M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Sautarel. Madame la ministre, en préambule, je me permets de vous féliciter et de vous saluer, tout en relevant que vous êtes la cinquième interlocutrice des collectivités territoriales en neuf mois.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. J’en suis désolée !

M. Stéphane Sautarel. La mission « Relations avec les collectivités territoriales » n’est qu’un volet des moyens, provenant essentiellement de prélèvements sur recettes, qui sont allouées aux collectivités, puisqu’elle vient compléter les 105 milliards d’euros de transferts financiers de l’État et le véritable filet de sécurité que le Sénat a voté.

Si elle ne comporte que 4,37 milliards d’euros, elle n’en est pas moins importante, malgré le trompe-l’œil que dessinent les évolutions de périmètres.

Tout d’abord, je me réjouis de la création de la dotation de compensation aux régions des frais de gestion de la CVAE à hauteur de 91,3 millions d’euros, en conséquence de la suppression de cette taxe prévue à l’article 5, même si ce sujet méritera un nouveau débat.

Le programme 119 enregistre une baisse substantielle des crédits affectés à la DSIL, laquelle revient à son niveau de 2021, c’est-à-dire 570 millions d’euros. Nous reparlerons vendredi du fonds vert, qui pose question, tant il semble ouvert.

Les autres crédits – DETR, DPV, DTS – sont stables ou en faible augmentation.

S’agissant de la DETR, plusieurs amendements visant à mieux communiquer sur les décisions prises à son sujet et à davantage y associer les élus locaux et les parlementaires seront examinés. Je ne puis qu’y souscrire.

Pour en revenir aux crédits de la mission, nous ne saurions nous satisfaire de leur apparente stabilité dans le contexte inflationniste que nous connaissons et qui va provoquer une réduction de la capacité d’investissement des collectivités.

Au-delà des difficultés rencontrées par chaque commune et par chaque collectivité, la contraction de leurs ressources, notamment en raison de la désindexation des dotations – si celle-ci devait être confirmée, contre nos votes – provoquera, sur le plan macroéconomique, un effet récessionniste, qui nous guette déjà à bien des égards.

L’hypothèse de croissance pour 2023 retenue par le Gouvernement est de 1 %. Ce chiffre faible, et optimiste, est déjà ramené par le FMI à 0,7 %. Il sera encore revu à la baisse si les collectivités territoriales devaient être privées de leur capacité d’autofinancement en raison de ce fameux effet ciseaux qui fait se croiser la dynamique des charges qu’elles subissent et l’atonie de leurs ressources. Si elles ne représentent en France que 19 % du total de la dépense publique, contre une moyenne européenne proche de 40 %, elles assument en effet plus de 70 % du total de l’investissement public.

Le véritable sujet est bien, à mon sens, celui de leur autofinancement, je ne cesse de le dire !

M. André Reichardt. Absolument !

M. Stéphane Sautarel. Par-delà les crédits de la mission, cette situation me semble préoccupante. Elle devra faire l’objet d’un suivi fin au cours de l’exercice 2023, assorti d’une clause de rendez-vous générale et effective.

Au titre des articles rattachés 45 et 46, je me réjouis de l’accroissement de l’enveloppe des composantes péréquatrices de la DGF, en particulier des 200 millions d’euros complémentaires de la DSR.

En revanche, je m’interroge sur l’évolution des critères de calcul. La charge majeure des petites communes rurales concerne la voirie communale, essentielle pour toutes les mobilités. S’affranchir de ce critère pour retenir celui de la superficie ne me semble pas répondre aux objectifs de cette dotation.

Bien sûr, nous devons envisager de mieux prendre en compte, à terme, la réalité du territoire, car nombre de charges lui sont liées et sont indépendantes de la population. En l’espèce, toutefois, cela ne me paraît pas juste. Surtout, dans cette hypothèse, c’est non pas la superficie, mais bien le potentiel financier superficiaire qu’il conviendrait de considérer.

