Mercredi 15 mai 2024

- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -

La réunion est ouverte à 10 h 45.

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à faciliter la transformation des bureaux en logements - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons aujourd'hui le rapport de notre collègue Martine Berthet sur la proposition de loi visant à faciliter la transformation de bureaux en logements, qui sera débattue en séance la semaine prochaine.

Je vous rappelle que quatre articles ont été délégués au fond à la commission des finances : les articles 2, 3, 3 bis A et 3 bis B. C'est pourquoi nous avons le plaisir d'accueillir notre collègue Stéphane Sautarel, rapporteur pour avis sur ces articles.

Lundi après-midi, avec Antoinette Guhl, Marianne Margaté et Micheline Jacques, ainsi que des collègues d'autres commissions, en particulier élus de Paris, nous avons visité l'îlot Saint-Germain, pour découvrir un projet de transformation de bureaux en logements, mené par le bailleur social Régie immobilière de la ville de Paris (RIVP), avec la création de 254 logements sociaux, mais également, en plein coeur de Paris, la réalisation d'un gymnase, d'une crèche et d'un jardin public. Cette visite était extrêmement intéressante, et directement en relation avec la proposition de loi qui nous occupe ce matin. Y participait également la présidente du Conseil national de l'ordre des architectes (Cnoa). Je la remercie, ainsi que les représentants de la RIVP, les élus parisiens chargés du logement, et la présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH), Emmanuelle Cosse.

Je remercie Martine Berthet, qui a travaillé dans un délai particulièrement contraint.

Mme Martine Berthet, rapporteure. - Le texte que nous examinons est issu d'une proposition de loi déposée par notre collègue député Romain Daubié. Comportant à l'origine sept articles, la proposition a été enrichie lors de son examen à l'Assemblée nationale, puisqu'elle en comporte à présent douze. Ses deux dispositions phares, aux articles 1er et 4, ont en outre été profondément remaniées.

Ce texte vise à faciliter la transformation de locaux de bureaux inutilisés en logements. Notre commission a adopté, il y a quinze jours, le rapport de nos collègues Dominique Estrosi Sassone, Viviane Artigalas et Amel Gacquerre sur la crise du logement. Il semble évident qu'il faut faire feu de tout bois pour encourager et faciliter la production de logements, dans les meilleurs délais. De ce point de vue, cette proposition de loi est tout à fait bienvenue.

Cette problématique n'est d'ailleurs pas totalement nouvelle : dans les années 1990 déjà, la crise de surproduction de locaux tertiaires avait forcé les promoteurs à reconvertir certains de leurs actifs immobiliers en locaux d'habitation ; cela a de nouveau été le cas après la crise financière de 2008. Dès 2018 d'ailleurs, la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan) avait facilité ces opérations, en leur permettant notamment de bénéficier d'un bonus de constructibilité par rapport aux règles du plan local d'urbanisme (PLU). Plus récemment, la crise de la covid et l'essor du télétravail ont conduit à une réduction drastique des besoins en surfaces de bureaux et a rendu ce problème de vacance des bureaux très visible.

À cela s'ajoutent des motifs plus structurels : une recomposition des espaces de travail, liée au numérique et aux nouvelles méthodes de travail en entreprise, avec une réduction des espaces de bureaux privatifs au profit d'open spaces et autres salles partagées, globalement moins gourmands en surface ; un ralentissement, depuis une quinzaine d'années, de la croissance des emplois de bureaux, sur laquelle les promoteurs ne se sont pas encore alignés.

Le résultat, c'est que la surface de bureaux vacants est estimée, pour la seule Île-de-France, à 4,4 millions de mètres carrés, dont un quart environ en situation de vacance structurelle. C'est un million de mètres carrés de plus qu'il y a cinq ans. Dans un contexte de raréfaction du foncier disponible, il est évident que ces locaux doivent être réutilisés. C'est d'ailleurs déjà le cas. Les collectivités et les promoteurs procèdent déjà à de telles opérations. La délégation de la commission qui s'est déplacée lundi après-midi sur le site de l'îlot Saint-Germain a pu en faire le constat, comme l'a rappelé la présidente. D'anciens locaux du ministère des armées y ont été reconvertis en plus de 250 logements sociaux.

