M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l’ensemble des propos qui ont été tenus ce matin sur les crédits pour l’année 2023.

Je souhaite revenir sur certaines de vos interventions, et, le cas échéant, éclairer la représentation nationale sur les différentes pistes de réflexion, questions ou commentaires formulés.

Premièrement, quelles que soient nos opinions politiques, il faut le dire : nous avons une loi de programmation militaire avec une déclinaison en loi de finances qui est au rendez-vous. Je ne reviendrai pas sur le chiffre historique. Si l’on regarde en valeur absolue et non en points de PIB, le budget pour 2023 est le plus important pour nos armées depuis la Seconde Guerre mondiale. C’est une réalité. Cela s’explique par les besoins technologiques et de financement dans l’innovation. J’y reviendrai.

Il est clair que l’effort budgétaire est là. Il marque une rupture avec le passé, comme certains l’ont relevé. Parfois, des diminutions de crédits ont pu être justifiées, car les formats d’armées ont évidemment bougé au fil du temps. Dans les années 1960 et 1970, il fallait tirer les conclusions du fait que la France était une puissance dotée, que les guerres coloniales et vingt ans de lutte contre le terrorisme étaient derrière nous. La dissolution du Pacte de Varsovie a entraîné un recarénage de nos armées important au cours des années 1990 ; M. le président, qui a été ministre de la défense, en sait quelque chose.

Néanmoins, depuis quelque temps, il fallait réarmer. Si je le précise, c’est que la révision générale des politiques publiques (RGPP) a laissé des traces importantes au sein du ministère des armées. De fait, certaines diminutions de crédits dans les années 2000 ont malheureusement été faites à l’aveugle, notamment la réduction des effectifs. Nous sommes enfin en train de réparer cela au travers de la loi de programmation militaire.

Quoi qu’il en soit, cette rupture avec le passé est la bienvenue. Elle prend du temps. Plusieurs d’entre vous sont revenus sur la disponibilité du matériel. Par exemple, il est clair qu’il faut un moment entre l’instant où un programme naval se décide et la disponibilité du navire en mer. Les années 2023, 2024 et 2025 vont être précieuses, car elles seront, par inertie, le résultat opérationnel des décisions adoptées par vous-mêmes en 2017, 2018 et 2019. La France n’a pas disposé – je le rappelle – de la dissuasion nucléaire du jour au lendemain : il a fallu une programmation sur pratiquement dix ans.

L’inflation ne doit pas faire mentir l’effet recherché. Nous avons proposé une solution en gestion avec les reports de charges, sur laquelle vous êtes revenus ; la pratique est ancienne. Ne faisons pas mine de la découvrir. Elle n’est pas insincère, dès lors que nous l’avons documentée devant le Parlement, en apportant des précisions ; nous ne faisons pas les choses en cachette pour mieux vous mettre devant le fait accompli. Nous vous informons au moment où nous ouvrons les crédits ou, en tout cas, au moment où nous vous proposons de les ouvrir.

Nous prenons un risque, mais les reports de charges ne relèvent pas de l’insincérité budgétaire. Bien malins ceux qui savent combien de temps durera la dynamique d’inflation !

Nous discutons également de cela avec les différents fournisseurs, notamment les industriels. Je le précise, il n’y a aucun agio en tant que tel. Les agios, d’ailleurs, sont parfois applicables aux industriels, en cas de retard de leur part. Finalement, tout cela s’annule.

Ces reports de charges sont une proposition que nous mettons sur la table pour avancer. Lorsque les facteurs ou le coût des facteurs étaient favorables aux armées, personne ne s’interrogeait sur ce point. Légitimement, vous auriez également pu demander à ce moment-là : « Monsieur le ministre, comment se fait-il que vous ayez acheté en 2017, 2018 et 2019, alors que le coût des facteurs était particulièrement favorable, plus de matériel que ce dont vous aviez besoin ? ». C’est aussi une réalité. C’est une forme de jeu qu’il faut assumer démocratiquement et en transparence avec le contribuable et les parlementaires : nous l’avons fait.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis surpris que, ce matin, vous ayez enjambé l’ouverture historique de crédits en loi de finances rectificative. La plupart de vos interventions sont satisfaites par ce que vous avez vous-même voté voilà maintenant quelques semaines : plus d’un milliard d’euros supplémentaires pour le ministère des armées !