Enfin, l’article 46 prévoit une augmentation de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales. Si cette hausse d’un montant de 5,7 millions d’euros est appréciable, de même que l’élargissement des communes éligibles, sa portée demeure limitée. Des amendements tendant à aller plus loin seront présentés.

Surtout, j’insiste sur la nécessité de mieux prendre en compte cette contribution positive pour nos territoires, qu’il conviendrait de valoriser davantage dans cette mission, mais aussi au-delà.

Pour finir, il est évident que la discussion de cette mission ne peut se dérouler que dans un climat de confiance, ce qui suppose la suppression de l’article 40 quater, dont le rétablissement par le Gouvernement ne peut être ni compris ni admis.

Au moment d’aborder une nouvelle étape de la décentralisation – nous l’appelons de nos vœux –, une véritable confiance doit en effet être accordée aux territoires, dans le respect de leur autonomie et de leur liberté d’administration. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDSE.)

M. Dany Wattebled. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer le formidable travail des élus locaux.

Leur noble mission les place en première ligne face aux difficultés énergétiques et financières que nous connaissons. Leur dévouement envers leurs administrés guide leur action au quotidien, même quand les moyens et les solutions viennent à manquer. L’État doit être à la hauteur de leur engagement et leur donner les moyens d’agir.

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » voit pourtant ses crédits diminuer de 636 millions d’euros en autorisations d’engagement.

Cela s’explique tout d’abord par la non-reconduction des dispositifs ponctuels et de certaines mesures de soutien qui n’avaient pas vocation à perdurer.

Il faut le rappeler, 2022 a été une année exceptionnelle en termes de dotations. Le dernier PLF a permis d’abonder la mission de crédits inédits, à l’image du plan « Marseille en grand », un projet d’envergure qui a mobilisé 254 millions d’euros. Si l’on fait exception de l’année 2022, les rapporteurs soulignent que les dotations sont restées stables sur la période 2019-2023.

Le programme 119, « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements », bénéficie en 2023 de crédits d’un montant d’environ 4 milliards d’euros en autorisations d’engagement, soit une baisse de 40 millions d’euros par rapport à l’an dernier.

Les crédits alloués à la dotation de soutien à l’investissement local sont certes bien moins importants qu’en 2022, mais ils sont ramenés au niveau général des dotations observé entre 2018 et 2021.

La quasi-totalité des crédits engagés dans le cadre du plan de relance ont été consommés, notamment la DSIL rénovation thermique. Je m’en félicite, car cela prouve que les élus ont su tirer parti des moyens supplémentaires disponibles.

Le programme 122, « Concours spécifiques et administration », est doté de 4,2 milliards d’euros, soit une hausse de 60 millions d’euros en crédits de paiement. Cette augmentation s’explique notamment par les dispositifs de soutien consentis par l’État après la tempête Alex et les inondations qui se sont ensuivies.

Comme je l’ai indiqué, les crédits de la mission sont globalement stables si on les compare aux années précédentes. Leur baisse par rapport à l’année 2022 ne peut toutefois nous satisfaire, car, ces crédits n’étant pas indexés sur l’inflation, qui s’accentue, toutes nos collectivités pâtiront d’une réelle diminution de leurs ressources.

Nous ne pouvons donc que regretter cette baisse, quand la période actuelle appelle au contraire une intensification des dispositifs en faveur des collectivités territoriales.

Cette contraction des crédits envoie un mauvais signal aux élus locaux. Ces derniers nous font part de leurs inquiétudes, car ils estiment que leur capacité à assurer le service public de proximité risque d’être menacée.

Les collectivités jouent un rôle crucial en matière de développement économique de leur territoire. Je rappelle que 70 % des investissements publics sont directement portés par l’échelon local. Ce sont autant d’entreprises, de professionnels et d’artisans, dont la présence est essentielle pour l’emploi local, qui sont directement concernés.

Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi de finances pour 2023 devrait conduire à une diminution des capacités d’investissement des collectivités.

