Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Julien Bargeton, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a quelque chose de réjouissant à constater que, après une période pandémique qui nous a tous marqués, les industries culturelles connaissent en 2022 une très belle progression et devraient rapidement dépasser leur niveau d’avant-crise. Je dis bien « réjouissant » car, en dépit des problèmes et des difficultés à surmonter que je vais évoquer, cela traduit l’appétit et la curiosité de nos compatriotes pour la culture sous toutes ses formes !

J’en veux ainsi pour preuve les chiffres remarquables de l’édition, supérieurs de 15 % à ceux de 2019. Et quel signal plus encourageant que le succès du pass Culture, qui permet à la jeunesse de découvrir de nouveaux univers ?

Ce dispositif a parfois été critiqué, au prétexte qu’il servirait uniquement à acquérir des mangas. Certes, ce genre connaît un très grand succès – et tant mieux ! –, mais il n’est pas assez relevé que 60 % des jeunes qui achètent un manga avec le pass Culture repartent avec un autre livre. Vous entrez pour One Piece, vous ressortez avec Marcel Proust ! (Exclamations amusées.)

Tout n’est pourtant pas rose dans le secteur. Les relations entre auteurs et éditeurs traversent une phase difficile. L’accord entre les deux parties, dont la signature était prévue le 25 octobre dernier, a été, un peu à la surprise générale, rejeté par les auteurs, qui souhaitent ouvrir le dossier des rémunérations. S’il n’appartient pas aux pouvoirs publics d’intervenir directement en la matière, ils doivent s’efforcer de jouer un rôle de médiation. Je crois, madame la ministre, que vous avez pris ce problème à bras-le-corps, car je connais votre attachement au livre et à ceux qui le font.

Le Centre national de la musique doit trouver son rythme de croisière après la tempête du covid-19.

Quelles missions ? Quel financement ? Quelle participation des uns et des autres à cette « maison commune » patiemment édifiée ? Tel était l’objet de la table ronde de la commission organisée le 19 octobre.

Le Gouvernement m’a confié une mission sur le sujet. La gageure est élevée. Je m’appuierai bien entendu sur les travaux déjà menés par le Sénat.

Je voudrais saluer l’ambition du Gouvernement, qui a lancé le plan France 2030, au sein duquel 1 milliard d’euros sera consacré aux industries culturelles et créatives. Ce n’est pas rien !

Tous les amoureux de la culture, tous ceux qui ont conscience de son importance en termes économiques, en termes d’influence internationale, ne peuvent que se réjouir des moyens supplémentaires qui structureront le paysage pour les années à venir.

Année 2022 oblige, je ne peux pas conclure sans un mot sur les conséquences du choc inflationniste. Je prendrai deux exemples pour illustrer mon propos.

La BNF, avec son demi-million de mètres carrés de surface vitrée consomme autant d’électricité qu’une ville de 20 000 habitants ! C’est plus une montagne qu’un gouffre en la matière… Concrètement, le surcoût estimé à 3,6 millions d’euros en 2023 ne doit pas obérer sa capacité à mener des projets et à assurer l’entretien courant.

Autres acteurs très concernés par cette situation inflationniste, les libraires. Le secteur dégage de très faibles marges et doit aussi suivre la hausse des salaires. Il ne faudrait pas que le renouveau du livre soit empêché par les difficultés économiques de nos libraires.

Il faudra donc en 2023 faire coïncider les fortes ambitions du secteur avec les contraintes du moment.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission de la culture a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits du programme « Livre et industries culturelles ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Sonia de La Provôté applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, quelle est la situation de l’audiovisuel public ?

Le bilan du précédent quinquennat s’est limité, pour l’essentiel, à un travail d’assainissement budgétaire avec la mise en œuvre d’une trajectoire budgétaire inférieure de 190 millions d’euros au cours de la période 2018-2020.

La perspective de la campagne présidentielle laissait espérer qu’un projet pour l’avenir de l’audiovisuel public pourrait émerger des débats, afin de redéfinir sa place dans un paysage largement bouleversé par l’arrivée des plateformes.

Or non seulement aucun projet n’a émergé au cours des derniers mois, mais rarement la situation du secteur aura paru aussi confuse, pour au moins quatre raisons.