Cependant, toutes les surfaces de bureaux vacants ne peuvent pas aisément être transformées en logements, et ce pour plusieurs raisons - sans compter la question de la fiscalité, pour l'instant peu incitative, sur laquelle Stéphane Sautarel reviendra.

Cela tient d'abord à des raisons techniques, telles que la configuration initiale des locaux de bureaux, notamment des ouvertures et des circulations, et la profondeur des bâtiments ; la trame, qui est généralement plus importante pour les immeubles de bureaux. Il y a aussi des raisons économiques, qui sont en partie liées à l'ampleur de ces transformations, mais pas seulement : il faut y ajouter le coût d'acquisition des locaux, le coût des travaux de mise en conformité, tels que le désamiantage, mais aussi le coût induit par la perte de surfaces commercialisables. Dans des bâtiments d'habitation, il faut créer des parties communes, des extérieurs - des balcons - qui, souvent, ne peuvent pas être installés en saillie sur les façades et viennent donc grever de la surface utile.

Ces opérations ne sont souvent rentables qu'en région parisienne ou dans certaines métropoles régionales, où le prix de vente au mètre carré excède 5 000 à 6 000 euros - sauf à ce qu'elles bénéficient de subventions.

Il y a aussi des obstacles réglementaires. Les zonages des PLU peuvent notamment s'opposer à la production de logements, dans certains secteurs monofonctionnels, et les règles de copropriété peuvent être excessivement contraignantes pour les changements d'usage.

Cette proposition de loi ne règle pas tous les problèmes. Elle ne réglera pas les problèmes techniques à la place des architectes et des ingénieurs et elle ne conduira pas à la nécessaire refonte des règles de sécurité incendie, dont le chantier est en cours depuis de nombreuses années et qui doit se faire par voie réglementaire. Mais elle lève certains obstacles.

Pour faciliter la transformation des bâtiments existants, l'article 1er autorise l'autorité compétente pour délivrer les permis de construire à déroger, au cas par cas, aux règles du PLU relatives aux destinations, avec l'accord de l'autorité compétente pour élaborer le PLU, et les articles 6 et 7 substituent à l'unanimité la majorité simple pour autoriser, dans une copropriété, un copropriétaire à transformer un local affecté à une activité tertiaire en logement, même si le règlement de copropriété l'interdit, et procéder en conséquence à une nouvelle répartition des charges.

Afin de faciliter l'adaptation par les communes de l'environnement des bâtiments reconvertis aux besoins des nouveaux habitants, l'article 3 bis ouvre la possibilité de recourir aux projets urbains partenariaux, qui permettent de faire participer les porteurs de projets aux coûts des équipements publics nécessités par ces opérations, en complément des mesures fiscales détaillées.

Ensuite, il y a le cas des constructions nouvelles. On dit souvent que la ville de demain est déjà construite à 80 %. Les contraintes du « zéro artificialisation nette » (« ZAN ») renforcent, naturellement, la nécessité du recyclage urbain. Mais pour les 20 % de nouvelles constructions à venir aussi, la réversibilité est un enjeu majeur, qui doit être pris en compte dès la conception. La loi « Climat et résilience » de 2021 dispose d'ailleurs déjà que tous les bâtiments dont le permis de construire est déposé à partir du 1er janvier 2023 doivent faire l'objet, avant construction, d'une étude de potentiel de réversibilité et d'évolution future. C'est aussi le cas pour les bâtiments qui doivent être démolis.

L'article 4 entend lever un obstacle juridique à la réversibilité, en créant un permis de construire innovant, qui pourrait autoriser dès l'origine plusieurs destinations différentes pour un bâtiment dès sa construction. Il s'agit en quelque sorte d'une extension du permis à double état mis en place pour les jeux Olympiques, mais avec deux différences fondamentales : l'ordre de mise en oeuvre des destinations ne serait pas précisé ; il n'y aurait pas non plus de délai pour le changement de destination, en dehors des règles de caducité de droit commun des permis de construire.