En plus de la marche qui, en vertu de ce que vous avez voté, était prévue pour 2022, plus d’un milliard d’euros de crédits ont été ouverts, notamment pour faire le retex Ukraine et réaliser la mission Aigle, relative au réassort du flanc Est de l’Otan.

Il est, me semble-t-il, assez baroque de nous reprocher que certains crédits soient pris sous plafond de la LPM alors que vous les avez précisément ouverts en plus ! En d’autres termes, pour 2022, nous ne sommes déjà pas loin des 3 milliards d’euros – 2,8 milliards d’euros ou 2,9 milliards d’euros sont ouverts – alloués au ministère des armées. C’est factuel.

Avant 2021, il n’y avait aucune ouverture de crédits dans la loi de finances rectificative. En 2021, 150 millions d’euros ont été ouverts. En 2022, on parle d’un milliard d’euros supplémentaires. C’est une réalité. Il fallait satisfaire la demande d’aide de l’Ukraine. Je remercie les divers orateurs qui sont revenus sur ce point si important de notre actualité stratégique.

Je ne sais pas qui a mal informé la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées en assurant qu’il n’y aurait eu aucune commande de munitions ces derniers mois.

M. Christian Cambon. De munitions complexes !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Puisque vous évoquez les munitions complexes, je vais vous donner les chiffres. En 2022, 200 missiles de moyenne portée ont été commandés en novembre, 5 000 obus de 155 millimètres en août, 8 000 charges modulaires cet été, 35 millions de cartouches sur l’année. Et il y a déjà 100 Mistral qui sont commandés ; c’est en cours. (M. Cédric Perrin le conteste.)

Je ne sais pas quelles sont vos sources. Une nouvelle fois, je me suis engagé devant vous et devant la commission lors de l’examen de ces crédits en vous indiquant que nous procédions aux commandes. Je vous confirme que c’est fait.

Il est vrai que certaines commandes demandent du temps, puisque les industriels sont minutieux dans la négociation des contrats et que, de notre côté, nous sommes vigilants avec l’argent du contribuable.

Je précise aussi que nous allons procéder à des commandes de missiles Aster en lien avec l’Italie.

Notre engagement a donc été respecté. Le chef d’état-major des armées et moi-même nous étions engagés devant la représentation nationale à tirer rapidement les conclusions de la situation en Ukraine en matière de munitions. C’est donc chose faite.

Deuxièmement, une loi de programmation n’est pas une loi de fixation des crédits. Sinon, nous ne serions pas ensemble ce matin. Ce sont évidemment les parlementaires qui ouvrent chaque année en loi de finances les autorisations d’engagement et les crédits de paiement.

Il ne faut pas que la LPM soit source de rigidités stratégiques. Ce serait une erreur. La LPM donne un cadre, une visibilité. Elle permet d’engager des dépenses importantes sur plusieurs années, notamment pour les programmes d’équipement. La dissuasion nucléaire dans les années 1960 a entraîné l’élaboration d’une programmation militaire ; il n’y en avait pas auparavant. Nos équipements appellent une inertie budgétaire de cinq ans, dix ans, quinze ans ou vingt ans. Il fallait donc une telle programmation pour des raisons d’utilisation de l’argent du contribuable, mais aussi de transparence démocratique.

Il est clair que cette année 2023 est, pour de nombreuses raisons, une année de tuilage entre la LPM en cours, qui est consacrée – je le disais – à la réparation, et la loi de programmation militaire prochaine, que je qualifierais de transformation de nos armées et d’adaptation.

« Dis-moi tes dangers, je te dirai quelle doit être ton armée ! » À mon sens, nous ne sommes pas suffisamment revenus sur ce point ce matin.

Nous avons parlé d’engagement majeur, de conflit de haute intensité. Pourtant, dans les discours ou déclarations, tantôt on prenait acte que la dissuasion nucléaire permet de défendre nos intérêts vitaux, tantôt, quelques minutes après, on indiquait que notre armée de terre n’était pas capable de tenir un front de plus de quatre-vingts kilomètres à la frontière. Il y a là une incohérence. Le général de Gaulle, Pierre Messmer, Michel Debré et Georges Pompidou ont déjà tranché la question de nos intérêts vitaux.