Première raison : le Gouvernement a indiqué que l’évolution du secteur n’était pas sa priorité, même s’il n’exclut pas totalement de rouvrir le chantier d’une réforme au printemps 2023.

Deuxième raison : l’élaboration de nouveaux contrats d’objectifs et de moyens a été reportée d’une année. Il faudra donc se contenter de simples avenants et attendre la fin de l’année 2023 pour connaître les objectifs et les moyens, que l’actionnaire entend assigner aux entreprises de l’audiovisuel public pour la période 2024-2028. D’ici là, les entreprises concernées sont, au choix, dans l’attente ou dans la continuité.

Troisième raison : la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, cet été, s’est accompagnée d’une solution de financement provisoire par une part de TVA, mais c’est l’inconnu qui domine pour l’après-2024, ce qui crée un climat d’incertitude préjudiciable dans les entreprises concernées.

Quatrième raison, enfin : la fusion avortée entre TF1 et M6 fragilise aujourd’hui ces deux groupes privés, mais aussi France Télévisions. La plateforme Salto apparaît aujourd’hui condamnée du fait des difficultés des trois actionnaires à poursuivre leur coopération. Par ailleurs, la fusion aurait eu un effet de rattrapage sur les prix de la publicité, qui aurait également profité à France Télévisions. Le groupe public se trouve donc doublement pénalisé.

Finalement, 2023 apparaît déjà comme une nouvelle année de transition.

C’est pourquoi je souhaite rappeler les deux propositions principales faites en juin dernier dans un rapport conjoint de nos commissions de la culture et des finances consacré au financement de l’audiovisuel public : premièrement, apporter des garanties au financement des entreprises de l’audiovisuel public en créant une commission indépendante chargée d’évaluer les besoins pluriannuels de l’audiovisuel public ; deuxièmement, fusionner les quatre entreprises nationales – France Télévisions, Radio France, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et France Médias Monde – pour assurer leur pérennité et développer leur offre numérique.

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une hausse des crédits de 3 % destinée à compenser l’accroissement des charges fiscales consécutif à la suppression de la CAP et à amortir la hausse de l’inflation.

La hausse des moyens est donc à relativiser : je souhaite que la nouvelle ressource soit définie dès 2023 et intégrée aux contrats d’objectifs et de moyens (COM) 2024-2028 pour mettre un terme à l’incertitude sur le financement.

Compte tenu des nombreuses interrogations qui entourent l’avenir de l’audiovisuel public, la commission de la culture a décidé de s’abstenir sur les crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2023 et de s’en remettre à la sagesse du Sénat.

J’indique, pour ma part, que je voterai ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Si chacun d’entre vous est très raisonnable, nous pouvons finir l’examen de cette mission avant la suspension ; sinon, nous reviendrons tous après le dîner ! (Sourires.)

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la presse, la télévision, la radio, le livre, la musique, le cinéma sont traversés par la même difficulté : la révolution numérique. Celle-ci a modifié en profondeur les usages de nos concitoyens et affecté le modèle économique de plusieurs grandes entités.

Si l’on ajoute à cela la crise sanitaire, puis aujourd’hui l’inflation, c’est dans un contexte flottant, où se mêlent enjeux structurels et conjoncturels, que les pouvoirs publics doivent accompagner tous ces secteurs, non sans difficulté.

La tâche est immense : l’absence, à court terme, de réforme de l’audiovisuel public en est peut-être le symptôme. Tôt ou tard, il faudra cependant qu’elle intervienne, d’autant plus vite que la contribution à l’audiovisuel public n’existe plus.

Le groupe RDSE n’est pas nostalgique de cette contribution, mais il partage quelques-uns des grands principes préconisés par le rapport d’information du Sénat sur le financement de l’audiovisuel public : stratégie de regroupement des entreprises de l’audiovisuel public, d’un côté, budgétisation des ressources, de l’autre.

Tout autant que le secteur audiovisuel, la presse écrite, le livre et les industries culturelles ont besoin d’un soutien public fort. Les moyens de la mission, en hausse de 0,6 % en autorisations d’engagement et de 4,4 % en crédits de paiement, seront utilement complétés par le plan d’investissement France 2030.

