M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de lemploi et de linsertion. Madame la sénatrice Monique Lubin, je vous le confirme : notre volonté est bien de permettre à chaque jeune d’accéder à l’emploi. En effet, nous pensons que les jeunes peuvent attendre de nous mieux et plus qu’une allocation.

C’est là toute la philosophie du plan « 1 jeune, 1 solution », qui a pleinement atteint ses objectifs. Cet investissement, dont je rappelle qu’il est de plus de 9 milliards d’euros, porte ses fruits : le nombre d’embauches est resté au niveau d’avant-crise ; le taux de chômage des jeunes y est revenu. Je voudrais insister sur ce point : certes, il peut sembler banal d’être déjà revenu au niveau d’avant-crise, mais après la crise de 2008-2009 le chômage des jeunes avait augmenté de plus de 30 % !

Si la reprise économique offre de nombreuses occasions d’embauche, je suis néanmoins parfaitement consciente que certains jeunes ne pourront pas accéder à l’emploi sans un accompagnement renforcé. On constate en effet que près d’un jeune sur deux qui est sans emploi ni formation l’est depuis plus d’un an, alors qu’une majorité d’entre eux souhaite effectivement accéder à l’emploi.

Comme le Président de la République nous l’a demandé, nous devons faire plus pour ces jeunes. Cela suppose d’aller chercher ceux qui ne vont pas vers les missions locales, mais aussi d’améliorer les parcours d’accompagnement de ces jeunes, pour leur redonner confiance et leur permettre de choisir un métier, puis d’accéder à une formation et, in fine, à un emploi.

La logique que je défends s’inspire de la garantie jeunes : elle comprend un accompagnement personnalisé mobilisant toutes les solutions qui ont fait leurs preuves dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution » et assorti d’une allocation pour ceux qui en ont besoin.

Madame la sénatrice, je vous le confirme donc : les travaux sont en cours de finalisation et je ne doute pas que nous pourrons compter sur votre soutien pour les moyens supplémentaires qui vous seront présentés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022. Je le redis : comme nous le faisons depuis le début de la crise avec le plan « 1 jeune, 1 solution », nous voulons permettre à tous les jeunes, y compris à ceux qui ont le plus de difficultés, d’accéder à un emploi. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.

Mme Monique Lubin. Madame la ministre, ce n’est pas à cet hémicycle que vous allez expliquer ce qu’est la garantie jeunes : nous la connaissons parfaitement ! De fait, nous ne parlons pas de la même chose : pour ma part, je vous invite à mettre en œuvre un revenu minimum de subsistance pour tous les jeunes, de manière à aider à entrer dans la vie active ceux d’entre eux dont les parents n’ont pas les moyens de les soutenir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)

situation des urgentistes dans le cher

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Rémy Pointereau. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé ; j’y associe ma collègue Marie-Pierre Richer.

Monsieur le ministre, l’heure est grave, et je pèse mes mots. Le week-end dernier, l’hôpital de Bourges s’est retrouvé, pour la énième fois, dans l’incapacité de prendre en charge des patients à cause de l’absence de structure mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) primaire et secondaire. Cette situation a obligé les hôpitaux des villes de Vierzon et Saint-Amand-Montrond à suppléer celui du chef-lieu du département. Or ces villes se situent à plus de quarante minutes de Bourges ; de surcroît chacun de ces hôpitaux ne dispose que d’une seule ambulance.

Les maires de ces villes ont porté plainte contre X pour mise en danger de la vie d’autrui, en raison de l’absence de SMUR et de la pénurie de médecins urgentistes à temps plein ; je souscris à leur démarche.

Alors, monsieur le ministre, ma question est simple : après avoir été interpellé à plusieurs reprises, par différents acteurs et sur plusieurs années, au sujet de la pénurie chronique d’accès aux soins et aux urgences dans le Cher, quelles solutions immédiates comptez-vous apporter pour répondre à cette situation, qui expose nos populations rurales à une perte de chance de survie en cas d’urgence vitale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Rémy Pointereau, merci pour votre question. Comme vous l’avez souligné, cela fait plusieurs années que les pouvoirs publics divers et variés font l’objet d’interpellations au sujet de la démographie médicale dans votre très beau territoire de Bourges, qui fait face à une pénurie d’urgentistes.

À vrai dire, si l’on interrogeait l’ensemble des sénateurs et des sénatrices, il y aurait fort à parier que l’on trouverait beaucoup d’hôpitaux souffrant d’une pénurie de médecins urgentistes. C’est d’ailleurs notamment pour cette raison que nous avons supprimé le numerus clausus, qui a creusé progressivement, quarante ans durant, ce trou démographique dont nous sommes tous victimes, sur l’ensemble du territoire.

