M. le président. Il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi, modifié, de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Ce scrutin de droit, en application de l’article 59 du règlement, est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 51 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 295
Pour l’adoption 193
Contre 102

Le Sénat a adopté.

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, tout d’abord, je souhaite remercier la Haute Assemblée pour la qualité des débats que nous avons eus, sur les branches autonomie et famille en particulier.

Je salue l’esprit constructif de la rapporteure générale, Élisabeth Doineau, et des rapporteurs Philippe Mouiller et Olivier Henno, avec lesquels le dialogue a été, dès le premier jour, franc, ouvert et constructif.

Au-delà, j’ai été heureux de constater l’engagement, sur ces sujets si importants, de l’enfance au grand âge, en passant par le handicap, de sénatrices et de sénateurs siégeant sur l’ensemble des travées.

Le texte qui vous avait été présenté était, dès le départ, très ambitieux : 1,5 milliard d’euros supplémentaires pour la branche autonomie et 1,6 milliard pour la branche famille. Il a été progressivement enrichi à l’Assemblée nationale puis ici.

Le texte issu de vos travaux n’est pas exactement celui qui vous avait été transmis : sur bien des points, il a été modifié et enrichi. Nos désaccords ont été marqués sur certains sujets et je sais ne pas avoir toujours réussi à vous convaincre du bien-fondé des avis du Gouvernement sur les amendements que vous nous présentiez. Même si beaucoup d’entre eux étaient intéressants, ils n’avaient pas forcément, à mon sens, leur place dans la loi.

Je retiens surtout une véritable convergence de vues sur les grands enjeux.

D’une part, garantir à nos aînés des conditions de vie à domicile ou en établissement dignes, sécurisantes, avec le soutien de professionnels en nombre suffisant.

D’autre part, adapter les outils de notre politique familiale aux besoins et aux attentes des familles, avec une attention particulière pour les plus fragiles, les familles monoparentales.

En tant que chambre des collectivités, le Sénat, comme je m’y attendais, a été très attentif aux questions de compétences et de financement des politiques décentralisées.

Vous l’avez rappelé, monsieur Henno, nous avons eu l’occasion de longuement discuter, par exemple, des concours de la CNSA. Pour ma part, je me satisfais de l’adoption de l’amendement du Gouvernement tendant à rehausser le plafond du concours dédié à l’accompagnement financier des revalorisations salariales des aides à domicile. Il symbolise le dialogue de qualité que nous avons su construire avec l’Assemblée des départements de France, dont je salue de nouveau son président, François Sauvadet.

Je sais que les questions relatives à la situation financière des établissements et services du grand âge ont aussi retenu votre attention. À ce titre, je suis très heureux de vous signaler la publication, hier, du décret sur le bouclier tarifaire, dans lequel figurent bien les Ehpad.

Je salue d’ailleurs la sénatrice Laurence Muller-Bronn, avec laquelle nous avions eu l’occasion de travailler sur ce sujet dès cet été. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

S’agissant de la branche famille, je ne doute pas que vous serez nombreux à suivre avec attention, ces prochaines années, le déploiement des grandes réformes engagées par le Gouvernement. Je tiens à signaler en particulier celle qui porte sur le complément de libre choix du mode de garde, structurante et directement utile à de nombreux foyers, mais également la création du service public de la petite enfance – et je sais que vous serez particulièrement attentifs à ce que les collectivités y soient associées.

Pour conclure, je veux saluer de nouveau, comme je l’ai fait dès le premier jour des débats, l’action de tous les professionnels du soin, de tous les professionnels du lien, dont nous reconnaissons tous le rôle décisif.

Ce texte est également pour eux, puisqu’il finance par exemple la trajectoire de recrutement de 50 000 professionnels supplémentaires dans le secteur médico-social, en Ehpad, au cours des prochaines années.

Bien sûr, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, ce PLFSS n’épuise pas le débat sur les sujets d’actualité. Je serai heureux de continuer à en discuter avec eux, mais également avec vous, dans le cadre du volet « bien vieillir » du Conseil national de la refondation. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Alain Cazabonne et Henri Cabanel ainsi que Mme Laurence Muller-Bronn applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, tout d’abord, je vous prie d’excuser l’absence de François Braun, retenu à l’Assemblée nationale par la séance de questions au Gouvernement.

