PARTICIPATION D'UNE DELEGATION FRANCAISE
A LA 127ème ASSEMBLEE DE L'UIP
- Québec, 21-26 octobre 2012
Du 21 au 26 octobre 2012, une délégation de parlementaires français a participé à Québec, à l’invitation du Parlement canadien, à la 127e assemblée de l’Union interparlementaire (UIP) qui a réuni quelque 130 délégations parlementaires.
Pour le Sénat, ont pris part à cette session Mmes Michèle ANDRÉ (SOC, Puy-de-Dôme), présidente exécutive du groupe français, Dominique GILLOT (SOC, Val d’Oise) et M. Robert Del PICCHIA (UMP, représentant les Français établis hors de France), président du groupe géopolitique des «12 +», au sein de l’UIP.
L’Assemblée nationale était représentée par MM. Patrice MARTIN-LALANDE (UMP, Loir-et-Cher), Serge JANQUIN (SRC, Pas-de-Calais) et Jean-Louis DESTANS (SRC, Eure), députés.
Mme Michèle ANDRÉ est intervenue dans le débat spécial consacré aux « femmes dans les parlements ». Ayant décrit le niveau de féminisation du Parlement français, elle a souligné la nécessité universelle du renforcement de la place des femmes dans les Parlements, qui passait tout à la fois par la loi, les engagements des partis et l’évolution des cultures politiques.
En séance plénière -à laquelle ont participé tous les membres de la délégation-, Mme Michèle ANDRÉ s’est exprimée au nom de la délégation française sur le thème « Citoyenneté, identité et diversité linguistique et culturelle à l'ère de la mondialisation » (lire le texte intégral de son intervention). Elle a rappelé que, longtemps, la France avait été méfiante à l’égard des particularismes, considérant que la Nation se définissait par la citoyenneté et non par un héritage linguistique, culturel ou religieux. Cette méfiance était la contrepartie d’une conception très universaliste des droits de l’homme et de la démocratie. Dans cette conception, ce qui importait avant tout au regard de l’État, c’était la citoyenneté et non l’enracinement dans une culture, une langue, une religion déterminée.
Mme Michèle ANDRÉ a indiqué qu’aujourd’hui les Français étaient davantage conscients de la richesse qu’offre la multiplicité des apports culturels au sein d’une même société et de la nécessité du dialogue avec d’autres cultures, en Europe ou au-delà. Elle a notamment rappelé qu’en France, la démocratie ne se concevait pas« sans liberté individuelle, au besoin contre les contraintes de l’appartenance à un groupe » et qu’un État manquait à la démocratie lorsqu’il laissait« les membres d’un groupe social déterminé dans une situation d’inégalité de fait ». « L’appartenance à un groupe ne saurait en aucun cas être cause d’un amoindrissement des droits civils, politiques, économiques ou sociaux des membres de ce groupe ».
Les amendements déposés par le groupe français au projet de « déclaration de Québec » sur le respect de la diversité ont été intégrés dans la résolution finale adoptée à l’unanimité par l’Assemblée le 26 octobre : ils avaient pour objet de préciser que l’orientation sexuelle ne devait entraîner aucune forme de discrimination dans l’exercice des droits de l’homme.
M. Serge JANQUIN a présenté à la première commission permanente l’un des deux rapports sur la « responsabilité de protéger : le rôle du Parlement dans la protection des civils » (lire le projet de rapport).Il a observé qu’après avoir été définie avec précision par le Sommet mondial de septembre 2005, la responsabilité de protéger avait été invoquée à de nombreuses reprises, notamment lors de l’intervention d’une coalition internationale en Libye pour mettre fin aux exactions du régime du colonel Kadhafi. Évoquant les controverses sur l’application du mandat donné par le Conseil de sécurité en vue de cette intervention, il a souligné la nécessité d’une clarification, « en particulier pour distinguer responsabilité de protéger et changement de régime ». Il a remarqué à ce propos que « lorsque la grande majorité des États de l’ONU demandent le départ de Bachar al-Assad, ils ne prônent pas un changement de régime, ils tirent simplement la conclusion des crimes perpétrés sous son autorité, qui lui retirent toute légitimité ».