De fait, à Bourges, les chiffres sont les suivants : sur vingt-cinq postes d’urgentistes ouverts, six sont occupés par des praticiens hospitaliers ; six autres, par des praticiens associés. Cela met effectivement en difficulté l’hôpital de Bourges, qui a dû renoncer le 8 octobre à ouvrir dans des conditions normales, comme vous l’avez exposé. C’était la deuxième fois que cela arrivait au cours des trois derniers mois, ce qui n’est absolument pas normal.

Je ne peux que souscrire à ce diagnostic, monsieur le sénateur, mais, une fois celui-ci fait, il faut également proposer des solutions ! Or je ne peux, à l’évidence, fabriquer des urgentistes : il faut pouvoir en identifier là où ils existent.

C’est pourquoi un audit a été réalisé en 2019 pour l’hôpital de Bourges ; il a conduit à réorganiser les soins du service des urgences afin d’en améliorer l’organisation fonctionnelle. Un programme de travaux est également mené pour adapter dans les prochaines années le service aux flux de patients.

Mais la condition principale du rétablissement d’un fonctionnement normal pour ce service d’urgence, c’est sa capacité à recruter des urgentistes. Qu’est-ce qui a été fait à cette fin ? Quatre médecins étrangers ont reçu un accompagnement pour passer l’épreuve de vérification des connaissances, qui leur permettra très prochainement d’exercer une activité normale, à temps complet, en tant que praticien hospitalier. À compter du 1er novembre, un docteur junior et un assistant-spécialiste vont en outre venir renforcer les équipes du centre hospitalier en temps partagé, de manière à pouvoir sortir un peu la tête de l’eau, si je puis dire.

Mais c’est une solution de fond qu’il faut. La question de la filière de la médecine d’urgence se pose plus largement, car on voit que la pénurie est criante dans bien des points du territoire. En général, il faut poser la question de la démographie médicale : vous ne trouverez aucun sénateur dans cet hémicycle pour considérer qu’il y aurait trop d’urgentistes dans l’hôpital de son territoire ! Nous en manquons globalement, car il fallait en former plus ; c’est désormais le cas. Il faut donc encore un peu de patience ; en attendant, on identifie des solutions : les médecins étrangers, les internes, les temps partagés, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), ou encore les liens entre ville et hôpital, partout où de tels problèmes se posent. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour la réplique.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le ministre, vous faites un constat, comme moi, mais vous ne parlez pas du problème des intérimaires aux urgences. Je vous ai pourtant alerté sur ce sujet voilà plus d’un an,…

M. Olivier Véran, ministre. Trouvez une solution ; il faut voter les lois !

M. Rémy Pointereau. … mais peut-être attendez-vous qu’un drame se produise dans le département avant de réagir ? Je n’ai jamais de réponse à mes courriers ! Je les ai là ! (Lorateur brandit les courriers. – M. le ministre des solidarités et de la santé sexclame.)

Autrefois, les ministres prenaient la peine de répondre aux élus (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, SER et CRCE. – M. le ministre des solidarités et de la santé proteste en montrant son dossier.), qu’ils appartiennent ou non à la majorité. Par respect pour nos institutions, je pense qu’il serait bien que le nouveau monde s’inspire de l’ancien…

M. le président. Il faut conclure !

M. Rémy Pointereau. … et qu’il prenne la peine de répondre aux élus, surtout lorsqu’il s’agit des populations rurales qui sont en danger. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

cloud de confiance et stratégie pour notre souveraineté

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, notre groupe a interrogé le Gouvernement à plusieurs reprises sur la souveraineté des données de nos concitoyens, notamment lorsque nous avons découvert que la gestion du Health Data Hub, la plateforme de nos données de santé, avait été confiée à Microsoft sans débat ni appel d’offres.

Au prétexte qu’aucune entreprise française ne serait apte, ce qui est faux, et qu’il faut rattraper notre retard, plutôt que de mener une politique industrielle offensive visant l’indépendance technologique, vous avez annoncé une nouvelle doctrine – le cloud dit « de confiance » – et incité les sociétés françaises à acheter sous licences les technologies des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) pour traiter nos données les plus sensibles.

Le 2 juin, au lendemain de l’accord entre Microsoft, Orange et Capgemini, je vous interpellais déjà sur cette stratégie, qui nous paraît être un contresens. Je vous interroge de nouveau aujourd’hui sur le récent accord entre Thalès et Google, lequel est très préoccupant.