Le texte comporte également des mesures en faveur des résidences étudiantes, en rouvrant aux centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) la possibilité de recourir aux marchés de conception-réalisation, à l'article 5, et en permettant aux PLU de leur accorder des bonus de constructibilité, à l'article 5 bis.

J'ai cherché à rendre ces dispositifs plus opérationnels, tout en sécurisant les collectivités sur leur maîtrise de leurs projets d'aménagement.

Premièrement, pour répondre à l'urgence des besoins en logements, je vous propose d'accélérer les procédures mises en place par le texte et d'en élargir le champ, afin d'améliorer l'équilibre économique de ces opérations de transformation.

Deuxièmement, assurons-nous que ces procédures ne dépossèdent pas les collectivités de leurs prérogatives en matière d'aménagement de leur territoire.

Concernant l'accélération des procédures, allons jusqu'au bout de la logique et étendons le champ d'application du texte à toutes les opérations de transformation de bâtiments existants en habitations, et non pas seulement les bureaux, car d'autres types de bâtiments se prêtent particulièrement bien à la transformation en habitations, comme les hôtels, les bâtiments d'enseignement ou les garages. Cela permettrait en outre d'utiliser cette dérogation dans le cadre des grands chantiers de transformation des zones commerciales d'entrée de ville. La Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) estime que, entre les requalifications et la mobilisation du foncier disponible, pas moins d'un million de logements pourraient ainsi y être créés.

Des opérations emblématiques ont déjà eu lieu dans ce type de locaux, comme la transformation des anciens magasins Tati à Barbès, à Paris. Plus atypique, j'ai eu également connaissance de la transformation par le Crous de Versailles d'écuries, à Saint-Cloud, avec la création de 60 logements étudiants.

Je vous proposerai le même élargissement aux locaux commerciaux du dispositif prévu à l'article 6, sur la copropriété.

Je précise d'ailleurs que le titre de la proposition de loi est trompeur, puisque le dispositif concerne en réalité l'ensemble des bâtiments d'habitation, ce qui inclut aussi les bâtiments d'hébergement, notamment les résidences étudiantes et les résidences services. C'est un élargissement tout à fait bienvenu dans la mesure où, pour ce qui concerne les transformations de bureaux en particulier, ces types de bâtiments, plus modulaires, sont plus faciles à réaliser. Je vous proposerai donc de modifier l'intitulé du texte pour qu'il soit en cohérence avec le dispositif.

Le deuxième point concerne l'équilibre économique des opérations et leur sécurité juridique, afin d'encourager les promoteurs à les réaliser. Je vous proposerai, par exemple, de préciser que les dérogations introduites dans le texte, que ce soit à l'article 1er ou à l'article 4, concernent ces opérations dans leur globalité, y compris les éventuelles extensions ou surélévations induites par le projet. Les bâtiments sur lesquels débouchent ces transformations devront aussi pouvoir avoir un usage mixte : commerces en pied d'immeuble, locaux tertiaires.... Cela a un avantage en termes de vie de quartier, mais aussi en termes de rentabilité, les prix à la vente ou à la location des locaux tertiaires étant généralement plus intéressants pour les promoteurs. Cela permettrait dans certains cas d'équilibrer économiquement les opérations.

En contrepoint, j'ai cherché à sécuriser les maires. Je propose de rationaliser les procédures dérogatoires en matière d'urbanisme aux articles 1er et 4, afin de les rendre plus opérationnelles. Mais j'ai, bien entendu, toujours conservé l'avis de la commune.

Je n'ai pas souhaité, comme le suggéraient les promoteurs, introduire des dérogations de droit aux PLU, considérant que ces dérogations existent déjà, et peuvent être accordées, au cas par cas, par le maire.

Sur le permis à destinations multiples, je vous propose d'étendre sa durée de validité, mais en prévoyant des clauses de revoyure et en permettant au maire d'exiger que le porteur de projet indique la première destination.

