COM (2011) 788 final  du 23/11/2011

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 01/12/2011
Examen : 01/03/2012 (commission des affaires européennes)

Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : n° 474 (2011-2012) : voir le dossier legislatif


Education

Texte E 6863

Proposition de résolution européenne de Mme Colette Mélot
sur « Erasmus pour tous »

COM (2011) 788 final

(Réunion du jeudi 1er mars 2012)

M. Simon Sutour, président. - Nous arrivons maintenant à notre dernier point de l'ordre du jour. Il était important que notre commission, puis la commission de la culture, se prononce sur la réforme du programme Erasmus, qui est sans doute le programme le mieux connu et le plus apprécié. Je donne la parole à Colette Mélot pour présenter la proposition de résolution qu'elle a préparée.

Mme Colette Mélot. - Je n'ai pas terminé mon rapport sur l'Union européenne et l'éducation qui a déjà fait l'objet d'une communication d'étape. Mais l'actualité me conduit à vous présenter mes réflexions sur le programme « Erasmus pour tous ».

Je me suis rendue il y a quelques semaines à Bruxelles où j'ai pu m'entretenir avec le directeur général de l'éducation et de la culture de la Commission européenne, la présidente de la commission de l'éducation du Parlement européen et notre Représentation permanente.

La Commission européenne a proposé, en novembre dernier, un nouveau programme de financement pour la période 2014-2020 en matière d'éducation, de formation, de jeunesse et de sport, intitulé « Erasmus pour tous ». Il n'est pas impossible qu'un accord politique puisse être trouvé sous présidence danoise. Il m'a donc paru utile que nous fassions connaître, le plus rapidement possible, notre position au Gouvernement.

Ce programme est une nouveauté, sans être totalement inédit. Il rassemble sous un seul chapeau sept programmes actuels de l'Union européenne : « Éducation et formation tout au long de la vie » (qui regroupe les sous-programmes Comenius pour l'enseignement scolaire, Erasmus pour l'enseignement supérieur, Léonard de Vinci pour la formation professionnelle et Grundtvig pour l'éducation des adultes), les programmes internationaux dans le domaine de l'enseignement supérieur - Erasmus Mundus, Tempus, Alfa, Edulink -, le programme de coopération bilatérale avec les pays industrialisés et le programme « Jeunesse en Action ». Cette fusion doit permettre d'éviter la duplication et la fragmentation des initiatives. Un chapitre du nouveau programme est également consacré au soutien au sport amateur. La Commission européenne espère que cette nouvelle architecture permettra d'accroître l'efficacité et la plus-value apportée par l'Union européenne.

Le programme est conçu pour aider les États membres à remplir les deux objectifs éducatifs de la stratégie « UE 2020 » : la réduction du taux de décrochage scolaire ; l'augmentation du nombre d'étudiants ayant obtenu un diplôme de l'enseignement supérieur. De ce fait, le programme est centré autour de trois objectifs clés.

Le premier objectif du programme est d'accroître la mobilité, la Commission souhaitant doubler le nombre de bénéficiaires, de 2,5 millions à 5 millions d'ici 2020. A ce titre, un accent particulier est mis sur la mobilité des étudiants. Un nouveau mécanisme de garantie de prêt, dénommé Erasmus Master, pourrait bénéficier à 330 000 étudiants de Master souhaitant étudier hors de leur pays.

Deuxième objectif : renforcer la coopération institutionnelle entre les établissements d'enseignement, les organisations de jeunesse et les entreprises. La Commission européenne annonce la mise en place de 400 « alliances de la connaissance » et d'« alliances sectorielles pour les compétences » entre des établissements d'enseignement supérieur et des entreprises ou des professionnels de l'éducation et de la formation et des entreprises, afin d'améliorer l'employabilité des citoyens européens.

Troisième objectif : soutenir les réformes entreprises par les États membres pour moderniser leurs systèmes d'enseignement et de formation.

La Commission européenne propose que le programme soit doté d'un budget ambitieux de près de 19 milliards d'euros, en augmentation de plus de 70 % par rapport au cadre financier 2007-2013, ce que la commissaire Androulla Vassiliou justifie, en pleine rigueur budgétaire, par le fait que les investissements dans l'éducation et la formation constituent « le meilleur placement pour l'avenir de l'Europe ». J'adhère à cette proposition.

Que penser du programme « Erasmus pour tous » ?

