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INTERVENTION DEVANT LES MAIRES DU CAMBRÉSIS

(mercredi 4 avril 2001, à Cambrai)


Monsieur le Ministre, [cher Jacques LEGENDRE],

Monsieur le Maire de Cambrai,

Monsieur le sous-préfet,

Mesdames, Messieurs les maires,

Chers amis,

Au terme de cette journée passionnante consacrée à la découverte du Cambrésis, je dois vous faire un aveu.

Je suis tout simplement heureux de vous retrouver, ici, un peu comme en famille dans ce superbe hôtel de ville, symbole à la fois de notre " vouloir-vivre ensemble " et de la vitalité de notre démocratie locale.

Ce bonheur est d'autant plus profond qu'il est fondé sur une réelle fierté. Celle de constater, sur le terrain, la fécondité et l'efficience de la gestion de proximité, au plus proche des aspirations de nos concitoyens.

Alors sans plus attendre, je veux remercier le sénateur Jacques LEGENDRE d'avoir pris l'initiative de me convier ici dans le Cambrésis.

Je veux également vous féliciter, cher Jacques, pour vos talents de véritable " pionnier " du développement local : vous avez su transformer les blessures d'un passé proche en richesses d'un avenir prometteur.

Aujourd'hui, je vous délivrerai deux messages : en premier lieu, " tirer mon chapeau " à vous tous les élus de terrain ; en second lieu, vous dire ma foi dans l'intercommunalité qui, à mon sens, constitue l'une des " nouvelles frontières " de la décentralisation.

***

Après l'extraordinaire " brassage démocratique " des derniers scrutins, je souhaite rendre aux maires l'hommage qu'ils méritent.

Ainsi, à tous ceux auxquels leurs concitoyens ont renouvelé leur confiance, je veux dire toute mon estime et présenter mes félicitations.

Car, il faut le reconnaître, même s'il est très largement plébiscité par les français, le mandat de maire n'est pas une sinécure !

En dépit de l'incontestable avancée de la loi sur les délits non intentionnels du 12 juillet 2000, initiée, par le Sénat, à l'issue des Etats généraux des élus locaux que j'avais organisés dans le Nord-Pas-de-Calais, en septembre 1999, je comprends les raisons d'un certain découragement.

A tous les nouveaux élus, je veux les assurer du soutien plein et entier du Sénat, fidèle à sa vocation de représentant constitutionnel des collectivités territoriales.

Je continuerai donc, inlassablement, de plaider votre cause, qu'il s'agisse de la nécessaire promotion d'un statut de l'élu enfin digne de ce nom ou du maintien de l'autonomie financière et fiscale des collectivités locales.

A vous tous, je dirai tout simplement que les français ont fait preuve d'une grande lucidité, lors des dernières échéances électorales. Il s'agit là d'une grande leçon de civisme, une expression de cette France riche de la diversité de ses territoires.

Car loin des stratégies partisanes et des combinaisons d'appareil bien souvent stériles, les Français ont démontré leur attachement à la gestion de proximité.

Je vois dans cette " nouvelle France " qui se dessine un formidable espoir pour tous ceux qui font battre, chaque jour, par leur abnégation, leur dévouement et leur sens de l'intérêt général, le coeur de la démocratie locale.

Cette dynamique du terrain est pour moi essentielle car elle conditionne nos combats futurs.

Mais ne nous méprenons pas ! Ceux qui parlent aujourd'hui, avec un rien de " condescendance " d'une revanche de la " France d'en bas " sont ceux-là même qui, hier encore, considéraient les collectivités locales comme des " mineurs dépendants ". Cette analyse déformante du " pays réel " ne doit pas nous détourner de notre voie pour gagner, ensemble, le " pari du local " !

Vous le savez certainement, depuis mon élection à la présidence du Sénat, je n'ai cessé de militer, à Paris et dans plus de soixante départements visités à ce jour, pour l'avènement de cette " République territoriale ". Mais attention, ma démarche n'est pas un combat politicien, c'est tout simplement une ambition pour notre pays dans lequel les élus locaux, les citoyens et l'Etat seraient enfin réconciliés.

Les Français viennent de confirmer, par leur choix, leur attachement à la gestion de proximité comme véritable projet de société. L'Etat doit donc se transformer réaliser et revêtir les " habits neufs " de sa réforme si longtemps promise et trop souvent reportée. Il y a effectivement urgence à agir pour en finir avec cette " tradition multiséculaire de centralisation " encore bien vivace en France.

Cet objectif est pour nous essentiel car il conditionne aussi l'avenir des politiques publiques locales et celui de l'intercommunalité. C'est le second sujet que je voulais évoquer devant vous.

En effet, ce que j'appellerai " la révolution intercommunale " pourrait pâtir de la difficulté de l'Etat à se réformer.

Le développement de compétences structurantes milite pour la redéfinition de l'organisation de l'Etat au coeur des territoires. Je pense notamment à la déconcentration accrue des moyens financiers de l'Etat et la promotion d'un préfet, véritable " tête de réseau " des services de l'Etat, à même d'engager l'Etat et tout l'Etat.

Car, bien souvent, les problèmes auxquels sont confrontés les maires dépassent très largement les frontières de nos communes : la sécurité, l'environnement ou les transports en sont autant d'exemples.