Mes chers collègues, c’est non plus seulement la « gafamisation » de nos administrations qui est en cours, mais celle du complexe militaro-industriel français, donc de notre défense, de la sécurité de l’État et des organismes d’importance vitale ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Madame la sénatrice Morin-Desailly, je répéterai ici ce qu’a dit hier le Président de la République de manière extrêmement claire : l’objectif du Gouvernement est de faire émerger des champions technologiques français. Tel est le sens de notre action depuis quatre ans.

J’accueille d’ailleurs avec gratitude vos félicitations : la France a été le seul pays européen à avoir progressé de sept places dans le classement mondial de l’innovation, le seul pays européen à être passé de trois licornes à la fin de l’année 2017 à vingt licornes en 2021, le seul pays européen à avoir multiplié par quatre les investissements dans son écosystème technologique.

Ce que nous voulons, et je pense que c’est l’un des grands succès de ce quinquennat, madame la sénatrice, c’est progresser vers l’indépendance technologique (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.), y compris dans le cloud.

J’aurai d’ailleurs l’occasion, avec Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, et Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques, d’annoncer dans les jours qui viennent, aux côtés des acteurs français, que vous connaissez bien – OVH, Scaleway – une stratégie pour développer les champions français du cloud.

En réalité, madame la sénatrice, est-ce que, aujourd’hui, les acteurs français du cloud offrent exactement les mêmes possibilités que les acteurs américains ? Non ! C’est faux. D’ailleurs, ils procèdent eux-mêmes à des arbitrages sur les composants. Aucun acteur français du cloud n’utilise des machines virtuelles ou des microprocesseurs français. Ils font le même choix que vous, madame la sénatrice, quand vous décidez d’avoir une page Facebook ou un compte Twitter. Je ne pense pas que vous ayez une page sur leurs concurrents américains.

Notre volonté est double : il s’agit, d’une part, de faire émerger des champions, et, d’autre part, de faire en sorte que les entreprises françaises qui doivent passer par des acteurs américains nouent une alliance entre des groupes français et américains. C’est, je pense, la politique la plus logique. C’est en tout cas la seule qui a de l’avenir ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je ne pense pas, monsieur le secrétaire d’État, que votre stratégie soit la bonne. Quand on parle de souveraineté, il faut s’entendre sur le sens de ce mot.

D’abord, il est faux techniquement de dire que le cloud de confiance sera la garantie de notre souveraineté. C’est en fait une opération de rhabillage et de ré-encapsulage, Google conservant la maîtrise totale. Nous n’aurons aucun accès au code source ; nos services de renseignement ne pourront pas l’auditer ; nous serons donc totalement dépendants de ces technologies, dont les licences coûteuses ne produiront aucun emploi, aucun impôt, aucune richesse en France.

Juridiquement, ce cloud ne nous protégera pas contre la loi FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act), qui permet aux services secrets américains d’obtenir, sur requête fédérale, les données traitées par ces sociétés américaines.

Même si cette phase est transitoire, force est de constater qu’on se met dans les mains de ces géants, qui renforcent ainsi leur avance et leur domination dans un domaine où pourtant la France excelle : le logiciel. À quoi bon avoir les meilleures écoles d’ingénieurs au monde si ce n’est pas pour préserver et renforcer notre écosystème logiciel ?

À juste titre, le monde cyber s’inquiète et nos hébergeurs se sentent trahis. La stratégie dont vous assurez la promotion en portant ostensiblement, lors de manifestations, des maillots aux couleurs de Google – excusez du peu ! – est totalement incompréhensible, et je pèse mes mots. Elle est en tout cas contradictoire avec la construction de la grande Nation de l’innovation que vient d’annoncer Emmanuel Macron en présentant le plan France 2030. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Max Brisson et Bruno Retailleau applaudissent également.)

retraites

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jérôme Bascher. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Monsieur le ministre, le 7 octobre dernier, l’Agirc-Arrco a dû prendre la décision de ne revaloriser les retraites complémentaires de nos concitoyens retraités que de 1 %, soit moins de la moitié du taux de l’inflation attendu selon l’Insee.

C’est un coup de rabot, monsieur le ministre, sur les retraites, qui se transforme une fois de plus en ras-le-bol pour les retraités. (Sourires.) Alors que vous avez augmenté la CSG des retraités en 2018, puis oublié de revaloriser les pensions deux années consécutives, les retraités sont aujourd’hui les plus maltraités par le Gouvernement. L’Insee l’avait déjà souligné en 2019 dans une note.