Je vous remercie de la richesse des échanges que nous avons eus sur ce texte essentiel pour protéger nos concitoyens au quotidien. Nous ne sommes pas toujours tombés d’accord, comme l’a dit Jean-Christophe Combe, mais je crois que, comme l’ont fait un grand nombre d’entre vous, nous pouvons collectivement saluer la qualité des débats et l’esprit d’écoute et de responsabilité qui a prévalu tout au long de la semaine.

Le Gouvernement regrette bien sûr la suppression de l’Ondam pour 2023. Cela ne correspond ni à la réalité ni à la politique ambitieuse que souhaite mener le Gouvernement dans le prolongement de l’action menée depuis 2017.

L’Ondam 2023, c’est 53 milliards de plus qu’en 2017, avec un budget de 244 milliards pour la partie santé !

Je tiens à le souligner, ce projet de loi, c’est d’abord celui de la défense de l’hôpital : pour la deuxième année consécutive, aucune économie ne lui est demandée.

Ce PLFSS amorce également un véritable virage préventif avec, parmi d’autres mesures, les rendez-vous de la prévention aux âges clés de la vie, l’élargissement de la vaccination par d’autres professionnels, mais aussi la prise en charge du dépistage des infections sexuellement transmissibles.

Il prévoit aussi des mesures concrètes pour lutter contre les déserts médicaux et pour avancer vers la société du bien vieillir chez soi.

Le Sénat a porté des exigences fortes pour favoriser la transparence dans les Ehpad et renforcer nos dispositifs de lutte contre les fraudes. Nous avons pu diverger sur les moyens, mais le Gouvernement partage pleinement ces ambitions.

Je le répète, ma conviction est que ce PLFSS porte une ligne claire, celle de la défense des préoccupations essentielles de nos concitoyens : plus de prévention, un accès renforcé aux soins, un système plus juste et plus éthique. C’est une première pierre de la politique de refondation que nous voulons engager avec la volonté – c’est notre horizon – de répondre à tous les besoins de santé de tous nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et RDSE.)

M. le président. Je souhaite remercier à mon tour Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales, Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales, ainsi que Corinne Imbert, Pascale Gruny, René-Paul Savary, Olivier Henno et Philippe Mouiller, rapporteurs pour les différentes branches de la sécurité sociale, et Christian Klinger, rapporteur pour avis de la commission des finances.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023
 

3

 
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, visant à appliquer des sanctions à l'encontre de l'Azerbaïdjan et exiger son retrait immédiat du territoire arménien, à faire respecter l'accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020, et favoriser toute initiative visant à établir une paix durable entre les deux pays
Discussion générale (suite)

Établissement d’une paix durable entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan

Adoption d’une proposition de résolution

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de résolution visant à appliquer des sanctions à l’encontre de l’Azerbaïdjan et exiger son retrait immédiat du territoire arménien, à faire respecter l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020, et favoriser toute initiative visant à établir une paix durable entre les deux pays, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par MM. Bruno Retailleau, Christian Cambon, Mme Éliane Assassi, MM. Patrick Kanner, Hervé Marseille et Gilbert-Luc Devinaz (proposition n° 3) (demande du président du Sénat).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Jocelyne Guidez et M. Alain Cazabonne applaudissent également.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, visant à appliquer des sanctions à l'encontre de l'Azerbaïdjan et exiger son retrait immédiat du territoire arménien, à faire respecter l'accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020, et favoriser toute initiative visant à établir une paix durable entre les deux pays
Discussion générale (fin)

M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette nouvelle résolution que nous vous proposons d’adopter fait écho à celle que nous avions déjà adoptée voilà très précisément deux ans. En effet, il y a deux ans, nous avions adopté une résolution pour la paix en Arménie et pour condamner l’agression contre le Haut-Karabagh commise par les Azéris, avec le soutien turc. Et, déjà, celle-ci avait fait l’objet d’un soutien transpartisan, cosignée par plusieurs présidents de groupe.

