement performants

Classe C

Assez peu performants

Classe D

Peu performants

Classe E

Très peu performants

Classe F

Extrêmement peu performants

Classe G

»

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous entamons l’examen du titre IV de ce projet de loi, intitulé « Se loger », dont le chapitre Ier est consacré à la rénovation des bâtiments. J’exposerai en quelques mots l’esprit dans lequel la commission des affaires économiques a travaillé, en collaboration avec la commission du développement durable, saisie au fond, et la commission de la culture, saisie pour avis.

La rénovation des bâtiments présente deux enjeux : un enjeu de pouvoir d’achat et un enjeu de décarbonation. Le logement est le premier poste de dépenses des ménages et il est la source de 27 % des émissions de CO2.

Rénover des logements, c’est réduire les factures, lutter contre la précarité énergétique, relancer notre économie à travers l’activité du bâtiment et, au bout du compte, atteindre l’objectif que nous nous sommes fixé d’un parc de logements basse consommation en 2050.

Bien sûr, le défi est de taille : sur les 29 millions de résidences principales que compte notre pays, seulement 7 % sont déjà à ce standard, tandis que 17 % sont qualifiées de passoires thermiques. Enfin, les rénovations performantes permettant une division de la facture énergétique par quatre ou cinq représentent aujourd’hui moins de 5 % de l’ensemble des rénovations qui sont réalisées.

Le texte de l’Assemblée nationale comporte des avancées : le renforcement de la lutte contre les passoires thermiques, la création d’accompagnateurs des ménages les plus modestes pour la rénovation, du prêt avance mutation garanti ou encore du plan pluriannuel de travaux. Pour autant, il était insatisfaisant.

C’est pourquoi la commission des affaires économiques l’a enrichi, guidée par trois idées maîtresses : plus d’ambition, plus de solidarité, plus d’équilibre entre les nouvelles obligations et les nécessaires mesures d’accompagnement.

L’ambition, c’est une définition cohérente de la rénovation performante et la prise en compte des logements de classe D. En effet, en 2050, le parc devrait être composé de logements de classe A ou B, minoritairement de classe C, sauf exception.

La solidarité, c’est, pour les ménages les plus modestes, un reste à charge minimal, la gratuité des accompagnateurs Sichel et la baisse de la TVA dans le logement social.

L’équilibre, c’est l’universalité des aides, l’accès de tous aux aides en fonction des ressources et, pour les bailleurs privés, plus de facilité, plus de mesures incitatives pour pouvoir réaliser des travaux.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, telles sont les trois lignes directrices qui me guideront dans l’examen des amendements déposés sur les articles composant le chapitre Ier du titre IV.

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, sur l’article.

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vient de l’indiquer Mme la rapporteure pour avis, le secteur du bâtiment représente aujourd’hui 27 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Les deux tiers de ces émissions sont issus du secteur résidentiel. Face à ces constats, les principaux objectifs de l’État sont d’atteindre un parc rénové de niveau du label BBC, pour bâtiment basse consommation, en 2050 et d’éradiquer les passoires thermiques en 2030.

Les enjeux de la rénovation énergétique du logement sont capitaux non seulement pour respecter la stratégie nationale bas-carbone de la France, mais également pour doter d’un logement décent tous nos concitoyens sans exception et améliorer leur qualité de vie. C’est une problématique que la crise sanitaire a largement mise en lumière depuis plus d’un an.

Néanmoins, pour atteindre cet objectif, il faudra nécessairement mobiliser des financements substantiels, ce qui nous conduit à craindre que les ménages les plus modestes ne seront pas en mesure de les assumer, malgré les aides de l’État. Or la grande majorité des propriétaires occupants sont des retraités ne percevant que de petits revenus. Il nous faut donc considérer cette réalité.

Par voie d’amendements, le groupe Socialiste, Écologique et Républicain souhaite, de ce fait, promouvoir une véritable écologie sociale. Ses amendements ont pour objectif, en premier lieu, de prévoir une trajectoire plus ambitieuse de lutte contre les passoires thermiques en renforçant le niveau de performance à atteindre, en interdisant la location de tels biens à compter de 2030 et en contrôlant la qualité de l’exécution des travaux de rénovation. En second lieu, ils visent à renforcer les mesures de justice sociale, notamment en allant plus loin dans la prise en charge financière des ménages les plus modestes.

L’ampleur du chantier visé est colossale et d’une grande complexité en raison des disparités territoriales. Or le projet de loi Climat et résilience, dépourvu d’étude d’impact, n’explicite que très peu, voire pas du tout, comment tous ces efforts seront financés. À cet égard, il nous semble indispensable de poser tout de suite certains préalables et de rétablir un équilibre entre écologie et justice sociale, afin qu’il n’y ait pas d’écologie à deux vitesses.