Cette orientation est indispensable. Comme j’ai pu le dire à propos de la culture lors du débat budgétaire précédent, ces secteurs sont au cœur du projet républicain.

En particulier, au travers du soutien à la presse et à sa distribution, il est question de veiller au pluralisme de l’information, un principe indissociable de la démocratie.

Je partage le constat, souvent exprimé ici, d’une nécessaire réorientation du système des aides à la presse. Il mérite au minimum d’être mieux corrélé avec ses objectifs de diffusion, de pluralisme et de modernisation.

S’agissant de la distribution, l’élu du Rhône que je suis ne va pas se plaindre que « le brillant second » soit devenu premier, pour reprendre les termes du rapport pour avis de la commission de la culture… Rassurez-vous, mes chers collègues, je parle non pas de l’OL, mais des Messageries lyonnaises de presse, qui sont passées devant France Messagerie ! (Sourires.)

Cependant, il s’agit de veiller à ce que les deux opérateurs puissent survivre au sein d’un marché structurellement en baisse.

Concernant le versant éditorial de la presse, je me réjouis de la bonne résistance de l’Agence France-Presse (AFP) dans un climat concurrentiel tendu avec les grands acteurs de l’internet. L’AFP délivre une information qualitative, qu’elle conforte grâce à son service remarqué de « vérification des faits ».

La stabilité en 2023 de la subvention versée par l’État, conformément au contrat d’objectifs et de moyens 2019-2023, devrait conforter sa position, même si les défis sont loin d’être épuisés pour l’Agence.

Je souhaitais également évoquer la situation du livre, dont le modèle est lui aussi fragilisé.

Je m’inquiète du blocage entre les éditeurs et les auteurs, qui ne parviennent pas à signer un accord sur une plus juste rémunération des seconds. Faut-il rappeler une évidence au syndicat national de l’édition : sans création, il n’y a pas d’édition !

Quant aux librairies, le soutien qui leur a été apporté durant la pandémie a été essentiel. Elles attendent toutefois un geste concernant le seuil minimal pour les frais de port.

J’en profite pour évoquer le sort de plus en plus incertain des quelque 150 librairies expatriées, qui souffrent davantage encore du problème des frais de port, aggravé par celui des délais de livraison pour leurs clients. Il faut absolument les aider, car elles représentent indiscutablement un levier de la francophonie dans le monde. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis, marque son approbation.)

Enfin, je terminerai par un mot sur le cinéma, durement éprouvé durant la pandémie. Ce secteur inquiète depuis longtemps. Après avoir cité Malraux cet après-midi, je reprendrai les mots prononcés par François Mitterrand devant le Parlement européen en 1995 : « Alors que nous célébrons le centenaire du cinéma, l’art le plus populaire du siècle n’a jamais été si menacé dans chacun de nos pays. Il n’a d’ailleurs plus besoin d’être menacé dans un certain nombre de ces pays-là, car il a déjà disparu. »

Depuis cette date, le modèle français résiste. Il faut dire que le CNC accompagne plutôt bien les mutations auxquelles le cinéma doit faire face. Nous devons cependant toujours rester attentifs à l’équilibre à trouver avec les plateformes de streaming, la principale menace.

Une fois encore, travailler au maintien d’une création cinématographique française dynamique, c’est contribuer au rayonnement de notre pays et de notre souveraineté culturelle dans le monde.

Mes chers collègues, dans ce contexte, le RDSE votera les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. André Gattolin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à l’heure où nous débattons du budget de la culture pour 2023, comme précédemment, la question qui s’impose est celle de la pertinence du fléchage des crédits alloués.

Ainsi, pendant que l’industrie du livre et de la presse se débat contre l’inflation des prix du papier, que celle de la musique fait face aux évolutions comportementales de ses consommateurs et ne bénéficie pas d’un CNM efficient, celle du cinéma rencontre une baisse inquiétante de fréquentation, alors que pèse sur les salles la menace d’une remise en cause de la chronologie des médias.