Je vous remercie, madame Conway-Mouret, d’être revenue sur la dissuasion, qui participe aux efforts budgétaires importants de l’année prochaine, notamment du côté des têtes au travers du budget du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), et plus précisément de sa direction des applications militaires. Les efforts sont également réels du côté des vecteurs, comme le programme Rafale, qui participe aux forces aériennes stratégiques.

Surtout, madame la sénatrice, les crédits que vous allez adopter dans un instant – j’ai entendu votre position de vote – prévoient la modernisation des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) notamment du programme SNLE 3G. Monsieur Cambon, si vous le souhaitez, je reviendrai sur la dissuasion devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, dans un format ad hoc. Il est clair que l’effort est important dans la perspective de la prochaine LPM.

Les menaces s’accumulent. Le sénateur Temal est revenu sur l’Indo-Pacifique. Plusieurs d’entre vous ont abordé les différents enjeux de sécurité, y compris les risques hybrides, c’est-à-dire sous la voûte nucléaire. J’en veux pour preuve l’attaque cyber, ce jour, sur un hôpital, ou la guerre dite informationnelle.

Dès lors que nous bénéficions de la voûte nucléaire, au fond, la vraie réflexion ne tourne pas tellement autour du modèle conventionnel, mais autour des menaces qui peuvent guetter un pays doté. L’hybridité, la difficulté d’attribuer certaines attaques, les actes terroristes conventionnalisés – on le voit bien au travers des agissements de la milice paramilitaire Wagner – sont des sources de préoccupation. Elles guideront en grande partie la réflexion à venir.

Je suis frappé par le fait que, ce matin, nous n’avons pas suffisamment débattu des missions. Qu’attend-on de nos armées ? En fonction de ce que nous attendons, nous y verrons clair sur les moyens capacitaires.

Je remercie ceux d’entre vous qui ont parlé de l’Otan, car nos alliances carènent également notre capacité d’action. Parler de nos alliances ne revient pas à renoncer à notre autonomie stratégique et à la diplomatie autonome que nous souhaitons. Il existe évidemment à ce sujet des différences politiques entre nous. Elles ne datent pas d’hier.

Une fois de plus, il n’est pas possible de regarder uniquement le pourcentage de mobilisation de telle ou telle ligne budgétaire. Il faut dézoomer et regarder l’ensemble dans sa complexité. Les menaces déterminent le carénage des moyens à mettre en place.

Troisièmement, je pense que chacun doit prendre ses responsabilités dans ce moment particulier. J’entends les propos qui ont été tenus sur l’export de Rafales et de frégates. J’en prends acte. Comme je l’ai indiqué moi-même devant la commission, je ne souhaite plus que le stock des armées serve de stock tampon.

Pour autant, ceux qui condamnent nos choix sur les Rafales et les frégates sont les mêmes que ceux qui, voilà cinq ans ou dix ans, pointaient du doigt les échecs d’export du Rafale ; les mêmes défendent actuellement Dassault comme s’ils étaient attaqués par l’Allemagne…

Pour être réactifs, nous n’avions pas d’autre choix que de puiser dans nos stocks. Nous avons été victimes de notre propre succès. Cela a-t-il vocation à se reproduire ? La réponse est non. Je l’affirme devant la représentation nationale. Il est important de le répéter.

Se séparer de dix-huit canons Caesar ne met pas en danger la nation française. À cet égard, les propos de Mme Le Pen dans la presse étaient tout à fait stupéfiants. Cela revient à nier la qualité des armées, celle des autres équipements et, comme plusieurs sénateurs l’ont souligné, le rôle de la dissuasion nucléaire dans la défense de nos intérêts vitaux. N’allons pas inquiéter les Français de manière absurde avec des raisonnements et des argumentaires complètement extravagants sur la réalité de notre capacité à assumer et à assurer la sécurité de la nation française.

