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CLOTURE DES ETATS GENERAUX DES ELUX LOCAUX DE LA REGION PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR
(vendredi 15 juin 2001, à Marseille)
Monsieur le Vice-Président du Sénat, Maire de Marseille, Cher Jean-Claude Gaudin,
Monsieur le Président du conseil régional, cher Michel Vauzelle
Messieurs les Présidents de conseils généraux,
Mesdames et Messieurs les parlementaires et chers collègues,
Monsieur le Préfet de région,
Mesdames et Messieurs les élus locaux, chers collègues,
Au terme de cette matinée de débats, je tiens tout d'abord à vous remercier, très chaleureusement, pour votre participation active et plus encore pour la richesse et la franchise de nos échanges sur des sujets complexes et parfois délicats.
Aborder l'avenir de la décentralisation, c'est, avant tout, penser cette réforme autrement.
Mesdames et Messieurs les élus locaux, l'heure est en effet venue de passer d'une décentralisation, notion d'ordre administratif, à une " République territoriale ", véritable projet de société pour la France.
République, car je ne conçois pas que notre pays renonce à son caractère unitaire pour dériver vers un Etat fédéral ou une fédération de régions.
Territoriale, car il est indispensable de reconnaître enfin de façon pleine et entière les pouvoirs territoriaux.
A cette fin, je préconise une révolution tranquille, une sorte de " nouvelle révolution girondine ".*
A l'évidence, cette nouvelle ère, celle qui nous conduira sur le chemin de cette République territoriale, sera très différente de celle de 1982, où la réforme fut globale, d'application immédiate et uniforme. Mais il est vrai qu'une rupture radicale avec " l'effort multiséculaire de centralisation " était indispensable.
Aujourd'hui, il ne s'agit plus de définir un moule uniforme, mais de préparer, dans le respect du principe d'unité de la République, l'avenir des territoires -de tous les territoires- ainsi que l'organisation de leurs pouvoirs.
On ne saurait, en effet, se contenter de concéder -de ci, de là, au gré des textes et au fil de l'eau- tel ou tel pouvoir ou, pire encore, de céder aux pressions d'une collectivité donnée, puis d'une autre, et encore d'une autre, chacune visant à obtenir un statut particulier, un statut toujours plus particulier.
Non, la République territoriale française ne saurait être une multiplication d'exceptions, ni une mosaïque de particularismes.
Non, la République française ne doit pas être la " République des exceptions " !*
Il s'agit donc de fixer un cadre juridique auquel chaque collectivité de France doit pouvoir accéder librement ; en clair une " décentralisation à la carte, mais pour tous " !
Conduire cette " nouvelle révolution girondine ", suppose à mon sens une réforme constitutionnelle, prolongée par l'édiction d'une " loi-cadre " de dévolution, " à la française ", des compétences.
Renforcer l'ancrage constitutionnel de la décentralisation est indispensable pour, enfin, donner un contenu et renforcer la densité juridique du principe de libre administration des collectivités par des conseils élus, simplement énoncé par l'article 72 de notre loi fondamentale et auquel il conviendrait, sans doute, de substituer le concept plus " porteur " d'autonomie locale.
Pour que l'autonomie locale soit effective et prenne toute sa dimension, les collectivités locales doivent disposer de moyens tant juridiques que financiers de nature à leur assurer une autonomie de décision par rapport à l'Etat.
En conséquence, cette révision de la Constitution doit, en premier lieu, reconnaître aux collectivités la faculté d'exercer un pouvoir réglementaire, à l'exclusion de toute forme de pouvoir législatif.
Notre République ne saurait en effet tolérer que la Loi, expression de la souveraineté nationale et garante de l'égalité entre les citoyens, soit une norme à géométrie variable !
Pour moi, il s'agit donc, exclusivement, de reconnaître à l'ensemble des collectivités territoriales de France, une faculté de participer, à l'exercice du pouvoir réglementaire, afin de pouvoir adapter, dans certains domaines, la réglementation aux réalités locales.
Ce nouveau pouvoir devra être strictement encadré tant dans son champ d'application que dans ses modalités de mise en oeuvre.