De fait, pour commencer mon intervention, je veux saluer ceux d’entre eux qui ont cosigné la présente proposition de résolution, ainsi que le président Christian Cambon et Gilbert-Luc Devinaz, président du groupe d’amitié France-Arménie, qui y ont également apposé leur signature.

Si cette démarche revêtait et revêt toujours une dimension transpartisane, cela signifie bien que l’enjeu que sous-tend cette résolution dépasse les clivages habituels. Faut-il le rappeler, sont en jeu tout à la fois les intérêts français et nos propres principes et valeurs. Des liens humains et d’amitié multiséculaires unissent nos deux peuples, sans oublier nos liens culturels : c’est à Erevan, en Arménie, que s’est tenu, en 2018, un grand sommet de la francophonie.

Si nous avions pris, voilà deux ans, cette initiative, c’est tout simplement parce que, déjà, nous n’avions pas confiance dans l’accord de paix signé le 10 novembre 2020. Malheureusement, les faits nous ont donné raison puisque, profitant de la guerre en Ukraine, l’Azerbaïdjan a attaqué non seulement le Haut-Karabagh, mais aussi, et surtout, l’Arménie sur son sol même, ce qui est beaucoup plus grave.

Comme il y a deux ans et, si j’ose dire, comme à l’habitude, malheureusement, les chancelleries ont protesté mollement, par pure forme. Comme à l’habitude, malheureusement, des crimes de guerre, documentés, ont été commis, sans qu’aucune sanction soit prise.

Monsieur le ministre, je n’ai rien contre vous, et j’ai beaucoup de considération pour le commerce extérieur de mon pays, mais, franchement, quelle signification le Gouvernement donne-t-il à cette résolution, à la cause de l’Arménie, en déléguant, pour en débattre, le ministre chargé du commerce extérieur ?

Je regrette – et je ne suis pas le seul ici – cette légèreté, et même cette désinvolture. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE. – M. Alain Cazabonne applaudit également.)

Bien sûr, une mission d’observation a été dépêchée, mais le temps n’est plus à observer : il est désormais à décider ; le temps n’est plus à protester : il est à sanctionner, et c’est précisément ce que nous proposons par cette résolution, pour ne pas laisser seule l’Arménie face à son malheur.

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Bruno Retailleau. Nous seulement tout abandon ferait peser sur nous un sentiment de honte, mais, plus encore, il devrait nous inspirer un sentiment de crainte, et même de peur.

Et là, je veux dire qu’il y a deux poids, deux mesures : la Russie viole le droit international, viole la souveraineté de l’Ukraine, viole le droit de la guerre et est, à ce titre, justement condamnée et sanctionnée ; en revanche, rien de tel pour l’Azerbaïdjan, rien de tel pour la Turquie !

Des crimes de guerre ont été commis en Ukraine, mais également en Arménie. Dans un cas, ces crimes font l’objet de poursuites ; dans l’autre, rien ne se passe.

Mes chers collègues, ce « deux poids, deux mesures » est une véritable honte ! Qu’est-ce que cela signifie ? Que la souveraineté de l’Arménie vaudrait moins que celle de l’Ukraine ? Que les vies arméniennes valent moins que les vies ukrainiennes ? Que les souffrances des uns valent moins que les souffrances des autres ? Bien sûr que non !

Pis encore, lorsque la présidente de la Commission européenne s’est rendue à Bakou pour signer un accord gazier, alors que le gaz russe est frappé de sanctions, où étaient les belles âmes et les grandes consciences pour protester ?

Finalement, pourquoi ce silence ? C’est un scandale moral que seules peuvent justifier à la fois une forme de cynisme et une forme de relativisme de la part d’une Europe oublieuse de ses valeurs, de ses principes, oublieuse aussi de ses propres racines.

Mes chers collègues, si ce sentiment de honte nous est étranger, alors peut-être qu’un sentiment de crainte, de peur, pourrait nous saisir. Quel est-il, ce sentiment ? On le voit bien, le contexte, l’équilibre géopolitique de l’Europe est ébranlé par l’impérialisme russe sur son flanc Est. Eh bien, demain, ce même équilibre géopolitique pourrait l’être aussi par un autre impérialisme, celui de la Turquie, cette fois-ci sur son flanc Sud.