Ce texte ne résoudra pas toutes les difficultés, et les cas d'application demeureront sans doute relativement rares. Son calendrier d'examen est un peu curieux, à quelques semaines seulement d'un texte sur le logement, qui comporte lui aussi des mesures de facilitation pour la création de nouveaux logements. C'est néanmoins un texte utile, qui pourra ponctuellement faciliter des opérations de transformation à même de faire baisser un peu la pression dans certains quartiers. J'espère qu'il pourra être adopté rapidement.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Mme la rapporteure, que je remercie, a bien rappelé le contexte de cette proposition de loi : alors que les opérations de transformation de bureaux - et même d'autres locaux professionnels - en logements présentent un intérêt certain au regard des objectifs de développement du logement abordable et de réduction des émissions de CO2 et de l'artificialisation, elles demeurent encore assez rares, ne représentant que 2 % environ des créations annuelles de logements.

Ces opérations font en effet face à des difficultés, et les maires sont en première ligne.

Le volet fiscal de la proposition de loi relatif aux articles 2, 3, 3 bis A et 3 bis B, et qui a été délégué au fond à la commission des finances, vise à aplanir certains des obstacles qui bloquent la création de logements à partir de locaux professionnels. Le traitement fiscal de ces opérations est en effet l'un des éléments pris en compte par les porteurs de projets dans leur calcul économique, mais aussi par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dans le choix d'autoriser ces opérations.

Les articles 2, 3 et 3 bis B prévoient l'application de la taxe d'aménagement aux opérations de transformation de bureaux en logements, qui n'y sont en effet pas soumises dans le droit actuel si elles n'occasionnent pas de création de surface.

L'article 2 permet aux collectivités ayant institué la taxe d'aménagement d'assujettir, si elles délibèrent en ce sens, les opérations de transformation de bureaux en logements à cette taxe. Imposer une catégorie d'opérations afin de favoriser leur réalisation peut paraître paradoxal. Il n'en est toutefois rien.

En effet, les opérations de transformation de bureaux en logements, même si elles ne créent pas de surface nouvelle, font venir des populations nouvelles, ce qui entraîne des besoins nouveaux, avec notamment la création ou l'extension des établissements scolaires ou de structures pour la petite enfance, que la taxe d'aménagement a pour objet de financer. L'assujettissement à la taxe d'aménagement a ainsi été décrit comme indispensable par nombre de personnes entendues, et comme élément d'incitation et d'acceptabilité pour les communes.

La commission des finances a adopté un amendement de réécriture de l'article 2 qui vise à trouver le juste équilibre entre la nécessité de réduire l'impact de la taxe sur l'équilibre économique des projets, tout en préservant l'apport de ressources aux collectivités du bloc communal. Cet amendement a pour objet de transformer l'assujettissement facultatif prévu par le texte en assujettissement de droit, tout en permettant aux collectivités d'exonérer les opérations concernées, en fonction de la situation locale ; d'assujettir à la taxe d'aménagement toutes les transformations de locaux en logements, quelle que soit leur destination d'origine, car la limitation aux transformations de bureaux n'est pas justifiée au regard de l'objectif de la proposition de loi ; de n'instituer que la part communale de la taxe d'aménagement pour ces opérations, en cohérence avec l'objectif de favoriser l'attribution des autorisations d'urbanisme par la collectivité compétente - selon nos estimations, cette mesure permettrait de diminuer d'environ un tiers le poids de la taxe d'aménagement - ; enfin, d'introduire un abattement de 50 % sur l'assiette de la taxe, afin de prendre en compte l'existence d'équipements déjà financés par la taxe d'aménagement lors de la construction initiale de l'immeuble.

L'article 3 définit l'assiette de la taxe d'aménagement pour les opérations de transformation de bureaux en logements par transposition des règles applicables aux nouvelles constructions. Dans un souci de clarté, la commission des finances vous propose de transférer les dispositions relatives à l'assiette au sein de l'article 2 et de supprimer en conséquence l'article 3.

Pour conclure sur la taxe d'aménagement, l'article 3 bis B, qui prévoit que l'EPCI pourrait reverser à ses communes membres une partie du produit de la taxe ainsi instituée, est satisfait par le droit existant : une telle mesure existe déjà pour la taxe d'aménagement dans son ensemble. La commission des finances vous propose donc de supprimer cet article.