S'agissant du champ d'application, ce pouvoir d'adaptation des règlements devra, à l'évidence, être cantonné à l'exercice des compétences dévolues aux collectivités locales, et à elles seules.
Quant à la mise en oeuvre de ce pouvoir d'adaptation de la réglementation, elle ferait l'objet d'une procédure solennelle.
C'est ainsi que les délibérations seraient prises, par exemple, à la majorité des 3/5ème de l'assemblée délibérante de la collectivité.
S'agissant du contrôle, enfin, ces délibérations devraient être transmises au préfet et au Premier ministre ; en cas de recours, elles relèveraient directement du Conseil d'Etat.
Au-delà de cette novation, il est indispensable, en deuxième lieu, de garantir l'autonomie réelle des collectivités locales, c'est-à-dire leur maîtrise de ressources fiscales propres dont elles fixent les taux.
En l'occurrence, il s'agirait, comme le propose le Sénat, d'inscrire dans la Constitution le principe de prépondérance des recettes fiscales au sein des recettes de fonctionnement de chacune des trois catégories de collectivité. Il n'est pas de décentralisation possible sans pouvoir de lever l'impôt.
En dernier lieu, cette réforme constitutionnelle d'ensemble doit prévoir l'intervention d'une loi organique qui serait, à l'image de la loi organique relative aux lois de finances -devenue la " Constitution " budgétaire et financière de l'Etat- une véritable " loi-cadre " de dévolution des compétences aux collectivités locales.
Cette " loi-cadre " aurait pour objet, au-delà de la reconnaissance du droit à l'expérimentation, d'offrir aux collectivités locales, en sus des compétences d'ores et déjà dévolues, et sur la base du volontariat comme dans l'intercommunalité, la possibilité d'exercer, " à la carte ", de nouvelles compétences dans les domaines de la sécurité, de la formation, de l'enseignement, du développement économique, de l'environnement ou des transports.
Pour la sécurité à laquelle vous accordez, à juste titre, une grande importance, il me semble urgent de permettre aux maires des moyennes et grandes villes, voire aux présidents des intercommunalités, d'instituer, sur la base du volontariat, une police territoriale de proximité, regroupant, sous leur autorité, police municipale, police nationale et gendarmerie, afin de mieux répondre aux légitimes attentes de nos concitoyens confrontés à la montée de l'insécurité.
Les réticences à un tel renforcement de vos pouvoirs sont d'un autre âge : affirmer, comme le font certains que vous deviendriez de ce fait des " Shérifs ", relève d'un surprenant procès d'intention et d'un refus de reconnaître que les élus locaux sont les mieux placés pour définir et mettre en oeuvre une politique de sécurité.
S'agissant de la formation professionnelle, il est grand temps d'en finir avec le faux transfert de 1983 et de conférer la totalité de cette compétence aux régions qui ont démontré, en l'occurrence, tout leur savoir-faire.
Pour l'enseignement, où les collectivités locales ont, depuis vingt ans, fait mieux et plus vite que l'Etat pour les bâtiments scolaires, il s'agit de permettre aux collectivités qui souhaiteraient s'engager au-delà de la seule " gestion des murs ", d'être mieux associées à la programmation des équipements, à la définition des contenus, voire à la gestion de certains personnels.
Pour le développement économique, il est grand temps, là-aussi, d'offrir une panoplie d'instruments simples, adaptés aux réalités et, surtout, aux besoins des entreprises.
Dans le domaine de l'environnement, je suggère un renforcement des compétences des collectivités locales pour la gestion de l'eau, la qualité de l'air, les paysages ainsi que le transfert des moyens financiers issus de la taxe générale sur les activités polluantes.
En matière de transports, comme les régions viennent de le démontrer avec succès pour les lignes ferroviaires régionales, il s'agirait de permettre à titre expérimental, la gestion d'infrastructures tels que les aéroports ou les ports.