Nous sommes tous fortement préoccupés par cette situation, mes chers collègues, et nous serons vigilants, dans les prochains mois, quant aux effets concrets des annonces gouvernementales en faveur des collectivités.

Plusieurs dispositifs exceptionnels ont heureusement été mis en place récemment pour accompagner les collectivités. Je pense notamment au filet de sécurité destiné aux communes et aux EPCI, qui avait été voté dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2022.

Dans mon département, le Nord, huit communes – notamment Mortagne-du-Nord, Houlpines, Wemaers-Cappel, Haveluy, Raimbeaucourt, Prouvy et Taisnières-sur-Hon – ont d’ores et déjà bénéficié de ce dispositif, et cinquante autres en bénéficieront à l’avenir. La hausse importante des coûts de l’énergie et l’inflation, subies de plein fouet par les collectivités territoriales, les exposent à d’importants surcoûts.

Ce projet de loi de finances pour 2023 prévoit des fonds pour les soutenir. Nous examinerons plusieurs amendements visant à parfaire et à rehausser ce soutien, mais à quand l’indexation de la DGF sur l’inflation ?

Je soutiendrai notamment un amendement de bon sens porté par plusieurs collègues du groupe Les Indépendants – République et Territoires tendant à corriger les effets de seuil dont peuvent être victimes certaines communes nouvelles dans le cadre de l’attribution de la dotation de solidarité rurale.

Pour l’ensemble de ces raisons, et malgré des réserves, le groupe Les Indépendants – République et Territoires accueille favorablement les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », tout en appelant à poursuivre les dispositifs de soutien en faveur de l’échelon local, pour permettre à nos élus de faire face aux difficultés financières que rencontrent les collectivités. (MM. Julien Bargeton et Jean-Pierre Corbisez applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE.)

Mme Françoise Gatel. Madame la ministre, soyez la bienvenue dans la chambre des territoires. Je ne doute pas que vous en repartirez ce soir tout à fait armée ! (Sourires.)

Au-delà des montants dont nous allons débattre aujourd’hui, je souhaite aborder le fond, c’est-à-dire l’inquiétude des élus locaux face au monde qui vient et au regard de la responsabilité qui leur incombe, aux côtés de l’État, de conduire le pays à bon port.

Ces élus sont au cœur de la vie de nos concitoyens. Ils font face à leurs doutes, parfois à leur colère, mais, dans tous les cas, ils sont tenus d’assurer les services essentiels – ceux-ci ont trait à la solidarité et à l’égalité – qu’ils rendent pour le compte de l’État.

Les collectivités – je ne doute pas que vous me rejoindrez sur ce point, madame la ministre – ne sont pas des caisses de charité : elles sont non pas un problème, mais – la crise sanitaire l’a montré – autant de solutions pour l’avenir de notre pays. Quand elles demandent, c’est donc pour assumer leurs missions de manière exigeante.

Je salue les mesures de soutien prises par l’État en faveur des collectivités. Il ne faut pas décourager de bons gestes !

Toutefois, madame la ministre, nul ne saurait éluder la frustration qu’ont pu susciter les propositions, si peu disruptives, parfois trop complexes et certainement pas à la hauteur des enjeux financiers, qu’a formulées le Gouvernement dans un contexte aussi instable. Celui-ci est en effet marqué par la grande fragilité des budgets, notamment du bloc local, et par l’impossibilité d’amortir les 11 milliards d’euros de hausse des coûts de l’énergie.

Au demeurant, la présente crise énergétique en entraînera une autre, puisque 46 % des communes ont annoncé qu’elles renonçaient à mettre en œuvre leurs projets de transition énergétique, mais aussi leurs projets d’investissement.

Or l’investissement des collectivités étant le moteur de l’économie et de l’emploi, si celui-ci s’enraye, c’est toute l’économie qui toussera fortement. Les crédits de soutien aux collectivités sont des dépenses d’investissement pour l’État.