Enfin, l'article 3 bis A prévoit l'exonération des bureaux faisant l'objet d'une transformation en logements de la taxe sur les bureaux (TSB) due en Île-de-France et dans les départements littoraux de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca). Il est vrai qu'il n'est pas souhaitable de soumettre à la TSB des locaux dont la transformation en logements est en cours, dans la mesure où cela peut constituer un frein à ces opérations. La commission des finances a toutefois considéré que la rédaction de l'article pouvait être améliorée, en faisant porter l'exonération sur l'ensemble des transformations de locaux en logements, quelle que soit la destination d'origine, pour les raisons déjà exposées au sujet de l'application de la taxe d'aménagement ; en ciblant l'exonération sur les locaux destinés à être transformés en locaux à usage d'habitation, ce qui garantit qu'elle ne favorisera pas les transformations de bureaux et autres locaux professionnels en meublés de tourisme ou en résidence de tourisme qui ne contribuent pas à l'objectif de lutter contre la crise du logement ; en appliquant l'exonération à des projets ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme et qui sont vacants, car un bureau toujours occupé doit continuer à être soumis à cette taxe ; enfin, en prévoyant un engagement et un mécanisme d'amende pour le cas où l'engagement de transformation des locaux en logements ne serait finalement pas respecté.

Aussi, je vous invite à adopter les articles 2 et 3 bis A tels que réécrits et à supprimer les articles 3 et 3 bis B.

Mme Martine Berthet, rapporteure. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives aux dispositions des documents d'urbanisme susceptibles de faciliter la transformation des bâtiments existants en habitations, y compris les dérogations à ces dispositions ; aux mesures relatives à la fiscalité des opérations de transformation de bureaux et autres locaux non destinés à l'habitation en locaux destinés à l'habitation ; aux dispositions du code de l'urbanisme relatives au financement des équipements publics induits par ces opérations ; aux conditions de passation de marchés publics des Crous pour les résidences étudiantes ; aux dérogations aux dispositions des PLU pour les résidences étudiantes ; au permis de construire à destinations multiples ; aux modifications des règles de copropriété susceptibles de faciliter la transformation de bâtiments existants en habitations. Sans que cette mention soit exhaustive, ne sont pas susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives aux dispositions d'ordre général ou spécifiques relatives aux procédures d'urbanisme, lorsqu'elles sont dépourvues de lien avec l'une des dispositions citées.

Il en est ainsi décidé.

M. Christian Redon-Sarrazy. - Merci aux rapporteurs pour le travail réalisé sur ce texte technique, concernant le logement, après toutes les carences de l'exécutif que nous avons constatées dans ce domaine. Il ne réglera pas grand-chose, son application sera sans doute marginale, mais tout est bon à prendre.

Le groupe SER sera favorable aux dérogations au PLU dès lors qu'elles répondent aux objectifs que nous défendons, à l'assouplissement de certaines règles relatives aux copropriétés, à la notion de réversibilité des permis, aux mesures pour le logement étudiant. Par petites touches, ce sont autant d'éléments qui peuvent améliorer une situation tendue dans bien des domaines.

Ce texte aura peu de conséquences pour les territoires ruraux, même s'il apporte des solutions çà et là.

Son inscription à l'ordre du jour de nos travaux, juste avant un texte dit majeur sur le logement, est à contretemps. Nous nous rangerons néanmoins à l'avis des rapporteurs et défendrons des amendements qui complètent le texte.

M. Daniel Gremillet. - Je remercie les rapporteurs pour leur travail complémentaire, qui rend cette proposition de loi vraiment opérationnelle. Elle sera de nature à favoriser de nouveaux logements dans des lieux qui n'en avaient pas. Sur la question des transports et des lieux de vie, on assiste à une réorganisation territoriale intéressante, qui sort de la logique des zones monofonctionnelles. Ce texte est donc une projection sur ce que l'habitat pourrait devenir sur nos territoires, et je la salue, au-delà de l'obligation d'économie de foncier, avec le « ZAN ».

