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CONFERENCE SUR LE THEME : "FAUT-IL REFORMER LE SENAT ?"
(mercredi 11 avril 2001, à Aix-en-Provence)
Monsieur le Recteur de l'Académie d'Aix-en-Provence,
Monsieur le Président de l'Université,
Monsieur le Doyen de la Faculté de droit et de sciences politiques,
Monsieur le Directeur de l'Institut d'études politiques et de l'Institut Portalis,
Monsieur le Directeur du Département des sciences juridiques et morales,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, chers étudiants,
Je ne vous cacherai pas le réel plaisir que j'éprouve à être parmi vous, ce soir, pour débattre d'un sujet qui me tient tout particulièrement à coeur : le Sénat de la République,... notre Sénat.
Je voudrais également vous rassurer en vous assurant que le caractère légèrement provocateur de la question posée, à savoir " Faut-il réformer le Sénat ", m'interdira de recourir à l'usage de la langue de bois ou à l'art de l'esquive.
C'est donc de manière simple, franche et directe que je me livrerai à cette " opération vérité ".
D'emblée et selon une tradition universitaire bien éprouvée, je m'interrogerai, à voix haute, sur le sens et la portée du verbe " réformer ".
S'il s'agit de réformer le Sénat au point de gommer sa spécificité pour en faire une copie conforme de l'Assemblée nationale ... alors ma réponse sera clairement et fermement négative. S'il s'agit, à l'inverse, de modifier sa physionomie pour le transformer en une assemblée simplement consultative, à connotation socio-professionnelle, alors ma réponse sera encore négative. Car dans ces deux cas, l'atteinte portée au bicamérisme équilibré se traduirait par une altération profonde de la nature même de nos institutions.
Je suis en effet fondamentalement, - j'allais dire viscéralement -, attaché au bicamérisme équilibré conçu comme le partage du pouvoir législatif entre deux assemblées parlementaires de plein exercice, mais suffisamment différenciées entre elles, pour permettre des représentations différentes, mais complémentaires, d'une même entité : la souveraineté nationale.
Pour moi, le bicamérisme constitue la forme la plus achevée de la démocratie représentative qui s'analyse, depuis Montesquieu, comme un système de freins, de contre-poids et de contre-pouvoirs.
Mon crédo bicaméral trouve sa source et sa force dans plusieurs arguments ou constatations issus tant de l'histoire que de la géographie.
L'histoire, c'est l'histoire institutionnelle de notre pays où le bicamérisme est une réalité multiséculaire puisqu'il a vu le jour en 1795 avec l'instauration d'une seconde chambre en réaction contre les excès d'une chambre unique, la Convention, qui avait fait régner la Terreur... Mais le véritable ancêtre du Sénat actuel, après la parenthèse des secondes chambres conservatrices ou aristocratiques des deux Empires, de la Restauration et de la Monarchie de juillet, est sans conteste le Sénat de la IIIème République, Sénat conquérant qui s'était arrogé le pouvoir de contraindre les gouvernements à la démission.
Constante de notre paysage institutionnel, le bicamérisme semble également répondre aux aspirations profondes des Françaises et des Français.
C'est ainsi qu'à deux reprises, le peuple français a rejeté des textes " sénaticides " qu'il s'agisse, en avril 1946, du premier projet de Constitution de la IVème République qui prévoyait une assemblée unique ou, en avril 1969, du projet de révision de la Constitution, dont l'objet était d'opérer une fusion entre le Sénat et le Conseil économique et social.
Bien plus, l'attachement de nos concitoyens au bicamérisme semble se renforcer, en dépit - ou en raison -, des attaques dont fait l'objet le Sénat.
C'est ainsi qu'en mai 1998, au lendemain des propos tenus par M. le Premier ministre sur la prétendue " anomalie " que constituerait le Sénat, 53% des français interrogés jugeaient indispensable, pour le débat démocratique, de disposer de deux assemblées parlementaires. En septembre 2000, ils étaient 59 % à partager cette saine et sage opinion...
Consacré par l'histoire, le bicamérisme est également plébiscité par la géographie. En effet, on assiste dans le monde, depuis la chute du mur de Berlin, la libération du joug soviétique des Etats de la partie centrale et orientale de l'Europe et la marche vers la démocratie de certains pays d'Afrique et d'Asie, à un véritable engouement pour le bicamérisme.