Que ferons-nous alors ? Car, là encore, n’en doutez pas un seul instant, ce conflit n’est pas un conflit local : il s’inscrit dans une stratégie turque globale visant à reconstituer un grand ensemble néo-ottoman, un ensemble panturc. C’est d’ailleurs ce que dit et répète à l’envi – il suffit de l’écouter – le président de la Turquie, M. Erdogan, quand il déclare que, si l’Azerbaïdjan et la Turquie sont deux États, ils constituent en réalité une seule et même nation. Je le répète, ce n’est pas moi qui le dis, c’est M. Erdogan !

Ce plan qu’il déroule avec son allié azéri comprend trois étapes : d’abord, attaquer le Haut-Karabagh, pour tenter de le vider de sa population, d’en effacer toute trace d’arménité ; ensuite, transpercer de part en part l’Arménie grâce à un couloir qui relierait le Nakhitchevan, en territoire azéri, à la Turquie ; enfin, effacer de la carte de l’Europe la nation, le peuple et l’État arméniens.

Ce qui fait la singularité tragique de l’Arménie, c’est que son peuple porte à jamais la marque indélébile du génocide.

Que voulons-nous faire ? Quels choix s’offrent à nous ? Devant quelle alternative sommes-nous placés ?

Le premier choix serait de ne pas choisir, de ne rien faire, comme à l’habitude. Ce serait un choix funeste, ce serait en réalité, comme l’avait dit un jour Churchill, le choix du déshonneur et de la défaite : du déshonneur, parce que nous ne serions pas à la hauteur de nos principes, pas à la hauteur de notre histoire ; de la défaite, parce que, face à la Turquie et à l’Azerbaïdjan, qui ne raisonnent qu’en termes de rapport de force, que croyez-vous qu’il arrivera demain en Méditerranée orientale ? Voyez ce qui se passe avec la Grèce ! Car cet espace géographique concerne l’Europe non seulement comme continent, mais également en tant qu’Union européenne. C’est la raison pour laquelle je parle non seulement de déshonneur, mais aussi d’une probable défaite, demain.

Il existe un autre chemin, celui du courage, que nous vous invitons à suivre avec le vote de cette proposition de résolution. Emprunter ce chemin, c’est montrer à l’Arménie notre solidarité plutôt que notre passivité, notre fermeté plutôt que de laisser aller les choses comme nous les avons souvent laissées aller.

Bien entendu, cette réaction doit aller de pair avec l’adoption de sanctions, par exemple le gel des avoirs des dirigeants, notamment azéris, ou un embargo sur le pétrole et le gaz. Mais, monsieur le ministre, ces sanctions doivent également s’accompagner d’une action diplomatique et politique résolue de la France, notre pays, en raison notamment de ses liens d’amitié avec l’Arménie.

D’abord, tous les prisonniers arméniens doivent être rapatriés sur le sol arménien. Ensuite, il faut convoquer le Conseil de sécurité des Nations unies pour que soit saisie la Cour pénale internationale et que les crimes de guerre ne restent pas impunis. Par ailleurs, la France doit agir diplomatiquement en faveur de la création non pas d’une force d’observation – ces deux mots sont antinomiques –, mais plutôt d’une mission d’interposition sur le sol du Haut-Karabagh et de l’Arménie. Enfin, et ce n’est pas le moins important, la France doit aider les Arméniens en leur fournissant des armes défensives.

Mes chers collègues, pour conclure, je veux rappeler que, grâce à Jacques Chirac, la France est le premier pays à avoir reconnu le génocide arménien, et, monsieur le président, c’est au Sénat qu’avait été votée en première lecture, voilà vingt ans, la loi relative à cette reconnaissance.

Il y a deux ans, le Sénat a été la première assemblée parlementaire d’Europe et du monde à voter, à l’unanimité moins une voix, une résolution similaire à celle-ci, un signal autant qu’un geste à l’attention du peuple arménien.