Dans le milieu rural, on est confronté au problème de la rénovation des corps de ferme et de la transformation d'anciennes étables ou de hangars en logements, qui bute sur la fiscalité. Très souvent, c'est la destruction complète qui est donc privilégiée, ce qui est dommage pour des bâtisses qui sont souvent en coeurs du village et qui offrent un potentiel de logements énorme. C'est une souffrance tant pour les propriétaires que pour les collectivités. Le travail des rapporteurs ouvre des perspectives dans un domaine auquel, jusqu'à présent, aucune réponse n'avait été apportée.

Mme Antoinette Guhl. - Quatre textes sur le logement en quelques mois, c'est dire si la crise du logement est importante. La transformation des bureaux vacants, dont le nombre devient très important, notamment aux proches abords de Paris et d'autres grandes villes, répond partiellement à cette crise. Elle est de nature à lutter contre l'étalement urbain, à participer à l'objectif de « zéro artificialisation nette » et à limiter les émissions de gaz à effet de serre. Pour toutes ces raisons, le GEST y est favorable.

Ce texte renforce les outils laissés à la main des élus locaux, ce à quoi nous sommes également favorables. Il importe de garantir une bonne qualité des logements lorsque nous accueillons de nouveaux habitants dans un quartier : il faut des surfaces correctes, des balcons, une bonne isolation, ce qui implique des travaux importants. Il faut aussi leur assurer un accès aux services publics. Créer 250 logements dans une partie de la ville destinée aux entreprises nécessite de nouvelles infrastructures.

Nous serons particulièrement sensibles à la question de la mixité sociale. La transformation de bureaux en logements doit être l'occasion de répondre au besoin de logements sociaux, qui seront mis en péril par le détricotage de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU).

Le logement étudiant connaît aussi de graves difficultés. La proportion de logements du Crous n'est que d'un pour seize étudiants, très en deçà des besoins. Si ce texte offre au Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) et aux Crous la possibilité de créer des logements, il va dans le bon sens.

Toutefois, des maires de la première couronne parisienne nous préviennent que la fin de la loi Censi-Bouvard et cette proposition de loi ne doivent pas non plus conduire à la transformation de tous les bureaux vacants en logements étudiants privés à des prix qui ne conviendraient pas.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Un point de lexique : arrêtons de parler d'une grande loi sur le logement. Celle que nous examinerons bientôt n'est pas du tout la loi que nous attendons, qui sera susceptible d'apporter des réponses à la grave crise du logement que nous connaissons.

Mme Sophie Primas. - Vous me retirez les mots de la bouche. Il ne s'agira pas d'une grande loi sur le logement, mais d'une loi sur des sujets de logement, qui, comme celle que nous examinons ce matin, participera au tableau général, mais avec pointillisme.

Je remercie Martine Berthet pour son rapport. Je suis sensible à ses propos sur les locaux commerciaux de pied d'immeuble. Dans des zones un peu difficiles, on voit beaucoup de rideaux fermés pendant des années. C'est assez dramatique, car cela devient des lieux de squat. Ces locaux commerciaux, si on les autorise, doivent aussi être réversibles en logements.

Je salue l'élargissement de la portée du texte à la ruralité. En effet, nous devons viser tous les locaux et pas seulement les bureaux, car il y a d'anciennes écoles ou postes, ou des fermes, qui sont aussi concernées. Je remercie Stéphane Sautarel d'avoir pris en considération la fin de la taxe sur les bureaux en cas de transformation, car elle est très pénalisante. Si l'on veut que le logement devienne abordable, il faut vite la retirer.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Jusqu'alors, elle n'incite pas du tout les maires à se lancer dans des opérations de transformation de bureaux en logements. Il vaut mieux garder les bureaux vacants !

Mme Marianne Margaté. - Merci pour l'analyse de cette proposition de loi. Le groupe CRCE-K votera cette proposition de loi. Il faut aussi que la simplification des outils d'urbanisme serve un objectif de logement abordable, accessible et social, particulièrement pour les communes qui ne respectent pas la loi SRU. Ce sera l'objet de notre amendement.

Notre visite à l'îlot Saint-Germain l'a montré : en servant cet objectif, se pose la question du coût du foncier et de l'intervention publique, nécessaire à la réalisation de telles opérations.