Deux chiffres témoignent de cette vitalité du bicamérisme : en 1970, on dénombrait 45 Sénats ou secondes chambres dans le monde. Aujourd'hui, ils sont 70 et 12 autres sont en gestation.
Tout se passe comme si le bicamérisme constituait pour les jeunes démocraties d'Europe centrale et orientale, d'Afrique et d'Asie la forme la plus achevée de la démocratie, une sorte de " nec plus ultra démocratique ".
Frappé par la vitalité et le dynamisme de ce phénomène de floraison de Sénats à la surface du globe, j'ai pris l'initiative de réunir tous les Sénats du monde pour un Forum, le premier du genre, qui s'est tenu au Palais du Luxembourg, le 14 mars 2000.
Ce forum, fort intéressant, a contribué à l'émergence d'une prise de conscience du patrimoine commun des Sénats du monde.
Au-delà du constat de la diversité des deuxièmes chambres, le Forum a en effet permis de dégager la triple fonction que remplissent, ensemble, les Sénats.
D'abord, une fonction de représentation des Etats fédérés ou des collectivités territoriales au-delà de la représentation strictement démographique qu'assume la chambre basse.
Ensuite, une fonction de consolidation de l'assise démocratique des Etats en assurant la représentation de groupes, d'ethnies ou de minorités qu'une représentation strictement et mathématiquement démographique pourrait laisser sur le bord du chemin.
Enfin, le bicamérisme apparaît comme un gage d'efficacité par sa fonction d'amélioration de la production législative. En effet, la navette parlementaire assure un plus grand respect du principe du contradictoire, laisse le temps de la maturation et permet à un nombre accru d'avis de s'exprimer.
Ce Forum des Sénats du monde ne restera pas sans lendemain : " l'internationale sénatoriale " va vivre. D'abord, sous la forme de déclinaisons régionales, comme le Sénat des pays africains et arabes qui s'est tenu à Nouakchott en février dernier.
Ensuite, sous une forme plus pérenne, avec la création à mon initiative, en novembre dernier, de l'Association des Sénats d'Europe qui réunit, lorsqu'ils existent, les Sénats des pays membres de l'Union européenne et les secondes chambres des pays candidats à l'adhésion.
Comme vous pouvez le constater, chers amis, le bicamérisme, vu de Sirius et non pas à travers le prisme réducteur du " microcosme parisiano-politicien " est, à l'évidence, une idée d'avenir, une idée qui a le vent en poupe.
C'est à la lumière de ce contexte international particulièrement porteur pour le bicamérisme, qu'il convient d'examiner les voies et moyens d'une possible réforme du Sénat français.
Deux objectifs me semblent devoir être assignés à cette réforme :
· en premier lieu, préserver et même renforcer la spécificité du Sénat ;
· en second lieu, - et cette expression peut sembler paradoxale après cet éloge de la différence -, " banaliser ", - pour ne pas dire " normaliser " -, l'existence de la Haute assemblée pour lui permettre de conforter son rôle de contre-pouvoir indispensable à notre démocratie.
*
* *Préserver et même renforcer la spécificité du Sénat, tel est le premier objectif que doit poursuivre une réforme raisonnable du Sénat.
A cet égard, il faut être conscient que le Sénat de la République française constitue un modèle unique en Europe.
Loin de s'apparenter à une " anomalie ", cette exception française constitue le fondement même de l'utilité du Sénat et, partant, de sa raison d'être.
En effet, par rapport à ses homologues ou analogues européens, et même mondiaux, le Sénat français présente la particularité féconde d'être une assemblée parlementaire à part entière qui exerce, en outre, - c'est un enrichissement, un bonus constitutionnel-, une fonction de représentation des collectivités territoriales.
Le Sénat est une assemblée parlementaire à part entière qui assume, à égalité avec l'Assemblée nationale, son métier de législateur et sa fonction de contrôleur.
S'agissant du métier de législateur, cette affirmation d'un bicamérisme égalitaire peut sembler provocatrice.
Pourtant si l'on y regarde de plus près, le Sénat est l'égal de l'Assemblée nationale pour la révision de la Constitution et l'adoption des lois organiques relatives au Sénat car il dispose, en cette double occurrence, d'un droit de veto. Cette dernière catégorie de textes est d'ailleurs en expansion, - comme l'univers -, puisque le Conseil d'Etat, dans un avis récent, a considéré que le texte réformant l'ordonnance organique relative aux lois de finances constituait une loi organique relative au Sénat.