Dans un pays fortement attaché à ses structures séculaires que sont les communes, les élus locaux ont compris que la meilleure réponse consistait à unir leur forces. Car seul, on n'est rien ou si peu.

C'est aussi cela l'alchimie de l'inter-communalité : dépasser les clivages territoriaux pour unir son destin autour de projets communs et choisis.

Pour autant, il ne s'agit pas de renier ses origines ou ses spécificités.

L'intercommunalité ne sonne pas le glas des communes. Au contraire, je crois qu'elle garantit leur avenir. Vous l'avez très largement démontré ici à Cambrai.

Alors, je ne peux que me réjouir du succès de la loi Chevènement du 12 juillet 1999, d'autant que le Sénat, vous en conviendrez cher Jacques, y a très largement contribué en rééquilibrant ce texte en faveur du monde rural.

La création de 90 communautés d'agglomération va dans le bon sens ! Ce mouvement permet à la fois de rationaliser une intercommunalité qui commençait à manquer de lisibilité et de définir de nouveaux territoires et de nouvelles compétences.

Car pour réussir pleinement, l'intercommunalité ne peut être un leurre. En la matière, je crois davantage à une " intercommunalité de projet " qu'à une " intercommunalité de papier ".

Vous l'avez bien compris, en choisissant de créer, ici à Cambrai, dès 1992, la première communauté de ville de France.

Ce choix ambitieux fait de vous de véritables précurseurs.

Vous avez été les tous premiers à expérimenter la mise en commun de la taxe professionnelle. Or, cet apprentissage exigeant de la " mutualisation " des ressources fiscales est la clé du succès de l'intercommunalité.

Car, trop souvent, la " concurrence " fiscale à laquelle se livrent les communes est contre-productive. Avec un taux de taxe professionnelle unique (TPU) et un produit fiscal spécialisé, vous avez ainsi très largement anticipé la loi Chevènement.

Dès lors, la transformation en communauté d'agglomération ouvre une nouvelle ère pour le Cambrésis qui bénéficiera d'un quasi doublement de sa dotation globale de fonctionnement (passant d'une moyenne de 116 francs par habitant à environ 250 francs).

Ce " bonus ", j'en suis persuadé, viendra utilement alimenter des projets dont je sais qu'ils sont nombreux ici et ailleurs.

Sans vouloir retenir votre attention, je veux, en forme de conclusion, vous livrer mes réflexions sur cette " révolution intercommunale ", car insensiblement nous sommes en train de dessiner les contours de la " France de demain ".

Mes deux premières remarques concernent les finances intercommunales :

-S'agissant tout d'abord de la fiscalité, je veux réaffirmer mon attachement au régime de taux de taxe professionnelle unique sur le territoire intercommunal, qui, seul, peut neutraliser certains égoïsmes fiscaux, et favoriser un développement économique plus harmonieux et plus solidaire.

-S'agissant ensuite des dotations financières de l'Etat, je crois que c'est l'ensemble du système qui est à revoir.

Car l'incontestable succès de la loi Chevènement est en train de faire imploser le mode de financement des collectivités locales et de leurs groupements. Ainsi, pour la première fois en 2001, la part de la DGF intercommunale (7 milliards de francs) sera supérieure à celle des dotations de péréquation (6 milliards de francs).

Sauf à considérer que l'intercommunalité constitue en soi une forme de péréquation, cette évolution est l'illustration d'un système à bout de souffle qu'il faut rénover pour assurer sa pérennité. Comptez donc sur moi pour appeler l'attention du gouvernement sur ce sujet !

-S'agissant enfin de la place de l'intercommunalité au sein de notre édifice institutionnel, je crois que l'on ne peut pas faire l'économie d'un débat d'ensemble. Vous le savez, la définition d'une collectivité territoriale de plein exercice repose sur sa faculté à lever l'impôt, à exercer des compétences... et sur l'élection de ses représentants au suffrage universel.

Manifestement, les structures intercommunales remplissent déjà les deux premières conditions. Reste donc la troisième. A cet égard, je crois qu'il ne faut pas se tromper de débat.

Mais, dès lors que les groupements de communes assument des compétences toujours plus nombreuses et qu'ils lèvent l'impôt, peut-on éternellement faire l'impasse sur l'évolution de leur mode de représentation ?

A titre personnel, je ne le crois pas. D'ailleurs, le regain d'intérêt de certains élus pour les présidences de structures intercommunales est révélateur. Il démontre à la fois l'iniquité de la loi sur le cumul des mandats et le glissement des enjeux de pouvoir au niveau local.

Nous devons donc, tous ensemble, réfléchir aux voies et moyens d'un renforcement, à terme, de la légitimité politique de l'intercommunalité. Il en va aussi de l'avenir de notre système local pour lequel nos concitoyens viennent de témoigner une confiance renouvelée. A nous de ne pas les décevoir !

***

Vous l'aurez compris, les chantiers sont nombreux et les enjeux complexes. Entre un attachement fondamental à nos communes, cellules de base de notre démocratie locale, et la nécessité de gérer de véritables projets de développement, l'intercommunalité constitue une réponse efficace que l'on doit encourager. Il s'agit de l'un des enjeux fondamentaux de la relance de la décentralisation.

Alors comptez sur moi, en tant que Président du Sénat, pour vous accompagner et anticiper ces grandes évolutions qui conditionnent l'avenir de notre pays, pour une France moderne, dynamique et humaine.

Je vous remercie.




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