M. Serge JANQUIN a ensuite demandé que, dans le cadre des trois « piliers » de la responsabilité de protéger (responsabilité première des États, assistance internationale aux États exposés à des risques de crimes de masse et réaction résolue en temps voulue de la Communauté internationale), le Parlement joue tout son rôle. Les Parlements doivent en particulier mettre la législation de leur pays en conformité avec les exigences de la responsabilité de protéger, par exemple pour assurer que les auteurs de violations massives des droits humains répondent de leurs actes devant une juridiction nationale ou devant la Cour pénale internationale. Ils doivent donner à leur gouvernement les moyens nécessaires pour aider les États fragiles ou fragilisés à remplir leurs obligations vis-à-vis de leurs populations civiles. Ils doivent également être pleinement informés sur toute situation de violation massive et systématique des droits de l’homme. Ils doivent interroger leur gouvernement sur ses positions à ce sujet au Conseil de sécurité ou à l’Assemblée générale. Dans certains pays, ils pourront avoir à autoriser une intervention extérieure au titre de la responsabilité de protéger.
M. Serge JANQUIN a conclu sa présentation en soulignant que la responsabilité de protéger ne devait pas se limiter à la prévention et à l’intervention. « Si la prévention échoue et qu’une intervention militaire est jugée nécessaire par le Conseil de sécurité, la Communauté internationale a la responsabilité de reconstruire le pays après le conflit et d’assurer la stabilité de son environnement. À ce stade aussi, l’implication parlementaire est indispensable à la reconstruction du vivre ensemble. »
M. Patrice MARTIN-LALANDE a pris part au large débat qui a suivi la présentation des rapports de la première commission permanente. Après avoir jugé inappropriée l’expression de « nettoyage ethnique » utilisée par l’ONU pour qualifier les expulsions de populations, il a notamment estimé nécessaire d’inventorier les moyens dont disposent les parlements pour suivre et contrôler l'intervention de leurs armées. Il a également proposé d’examiner comment l'UIP et les organisations régionales de parlements peuvent apporter le soutien nécessaire aux parlementaires qui ont individuellement le courage de dénoncer et de combattre les violations massives des droits de l’homme commises dans leur pays.
M. Patrice MARTIN-LALANDE est également intervenu dans le débat sur « le recours à divers médias, y compris les médias sociaux, pour accroître la participation des citoyens et améliorer la démocratie ». Il y a en particulier préconisé une nouvelle gouvernance de l’internet, fondée sur une participation des représentants des États, du secteur privé et de la société civile tant des pays développés que des pays en développement. Il a, par la suite, pris part à la réunion organisée sur le thème : « représentation parlementaire et communication, le rôle des médias sociaux ».
M. Patrice MARTIN-LALANDE a par ailleurs suivi les débats de la Commission des Affaires des Nations Unies et de son groupe consultatif, dont il est membre. Au sein du groupe consultatif, il a pris part aux discussions sur l’organisation de la prochaine audition parlementaire au siège des Nations Unies en vue de la rendre plus interactive et d’y permettre l’implication du plus grand nombre possible de parlementaires.
Mme Dominique GILLOT a participé au débat sur les « perspectives de la jeunesse dans l’économie mondialisée ». Elle a fait valoir que l’attention à la jeunesse, priorité politique, était un projet de société à même de favoriser la réconciliation des générations et la lutte contre les conflits de classes. Cela passait en particulier la refondation de l’école dès le premier niveau, parce que c’est là que se jouent, en premier lieu, l’acquisition du langage, la structuration des apprentissages – avec le souci de la justice et de l’équité ; ensuite la considération des parents comme partenaires de l’école et du redressement de la nation ;
Mme Dominique GILLOT a estimé qu’il était essentiel de promouvoir le développement de liens entre l’école, l’entreprise et les services publics, à travers des stages et des contrats d’apprentissage par alternance. De même l’évaluation et la réorganisation de la formation professionnelle devaient être mieux adaptée aux besoins du développement économique et ouverte tout au long de la vie.