Une industrie ne cesse quant à elle de tirer habilement son épingle du jeu, celle des jeux vidéo, qui enregistre une progression exceptionnelle de son activité de 13,5 % sur les deux dernières années, au point de faire de la France l’un des principaux leaders du marché, notamment dans celui de l’édition, un exemple qui invite à l’optimisme.

Votre projet de budget prend-il vraiment en compte cette diversité des situations dans le fléchage des crédits alloués ? Insuffisamment, selon moi.

Pour autant, et parce que nous croyons comme vous, madame la ministre, au retour des jours meilleurs, les sénatrices et les sénateurs LR voteront les crédits accordés à cette mission.

Nous avons toutefois une divergence de taille sur le traitement réservé à l’audiovisuel public, non pas sur la suppression de la redevance en tant que telle, mais plutôt sur la méthode employée. Une fois encore, comme l’ont rappelé Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, nous assistons impuissants à la mise en œuvre d’une décision dont la finalité apparaît aussi floue que la prise de décision était précipitée.

Mais n’y retrouvons-nous pas tous les ingrédients d’un mode de gouvernance : une annonce inattendue, un gouvernement pris de court, une mesure qu’il peine à justifier et à financer ?

Cette mesure amplifie la réalité d’un pilotage à vue, sans cap ni stratégie, qui ne génère que du malaise. Les personnels de l’audiovisuel public, déjà inquiets, sont désormais décontenancés par une annonce électorale dont la mise en œuvre a été imposée à marche forcée, sans que fût pris le temps de réfléchir aux missions et à l’organisation de l’audiovisuel public, dans un paysage bouleversé qui n’a plus rien à voir avec celui qui présidait à l’élaboration de la dernière loi d’orientation en 1986.

Je regrette donc le caractère précipité de cette décision ; je regrette qu’elle n’ait pas été pensée dans un cadre général, qui aurait permis d’anticiper ses conséquences et de justifier sa plus-value.

Surtout, je regrette que nous n’ayons pas eu à en débattre : nous aurions pu nous interroger collectivement sur l’avenir de l’audiovisuel public, le format et le modèle que nous souhaitons lui donner.

Autant d’éléments qui auraient pu constituer le corps d’une loi, projet souvent annoncé, mais éternellement repoussé. Selon toute vraisemblance, ni 2022 ni certainement 2023 ne succéderont à 1986, date de la dernière loi sur ce sujet. Nous prenons acte avec regret de ce nouveau rendez-vous manqué.

Et pourtant, que de sujets à traiter sur la place et les missions du service public, le droit voisin, la chronologie des médias, l’indépendance des rédactions, l’éthique des journalistes, les moyens et les missions de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) ! Que de sujets à envisager face à un paysage audiovisuel éclaté, au sein duquel on n’a pourtant jamais autant parlé de risques de concentration !

Il n’y aura donc pas de grande loi sur l’audiovisuel. Seul un fait du prince isolé aura fait bouger les choses. Nous en reparlerons lorsque nous discuterons des avenants aux contrats d’objectifs et de moyens.

Pour l’instant, suivant l’avis de nos deux excellents rapporteurs spéciaux Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, nous voterons sans enthousiasme les crédits affectés au compte de concours financier « Avances à l’audiovisuel public », et avec un peu plus d’envie ceux de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sonia de La Provôté applaudit également.) Vous noterez, madame la présidente, que je n’ai pas utilisé tout mon temps de parole !

Mme la présidente. Prenez exemple sur M. Brisson ! (Sourires.)

La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, lors de la crise sanitaire, le soutien public en faveur des industries culturelles a été massif.

Il faut le dire : les tendances sont excellentes. En 2022, les industries culturelles ont vu leur chiffre d’affaires augmenter de 10 %, pour atteindre 18,2 milliards d’euros. Le PLF pour 2023 leur consacre plus de 700 millions d’euros en autorisations d’engagement.

S’agissant de la Bibliothèque nationale de France, nous nous sommes tous réjouis de la réouverture du site Richelieu le 17 septembre dernier, après un chantier de dix ans. Cette année, 70 % environ des crédits du programme « Livre et industries culturelles », soit plus de 232 millions d’euros en crédits de paiement, seront dédiés à la BNF.