La lutte contre le changement climatique ne peut pas bénéficier aux seuls ménages aisés. Dans ce combat, comme dans tous les autres, les plus modestes ne pourront pas être une fois de plus la variable d’ajustement. C’est une question d’équité face à un enjeu dont la gravité nous touche tous, sans exception.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, sur l’article.

Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons une question essentielle. Le logement est en effet un secteur particulièrement émissif, puisqu’il représente 26 % des émissions de gaz à effet de serre. Voilà qui explique parfaitement l’objectif, partagé, à la fois écologique et social d’en finir avec les passoires énergétiques : non seulement ces logements participent au dérèglement climatique, mais leurs occupants souffrent de précarité énergétique et n’accèdent pas dans de bonnes conditions à leur droit au logement, ce droit ayant pourtant valeur constitutionnelle. Il s’agit donc de répondre à une double exigence.

Pour autant, du fait des fourches caudines de l’article 40 de la Constitution, nous sommes extrêmement limités dans nos propositions. Ainsi, nous ne pouvons pas intervenir sur le reste à charge des opérations de rénovation, pas plus que sur les aides dont peuvent bénéficier les ménages en situation de précarité. Nous le regrettons.

Néanmoins, nous sommes extrêmement satisfaits que la commission des affaires économiques ait modifié l’article 39 pour rétablir qu’un logement classé C n’est pas un logement performant, l’objectif fixé dans la stratégie nationale bas-carbone étant de disposer, à l’horizon 2050, d’un parc de logements performants au niveau du label BBC, soit de classes A et B.

D’ailleurs, sur l’ensemble de cette partie, la commission des affaires économiques a largement amélioré le projet de loi, en travaillant notamment sur l’idée d’un reste à charge minime pour les familles et en œuvrant pour rehausser les objectifs de rénovation. En disposant des bons mots, nous traitons ainsi des bonnes problématiques.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, sur l’article.

M. Daniel Salmon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous entamons l’examen du titre IV intitulé « Se loger », titre ô combien structurant et central pour la mise en œuvre des politiques de transition. En 2019, le secteur du bâtiment a émis 81 millions de tonnes de CO2. Il est donc le troisième secteur le plus émetteur derrière les transports et l’agriculture.

Au-delà de la question centrale du climat, la massification des rénovations, qui doit clairement constituer une priorité nationale, permet de répondre aux enjeux en matière de relance économique, d’emploi, de santé publique et de pouvoir d’achat, grâce à la réduction de la facture d’énergie.

Pour réaliser la transition écologique et lutter efficacement contre la précarité énergétique, les incitations ne suffisent plus : il faut adopter de véritables obligations de rénover, progressives, réalistes et adaptées aux particularités des situations. Or de telles obligations sont sans cesse repoussées, ce que nous déplorons, alors qu’elles sont attendues par de trop nombreux locataires vivant dans des logements indignes et indécents.

Il est indispensable de prévoir des obligations et, partant, un accompagnement massif des propriétaires bailleurs. Il y va de l’efficacité des politiques publiques et de la parole donnée à la Convention citoyenne pour le climat, mais aussi du respect de nos engagements internationaux pour le climat.

La stratégie du Gouvernement, qui consiste à déployer des politiques purement incitatives, à encourager les citoyens à rénover, à leur rythme, en espérant que les objectifs seront atteints en 2050, n’est malheureusement plus suffisante, comme le soutient également le Haut Conseil pour le climat. Il appartient au Parlement, et à vous, madame la ministre, de s’attaquer au gisement d’économies d’énergie considérables du bâti et de se retrousser les manches pour réussir le changement d’échelle attendu en la matière.

Enfin, pour que ces obligations collectives soient remplies à moyen et à long terme, ces politiques doivent être assorties de moyens d’accompagnement humains suffisants et ne s’appliquer que s’il existe sur le territoire une offre technique pour mener à bien les rénovations. Il faut donc véritablement renforcer et davantage structurer le service public pour la performance énergétique des bâtiments à l’échelon local, de l’identification au suivi post-travaux.

L’assistance à la maîtrise d’ouvrage doit être plus systématique en cas d’aide publique. La formation des artisans doit être renforcée. Pour atteindre 800 000 rénovations globales par an en rythme de croisière, et dans une logique de justice sociale, il est impératif d’apporter des moyens financiers suffisants pour subventionner intégralement des travaux de rénovation complets et efficaces, en priorité pour les ménages très modestes.

Tels sont les enjeux de financement que nous défendrons également dans les prochains projets de loi de finances.

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, sur l’article.

M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la précarité énergétique est un fléau : 15 millions de logements sont qualifiés de passoires thermiques, soit quelque 17 % des logements considérés comme très énergivores, catalogués F et G sur l’échelle de diagnostic de performance énergétique.