L'ensemble de ces nouvelles compétences pourraient, selon le choix de la collectivité, être soit transférées directement, soit faire l'objet d'une phase d'expérimentation au terme de laquelle la collectivité pourrait demander, après évaluation, le transfert définitif ou, au contraire, renoncer à leur exercice.*
En tout état de cause, réussir cet acte II de la décentralisation suppose une compensation intégrale des nouveaux transferts de compétences, y compris le coût des mises aux normes des équipements mis à disposition des collectivités locales. A cet égard, force est de constater que les lois de 1982 ont incontestablement achoppé sur ce point et alimenté ainsi nombre de crispations et de suspicions entre l'Etat et les collectivités locales.
Cette nouvelle étape doit donc tirer les enseignements du passé et être accompagnée de la création d'une véritable autorité administrative indépendante, un véritable " Conseil des finances locales ", qui disposerait de véritables pouvoirs d'analyse, d'investigation et de sanction et serait chargée, en particulier, de veiller au respect d'un code de bonne conduite entre l'Etat et les collectivités locales.*
Cette République territoriale serait cependant incomplète si l'accroissement des pouvoirs des collectivités locales ne s'accompagnait pas d'une indispensable réforme de l'action locale de l'Etat.
Pour le décentralisateur que je suis, cette déclaration pourrait paraître paradoxale. Mais elle ne l'est, en fait, pas du tout !
Car sans une réforme de l'organisation territoriale et des modes d'intervention de l'Etat, point d'acte II de la décentralisation.
En effet, force est de constater que l'Etat n'a toujours pas tiré toutes les conséquences de vingt années de décentralisation et de gestion de proximité.
Véritable " arlésienne ", souvent promise et toujours remise, la déconcentration est restée au " milieu du gué ". Pourtant, elle constitue l'indispensable corollaire de la décentralisation.
L'un des enjeux de la déconcentration réside dans le renforcement des pouvoirs du préfet à la fois comme " régulateur " territorial et comme véritable " tête de pont " de l'Etat dans le territoire.
Au total, pour parvenir enfin à ce que j'appellerai un " Etat territorial ", trois conditions devront être remplies :
- Première condition : l'Etat doit s'appliquer à lui-même le principe de subsidiarité. S'il doit conserver un rôle de garant de l'égalité des chances des citoyens et des territoires, les décisions concernant la vie des territoires doivent, elles, être systématiquement prises au niveau local le plus proche.
- Deuxième condition : les préfets doivent devenir les moteurs de ce que j'appellerai " l'interministérialité de terrain ". Parvenir à ce résultat supposerait que les préfets soient rattachés au Premier ministre.
- Troisième condition : l'organisation territoriale de l'Etat doit tendre à satisfaire les besoins des élus en matière de conseil. Passer de l'ère du soupçon à l'ère du conseil implique d'engager une réforme d'envergure du réseau territorial de l'Etat et notamment de ses sous-préfectures.
En résumé, les élus locaux veulent avoir un interlocuteur unique et un interlocuteur unique capable d'engager l'Etat et tout l'Etat.*
Au terme de ces Etats généraux des élus locaux, vous le voyez, nous avons beaucoup de " pain sur la planche ".
Comme les précédents, ces Etats généraux des élus locaux de Provence-Alpes-Côte d'Azur feront date et constitueront la source d'un ensemble d'initiatives que le Sénat, irremplaçable aiguillon, ne manquera pas de prendre dans les prochains mois.
Parce que vous croyez à la décentralisation, parce que nous y croyons tous, je suis convaincu que nous saurons bâtir, ensemble, cet acte II, cette République territoriale que je viens d'esquisser devant vous.
Votre voix, vos messages, vos attentes, toute cette expression qui vient de vous, élus locaux, qui incarnez la République au quotidien, ne resteront pas lettre morte.
Ensemble, nous ajouterons aux valeurs éternelles de liberté, d'égalité et de fraternité de notre République les valeurs nouvelles, que vous incarnez, de citoyenneté, de responsabilité et de courage.
Mesdames et Messieurs les élus locaux, à nous de faire le pari du local. A nous de conduire cette " nouvelle révolution girondine " au service de la seule cause qui vaille : préparer notre pays et ses territoires à une entrée réussie dans le nouveau millénaire au service de nos concitoyens, de la démocratie, et d'une France moderne, dynamique et solidaire.
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