Aujourd’hui, l’Arménie appelle de nouveau la France à son secours. Soyons fidèles à ce sentiment d’amitié, à notre histoire, à nos principes, à ce lien multiséculaire qui nous unit à ce grand peuple d’Arménie, peuple courageux d’une petite nation, mais une grande nation sentinelle d’une belle civilisation. Les liens qui nous unissent à ce pays ont traversé les générations, ont traversé les siècles ; ils tiennent tout autant par notre amitié que par ce que nous représentons les uns pour les autres. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, SER, INDEP et CRCE. – M. Jean-Noël Guérini applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de résolution a une première vertu, que vient d’ailleurs de rappeler le président Retailleau : outre la possibilité qui nous est offerte ici de débattre et de réaffirmer les positions qui sont les nôtres pour aller vers une paix durable, elle nous permet d’apporter un soutien sans faille aux peuples en souffrance, aux peuples qui ploient sous le joug de la guerre et du nationalisme.

Nous n’exprimerons jamais assez notre totale solidarité à la population arménienne, comme le font depuis toujours les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, population victime du conflit de 2020, qui a fait plus de 6 500 morts, et des dernières escalades meurtrières.

Je saisis d’ailleurs cette occasion pour saluer l’action inlassable de notre collègue Gilbert-Luc Devinaz à la tête du groupe d’amitié France-Arménie. (Applaudissements.)

Ce peuple qui a tant souffert doit voir revenir tous les éloignés dans leurs foyers : nous appelons à la libération et au rapatriement immédiats et inconditionnels de tous les prisonniers de guerre arméniens.

Du territoire de l’Arménie et du couloir de Latchin, nous demandons le retrait immédiat et inconditionnel, sur leurs positions initiales, des forces azéries et de leurs alliés.

Les autorités azéries et l’ensemble de leurs partenaires dans la région doivent respecter l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Arménie. Les engagements internationaux existent : ils doivent être suivis d’effet.

À l’évidence, le cadre de sécurité dans lequel est entrée l’Arménie depuis le cessez-le-feu lui assure un faux-semblant de sécurité : il n’a échappé à personne que l’Azerbaïdjan a tenté de maximiser ses gains territoriaux.

Le statu quo n’est pas possible. Ainsi, nous ne pouvons que regarder avec intérêt les premières évolutions que l’on a pu constater ces dernières semaines.

Nous, parlementaires, avons tout notre rôle à jouer pour contribuer à réduire les tensions.

Votée le 25 novembre 2020, au lendemain du voyage accompli par M. le président du Sénat, lors duquel un certain nombre d’entre vous avaient pu l’accompagner, notre précédente résolution soulignait déjà la nécessité de reconnaître la République du Haut-Karabagh. Elle a été un élément de soutien très apprécié par le peuple et les autorités arméniens.

Nous nous sommes exprimés avec détermination en faveur d’un règlement pacifique du conflit : aujourd’hui, il semble que notre fermeté ait eu quelques effets. Cette contribution a peut-être permis de sensibiliser le Président de la République française lui-même.

De même, en réunissant à la fin du mois d’octobre dernier les deux parties à Sotchi, autour de la table, pour qu’elles se parlent et avancent ensemble vers une résolution pacifique du conflit, l’on a accompli un nouveau pas dans le sens voulu.

Pour autant, il convient de rester attentif. Ce conflit ne peut être l’otage de l’instabilité dans le Caucase et des stratégies développées par les grandes puissances régionales.

Nous l’avons constaté : la médiation russe de la force d’interposition de l’Organisation du traité de la sécurité collective (OTSC) n’est plus en mesure de stabiliser le conflit à moyen ou à long terme.

Monsieur le ministre, la France, au sein de l’Union européenne, doit jouer son rôle. Le Président de la République a évolué sur ce dossier : tant mieux. Mais il doit bouger encore plus vite, et l’Europe avec lui.

L’Union européenne doit adopter sa propre stratégie à propos du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, en soumettant les achats de gaz à l’Azerbaïdjan au respect du droit international.

Le Gouvernement doit amplifier ses initiatives permettant de garantir la sécurité des populations arméniennes et de l’Arménie, dans ses frontières internationalement reconnues. Pour cela, il doit agir au plus haut niveau, car il est impératif de constituer une force de maintien de la paix sous l’égide de l’ONU et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

Par exemple, il faut saluer l’initiative de l’Arménie lorsqu’elle propose une zone démilitarisée au Karabagh et à sa frontière avec l’Azerbaïdjan.