Il faut rappeler que les trois quarts du budget de la BNF sont consacrés aux dépenses de fonctionnement, pour accueillir le public dans de bonnes conditions et assurer la préservation des ouvrages et documents. Ces coûts risquent d’exploser avec la crise énergétique que nous traversons.

Concernant le livre et la lecture, l’année 2021 a été qualifiée d’exceptionnelle, tant les ventes ont atteint des records. Je souligne le succès du pass Culture, grâce auquel les libraires ont pu bénéficier d’une hausse de leur chiffre d’affaires. C’est une excellente nouvelle, mais il faut prendre ces chiffres avec précaution, car ils découlent d’une situation hors normes. Pour l’année 2023, le PLF prévoit près de 23 millions d’euros en crédits de paiement. Restent en suspens la question de la hausse du coût du papier et celle des relations entre auteurs et éditeurs, plus particulièrement le sujet des rémunérations.

S’agissant de la musique enregistrée, le streaming a désormais pris le lead – excusez-moi, mes chers collègues, pour ce mauvais français (Sourires.) –, avec 10 millions d’abonnés en France et un chiffre d’affaires en hausse de 13 % en 2021.

Les perspectives sont très enthousiasmantes, avec une prévision pour 2032 de près de 35 millions d’abonnés à un service de streaming en France. Acteur majeur du secteur, le Centre national de la musique a démontré toute sa pertinence et son efficacité lors de la crise sanitaire. Le PLF pour 2023 lui destine 27,8 millions d’euros, mais des redéploiements de crédits pourraient être prévus au cours de l’année pour compenser la baisse de ses ressources propres.

Le cinéma, quant à lui, a bénéficié d’un fort soutien pendant la crise, avec un montant total de 430 millions d’euros qui aura été intégralement dépensé à la fin de l’année. Ces dernières semaines, nous avons été informés du recul préoccupant de la fréquentation des salles : les premiers résultats de 2022 affichent un recul de 30 % par rapport à ceux de 2019. Rappelons que le plan France 2030 réserve 350 millions d’euros à la filière de l’image.

Le jeu vidéo – cela a été dit – est un secteur qui affiche une belle croissance de 1,6 % en 2021 et 5,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires, après des résultats exceptionnels en 2020.

Ce secteur d’avenir représente un vrai levier d’attractivité et de rayonnement pour la France, comme ont pu le souligner plusieurs acteurs majeurs du secteur lors de la table ronde organisée, au Sénat, le 12 octobre dernier. Il est nécessaire de poursuivre les efforts en sa faveur.

Concernant la presse et les médias, le projet de loi de finances pour 2023 prévoit 371 millions d’euros en crédits de paiement, soit une progression de près de 6 % par rapport à 2022. Après la crise sanitaire, la presse reste fortement dépendante du financement public, ce qui n’est pas tenable sur le temps long. Notre groupe est favorable à une évaluation des aides afin d’étudier la pertinence des crédits mobilisés.

Il reste à évoquer le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». La suppression de la contribution à l’audiovisuel public intervenue cet été ne fait pas débat, tant elle nous paraissait injuste et inadaptée.

En revanche, le financement du secteur par le fléchage d’une fraction de TVA ne paraît pas satisfaisant à long terme. Il faut poursuivre la réflexion.

Je conclurai en soulignant que notre groupe s’inquiète des conséquences de la crise énergétique et de l’inflation pour les établissements et les acteurs culturels les plus fragiles.

Nous nous félicitons toutefois de l’importance des moyens fléchés par l’État vers nos industries culturelles et créatives. Grâce à la reconnaissance et au soutien conséquent dont elles bénéficient, ces industries participent au rayonnement de notre pays et en font sa force. Pour cette raison, le groupe Les Indépendants votera ces crédits. (M. André Gattolin et Mme Sonia de La Provôté applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Yan Chantrel applaudit également.)

Mme Monique de Marco. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la grande majorité des acteurs concernés par cette mission « Médias, livre et industries culturelles » sont aujourd’hui très fragilisés.

Cette fragilité est née du bouleversement qu’a représenté, pour les secteurs de l’information et de la culture, la généralisation des activités en ligne. Mais elle a aussi été accentuée par la crise sanitaire et la fermeture des lieux culturels, hier, et elle le sera demain par la mise sous cloche du pays avec la tenue des jeux Olympiques.