Pour les lois ordinaires, la Constitution " loge " l'Assemblée nationale et le Sénat à la même enseigne.
C'est ainsi que les sénateurs disposent comme les députés de l'initiative des lois, c'est-à-dire du pouvoir de déposer des propositions de loi.
Par ailleurs, le Sénat exerce, dans le cadre de l'article 34 de la Constitution, la même compétence législative que l'Assemblée nationale. C'est une compétence générale qui s'oppose à la compétence spécialisée ou d'attribution du Bundesrat allemand.
Bien plus, la lettre de l'article 45 dispose que " tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique ".
On peut déduire de cette rédaction que pour le Constituant de 1958, la poursuite de la navette jusqu'à la réalisation d'un accord entre les deux assemblées représentait le procédure normale d'adoption de la loi. En conséquence, la " procédure abrégée ", avec la réunion, à la demande du Gouvernement, d'une commission mixte paritaire et le dernier mot donné à l'Assemblée nationale, ne revêtait qu'un caractère exceptionnel.
Mais force est de constater que la pratique en a décidé autrement : l'exception est devenue le droit commun, en raison de l'empressement des Gouvernements, toutes tendances politiques confondues, à faire adopter leurs textes.
En définitive, notre bicamérisme est égalitaire tant que le Gouvernement n'en décide pas autrement.
Concernant la fonction de contrôle de l'action du Gouvernement, le Sénat dispose de pouvoirs rigoureusement identiques à ceux de l'Assemblée nationale, qu'il s'agisse des techniques de " questionnement " (auditions, questions écrites, questions orales, questions orales avec débat ou questions d'actualité au Gouvernement) ou des pouvoirs d'investigation (pouvoirs de contrôle sur pièce et sur place des rapporteurs spéciaux de la commission des finances désormais étendus à toutes les commissions ; commissions d'enquête).
Non seulement le Sénat dispose des mêmes armes que l'Assemblée nationale mais, en outre, il est enclin à en faire un usage plus fréquent. En effet, alors que l'Assemblée nationale, dans sa majorité, est, par définition, le support du Gouvernement, le Sénat, quant à lui, est parfois dans l'opposition...
Pour ma part, je suis convaincu que le contrôle doit devenir une " seconde nature " ainsi qu'une activité permanente du Sénat.
C'est pourquoi je milite en faveur d'une accentuation de cette fonction tant par une réactivation des commissions d'enquête (il y en a eu 3 au cours des deux dernières années : effectifs d'enseignants ; sécurité en Corse ; prisons et une est en cours sur les farines animales) que par une utilisation, quasi systématique, des pouvoirs d'investigation des commissions permanentes.
Telle est la voie dans laquelle se sont engagées la commission des finances et la commission des affaires sociales du Sénat avec des " opérations coup de poing " pour faire la lumière sur la fameuse " cagnotte " budgétaire, le financement des 35 heures et le fonds de retraites.
Assemblée parlementaire à part entière, le Sénat dispose en plus d'un bonus constitutionnel : sa mission de représentant des collectivités territoriales de la République qui a été réaffirmée, de manière solennelle, par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 6 juillet 2000.
Emanation des collectivités territoriales, le Sénat est le défenseur, naturel et privilégié, des pouvoirs locaux.
En effet, par son mode d'élection, le Sénat " baigne " dans les collectivités locales comme un poisson dans l'eau...
C'est ainsi que le collège électoral des sénateurs, dont l'effectif total s'élève à environ 140.000 grands électeurs, est composé pour près de 96 % par des délégués des communes, ces " cellules de base de la démocratie ".
" Grand Conseil des communes de France ", pour reprendre l'expression utilisée par Gambetta dans son discours de Belleville, en 1875, le Sénat a été renforcé par la décentralisation dans son rôle de défenseur des collectivités territoriales dont il s'acquitte de deux manières.
En premier lieu, le Sénat s'est érigé en protecteur de l'autonomie locale, tant dans ses activités de législateur que dans sa mission de contrôleur.
C'est ainsi que le Sénat s'est progressivement doté pour l'examen des textes relatifs aux collectivités locales, d'un corps de doctrine qui transcende largement les clivages politiques.
Faute de temps, vous me permettrez de vous renvoyer, pour l'analyse de ce corps de doctrine, à la lecture de l'excellente thèse de doctorat intitulée " Le Sénat et la décentralisation " dont l'auteur n'est autre qu'Alain Delcamp, ici présent.