Mme Dominique GILLOT a conclu en insistant sur la nécessaire réaffirmation de l’université au cœur de la formation supérieure, de la recherche, son lien avec le développement économique et l’innovation et sur sa meilleure ouverture à toutes les catégories sociales.
M. Jean-Louis DESTANS est intervenu dans le débat sur « la consolidation de la paix après un conflit ». Il y a évoqué le cas de la Somalie qui lui a semblé illustrer la nécessité mais aussi les difficultés de la consolidation de la paix. Il a observé qu’il ne saurait y avoir de consolidation de la paix réussie sans une complète sécurisation et stabilisation du territoire, ce qui implique une présence militaire internationale mais il a aussi souligné que l’enjeu ultime de la consolidation de la paix est de permettre au pays en crise de prendre en charge lui-même sa propre sécurité. L’action militaire ne suffit pas, il faut également une stratégie politique de réconciliation nationale. En Somalie, la mise en place d’institutions fédérales et locales associant toutes les composantes de la société somalienne est une priorité. Enfin, l’aide d’urgence et l’aide au développement sont essentielles. Après la terrible famine de 2011, la situation humanitaire reste précaire en Somalie. La question du financement est, dans le domaine militaire, politique et dans celui de l’aide, fondamentale.
M. Jean-Louis DESTANS a également pris part au débat sur le thème du « commerce équitable et des mécanismes novateurs de financement pour un développement durable ». Il a constaté que le commerce équitable est porté par un mouvement d’opinion et que la crise économique n’a pas enrayé sa progression. Il a également noté qu’il répond aux priorités fixées par les organisations internationales tant en ce qui concerne les droits des personnes que la protection de l’environnement. Il s’est prononcé pour une intervention forte des pouvoirs publics pour labelliser le commerce équitable d’abord à l’échelle nationale, puis dans un cadre régional comme celui de l’Union européenne et enfin au sein de l’OMC. S’agissant des financements innovants, il a souligné leur nécessité dans un contexte de stagnation de l’aide publique au développement et relevé le succès de la taxe sur les billets d’avion affectée à UNITAID. Après avoir évoqué la décision d’instituer une taxe sur les transactions financières dans un cadre européen, il a rappelé la proposition française d’instituer au plan mondial une imposition analogue et d’en affecter le produit à l’aide au développement et à la lutte contre les pandémies.
Mme Michèle ANDRÉ a participé au comité de rédaction du projet de résolution sur « la situation institutionnelle et sécuritaire au Mali ». Le texte adopté par le comité de rédaction réitère la condamnation par la Communauté internationale des agissements des groupes armés terroristes et fondamentalistes au nord du Mali. Il salue le soutien de la France au Mali et se félicite de la résolution adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU en vue du déploiement d’une force militaire internationale pour aider ce pays à restaurer sa souveraineté sur la totalité de son territoire. Sur la proposition de Mme André, le texte exprime son soutien à la stratégie internationale d’aide au développement du Sahel et demande instamment le renforcement de l’aide humanitaire dans la région. Il a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée le 26 octobre
M. Robert Del PICCHIA a présidé cinq réunions du groupe des « 12+ » qui regroupe 46 parlements sur les 167 membres de l’UIP. Au cours de la réunion du lundi 22 octobre, la candidature du Parlement d’Azerbaïdjan au groupe a été rejetée à l’issue d’un vote à scrutin secret. Les membres du groupe ont, par ailleurs, renouvelé par acclamation le sénateur français à la présidence des « 12+ » pour un second mandat de 2 ans.
Dans son intervention de clôture (lire le texte intégral du discours), M. Robert Del PICCHIA, en qualité de Président des « 12+ », a notamment évoqué le projet d’amendement aux Statuts de l’UIP, à l’étude au sein du groupe qu’il préside, tendant à instaurer une modalité de suspension, par l’UIP d’un Parlement membre dont l’État n’exercerait pas ‑ comme en Syrie – sa « responsabilité de protéger » sa propre population contre les violations massives des droits de l’homme.