Quelle réforme des retraites comptez-vous mettre en œuvre, monsieur le ministre ? Allez-vous opter pour la technique du rabot et la baisse continue des pensions de retraite ou, au contraire, comme l’a suggéré l’un de vos alliés, porter l’âge de la retraite à 67 ans ? Ou bien, comme d’habitude et comme vous l’avez fait jusqu’à présent, allez-vous financer cette réforme par la dette ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat auprès de la ministre du travail, de lemploi et de linsertion, chargé des retraites et de la santé au travail. Monsieur le sénateur Jérôme Bascher, vous avez rappelé la façon dont l’Agirc-Arrco, le régime de retraite complémentaire des salariés, a décidé d’assurer la maîtrise budgétaire de son système, notamment en garantissant un niveau de réserves suffisantes. Les partenaires sociaux ont fait le choix de sous-indexer – ou éventuellement sur-indexer d’ailleurs – de 0,5 point les pensions au regard de leur indicateur de suivi de l’évolution des coûts, qui n’est d’ailleurs pas le même que celui du Gouvernement.

Vous n’avez pas rappelé dans votre question, monsieur le sénateur, vous auriez pu le faire, que, pour sa part, le Gouvernement prendra en compte l’évolution du coût de la vie hors tabac pour les régimes de base. Le choix du Gouvernement de maintenir le pouvoir d’achat des pensionnés est une bonne nouvelle pour les plus de 15 millions de retraités que compte notre pays.

Vous m’avez ensuite interrogé sur la façon dont il faut financer notre système de retraite. La réalité, c’est que le déficit de nos systèmes de retraite – de nos 42 régimes de retraite différents, soit autant de règles et de modes de financement –, s’élève à environ 8 milliards d’euros pour cette année. Pour tracer une perspective, sachez que, d’ici à 2030, ce déficit s’élèvera en moyenne à 10 milliards d’euros par an, soit un horizon de 100 milliards d’euros au total.

La réalité, c’est que, si nous voulons avoir un système de retraite propre à garantir la solidarité entre les générations, à créer la confiance entre les plus jeunes qui s’engagent aujourd’hui dans la vie active et leurs aînés, dont ils paient les pensions par leurs cotisations, il nous faut trouver un système à la fois pérenne et équilibré – un système par répartition, c’est important pour la solidarité, mais il doit être équilibré dans la durée –, mais aussi équitable. Il ne peut y avoir autant de disparités dans notre pays. On ne peut fonder la retraite sur le statut.

En conclusion, monsieur le sénateur, vous l’avez déjà entendu de la bouche du Président de la République, du Premier ministre, à présent de la mienne : il faudra travailler plus pour financer tout cela ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour la réplique.

M. Jérôme Bascher. Monsieur le ministre, ce que vous oubliez de dire, c’est que le régime de l’Agirc-Arrco est obligé d’être à l’équilibre et, donc, de prendre ces mesures désagréables pour les retraités parce que vous n’avez pas tenu la promesse du Président de la République de procéder à une réforme des retraites. Vous avez préféré vous perdre et perdre les élections régionales plutôt que de faire cette réforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

rapport de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’église

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Hervé Gillé. Monsieur le ministre de l’intérieur, 216 000 mineurs auraient été victimes d’un clerc, 360 000 si l’on y ajoute ceux qui ont été abusés par le personnel laïc ; on dénombrerait a minima entre 2 900 et 3 200 prédateurs hommes, prêtres ou religieux, depuis 1950. Voilà les conclusions accablantes du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église : c’est une véritable onde de choc. La communauté catholique tout entière est brutalement confrontée à une réalité inacceptable, douloureuse et, avec elle, tous les Français sont profondément émus par l’ampleur de ces crimes, par ces vies abîmées, ces enfants blessés, si longtemps condamnés au silence.

Ce rapport a été unanimement salué pour la qualité de son analyse. Il contient quarante-cinq recommandations qui ont été rédigées en concertation avec les associations de victimes, afin de poser les bases d’une réparation de l’irréparable et d’envisager la réforme d’une institution.

Au-delà d’une concrétisation matérielle indispensable de la réparation des préjudices subis, la question primordiale – Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France, le dit clairement – est la « faillite institutionnelle » de l’Église. Selon elle, l’Église doit fondamentalement revoir son mode de gouvernance, la formation des clercs, sa théologie morale, sa conception de la sexualité.

Or le rapport le souligne, les « silences » et les « défaillances » face à la pédocriminalité présentent un « caractère systémique ». Alors que la parole se libère et que d’autres voix se feront entendre, peut-on laisser l’Église seule face à ses défis ?