Par ailleurs, dans sa mission de contrôleur, le Sénat tend à devenir le veilleur et le gardien vigilant de la décentralisation qu'il considère comme une réforme bénéfique dans la mesure où elle libère les initiatives et les énergies locales, constitue un facteur d'efficience de l'action publique et contribue à l'essor de la démocratie de proximité.
Bien plus, le Sénat estime que cette réforme est inachevée et une mission sénatoriale d'information a formulé récemment des propositions précises pour " l'Acte II de la décentralisation ".
Sans doute faudrait-il aller plus loin dans ce rôle d'aiguillon du Gouvernement, en créant, au sein du Sénat, un observatoire permanent de la décentralisation qui pourrait, comme l'a suggéré Pierre Mauroy, établir, chaque année, un rapport sur l'état de la décentralisation et de l'aménagement du territoire.
En second lieu, le Sénat s'emploie, depuis deux ans et demi, à devenir la Maison des collectivités locales.
Cette quête de la proximité se traduit, tout d'abord, par l'organisation des Etats généraux des élus locaux que je tiens dans chaque région.
Ces Etats généraux, dont la prochaine édition aura lieu à Marseille, le 15 juin, portent sur des thèmes précis comme la sécurité juridique, l'intercommunalité, les finances, l'eau... Ils sont préparés par l'envoi préalable d'un questionnaire pour mieux prendre le pouls des élus locaux et la mesure de leurs préoccupations.
Loin d'être des " grand'messes républicaines " sans lendemain, ils ont vocation à déboucher sur des réponses législatives.
C'est ainsi que les Etats généraux de Lille, en septembre 1999, sont à l'origine de la Loi Fauchon du 10 juillet 2000 sur la responsabilité des décideurs publics et privés en matière de délits non intentionnels.
De même les Etats généraux ont nourri une proposition de loi, adoptée récemment par le Sénat, dont l'objet est de conférer aux élus locaux un statut enfin digne de ce nom.
Par ailleurs, le Sénat met en oeuvre, depuis 1998, une politique volontariste de services offerts aux collectivités locales avec la création, au sein du Sénat, du service des collectivités territoriales, l'ouverture d'un site Internet dédié aux élus locaux (" Carrefour des collectivités locales ") et, enfin, la mise à la disposition des collectivités locales de l'antenne sénatoriale de Bruxelles pour les aider à accéder aux fonds structurels européens.
Le symbole éclatant de cette proximité retrouvée avec les élus locaux a été, sans conteste, la Fête de la Fédération, ou plutôt la Fête des Maires, du 14 juillet 2000, qui a réuni autour des sénateurs, sur les Champs Elysées puis dans les jardins du Sénat, 13.000 maires ceints de leur écharpe tricolore.*
* *Assemblée parlementaire à part entière et, de surcroît, Maison des collectivités locales, tels sont, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, les traits caractéristiques de la spécificité du Sénat qu'il est indispensable de préserver, et même de renforcer, car elle constitue la raison d'être du bicamérisme.
Le second objectif que doit s'assigner une réforme du Sénat réside dans une " banalisation " de son existence pour lui permettre, dans un climat apaisé, de mieux exercer sa fonction de contre-pouvoir indispensable à notre démocratie.
Cette normalisation de l'existence du Sénat, qui est destinée à en finir avec les mises en cause de son utilité, passe par une amélioration de sa représentativité et une affirmation, sans complexe, de sa modernité.
En améliorant la représentativité du Sénat, il s'agit de mettre un terme aux procès instruits, çà et là, à l'encontre de sa légitimité.
A cet égard, force est de reconnaître que le mode d'élection des sénateurs se traduit par une sur-représentation de la France rurale au détriment de la France des villes.
C'est ainsi que dans une commune de 1.000 habitants, 1 électeur sénatorial représente 333 habitants alors qu'il représente 950 habitants à Paris.
Autre illustration de cette sur-représentation rurale : les 33.000 communes de moins de 2.500 habitants sont représentées par 45 % des délégués communaux au collège électoral des sénateurs alors qu'elles n'abritent que 30 % de la population.
Il faut à l'évidence corriger cette situation et renforcer le poids du milieu urbain mais sans brader la représentation des petites et moyennes villes qui assurent un maillage économique, social et humain de notre territoire.