Madame la ministre, pour les élus, gémir n’est pas de mise, car ils sont condamnés à réussir le présent et à inventer l’avenir. C’est ce qu’ils ont fait dans plus de 2 500 communes françaises, qui se sont regroupées de leur plein gré pour créer 787 communes nouvelles, afin de muscler et de pérenniser l’indispensable proximité. Depuis 2015, leur régime de dotation n’a pourtant cessé d’être chahuté jusqu’à devenir, par des vices cachés, contre-productif.

Je ne doute pas que la récente célébration de l’initiative et de la responsabilité par le Président de la République à Château-Gontier, dans la Mayenne, où l’air est certainement très inspirant, vous inspirera également, madame la ministre.

Ma question est claire : choisirez-vous, dans ce monde changeant, de décourager et de pénaliser sévèrement des élus courageux et lucides qui osent entreprendre leur avenir, ou choisirez-vous de plomber tristement leur futur ?

Faut-il rappeler que, dans 80 communes de France, aucun candidat ne s’est présenté aux élections municipales en 2014, et que ce fut le cas de 110 communes en 2020 ?

Ne nous payons pas de mots, madame la ministre : l’heure est grave, et ce n’est pas un hasard si, aujourd’hui, dans la chambre des territoires, plusieurs groupes politiques, que je salue, ont déposé un amendement visant à soutenir cette révolution silencieuse et qu’il convient de ne pas décourager : les communes nouvelles. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sylviane Noël. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, défi de la transition écologique, défi du numérique, défi économique et social, défi démographique, démocratique, sanitaire, civique, sécuritaire : nos élus n’ont jamais été confrontés à autant d’attentes et de bouleversements en tous genres, dans un contexte aussi mouvant et incertain, où leur pouvoir d’agir est entravé par une perte de pouvoir financier qui s’aggrave d’année en année.

Le vote des budgets des collectivités territoriales pour 2023 ne fera pas exception, bien au contraire, car il s’inscrit dans un contexte inflationniste hors du commun.

La clôture de l’exercice 2022 sera marquée par une dégradation nette des comptes des collectivités, du fait des surcoûts résultant de la hausse du point d’indice des fonctionnaires et des hausses des coûts énergétiques, mais aussi alimentaires, ainsi que des fournitures techniques, ce qui réduira fortement leur épargne brute et contraindra leur capacité d’investissement. Les conséquences de cette crise sont graves et menacent directement le maintien d’une offre de services de proximité.

Pour ce qui concerne l’énergie, les élus locaux attendent une compensation des mauvais choix de l’État, dont ils pâtissent. Ils ne font pas l’aumône, mais attendent simplement du Gouvernement la protection qui est due à leur territoire et à leurs habitants.

On ne peut qu’espérer que le bouclier tarifaire proposé par le Sénat soit sauvegardé à l’issue de l’examen de ce texte, tant le dispositif proposé initialement par le Gouvernement s’apparentait à une usine à gaz et tant bien peu de collectivités auraient pu, finalement, y prétendre.

À ce contexte s’ajoute l’augmentation de la masse salariale induite par la hausse de 3,5 % du point d’indice, qui emporte une charge supplémentaire d’un montant de 2,3 milliards d’euros pour nos collectivités.

En dépit des efforts consentis par les élus locaux pour tenter de contenir les dépenses et boucler leur budget en cette période de crise, l’exécutif leur a porté un coup extrêmement brutal, en réintégrant, par le biais du 49.3, les contrats de Cahors.

Le message du Gouvernement est clair : qu’importent les associations d’élus locaux, l’avis du Sénat ou le vote négatif de la majorité des députés, il imposera sa trajectoire de rigueur budgétaire aux collectivités et le mécanisme punitif aveugle qui l’accompagne !

Ce dispositif, qui concerne davantage de communes que la première édition, contraint les dépenses locales pour les cinq années à venir et s’apparente à une énième tentative de recentralisation. Nos collectivités ne pèsent pourtant au total qu’à raison de 19 % de la dépense publique, contre 30 % à 40 % en moyenne en Europe. Elles ont moins de pouvoir qu’ailleurs, alors qu’elles concentrent 75 % des investissements.