Il faudra aussi que chacun clarifie ses positions sur la question des alliances. Notre appartenance à l’Otan, rappelons-le, a tout de même fait l’objet de déclarations ahurissantes de la part de candidats à l’élection présidentielle cette année. Entre-temps, nous avons élargi le périmètre de l’Otan – cela vient d’être rappelé – à deux pays. Cela doit guider notre réflexion stratégique ; je crois que la revue nationale stratégique le fait.

Un parlementaire a évoqué notre « échec » en Afrique. Je ne parlerai pas d’échec : nos forces armées n’ont pas échoué en Afrique. Barkhane a été un succès. Le terrorisme a été combattu avec beaucoup de courage par les forces armées françaises, avec des pertes et des blessés.

Si l’État malien, son gouvernement, ne prend pas ses responsabilités dans la lutte actuelle contre le terrorisme, en aucun cas, cela ne doit tomber sur les épaules de l’armée française, qui a fait un travail absolument remarquable. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains. – Mme Hélène Conway-Mouret applaudit également.)

Il faudra que nous parlions de nouveau de la lutte contre le terrorisme. L’Ukraine ne doit pas écraser l’enjeu sécuritaire au Sahel. Je suis à votre disposition pour revenir sur notre positionnement militaire en Afrique, à l’aune de la guerre informationnelle, à l’aune de l’accentuation de la lutte contre le terrorisme par certains États l’érigeant comme priorité.

Monsieur Cambon, vous avez raison de préciser qu’une telle politique doit entraîner les Français. Déjà, cela représente beaucoup d’argent. Nous finissons par manœuvrer les milliards en ajoutant qu’ils ne sont pas suffisants, alors que certains pourraient nous mettre en garde en demandant à quoi servira ce montant.

Nous avons le devoir de souder les Français. Certes, la question militaire ne peut pas être consensuelle. La première loi de programmation militaire, défendue par Pierre Messmer à l’Assemblée nationale, a fait l’objet – rappelons-le – de quatre recours à l’article 49.3, ayant donné lieu à quatre motions de censure. À l’époque, le Sénat avait refusé la discussion de cette loi de programmation militaire, en opposition aux gaullistes. Tout cela doit évidemment nous faire réfléchir.

En tout cas, je demeurerai à la disposition du Sénat pour créer les voies d’un consensus. Je défends les groupes de travail que nous avons mis en place ; ils permettent de faire remonter la voix d’individus et d’associations. Le groupe de travail « Réserve » comprend de nombreux intervenants, car il existe de nombreuses associations de réservistes dans notre pays. Faut-il commencer à trier l’entrée du groupe de travail ? Je ne le crois pas.

Monsieur Cambon, je reste à la disposition du Sénat, selon les modalités que vous jugerez utiles. Peu importent les moyens ; seul le résultat compte ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Défense
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2023
Article 42 (début)

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Défense

62 005 443 014

53 116 463 423

Environnement et prospective de la politique de défense

1 989 843 904

1 906 207 690

Préparation et emploi des forces

12 528 733 323

12 032 208 253

Soutien de la politique de la défense

23 898 037 127

23 773 911 734

 Dont titre 2

22 416 354 127

22 416 354 127

Équipement des forces

23 588 828 660

15 404 135 746

M. le président. L’amendement n° II-1266, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

Préparation et emploi des forces

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

Équipement des forces

214 638 063

214 638 063

TOTAL

0

214 638 063

0

214 638 063

SOLDE

- 214 638 063

- 214 638 063

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Il s’agit d’un amendement d’appel. Comme l’a indiqué notre collègue Michelle Gréaume, nous sommes interrogatifs sur le programme du futur porte-avions et sur sa compatibilité avec les orientations qui sont données s’agissant des conflits de haute intensité.

S’agit-il d’élever le niveau de haute intensité de notre interventionnisme ou s’agit-il d’autre chose ? Nous nous interrogeons sur la vulnérabilité de ce système d’armement, qui demande, pour être sécurisé, a fortiori dans un conflit de haute intensité, des moyens considérables. Les 5 milliards d’euros inscrits ne sont probablement que les premiers sur un tel programme.