Mais la voie qui s'ouvre à cette indispensable réforme est étroite, surtout depuis la décision du Conseil Constitutionnel du 6 juillet 2000 qui a censuré la loi dont l'objet était de supprimer le lien établi entre l'effectif du conseil municipal d'une commune et le nombre de ses délégués sénatoriaux pour lui substituer une clé démographique unique : un électeur sénatorial pour 300 habitants.
Dans cette décision, très importante, le Conseil Constitutionnel, après avoir réaffirmé, - de manière éclatante -, que " le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République ", a fait découler de ce principe deux conséquences claires, logiques et incontournables :
- la première est que " toutes les catégories de collectivités territoriales " doivent être représentées dans le corps électoral du Sénat qui doit " refléter leur diversité " ;
- la seconde est que les membres du corps électoral des sénateurs " doivent émaner " des collectivités locales et que, " par suite, ce corps électoral doit être essentiellement composé de membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales " et non de délégués supplémentaires choisis en dehors du conseil municipal. La participation de ces derniers au collège électoral doit conserver un caractère de simple correctif démographique.
Dans ces conditions, la seule réforme possible pour renforcer le poids des villes dans le collège électoral des sénateurs, " sans déshabiller Pierre pour habiller Paul ", c'est-à-dire sans diminuer la représentation des petites et moyennes communes, semble résider dans la proposition que le Sénat avait faite en 1999 comme contre-projet au texte du Gouvernement.
Il s'agissait de figer la situation actuelle pour les communes de moins de 9.000 habitants et, au-delà de ce seuil démographique, de prévoir qu'en plus des conseillers municipaux, électeurs sénatoriaux de droit, seraient désignés des délégués supplémentaires à raison de 1 pour 700 habitants.
Sans doute faudrait-il porter cette tranche démographique de 700 à 1.000 habitants pour ne pas encourir les foudres du Conseil Constitutionnel que ne manquerait pas de provoquer une proportion trop importante de délégués sénatoriaux non élus locaux.
Pour le reste, le mode d'élection des sénateurs ne devrait plus souffrir de critiques émanant de l'opinion ou de la majorité plurielle, depuis l'extension récente de la proportionnelle à tous les départements désignant trois sénateurs ou plus et l'introduction de la parité alternée (" un homme, une femme ").
Désormais 70 % des 321 sénateurs seront élus à la proportionnelle et ces deux réformes (extension du champ d'application de la proportionnelle et introduction de la parité alternée) devraient, à terme, modifier la physionomie du Sénat.
Améliorer sa représentativité mais aussi afficher sa modernité, tel est l'autre défi que doit relever le Sénat.
A cet égard, une question ne peut manquer de se poser, et avec une acuité accrue depuis l'instauration du quinquennat, il s'agit de la réduction de 9 à 6 ans de la durée du mandat sénatorial qui coïnciderait ainsi avec celle des mandats locaux.
Pour ma part, je suis enclin à penser que le Sénat s'honorerait en prenant lui-même l'initiative de la réduction de la durée du mandat de ses membres.
Au début du mois de septembre 2000, mes collègues étaient d'ailleurs prêts à se sacrifier puisqu'une enquête réalisée par l'hebdomadaire " Le Point " révélait que plus de 75 % d'entre eux étaient favorables -nolens volens - à une réduction de la durée de leur mandat.
Mais l'enthousiasme manifesté par nos concitoyens, lors du référendum du 24 septembre sur la réduction de la durée du mandat du Président de la République semble avoir refroidi cet élan réformateur.
Affirmer et afficher la modernité du Sénat, c'est aussi consolider les actions qu'il déploie depuis 2 ans et demi en direction des entreprises pour créer des passerelles entre les acteurs économiques et les sénateurs.
Il s'agit des stages d'immersion des sénateurs en entreprises (43 en 2000), de l'opération " Tremplin entreprise " qui met face à face des " financeurs " et des porteurs de projets, sans que cela coûte un centime au contribuable, des " Rencontres sénatoriales de l'entreprise " et, enfin, de la création du " Club Sénat.fr " dédié à la nouvelle économie.
Affirmer sa modernité, c'est enfin pour le Sénat, développer une fonction de prospective.
Le Sénat, qui dispose de la stabilité, doit éclairer et préparer l'avenir des Françaises et des Français en devenant un laboratoire d'idées en vue de l'action politique.
Le Sénat doit s'investir dans la sphère de la prospective et se pencher sur les problèmes qui préoccupent ou inquiètent les Français comme les crises sanitaires, l'insécurité, l'avenir des retraites, le devenir de la protection sociale.