Le programme a finalement reçu un accueil assez mitigé, au Conseil comme au Parlement européen. Si les États membres et les députés européens se sont tous félicités de l'orientation générale de la proposition, ils ont émis des réserves sur un certain nombre de modalités retenues par la Commission. Je me concentrerai sur les critiques principales.

Le premier sujet de désaccord porte sur le nom du programme. Le label « Erasmus » devrait être décliné en fonction des différents publics : « Erasmus enseignement supérieur », « Erasmus formation », « Erasmus écoles » et « Erasmus participation des jeunes ». Les noms des anciens sous-programmes - Léonard de Vinci, Grundtvig et Comenius - disparaîtraient. Pour plusieurs États membres, parmi lesquels l'Allemagne, l'Estonie, la République tchèque, la Slovaquie ou la Slovénie, cette proposition est inacceptable, d'autant qu'ils font valoir que les dénominations de ces sous-programmes commençaient à être reconnues de leurs publics. La rapporteure au Parlement européen, Doris Pack, partage leur avis et m'a indiqué qu'elle comptait rétablir ces noms. La proposition d'un label unique pour toutes les formes de mobilité était pourtant judicieuse. Pour ma part, il me semble que cette proposition d'apposer un label unique pour toutes les formes de mobilité était pourtant judicieuse. Le nom « Erasmus » est en effet bien connu du grand public - le film de Cédric Klapisch L'auberge espagnole y a sans doute contribué -, ce qui est loin d'être le cas de Comenius, Grundtvig ou Leonardo. Cette solution rendra, en fin de compte, les choses plus claires et plus lisibles pour le citoyen européen.

Le deuxième point d'achoppement concerne la jeunesse. Dix-sept États membres, dont la France, ont demandé que les actions en la matière fassent l'objet d'un chapitre séparé au sein du programme, au lieu d'être confondues, comme c'est le cas dans la proposition actuellement sur la table, avec celles menées en matière d'éducation et de formation. A mon sens, cette architecture nuit à la visibilité des actions en matière de jeunesse. La majeure partie des actions sont en effet menées par des associations. Il serait regrettable qu'elles ne soient plus financées au prétexte qu'elles ne sont pas des établissements au sens où l'entend la Commission. Dans le contexte actuel de volonté de lutte contre le décrochage scolaire, il ne me paraît pas opportun de se priver de tels instruments qui permettent aux jeunes de ne pas perdre pied et de se réinsérer.

Troisième point de divergences, le mécanisme de garantie de prêts aux étudiants de Master. Plusieurs pays émettent des réserves sur l'instauration d'un tel mécanisme, mais pour des raisons fort différentes. Certains, en particulier les pays nordiques, qui disposent déjà de telles facilités, ne voient pas la valeur ajoutée apportée par l'Union européenne. D'autres, au contraire, redoutent qu'un tel mécanisme ne conduise leurs meilleurs étudiants à partir étudier dans un autre État membre pour ne plus jamais revenir. Pour ma part, je juge cette initiative de manière très positive. Les bourses Erasmus, qui se situent en moyenne autour de 250 euros par mois, sont loin d'être suffisantes pour couvrir les frais d'hébergement et de séjour. Ce nouveau mécanisme démocratiserait la mobilité au niveau Master, ce qui me semble particulièrement souhaitable. Je souligne, de surcroît, que ce mécanisme n'a pas vocation à concurrencer les initiatives nationales, mais qu'il viendrait simplement les compléter.

Un autre point qui fait l'objet de discussions porte sur la ventilation du budget en fonction des différents publics. De nombreuses délégations craignent que le regroupement de sept anciens programmes en un seul ne conduise à délaisser la mobilité de certains publics au profit d'autres. Ils redoutent notamment que la Commission européenne se concentre sur la mobilité étudiante, pour laquelle la visibilité de l'action européenne est plus forte. La proposition évoque bien des dotations minimales par secteur, mais celles-ci ne sont présentées que dans l'exposé des motifs, qui n'a aucun caractère contraignant. Il me paraît donc important que cette ventilation soit reproduite dans le corps du futur règlement, faute de quoi les échanges scolaires, les actions en faveur de la participation démocratique des jeunes, les volontariats à l'étranger risqueraient de connaître un coup d'arrêt. Cette ventilation est indispensable pour que le programme puisse bénéficier au plus grand nombre. Mon expérience des programmes européens d'échanges de jeunes à Melun depuis plus de vingt ans m'a démontré que, plus ils partent tôt à l'étranger, plus ils sont ensuite mobiles et font preuve d'initiative et d'adaptabilité.