Tout l’enjeu est là : l’État doit cesser d’entraver les dynamiques locales et se recentrer sur ses missions régaliennes.

En outre, non content de la suppression de 100 % de la taxe d’habitation pour nos concitoyens en 2023, l’État revient à la charge avec la suppression d’un autre impôt local, la CVAE. Encore une fois, l’État choisit de supprimer un impôt qui ne lui appartient pas. Le lien qui unit les habitants et les professionnels d’un territoire avec le financement des services publics locaux sera totalement rompu demain.

Et pour quel résultat ? La taxe d’habitation a été supprimée, mais l’État n’a jamais prélevé autant d’impôts. Nous venons de franchir le seuil de 45 % de prélèvements obligatoires.

Ce gouvernement fait payer une nouvelle fois aux collectivités locales des choix unilatéraux qui seront lourds de conséquences.

Madame la ministre, permettez-nous de douter de la sincérité de l’annonce d’une compensation à l’euro près, qui n’a jamais été qu’un supplétif temporaire à la baisse des ressources des collectivités.

Dans ce contexte, la hausse de la DGF prévue pour 2023 est totalement insuffisante. Rappelons que la DGF est non pas un don, mais un dû. Que vaut cette hausse de 330 millions d’euros face aux 800 millions d’euros que l’inflation coûtera au bas mot aux collectivités cette année ? Finalement, le prélèvement de l’État sera supérieur à ce qu’il était lorsque la DGF était gelée.

Enfin, comment ne pas faire allusion au retrait brutal de l’État du financement de l’apprentissage dans la fonction publique, qui porte un nouveau coup aux collectivités territoriales ?

Il y a un an, le Gouvernement, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et les employeurs territoriaux avaient trouvé un accord sur un mode de financement pérenne de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale.

Par une disposition discrètement introduite par voie d’amendement dans le projet de loi de finances pour 2023, le Gouvernement est revenu sur ses engagements. Il s’agissait pourtant d’un accord donnant-donnant, par lequel les collectivités consentaient à payer une cotisation supplémentaire de 0,1 % de leur masse salariale en contrepartie du financement d’un dispositif de soutien à l’apprentissage.

Tous ces actes de défiance à l’égard des collectivités locales nuisent profondément à la confiance indispensable à toute relation et démontrent une nouvelle fois le décalage criant entre les déclarations de bonnes intentions et les actes.

En cette nouvelle période de crise, il convient pourtant plus que jamais de soutenir les locomotives de notre pays. Soyez assurée, madame la ministre, que les communes et les maires qui les administrent comptent indéniablement parmi celles-ci. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, n’étant pas un spécialiste des finances locales – à moins que nous le soyons tous au Sénat ! (Sourires.) – et étant le dernier orateur des groupes à m’exprimer, c’est avec mon cœur, en tant qu’élu du département comptant la plus grande intercommunalité de France – 158 communes et 238 conseillers communautaires –, que j’exprimerai mon ressenti.

Madame la ministre, pour ce qui concerne les collectivités locales, les actes du Gouvernement contredisent ses déclarations au point que l’on se demande si nous parlons la même langue !

Alors que le Président de République a annoncé son intention d’ouvrir un nouveau chapitre de la décentralisation, vous présentez un projet de loi de finances qui rétablit une forme de tutelle, prolongeant l’esprit des contrats de Cahors.

Alors que le Président République a confirmé sa volonté décentralisatrice, vous réduisez les crédits de la présente mission, à périmètre constant.

Et quand les maires et l’ensemble des élus locaux crient leur détresse face à l’inflation et à l’explosion des coûts de l’énergie, vous proposez un mécanisme dont on comprend finalement qu’il ne va concerner que peu de communes et dont les critères d’éligibilité sont à peine compréhensibles, y compris pour les directions départementales des finances publiques. Et tout cela, avant d’ouvrir la voie à la modification de ce dispositif…

Permettez-moi donc de m’interroger sur la politique que vous engagez à l’écart des collectivités, madame la ministre.