Toutes ces réformes, qui nécessitent ou pas l'intervention de textes, ne poursuivent qu'un seul but : améliorer la représentativité du Sénat et consolider sa légitimité pour lui permettre d'assurer pleinement son rôle de contre-pouvoir indispensable à l'équilibre démocratique de nos institutions.
Tout prédispose le Sénat à jouer ce rôle : son origine électorale qui en fait le représentant de la France dans sa permanence, son mode d'élection qui est un facteur d'indépendance et, enfin, sa double permanence qui résulte de son rythme de renouvellement partiel et de l'impossibilité d'être dissous.
On peut même dire que, dans notre Constitution, le Sénat est le seul contre-pouvoir bénéficiant de l'onction du suffrage universel.
Ce rôle de contre-pouvoir, au sens de Montesquieu, ne saurait se dévoyer dans une contestation systématique ou une opposition permanente.
Le Sénat n'est ni une chambre d'enregistrement, ni la chambre du refus.
A l'instar de mon illustre prédécesseur Jules Ferry, sénateur des Vosges et Président du Sénat, je pense que le Sénat - je cite - " ne saurait jamais être un instrument de discorde, ni un organe rétrograde. Il n'est point l'ennemi des nouveautés généreuses, ni des initiatives hardies. Il demande seulement qu'on les étudie mieux ".
Cette ligne de conduite le Sénat se l'est d'ores et déjà assignée.
C'est ainsi que pour s'en tenir à une période récente, 80 % des lois - hors conventions internationales - adoptées lors de la session 1999-2000 l'ont été après un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
De même, le taux de reprise par l'Assemblée nationale des amendements adoptés par le Sénat se situe entre 55 et 60 % pendant les périodes d'opposition et entre 75 et 80 % pendant les " périodes d'harmonie ".
Enfin, dernier exemple récent de l'attitude constructive du Sénat : il s'agit de la prime pour l'emploi qui n'est rien d'autre que la reprise par le Gouvernement, après l'annulation par le Conseil Constitutionnel du projet de " mitage " de la C.S.G., du crédit d'impôt proposé et voté à trois reprises par le Sénat.
Contre-pouvoir raisonnable et responsable, le Sénat devrait aussi se voir reconnaître des pouvoirs spécifiques vis à vis des textes relatifs aux collectivités locales.
Mais qu'on ne s'y méprenne pas ! Il ne s'agit pas d'amputer le Sénat de sa dimension d'assemblée parlementaire à part entière et de le cantonner dans un rôle de chambre spécialisée dans les affaires locales pour en faire une sorte de " Bundesrat à la française ", selon l'expression de Michel Rocard.
Au contraire, il s'agit de préserver ce rôle d'assemblée parlementaire tout en permettant au Sénat de vivre pleinement son bonus constitutionnel de représentant des collectivités territoriales.
Telle est la signification de la proposition de loi constitutionnelle que j'ai présentée, en juin dernier, avec mes collègues, Jean-Paul Delevoye, Jean-Pierre Fourcade, Jean Puech et Jean-Pierre Raffarin. Ce texte dispose, en effet, que " les projets ou propositions de loi relatifs à l'administration des collectivités territoriales doivent être votés dans les mêmes termes par les deux assemblées.*
* *Au terme de ce long plaidoyer, j'espère, chers amis, que vous êtes maintenant convaincus des vertus du bicamérisme et que vous allez devenir les ambassadeurs du Sénat.
Car le Sénat, qui travaille bien et oeuvre avec le seul souci de l'intérêt général, souffre de son excès de modestie et de discrétion.
C'est pour combler ce déficit de communication que nous avons créé la chaîne de télévision " Public Sénat " dont la direction a été confiée à un grand professionnel, Jean-Pierre Elkabbach.
Actuellement cantonnée au câble et au satellite, cette chaîne d'information et de débats, cette chaîne citoyenne, va prendre son essor avec l'avènement prochain du numérique terrestre.
Notre ambition est de réconcilier les Françaises et les Français avec le et la politique en traitant des problèmes de société qui les préoccupent au quotidien.
Notre ambition est aussi de faire entendre notre différence, de rendre le Sénat plus " populaire " - au sens noble du terme - et de faire prendre conscience à nos concitoyens que le bicamérisme constitue une chance pour la démocratie.
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