Plus que les autres secteurs, la culture subit de nos jours une grande exposition au fait du prince. Comment mesurer l’impact de la politique culturelle de l’État lorsqu’il annonce d’une main un milliard d’euros de financements pour des projets culturels sur cinq ans, dans le cadre du plan France 2030, et qu’il menace de l’autre de déprogrammer ou de reporter les festivals en 2024 ?

Seuls les secteurs numérisés comme celui du jeu vidéo semblent épargnés et peuvent se projeter à long terme. L’avenir dira également si la belle santé du secteur du livre se maintiendra. Je lis avec inquiétude que la fréquentation des bibliothèques municipales est toujours inférieure à son niveau de 2019.

La situation du cinéma est plus inquiétante, car le système actuel repose pour partie sur la taxation des entrées en salles. L’entrée en vigueur des décrets Smad (services de médias audiovisuels à la demande), qui actent la participation des plateformes de vidéo à la demande au financement de productions françaises, ne garantit pas le retour des spectateurs en salles. La montée en puissance de la vidéo à la demande durant le confinement et le développement de formats très courts sur les réseaux sociaux représentent une concurrence peu chère, voire gratuite.

Face à cette fragilité, l’État doit adapter l’aide financière qu’il apporte à chacun de ces secteurs et accompagner l’émergence de nouveaux modes de financement pour protéger les forces intellectuelles et créatives de ce pays.

Pourtant, ce budget met fin aux aides exceptionnelles mises en place pour éviter la disparition de ces écosystèmes culturels. Vous proposez, madame la ministre, d’y substituer le plan France 2030. Dans le détail, cela représente 250 millions d’euros pour le développement d’offres culturelles immersives, 350 millions d’euros pour l’appel à projets « La grande fabrique de l’image » et 400 millions d’euros pour l’accélération des industries culturelles.

France 2030 a donc plus vocation à soutenir des initiatives émergentes qu’à préserver l’existant. La cotutelle exercée par le CNC et la Caisse des dépôts et consignations nous éclaire également sur la forte logique économique qui sous-tend l’appel à projets « La grande fabrique de l’image », qui échappera de fait au ministère de la culture. Nous ne pouvons donc pas nous en satisfaire.

La situation de la presse écrite nous inquiète également, malgré le rebond de 2021. La question du système de distribution n’est toujours pas résolue. Les aides à la presse devraient être réorientées et conditionnées, comme l’a suggéré la commission d’enquête du Sénat sur la concentration des médias.

Il me semble, madame la ministre, que le Gouvernement a laissé peu de chance au crédit d’impôt sur le premier abonnement. Nous avions déposé plusieurs amendements destinés à l’étendre et à l’adapter, mais aucun n’a été retenu.

L’avenir de l’audiovisuel public nous semble aussi compromis. Après 49 ans d’existence, la redevance a tiré sa révérence. Elle est remplacée par une solution provisoire de financement qui crée un climat d’incertitude. Le service public a besoin d’un financement stable et pérenne sans être soumis aux aléas de la conjoncture politique.

Ce financement est injuste, car tous les Français participeront au même niveau à cette ponction de TVA, ce qui n’était pas le cas de la redevance.

Il est encore possible d’améliorer le financement de l’audiovisuel public en augmentant sa progressivité. Là encore, nous avions proposé un amendement, mais il a lui aussi été rejeté.

Nous attendons des garanties sur la pérennité de l’audiovisuel public, ses moyens et son indépendance.

L’importance de protéger ce pluralisme dépasse d’ailleurs notre seul pays, à l’heure où des guerres de désinformation sont menées à travers le monde.

Vous avez souligné, monsieur le rapporteur, le succès de TV5 Monde à l’étranger en 2022 : sur les 300 millions de francophones qui la reçoivent, 1,8 million de visiteurs sont originaires d’Algérie, du Maroc ou de l’Espagne. Ce n’est certes pas l’audience de la BBC World Service, qui compte plus de 350 millions de téléspectateurs, mais des réserves d’audience restent à conquérir !

Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne votera pas les crédits alloués au compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».