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INAUGURATION DE L'EXPOSITION CCONSACRÉE AU 20ème ANNIVERSAIRE DE L'ABOLITION DE LA PEINE DE MORT

(mercredi 10 octobre 2001, au Sénat)


Cher Robert Badinter,

Mes chers Collègues,

Mesdames et Messieurs,

Chers Amis,

Je vous remercie d'être présents aujourd'hui à mes côtés, pour célébrer le vingtième anniversaire de l'abolition de la peine de mort.

Cette abolition, qui constitue aux yeux des jeunes générations, un acquis définitif de notre société, a pourtant opéré, le 9 octobre 1981, une véritable révolution dans notre droit pénal, et aussi dans l'opinion publique, qui y était encore largement opposée, à cette époque.

Elle n'a été conquise qu'au terme d'un très long combat, engagé dès avant la Révolution par quelques intellectuels comme Béccaria, Voltaire et Diderot.

Depuis, notre histoire parlementaire n'a cessé, à l'exception de la période de l'Empire, d'être ponctuée de débats relatifs à la peine de mort.

Pas moins d'une soixantaine de projets ou propositions de loi ont été déposées sur ce sujet de 1791 à 1981. Si toutes ont été rejetées, elles ont cependant permis des avancées progressives vers l'abolition définitive ; qu'il s'agisse de l'abolition des supplices en 1791, de l'abolition de la peine de mort en matière politique en 1848, ou de la suppression du caractère public des exécutions en 1939, qui a fait perdre de sa pseudo pertinence à l'argument issu de l'exemplarité de la peine de mort.

Ces propositions de loi ont également été l'occasion de débats passionnés, qui ont vu les plus grands noms de notre histoire politique, prendre partie en faveur de l'abolition. Je citerai notamment : Condorcet, l'Abbé Grégoire, Victor Hugo pour qui j'ai une tendresse toute particulière puisqu'il a siégé deux fois dans cet hémicycle, Lamartine, Jules Simon ou Aristide Briand.

Au 20ème siècle, Eugène Claudius-Petit, François Mitterrand et de nombreux intellectuels jouèrent un rôle important.

Mais c'est incontestablement au talent, à la ferveur et surtout à la force de conviction à nuls autres pareils de Robert Badinter, que revient le mérite d'avoir pu clore avec brio, un si long parcours.

Il a su trouver les mots et surtout les images qui ont entraîné l'adhésion de beaucoup d'entre nous, hommes politiques ou simples citoyens.

Je lui rends aujourd'hui hommage et le remercie d'être présent parmi nous, car je sais qu'il est particulièrement sollicité ces jours-ci.

Le Sénat, dans ce long parcours que j'ai brièvement évoqué, a, comme la Chambre basse, eu ses débats passionnés, ses tenants et ses opposants à l'abolition.

Lors de l'examen du projet de loi présenté par Robert Badinter, il a joué un rôle déterminant pour faire en sorte que l'abolition ne soit pas acquise « à l'arraché », mais soit une large victoire.

Alors que toute la presse pronostiquait le rejet du texte, le Sénat, au terme d'une journée de tensions extrêmes, l'adopta, par 160 voix contre 126. Chaque Sénateur s'était prononcé en conscience, sans consigne de son groupe.

Depuis ce vote historique, la France a ratifié le protocole n° 6 à la Convention européenne des Droits de l'Homme, qui fait de l'abolition, une obligation pour les Etats membres du Conseil de l'Europe.

Depuis 1994, la ratification de ce protocole est même une condition pour l'adhésion de tout nouveau pays au Conseil de l'Europe.

Enfin, la France est, avec le Conseil de l'Europe, largement engagée dans des actions qui tendent à obtenir une abolition universelle. Mon collègue, Robert Badinter est, encore une fois, l'un des hommes les plus actifs dans ce combat.

Je voudrais terminer cette célébration par un point, à mes yeux, essentiel :

Depuis le 11 septembre dernier, nous avons vu ressurgir dans nos contrées pacifiées et démocratiques, une barbarie que nous pensions d'un autre âge.

La tentation pourrait être grande, dans une période aussi troublée, de revenir sur certains de nos acquis démocratiques, pour nous protéger, et notamment, sur l'abolition de la peine de mort.

Alors, je tiens à le dire ici : l'abolition de la peine de mort n'est pas une question de circonstances. C'est une victoire du droit sur la loi du Talion, c'est une victoire de la raison sur la violence. Elle doit être respectée avec encore plus de conviction, en période difficile. Si nous y renoncions, nous renoncerions à une partie de nos valeurs, à une partie de nous-mêmes.

Notre démarche d'universalisme pour l'abolition perdrait toute légitimité.

*

* *

Je félicite vivement le service de la Bibliothèque, et son directeur, Madame Catherine Maynial, pour avoir pris l'initiative de cette exposition et l'avoir entièrement mise sur pied.

Je remercie également très chaleureusement Monsieur Badinter, Monsieur Chatillon et Monsieur Pancho qui, grâce à leurs prêts, ont permis à cette exposition d'avoir lieu.

Merci à tous.




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