Les maisons individuelles, le parc privé ou ancien, les zones rurales et montagnardes, qui ont des besoins de chauffage importants, sont particulièrement concernés. À cet égard, la rénovation énergétique des logements fait partie intégrante de la politique écologique. Elle est indispensable pour respecter la trajectoire définie par l’accord de Paris, pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, dont environ 25 % proviennent du logement.

Conscients de ces enjeux, les Français plébiscitent le dispositif MaPrimeRénov’ : 800 000 dossiers pourraient être déposés d’ici à la fin de l’année, soit le double de ce qu’a prévu le Gouvernement. Afin de définir les logements qui devront être rénovés en priorité, l’article 39 définit des seuils et réforme le diagnostic de performance énergétique (DPE).

Lancé par la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite ÉLAN, le DPE sera opposable : les locataires de passoires thermiques pourront exiger du propriétaire qu’il fasse des travaux, ils pourront se retourner contre lui en cas de manquement ou d’erreur et ainsi obtenir réparation. Dans le contexte de la lutte contre le dérèglement climatique, le nouveau DPE que nous allons examiner prendra en compte deux critères – la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre – pour noter le logement et déterminer son étiquette énergétique.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse que nous entamions l’examen de la partie consacrée au logement de ce beau projet de loi Climat et résilience.

Je commencerai par souligner le chemin législatif parcouru tout au long de ce quinquennat : ces sujets n’avaient pas été traités dans la loi ÉLAN, ils ont été introduits par les parlementaires dans la loi relative à l’énergie et au climat et font maintenant l’objet d’un chapitre ambitieux et structurant dans ce texte.

La décarbonation des bâtiments et la rénovation énergétique constituent des enjeux majeurs pour atteindre nos objectifs en matière de lutte contre le réchauffement climatique, ceux de l’accord de Paris et de la stratégie nationale bas-carbone. Ce sont aussi des préoccupations qu’ont très fortement exprimées les membres de la Convention citoyenne pour le climat.

Avec le chapitre Ier, intitulé « Rénover les bâtiments », notre objectif est simple : accélérer la rénovation énergétique de nos logements, en massifiant et en accompagnant de façon efficace tous les travaux de rénovation, de façon juste, en portant attention aux plus fragiles.

La politique de rénovation énergétique a récemment connu de belles avancées. À cet égard, vous avez évoqué le dispositif MaPrimeRénov’, monsieur le sénateur, lequel permet de réduire significativement les émissions de CO2, conformément à nos objectifs. Toutefois, nous le savons, nos objectifs iront s’accélérant dans les prochaines années et nous devons nous mettre en situation de les atteindre, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) nous l’a encore rappelé aujourd’hui.

Pour cela, le projet de loi contient des avancées majeures : l’interdiction de la mise en location des passoires thermiques en 2028, ce qui implique d’accompagner 1,8 million de logements en sept ans ; le gel de l’augmentation des loyers de ces logements d’ici à 2028 ; la mise en place d’outils d’évaluation – le DPE, l’audit, le diagnostic technique global –, du plan pluriannuel de travaux, du prêt avance mutation – il permettra de financer le reste à charge, y compris pour les ménages ayant difficilement accès au crédit classique – et d’un accompagnement de confiance pour tous les ménages, conformément aux recommandations de la mission Sichel.

Ces avancées ont été adoptées par la commission des affaires économiques saisie pour avis du Sénat et je suis ravie du travail accompli, qui permet de les inscrire dans le texte. Néanmoins, quelques points de divergence subsistent que, par souci de clarté, je rappellerai à ce stade de la discussion.

Le premier point de divergence porte sur la définition de la rénovation performante. Cette question arrivera dans le débat et il me semble important d’adopter une définition pragmatique, réaliste, qui permette de porter le parc en moyenne autour de l’étiquette B, c’est-à-dire A, B ou C, à l’horizon 2050.

Le deuxième point de divergence concerne la trajectoire de financement pluriannuel de la rénovation énergétique. La volonté du Gouvernement est clairement d’atteindre ces classes de performance et de financer en priorité la rénovation en faveur des ménages les plus modestes. Le financement n’est pas uniquement budgétaire et le législateur devra prendre en considération cette exigence.

Le troisième point de divergence a trait aux sujets budgétaires et fiscaux, introduits aux articles 42 bis AA, 42 bis AB et 42 bis AC, qui relèvent plutôt d’une discussion budgétaire dans le cadre d’un projet de loi de finances.

Enfin, sur l’accompagnement, il me semble essentiel de bien clarifier le fonctionnement de l’accompagnateur Rénov’ pour que ce dispositif soit le plus opérationnel possible. Le Gouvernement défendra un amendement en ce sens.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je le répète, je suis très heureuse d’engager ce débat sur un sujet qui fait très largement consensus dans ses orientations et dans ses finalités et sur lequel, je le crois, le travail peut être très constructif.