Pourtant, combien un nouvel acte de décentralisation serait nécessaire ! Combien la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, a profondément bousculé l’exercice des responsabilités locales, notamment en créant de grandes intercommunalités ! Six ans après, nous en subissons encore les travers et nous cherchons toujours à en corriger les excès.

En attendant, les maires des petites communes constatent chaque jour qu’ils ont perdu la table où ils comptaient pour participer à de grandes assemblées qu’ils ne comprennent plus et à des commissions où dominent les jargons du moment.

M. André Reichardt. Très bien !

M. Max Brisson. Sans remettre en cause le regroupement de 2016, ne serait-il pas temps de réfléchir à une meilleure territorialisation de l’action publique au sein des EPCI dits « XXL » ?

Si certains parlent de communes nouvelles, la résistance est là, et l’on ne peut pas l’ignorer. Peut-être faudrait-il réfléchir à une strate intermédiaire.

Alors que la proximité a montré toute son utilité lors de la crise de la covid-19, c’est peu dire que la montée en compétences des grandes communautés de communes a dissous la voix des maires des petites communes de France. Noyés dans de grands ensembles, ils ne décident plus de mesures qui auront pourtant des conséquences sur le quotidien des habitants à qui ils devront les expliquer et qui ne manqueront pas de leur demander des comptes.

Il faut donc leur apporter une réponse, madame la ministre, sous peine d’une terrible crise des vocations.

La restriction de la capacité des maires à fixer les taux a réduit leurs ressources fiscales et accru leur dépendance aux dotations et aux subventions.

Désormais, le pouvoir du maire se réduit trop souvent à demander, et éventuellement obtenir, des cofinancements pour les projets qu’il défend, alors qu’il pouvait jadis engager la commune dans une politique de long terme et se donner ainsi plus de moyens pour tenir ses engagements. Et je n’évoquerai pas les difficultés rencontrées ni le temps considérable passé à répondre à des demandes de plus en plus complexes d’une administration trop souvent verticale et éloignée, qui les corsète par des rapports, des normes et des procédures.

Pourtant, en dépit de la dépossession et de l’aspiration des compétences, combien demeure grande la vitalité communale ! C’est aux maires de ce pays qu’il faut redonner des moyens, du pouvoir et de l’espoir.

M. Max Brisson. Au contraire, à rebours de toute ambition décentralisatrice, ce budget a une matrice : il prolonge le démantèlement de la libre administration des collectivités et amplifie leur perte d’autonomie. Il s’inscrit à long terme dans une logique, celle de la soumission des communes au bloc communal, dans la droite ligne des dernières écritures de la Cour des comptes.

Il affaiblit dès à présent l’investissement local. Au fond, il exclut toute relation de confiance, donc toute ambiance sereine, propice à un nouvel et indispensable acte de la décentralisation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée. (M. Julien Bargeton applaudit.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous soumet aujourd’hui la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT), qui porte une partie de l’effort financier de l’État en faveur des collectivités.

Cet effort démontre une nouvelle fois notre soutien sans faille aux élus locaux et aux territoires, en particulier face aux défis inédits que ceux-ci doivent relever en ce moment du fait de l’inflation et de la hausse des coûts de l’énergie.

Cet effort est, bien sûr, une question de moyens. L’État est au rendez-vous, avec l’ensemble des dispositifs d’aide d’urgence – le filet de sécurité, le bouclier tarifaire et l’amortisseur électricité –, pour un montant global de 2,5 milliards d’euros, mais également avec la hausse, inédite depuis treize ans, de 320 millions d’euros de la DGF, qui permettra la hausse ou le maintien de la dotation pour 95 % de nos communes.

Cet effort est également une question de méthode. Le Gouvernement a construit ce projet de loi de finances avec les associations d’élus, dans une démarche de concertation sincère, menée bien en amont. (M. Didier Marie le conteste.)

