OUVERTURE DES TRAVAUX
DES ATELIERS PARLEMENTAIRES DE L'ALTERNANCE SUR LA
SECURITE
(mercredi 31 janvier
2001, au Sénat)
Mesdames et
Messieurs les Députés,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, mes chers collègues,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi de vous dire, à titre liminaire, combien il m'est agréable de
vous
accueillir ici, dans les locaux du Sénat, pour cet atelier
parlementaire de l'alternance
consacré à la sécurité.
Ce sentiment repose sur deux raisons qui fondent mon
optimisme.
La première c'est que cette convention, la troisième du genre après
celle
consacrée à la justice et celle dédiée aux retraites,
constitue la preuve
vivante que l'opposition nationale, loin d'être immobile, peut
être unie
lorsqu'elle s'exprime sur le terrain ou par la voix de ses groupes
parlementaires.
En effet, depuis maintenant deux ans, les groupes parlementaires de
l'opposition, à
l'Assemblée nationale et au Sénat, ont appris à travailler ensemble, dans
le respect de
leurs différences de sensibilités, sans cesse plus ténues.
Il s'agit, pour les Ateliers parlementaires de l'alternance, de se pencher
sur tous les
thèmes de la vie en société et de formuler des propositions afin de
nourrir
le débat démocratique et d'offrir à nos concitoyens la
possibilité d'une véritable alternative en vue de
l'alternance.
La seconde raison de ma satisfaction réside dans le fait que les
Ateliers
parlementaires de l'alternance ont décidé, il y a trois mois, de
traiter,
sans complexe, de la sécurité des personnes et des biens qui
constitue l'une des
toutes premières préoccupations des Françaises et des Français.
A cet égard, nous ne devons pas oublier que la sécurité des personnes et
des biens, qui
est à l'origine du pacte fondateur des sociétés, constitue, à l'évidence,
la première
et donc la mère des libertés.
Droit naturel et imprescriptible de l'Homme, selon les
rédacteurs de
la Déclaration de 1789, la sécurité est aussi une impérieuse exigence de
justice
sociale car la délinquance et la violence frappent d'abord les plus
démunis de nos
concitoyens et, en particulier, ceux qui vivent dans les quartiers
difficiles.
Au-delà de ces proclamations, devenues incantatoires, force est de
constater qu'un processus
de dégradation continue de la sécurité est à l'oeuvre depuis de
longues
années, que notre pays soit en proie à la crise économique ou qu'il
bénéficie d'une
reprise de la croissance.
Les causes de l'insécurité sont d'ailleurs bien connues,
qu'il s'agisse de
l'urbanisation artificielle et inhumaine héritée des
années
soixante, de l'exclusion, du chômage, de la difficulté
à intégrer
les nouvelles générations de l'immigration, des dysfonctionnements
de notre
système éducatif, de la dilution de l'autorité
parentale, de la
perte des repères, de la drogue...
Mais si la violence et la délinquance ne sont pas un phénomène nouveau, les
agressions
contre les personnes et les biens ainsi que les incivilités, dont
l'importance
quantitative est pourtant minorée par les statistiques, tendent elles à se
généraliser
et à se banaliser.
Aujourd'hui, l'insécurité ne se cantonne plus au seul milieu urbain :
elle affecte
désormais les communes péri-urbaines et même le milieu rural ; elle
s'exerce dans
tous les lieux de la vie sociale : la rue, le quartier, l'école, les
stades, les
moyens de transport... ; elle est enfin le fait de personnes de
plus en plus
jeunes et de plus en plus violentes.
Phénomène minoré, phénomène banalisé, la
violence faite
aux personnes et aux biens est, aussi et surtout, un phénomène
délétère, une
véritable gangrène sociale, qui pollue la vie quotidienne de nos
concitoyens,
ronge les fondements du pacte républicain et nourrit le fond de commerce des
extrémistes.
Ce constat, aussi inquiétant soit-il, ne doit pas nous condamner à
l'inaction.
L'insécurité n'est pas une fatalité.
Un sursaut républicain s'impose donc pour enrayer l'ascension de la
délinquance,
rétablir la sécurité et résorber les ilôts de non droit,
véritables
offenses au principe de l'égalité devant la loi où
" l'ordre
mafieux des bandes " a remplacé la loi de la
République.
A cet égard, je vois comme un symbole le fait que nos débats se déroulent
ici, Salle Clemenceau
du nom de ce grand républicain s'il en fut et qui sut, par ses
" brigades
du Tigre " rétablir l'ordre et la sécurité.
Pour être efficace, la réponse républicaine à l'insécurité,
que nous
devons proposer, réponse républicaine qui n'est ni de droite, ni de
gauche, et à
laquelle aspirent nos concitoyens, doit être globale.
Globale, car elle doit allier la prévention et la répression.
" Etre
sévère avec la délinquance mais aussi être sévère avec les causes de la
délinquance ", en rendant plus efficace la prévention à
laquelle l'Etat
et les collectivités locales consacrent des dizaines de milliards de
francs.
Globale, car elle doit s'appuyer sur toute la " chaîne
de production
de la sécurité ", les polices municipales, la police
nationale, la
gendarmerie et la justice.
Globale, car elle doit associer les collectivités locales et l'Etat,
même si la
sécurité demeure, plus que jamais, un devoir de l'Etat.
En l'occurrence, la situation est paradoxale car la demande
de sécurité
représente, comme l'a montré un récent sondage publié dans un
" quotidien du
soir ", la première attente que nos concitoyens assignent
à l'action
de leurs maires.
Ce paradoxe n'est qu'apparent, car s'il est vrai que les maires sont
dépourvus de moyens
véritablement opérationnels pour lutter contre l'insécurité, ils n'en
demeurent pas
moins les meilleurs connaisseurs de leur tissu local.
Il s'agit donc de promouvoir une meilleure implication des exécutifs
territoriaux,
- maires et présidents d'organes intercommunaux -, dans la
définition, la mise
en oeuvre et l'évaluation des politiques de sécurité.
De même, le maire doit devenir le chef d'orchestre de la
coordination de
toutes les actions de prévention de la délinquance sur le
territoire de sa
commune.
Enfin, nous devons relever le défi majeur que constitue pour
notre
société le phénomène préoccupant de la délinquance des
mineurs.
En l'occurrence, nous devons poser le principe de l'intervention
rapide d'une sanction
appropriée dès la première infraction ou incivilité.
Pour ce faire, il est urgent d'adapter l'ordonnance du 2 février 1945 aux
réalités de
la délinquance, afin d'offrir au juge une gamme de réponses
graduée, de
l'éducatif au répressif.
Cette palette de réponses irait du rappel à la loi à la
détention dans
des établissements distincts de ceux réservés aux adultes, en passant par
des
externats, des internats et des centres spécialisés.
Telles sont les observations que je souhaitais formuler à l'orée de
vos
travaux ; mais je sais que le temps vous est mesuré et c'est bien
volontiers que je
cède la parole à mon collège et ami Henri de Raincourt
pour qu'il
vous présente le déroulement de cette convention.