Le dernier sujet conflictuel que je souhaiterais évoquer concerne l'enveloppe budgétaire globale. En dépit de la crise financière actuelle, un grand nombre de délégations ont salué la forte augmentation du budget proposée. Toutefois, il ne s'agit que d'une proposition. Encore faut-il que les négociations sur les perspectives financières 2014-2020 confirment l'arbitrage fait jusqu'ici par la seule Commission européenne. Or, sur ce sujet, rien n'est moins sûr. Le ministère du budget français a exprimé son opposition à toute augmentation des crédits alloués au programme « Erasmus pour tous », jugée « incompatible avec les contraintes pesant sur les finances publiques de la France ». Je vous avoue que cela me laisse perplexe. A mon sens, les dépenses en matière d'éducation, de formation et de jeunesse assurent un très bon retour sur investissement, d'autant que l'on ne saurait correctement comptabiliser les effets de la mobilité en prenant en compte seulement les individus qui partent : il faut aussi considérer les effets à long terme sur la famille, l'entourage ; il faut également mesurer, en France, les bénéfices que les établissements et les entreprises ont retiré à accueillir des étudiants étrangers, des apprentis ; il ne faut pas oublier les réseaux qui se sont ainsi créés.

Enfin, je tiens à souligner que l'augmentation proposée par la Commission représente moins de 1 % du budget total de l'Union européenne, ce qui ne risque pas fondamentalement de bouleverser les grands équilibres budgétaires. En revanche, ce type d'actions contribue beaucoup à rapprocher les citoyens, notamment les jeunes, de la construction européenne.

Pourquoi ne pas leur donner les moyens de réaliser leurs rêves, tout en assurant l'avenir de l'Union européenne ? C'est pour ces raisons que je vous propose d'adopter la proposition de résolution qui vous a été transmise.

M. Simon Sutour, président. - Je ne doute pas que votre proposition de résolution fasse l'unanimité. La comparaison des masses budgétaires dévolues à la PAC, à la cohésion territoriale, que je chéris, et à la politique que vous avez exposée, est éloquente ! Ce « retour sur investissement », selon vos propres termes, est imbattable !

M. André Gattolin. - La discussion sur le nom des programmes est surréaliste ! Le label « Erasmus » jouit d'une telle notoriété qu'il serait vraiment regrettable de ne pas le généraliser. Même dans les quartiers sensibles, j'ai pu constater, à plusieurs reprises, qu'Erasmus suscitait immédiatement des réactions positives et emportait l'adhésion populaire. Le label est connu et il peut même jouer un rôle incitatif ; il y a une fierté à pouvoir participer à Erasmus.

M. Simon Sutour, président. - Nous aurions tous aimé pouvoir bénéficier du programme Erasmus ! Cette proposition de résolution sera examinée par la commission de la culture le 4 avril.

*

La proposition de résolution européenne est adoptée à l'unanimité.

Proposition de résolution européenne

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution ;

Vu la proposition de règlement établissant « Erasmus pour tous », le programme de l'Union européenne pour l'éducation, la formation, la jeunesse et le sport (texte E 6863) ;

- estime que ce programme peut contribuer à répondre aux défis économiques actuels et à rapprocher l'Europe des citoyens ;

- soutient l'idée d'apposer un label unique intitulé « Erasmus » à l'ensemble des actions européennes en matière d'éducation, de formation et de jeunesse, afin de renforcer la clarté et la lisibilité pour les citoyens européens ;

- considère que les activités liées à la jeunesse devraient, compte tenu de leur nature spécifique, faire l'objet d'un chapitre distinct, de manière à assurer leur pérennité et garantir leur visibilité ;

- se félicite de la création d'un mécanisme de garantie de prêts « Erasmus Master », qui permettra de démocratiser l'accès à la mobilité étudiante, et demande au Gouvernement d'examiner les modalités de mise en oeuvre au niveau national ;

- juge indispensable d'introduire, dans la base du règlement, une dotation budgétaire minimale selon les publics visés, de manière à s'assurer que la fusion des anciens programmes ne se traduise pas par l'abandon de certaines politiques pourtant pertinentes ;

- demande au Gouvernement de soutenir l'augmentation des crédits proposée par la Commission, de manière à permettre à ce programme, qui contribue à forger la conscience européenne, de donner sa pleine efficacité.