Par la voix de Christophe Béchu et Gabriel Attal, le Gouvernement n’a cessé d’échanger avec ces associations tout du long de l’élaboration de ce budget, afin que celui-ci réponde à leurs besoins. Nous n’avons cessé d’être à l’écoute de leurs remontées de terrain comme de leurs propositions. Le Congrès des maires de France a offert un cadre précieux pour continuer ce dialogue essentiel.

Preuve de la sincérité de notre démarche, nous avons le souci de faire évoluer et d’affiner l’ensemble de ces mesures en fonction des retours des élus locaux et de l’évolution constatée de la situation dans nos territoires.

En témoignent notamment la révision de la hausse de la DGF, dont le montant envisagé initialement, de 210 millions d’euros, a été relevé à 320 millions d’euros, la mise en place de l’amortisseur électricité pour compléter le bouclier tarifaire pour l’ensemble des communes qui n’y sont pas éligibles, ou encore la volonté de simplifier les critères d’attribution du filet de sécurité et la modification du pacte de confiance que la Première ministre a annoncée en clôture du congrès des maires.

L’État s’engage résolument aux côtés des collectivités et des élus locaux. Les dispositifs financés par les crédits de la mission RCT l’attestent.

Avant d’entrer dans le détail des programmes 119 et 122 que nous examinons aujourd’hui, une vision d’ensemble de l’engagement de l’État aux côtés des collectivités territoriales au sein de ce projet de loi de finances pour 2023 me semble nécessaire.

À périmètre constant, les concours financiers de l’État aux collectivités sont en hausse de 1,4 milliard d’euros par rapport à 2022, sans compter les amendements qui seront adoptés sur la mission, notamment le complément de la compensation de la CVAE qui abondera le fonds vert.

Les deux programmes de la mission RCT – 119 et 122 – représentent à eux deux un peu plus de 8 % de ces concours financiers, soit 4,283 milliards d’euros.

Les concours financiers aux collectivités, qui regroupent les crédits de la mission, ainsi que les prélèvements sur recettes de l’État et certains transferts de TVA aux départements et aux régions, s’élèvent à 43,897 milliards d’euros en 2023.

Enfin, l’ensemble des transferts financiers de l’État aux collectivités, comprenant les dégrèvements et la fiscalité transférée, s’élève à 107,782 milliards d’euros, en hausse par rapport à 2022.

Au sein de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », le programme 119, « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements », inclut, d’une part, l’ensemble des dotations d’investissement par lesquelles l’État accompagne les projets des territoires dans une logique d’effet de levier et, d’autre part l’ensemble des compensations des charges transférées aux collectivités dans le cadre de la décentralisation ou des pertes de produits fiscaux consécutives à des réformes des impôts locaux.

L’abondement exceptionnel de 303 millions d’euros de la DSIL de l’an passé mis à part, les autorisations d’engagement des dotations d’investissement – DETR, DSIL, DPV et DSID – sont maintenues pour 2023 au même niveau qu’en 2022.

Si la DSIL exceptionnelle ne bénéficie plus de crédits en autorisations d’engagement, car elle était liée au plan de relance, l’ouverture de 215 millions d’euros de crédits de paiement est prévue, afin d’accompagner la réalisation des opérations lancées en 2020 et en 2021. Ce sont autant de crédits qui alimenteront la trésorerie des collectivités.

Quelque 1,85 milliard d’euros de dépenses d’intervention sont ainsi prévus en soutien aux projets des communes et des groupements de communes, et près de 212 millions d’euros en appui à ceux des départements et des régions.

L’ensemble des collectivités territoriales bénéficient donc d’un soutien stable et substantiel de l’État et d’un puissant effet de levier financier, au service de leurs projets sur le terrain.

Je souligne également la poursuite du plan « Marseille en grand », qui a déjà été évoqué. Les 254 millions d’euros d’autorisations d’engagement inscrits en 2022 ne sont naturellement pas reconduits dans le PLF pour 2023, mais nous prévoyons déjà 30 millions d’euros de décaissements dès l’année prochaine.