En France aujourd’hui, le Gouvernement de notre République laïque peut-il être absent ou simplement observateur des mesures de prévention et d’accompagnement des victimes ? Quelles suites entendez-vous donner, monsieur le ministre, aux propositions et recommandations qui s’adressent à l’État ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur, face à l’ignominie évoquée dans l’excellent rapport Sauvé, je tiens tout d’abord à dire tout le courage de l’Église de France d’avoir commandé ce rapport,…

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Gérald Darmanin, ministre. … d’avoir laissé toute liberté à M. Sauvé, personnalité indiscutable, de composer sa commission comme il le souhaitait et de lui avoir permis, en lui ouvrant ses archives pendant trois ans, d’en arriver à ce constat qui nous effraie tous. Il faut souligner ce courage, quand bien des institutions qui accueillent des enfants n’ont rien fait de tel.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Gérald Darmanin, ministre. L’Église de France a été courageuse. (MM. Jean-Michel Arnaud, Loïc Hervé, Michel Savin et Bruno Sido applaudissent.)

Je dirai ensuite que Mgr Moulins-Beaufort a tenu des propos malheureux. À la demande du Premier ministre, j’ai invité le président de la Conférence des évêques de France. Évidemment, il n’y a jamais, pour aucun culte, pour aucune section d’opinion ou de croyance en France, de loi supérieure à celle de la République. M. le président de la Conférence des évêques de France a fait part dans un communiqué de presse de ses regrets pour cette phrase ; l’incident est clos.

Pour notre part, nous allons accompagner l’Église de France sur le chemin de la réparation. Se posent deux grandes questions pour l’État.

La première est celle de la responsabilité.

Selon le rapport Sauvé, l’auteur du crime sexuel n’est pas seul responsable, l’Église de France, le diocèse, l’Église tout court, en tant que personnes morales, le sont aussi. Les questions financières de responsabilité ainsi soulevées sont très fortes. Nous sommes, je l’ai dit à Mgr Moulins-Beaufort, à ses côtés pour accompagner juridiquement l’Église, en tant que personne morale, dans cette responsabilité. Il s’agit d’examiner les choses les yeux dans les yeux.

La deuxième question porte sur le secret de la confession, qui est un secret professionnel.

Il n’appartient pas à l’État de revenir sur ce secret. Cela étant, des exceptions sont prévues s’agissant des crimes commis sur des enfants. Je l’ai dit à Mgr Moulins-Beaufort, de notre point de vue – la dépêche du garde des sceaux le démontre –, lorsqu’une personne a connaissance qu’un crime est en train d’être commis, le secret de la confession ne peut pas être gardé. Qu’elle soit clerc ou laïque, cette personne doit dénoncer l’auteur des faits à la justice. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – Mme Élisabeth Doineau, MM. Stéphane Demilly et Loïc Hervé applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.

M. Hervé Gillé. Nous prenons acte de votre entrevue avec Mgr Moulins-Beaufort. Je rappelle toutefois que, en Irlande, il y a vingt ans, après les révélations des abus dans l’Église, l’État, après concertation avec plusieurs ministères, avait mis en place des actions communes et prévu un investissement important de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre. Ce n’est pas un État laïque !

M. Hervé Gillé. Notre responsabilité collective est de protéger nos enfants ; c’est aussi la vôtre. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

violence à l’école

M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Céline Boulay-Espéronnier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Monsieur le ministre, voilà quelques jours, une professeure a été jetée à terre dans sa classe, sous les rires moqueurs des élèves. Cette situation traumatisante pour l’enseignante a été aggravée par la diffusion de la scène sur les réseaux sociaux.

Avant toute chose, monsieur le ministre, j’ai une pensée pour cette enseignante et pour tous les enseignants qui subissent au quotidien les provocations des élèves, mais aussi parfois des parents.

À travers cet acte, c’est l’autorité d’un professeur de l’école de la République qui a été bafouée. Une situation comme celle-ci n’a malheureusement plus rien d’exceptionnel et il ne s’agit pas là d’un acte isolé. Tous les jours, des enseignants sont confrontés à la violence et à la disparition de toute forme de respect à leur égard.

Pour un événement relayé par les médias, combien sont passés sous silence ? Avez-vous des chiffres à communiquer au Parlement sur la violence qui s’est développée inexorablement dans notre système scolaire ?

Comment l’éducation nationale va-t-elle appréhender aujourd’hui la situation de l’élève qui a violemment bousculé son professeur ? Au-delà de la réponse pénale – il me semble que la sanction vient de tomber –, comment l’éducation nationale entend-elle endiguer la violence qui gangrène l’école de la République, se propage et se banalise sur les réseaux sociaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)