Nous nous interrogeons également sur les enjeux de souveraineté. Rappelons-nous, par exemple, après notre refus de participer à la guerre en Irak en 2003, qu’il avait fallu attendre deux ans pour lever l’embargo américain sur certains composants et pièces détachées, dont les catapultes du Charles-de-Gaulle.

Pour toutes ces raisons, nous avons beaucoup d’interrogations sur les 5 milliards d’euros qui sont consacrés à ce programme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Nous avons bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. S’il était adopté, les interrogations de nos collègues ne pourraient pas trouver de réponses, puisque les crédits destinés à réaliser des études seraient ainsi supprimés. Cela entraînerait en outre un allongement certain des délais et une remise en cause de l’un des fleurons de l’armée française : l’aéronavale.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Nous avons besoin d’études pour le porte-avions et pour le volet propulsion nucléaire. Elles sont également utiles pour la nouvelle génération des SNLE 3G et la classe de sous-marins nucléaires d’attaque Barracuda. Nous devons garder une autonomie française. C’est lié à notre dissuasion.

Il est trop tôt pour déterminer si nous aurons besoin ou besoin d’un nouveau porte-avions. Mais nous actons que c’est le cas. Je suis un militant du fait de garder un groupe aéronaval. Je pense qu’il est très compliqué de parler d’Indo-Pacifique et d’avoir des partenariats avec de grandes marines, notamment l’Inde, sans disposer d’un groupe aéronaval. Il me semble aussi qu’un groupe aéronaval peut avoir du sens pour la défense éventuelle de nos territoires d’outre-mer.

Néanmoins, il ne faut pas balayer d’un revers de main vos arguments, monsieur le sénateur. La question de la vulnérabilité sur un engagement majeur revient souvent. J’ai demandé que l’état-major de la marine soit à la disposition des parlementaires dans le cadre de la construction de la prochaine LPM pour mieux réaffirmer les missions opérationnelles. Qu’attend-on d’un porte-avions ?

Nous demandons donc le retrait de l’amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable, même si je comprends l’appel à la réflexion sur un tel sujet.

M. le président. Monsieur Laurent, l’amendement n° II-1266 est-il maintenu ?

M. Pierre Laurent. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-1266 est retiré.

L’amendement n° II-1263, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

80 000 000

80 000 000

Préparation et emploi des forces

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

Équipement des forces

80 000 000

80 000 000

TOTAL

80 000 000

80 000 000

80 000 000

80 000 000

SOLDE

0

0

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Cette fois, ce n’est pas un amendement d’appel.

Cet amendement a déjà été déposé par les trois députés de Polynésie française, qui, comme vous le savez, siègent au sein du groupe de la Gauche démocrate et républicaine à l’Assemblée nationale.

La France dispose du deuxième territoire maritime au monde. Pourtant, nos lacunes capacitaires pour assurer notre souveraineté sur la zone économique exclusive polynésienne sont nombreuses.

Cela pour conséquence l’intrusion courante de thoniers étrangers dans cette zone économique, réduisant la quantité de ressources halieutiques disponibles pour le peuple polynésien et altérant la biodiversité marine de son territoire.

L’acquisition de deux patrouilleurs outre-mer, dont la mise en service est prévue pour les années 2024 et 2025, permet une modernisation des moyens de surveillance et de protection de la marine nationale. Toutefois, le nombre reste insuffisant pour couvrir une zone de surveillance dont la superficie est de plus de 5 millions de kilomètres carrés.

L’acquisition de deux patrouilleurs outre-mer supplémentaires permettrait de rendre véritablement efficace notre capacité de surveillance dans cette zone économique polynésienne. C’est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Je remercie le sénateur Laurent de son analyse de la situation. En effet, dans un rapport que j’ai remis récemment au nom de la commission des finances, je suis arrivé aux mêmes conclusions. Pour autant, je n’en tire pas la même conséquence s’agissant de cet amendement. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le débat me semble important. Il doit trouver sa place dans le volet souveraineté nationale de la prochaine LPM.

La commission demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement, faite de quoi l’avis serait défavorable.

D’abord, le sujet relève évidemment de la prochaine LPM.

Ensuite, l’amendement est en partie satisfait, puisqu’un nouveau patrouilleur outre-mer arrive cette année.