À plus long terme, l’Union européenne doit inclure le conflit arménien dans le cadre de la gestion des tensions régionales, dans un périmètre plus large. Les déflagrations de cette région, qui s’étendent de l’Europe orientale à l’Asie centrale, sont susceptibles d’avoir des répercussions sur des États voisins de l’Union européenne qui lui sont ou lui seront liés un jour par des partenariats.

Mes chers collègues, en défendant cette proposition de résolution, nous manifestons notre soutien à un règlement pacifique du conflit, au maintien des principes de la démocratie et de l’État de droit chez les deux belligérants, qui – faut-il le rappeler – sont membres du Conseil de l’Europe, organe garant et promoteur de ces valeurs dans une Europe élargie.

Tout doit être mis en œuvre pour que l’Azerbaïdjan s’engage plus avant dans un processus de négociation par la voie diplomatique.

Il est temps de revenir à la raison et de retrouver la voie du dialogue. Il est temps de satisfaire l’Arménie et les Arméniens dans leur volonté d’une paix juste. Il est temps d’aboutir, enfin, à l’établissement d’une paix durable dans cette région du monde. Soyons-en convaincus : avec cette proposition de résolution, nous y prenons un peu notre part. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE, RDSE, INDEP, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en septembre dernier, une délégation du Sénat a été reçue à Erevan par les autorités arméniennes ; à cette occasion, notre collègue et ami le député Vladimir Vardanyan, président du groupe d’amitié Arménie-France, nous a dit, les larmes aux yeux, sa terreur de ne pouvoir éviter à son peuple un second génocide.

En octobre 2019, nous étions tous les deux dans la clairière du Mont-Valérien, là même où Missak Manouchian fut fusillé par les Allemands le 21 février 1944. Missak Manouchian a donné sa vie pour la liberté de la France. Que sommes-nous prêts à donner à l’Arménie pour sa liberté ?

Du 27 septembre au 10 novembre 2020, la République d’Artsakh a subi l’invasion militaire de l’Azerbaïdjan, aidé par la Turquie et renforcé par des groupes djihadistes venant de Libye et de Syrie. La Turquie a ainsi participé, au moins indirectement, à un conflit de haute intensité selon une doctrine et des processus militaires qu’elle a appris au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan).

Ce sont les mêmes tactiques que l’Ukraine utilise aujourd’hui avec succès contre l’invasion russe. Ainsi, les drones turcs Bayraktar TB2, employés par l’Ukraine, sont également mobilisés par l’Azerbaïdjan contre l’Arménie. Israël fournit aussi des drones aux deux armées.

La République d’Artsakh et l’Arménie ont été totalement dépassées par l’ampleur et la violence de ce conflit d’un nouveau genre. Elles n’ont dû leur survie qu’à la mansuétude de la Russie, qui voulait démontrer, en 2020, que la sécurité du Caucase ne dépendait que d’elle.

C’est sans aucun doute le désastre militaire de l’armée russe en Ukraine qui pousse aujourd’hui l’Azerbaïdjan à profiter de son avantage pour imposer par la force à l’Arménie un redécoupage des frontières internationales à son profit.

Son objectif stratégique est connu. Il consiste à établir une continuité territoriale avec sa République autonome exclavée du Nakhitchevan en annexant un corridor le long de la frontière entre l’Arménie et l’Iran. Cette ambition n’est qu’une déclinaison régionale du grand projet panturquiste de constitution d’un espace politique unifié d’Istanbul à Bichkek, au Kirghizistan.

Mme Valérie Boyer. Exactement !

M. Pierre Ouzoulias. En octobre dernier, la France, par la voix de son Président, a explicitement caractérisé les agressions de l’Azerbaïdjan comme une violation des frontières arméniennes reconnues par le droit international. Il est affligeant qu’en juillet la présidente de la Commission européenne se soit rendue à Bakou pour sceller un accord énergétique avec l’Azerbaïdjan,…

M. Christian Cambon. C’est une honte !

M. Pierre Ouzoulias. … qualifié de partenaire de confiance.

M. Christian Cambon. Scandaleux !