La même logique prévaut pour le plan d’action pour la Seine-Saint-Denis, pour lequel 10 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus, après les 20 millions d’euros engagés en 2022.

La DTS fait pour sa part l’objet d’un effort inédit, puisque les crédits qui lui sont consacrés augmentent de 20 millions d’euros, permettant une hausse de sa part forfaitaire, ainsi qu’une hausse de sa part incitative, afin d’améliorer les performances des services concernés et de résorber leur engorgement dommageable pour nos concitoyens. Le développement de plateformes numériques permettra d’améliorer encore les délais de délivrance.

De même, la dotation biodiversité augmente de 10,7 millions d’euros, pour atteindre le montant de 35 millions d’euros en 2023, soit une hausse de 44 % des moyens qui lui sont consacrés – ces derniers avaient déjà été doublés en 2022. Les communes dont le territoire est classé parc national, zone Natura 2000, ou dorénavant parc naturel régional bénéficieront ainsi de moyens supplémentaires.

Le programme 122, « Concours spécifiques et administration », regroupe principalement des aides spécifiques allouées par l’État aux collectivités confrontées à des circonstances exceptionnelles, telles que des événements climatiques et géologiques de grande ampleur.

Son montant, stable en autorisations d’engagement et en hausse de 27 % en crédits de paiement, témoigne de l’engagement continu de l’État aux côtés des collectivités fragilisées, en particulier face aux conséquences du réchauffement climatique.

Les suites de la tempête Alex mobilisent d’importants moyens, tant pour la réparation des dégâts que dans le cadre du fonds de reconstruction.

Les communes forestières victimes des scolytes sont par ailleurs aidées à raison de 1 million d’euros.

Face aux défis financiers inédits qu’elles connaissent aujourd’hui, l’enveloppe prévue pour les communes en grande difficulté financière est considérablement rehaussée, le montant des crédits nécessaires pour 2023 étant désormais fixé à 9 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Les collectivités d’outre-mer ne sont pas oubliées. La dotation globale de compensation (DGC) de la Nouvelle-Calédonie, par exemple, est revalorisée à hauteur de l’inflation.

Enfin, vous le savez, le Gouvernement a à cœur de favoriser la participation de toutes et tous à la vie politique de notre pays, en particulier à l’échelon local. Le remboursement forfaitisé des frais de garde des élus, que nous avons porté dans ce PLF et qui permettra d’améliorer sensiblement la vie quotidienne de ces derniers, se traduit par la sortie du dispositif de remboursement du programme 122 et son inclusion dans la DPEL. Cette dotation sera maintenue pour les communes nouvelles créées en 2023.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le constatez, la mission RCT atteste la continuité de l’action de l’État pour accompagner toutes les collectivités locales, à la fois dans les situations d’urgence et dans leurs investissements de long terme.

Cette mission témoigne à mes yeux d’un projet de loi de finances solide, qui répond aux besoins des collectivités avec le souci de n’en laisser aucune de côté.

C’est à vous, désormais, qu’il appartient de voter cette mission, dans l’intérêt général de notre pays, de nos collectivités et de nos élus – un intérêt général qui n’est pas, pour reprendre la définition de Rousseau, « la somme des intérêts particuliers », mais bien l’intérêt des individus « en tant que membres de la vie politique ».

Je pense que le PLF pour 2023 et la mission RCT, en particulier, constituent le bon équilibre entre le soutien indispensable aux collectivités en ces temps difficiles, en fonction de leurs besoins, et le nécessaire objectif collectif de maîtrise de la dépense publique.

J’espère sincèrement qu’un consensus pourra se dégager dans cette assemblée sur cette mission, à l’aune du dialogue constructif que nous avons mené ensemble et qui a conduit ce texte à évoluer.

Cet esprit de compromis et de consensus habite, comme vous le savez, l’ensemble des assemblées locales au-delà de toute logique partisane. Inspirons-nous toujours davantage de leur sens des responsabilités et de leur sagesse démocratique.

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