Enfin, vous avez raison, monsieur Laurent : il va falloir durcir la protection des outre-mer. Je souhaite qu’il y ait un titre consacré à l’outre-mer dans la loi de programmation militaire.

La réponse passera-t-elle forcément par un bateau ? Je n’en suis pas complètement certain. L’utilisation de drones, par exemple, peut s’envisager sur un territoire comme la Polynésie, qui est grand comme l’Europe. La question de l’envoi de patrouilleurs dans le ciel se pose également.

À ce stade, je ne suis pas certain que la solution passe par des moyens maritimes. La réflexion sur ce point fait partie du travail qui est mené actuellement. Nous pourrons y revenir dans le cadre de la préparation de la LPM.

Je termine sur un clin d’œil de forme. Je ne parlerais pas de « peuple polynésien », même si je sais que vous l’avez fait sans malice. Les Polynésiens font intégralement partie du peuple français.

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.

M. Rachid Temal. Si nous considérons, à l’instar de M. Laurent et du ministre, qu’il est vraiment nécessaire de renforcer notre présence militaire et halieutique au sein de l’Indo-Pacifique et, plus largement, outre-mer,, nous estimons que cela relève d’une LPM, et non d’un amendement au PLF. Par conséquent, nous nous abstiendrons.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1263.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-1257 rectifié ter, présenté par MM. Guerriau et Patriat, Mme N. Delattre, MM. Chasseing, Médevielle, Henno et Bonnecarrère, Mme Belrhiti, MM. Haye, Mizzon, Decool, Wattebled et Capus, Mme Paoli-Gagin, M. Lagourgue, Mme Mélot et MM. Grand, Menonville, Houpert et Longeot, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

Préparation et emploi des forces

30 800 000

20 400 000

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

43 200 000

2 800 000

Équipement des forces

74 000 000

23 200 000

TOTAL

74 000 000

74 000 000

23 200 000

23 200 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. L’armée nourrit quotidiennement des convives aux profils variés, puisqu’il s’agit à la fois de civils et de soldats. Elle dispose d’infrastructures : cuisines centrales, centres de production, remorques équipées, etc.

Depuis de nombreuses années, la situation est tendue dans les restaurants des armées. Aussi, en 2019, Mme la ministre Parly soulignait le besoin d’investir massivement dans des équipements et infrastructures, de manière progressive, entre 2020 et 2025. Si une partie de l’activité a été externalisée à l’économat des armées, 197 restaurants devaient être maintenus en régie.

L’amendement que nous proposons vise à abonder les crédits du programme 212, « Soutien de la politique de la défense », et 178, « Préparation et emploi des forces », afin de réhabiliter les restaurants de nos armées.

Au cours de nos rencontres de terrain, nous avons été alertés à plusieurs reprises sur le besoin d’accélérer les travaux de rénovation. Nous devons à nos militaires une restauration de qualité et, comme la crise du covid-19 l’a démontré, de bonnes conditions d’hygiène.

Aussi, le choix d’une politique de recrutement à la hausse implique que le soutien logistique suive. À la suite des réformes conduites entre 2008 et 2015, le service du commissariat des armées a perdu pas moins de 30 % de ses effectifs, avec la suppression de 9 000 postes. Ces réformes ont également entraîné une sous-capitalisation chronique dans les infrastructures et l’équipement de nos armées. Nous savons, mes chers collègues, l’importance de la qualité du soutien, pourtant trop souvent délaissée au profit de l’opérationnel.

Dans la mesure où nous devons respecter l’équilibre budgétaire, il me semble que nous pouvons trouver des marges de manœuvre à partir du programme 146. Nous proposons une minoration raisonnable en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, eu égard à l’importance du budget alloué au programme 146. Ce programme pourra maintenir notre ambition d’améliorer et de renouveler l’ensemble de nos capacités.

Depuis 2017, les crédits du programme 146 – je le rappelle – ont augmenté de 50 %, passant de 10 milliards d’euros à 15,4 milliards d’euros. Au total, ce programme représente plus de 35 % des crédits de l’ensemble de la mission « Défense ».

C’est la raison pour laquelle un tel rééquilibrage me semble possible. Il est très important de mieux doter la fonction de restauration.