COM(2021) 706 final  du 17/11/2021

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Cette proposition de règlement1(*) constitue l'un des nombreux textes de mise en oeuvre du Pacte vert, ou Green Deal, devenu en 2019/2020 l'une des priorités politiques de la Commission européenne et de l'ensemble des institutions européennes. Il s'agit, en effet, de la démarche transversale visant à atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050.

Le Pacte vert, qui s'inscrit dans le prolongement de l'Accord de Paris sur le climat, repose sur une logique, difficilement contestable, selon laquelle la lutte contre le réchauffement climatique ne saurait être efficace sans une action menée au niveau européen, sinon mondial, afin d'éviter que les efforts collectifs ne soient ruinés par des comportements opportunistes de pays pratiquant une politique de cavalier seul. Il en va d'ailleurs ainsi au sein même de l'Union européenne, entre les 27 États membres.

Dans le cas d'espèce, la présente proposition de règlement, complémentaire de l'initiative sur la gouvernance d'entreprise durable, vise à enrayer la déforestation dans le monde, en évitant que les importations à l'intérieur de l'Union européenne n'alimentent ce phénomène, que l'on entreprend par ailleurs de combattre sur le territoire même des 27 États membres. Par ce biais, comme le souligne l'exposé des motifs, l'Union entend exercer « une fonction normative crédible à l'échelle mondiale » et projeter son cadre juridique.

Si ces dispositions semblent en première analyse de nature technique, elles revêtent pourtant bel et bien une importance politique majeure. Il en va, en effet, tout à la fois de la cohérence générale des ambitions du Pacte vert, de celle de la Politique agricole commune et de celle de la politique commerciale de l'Union.

En résumé, il est proposé, pour six denrées et matières premières clé (le bois, le cacao, le soja, le boeuf, l'huile de palme et le café), ainsi que pour certains de leurs dérivés énumérés dans une annexe au projet de règlement, d'interdire leur vente sur le territoire de l'Union, s'ils proviennent d'un territoire « déforesté » après le 31 décembre 2020.

Pour ce faire, la clé de voûte du dispositif consiste à instaurer une « obligation de vigilance raisonnable » à la charge des entreprises, ces dernières pouvant voir leur responsabilité juridique engagée, à défaut d'avoir fait le nécessaire. Ces entreprises devraient ainsi faire preuve de diligence, y compris en ayant recours à des images satellites, pour s'assurer par elles-mêmes de la conformité de leurs importations, pour ne pas s'exposer à des plaintes devant les tribunaux. Enfin, ce règlement supposerait la mise en place de mécanismes de contrôle au niveau des États membres, avec l'obligation d'en rendre compte à la Commission européenne, laquelle se verrait confier de facto un pouvoir de surveillance (ou « monitoring » en langue anglaise) dont on peine à percevoir les contours.

Au regard du principe de subsidiarité, l'exposé des motifs du projet de règlement fait valoir, à juste titre, la nécessité d'une action coordonnée et harmonisée sur le territoire des 27 États membres, ainsi que l'objectif de conjurer le risque de distorsions de concurrence intra-européennes. Il est aussi fait référence aux articles 191 et 192 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, lesquels prévoient effectivement que la politique de l'Union contribue à la poursuite de plusieurs objectifs environnementaux, parmi lesquels figure la lutte, au plan international, contre le réchauffement climatique.

Le choix de recourir à un règlement plutôt qu'à une directive qui aurait laissé une marge d'intervention aux États membres, apparaît pertinent au regard des enjeux de sécurité juridique, de mise en oeuvre de la politique commerciale et de préservation de l'intégrité du marché intérieur : la règle sera en effet directement applicable dans l'ensemble de l'Union de manière uniforme.

La volonté exprimée dans l'exposé des motifs de voir l'Union devenir la référence guidant la communauté internationale vers la neutralité carbone correspond à une ambition nécessaire, pour éviter que la mise en oeuvre du pacte vert ne pénalise les entreprises de l'Union et permettre qu'elle contribue de manière efficace à la lutte contre le changement climatique en assurant à l'Union une forme de leadership dans ce domaine. Certains observateurs ne manqueront toutefois pas d'y voir une ambition prométhéenne, car il s'agit là, ni plus ni moins, que de modifier de fond en comble les chaînes de valeur et d'approvisionnement du commerce international.

On peut enfin s'interroger sur la capacité effective de mettre en oeuvre, sur le plan pratique et opérationnel, un système pan-européen de contrôle des flux d'importation, pour un vaste ensemble de denrées et matières, dont la liste a vocation à s'accroître au fil du temps, par la voie, qui plus est, d'actes délégués. Le pouvoir de surveillance confié à la Commission européenne, qui en découlera mécaniquement, s'annonce très étendu.

Le groupe de travail sur la subsidiarité a donc décidé de ne pas intervenir sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la mise à disposition sur le marché de l'Union ainsi qu'à l'exportation à partir de l'Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts, et abrogeant le règlement (UE) n 995/2010.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 13/01/2022


Agriculture et pêche

Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la mise à disposition sur le marché de l'Union ainsi qu'à l'exportation à partir de l'Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts, et abrogeant le règlement (UE) n° 995/2010
COM(2021) 706 final - Texte E16355

(Procédure écrite du 17 février 2023)

La commission a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-4 de la Constitution.