Les centres commerciaux représentent un enjeu majeur. Dans la grande couronne francilienne, ces surfaces deviennent de plus en plus des friches déshéritées. Mais la complexité des montages va bien au-delà de cette proposition de loi.

Mme Amel Gacquerre. - Je remercie notre rapporteure. Ce texte est consensuel parce qu'il apporte une nouvelle boîte à outils.

Il y a encore deux freins à la transformation de locaux en logements : le coût faramineux des travaux, que le texte ne traite pas, et la rentabilité, qui n'est pas la même pour les bureaux et les habitations. Ces deux freins sont réels et empêcheront ce texte de produire des effets à la hauteur de nos attentes.

M. Serge Mérillou. - Un point qui choquera peut-être certains n'a pas été abordé : le ministère de la justice prône depuis plusieurs années la création de places de prison. Je l'ai vécu dans mon département de la Dordogne, il est extrêmement difficile de trouver des emplacements pour construire des prisons. Je m'interroge sur certains locaux commerciaux, qui pourraient être éventuellement utilisés pour créer des places de prison. C'est un vrai problème de société et je suis surpris qu'il n'ait pas été abordé.

M. Bernard Buis. - Merci à la rapporteure d'avoir élargi la portée de cette proposition de loi. Effectivement, elle ne constitue pas la grande loi attendue par tous, mais je pense que toutes ces petites lois mises bout à bout contribuent à améliorer la situation. Le groupe RDPI la votera sans état d'âme.

Mme Martine Berthet, rapporteure. - Nous examinons effectivement un petit texte, sur un sujet ponctuel, mais il apportera des solutions, surtout dans les métropoles, mais aussi dans les territoires ruraux.

Mes amendements vont dans le sens d'un accompagnement des maires, qui garderont la maîtrise.

L'article 3 bis assouplit les règles pour davantage de partenariat sur le financement entre les élus et les promoteurs qui mettront ces programmes en oeuvre. La commission des finances a trouvé des solutions pour améliorer la fiscalité de ces projets.

Enfin, si le PLU permet la transformation de locaux commerciaux en places de prison, c'est possible, le texte ne traite ici que de cas de dérogations nécessaires au PLU. Mais c'est un sujet qui mérite effectivement notre attention.

EXAMEN DES ARTICLES

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous en venons à présent à l'examen des articles et des amendements. Sur les articles délégués au fond à la commission des finances, les articles 2, 3, 3 bis A et 3 bis B, je vous proposerai de confirmer la position de nos collègues.

Article 1er

Mme Martine Berthet, rapporteure. - L'article 1er autorise l'autorité compétente pour délivrer les permis de construire à déroger, au cas par cas, aux règles du PLU relatives aux destinations, sous réserve de l'accord de l'autorité compétente pour élaborer le PLU. L'article prévoit en outre de requérir l'accord préalable du maire, même lorsqu'il ne dispose plus d'aucune compétence en matière d'urbanisme.

L'amendement COM-9 vise à étendre le champ des opérations susceptibles de bénéficier de la dérogation prévue à l'article 1er aux autres autorisations d'urbanisme, notamment la déclaration préalable, qui est seule nécessaire lorsque le changement de destination ne nécessite pas de travaux sur les structures porteuses ou les façades, mais aussi aux permis de démolir et d'aménager, qui pourraient être nécessaires dans le cadre des opérations projetées. Assurons-nous d'un champ d'application le plus large possible de l'article 1er.

L'amendement COM-9 est adopté.

Mme Martine Berthet, rapporteure. - L'amendement COM-10 tend à élargir le champ des bâtiments susceptibles de bénéficier de la dérogation aux destinations prévues par le zonage du PLU à l'ensemble des bâtiments ayant une destination autre qu'habitation, afin de pouvoir en faire bénéficier les locaux commerciaux mais aussi les garages ou encore les hôtels. Cette disposition pourrait être utile pour la requalification des entrées de ville, dans lesquelles les surfaces vacantes sont incommensurablement plus importantes que celles des bureaux vacants : pas moins d'un million de logements pourraient y être construits.

L'amendement précise aussi que les bâtiments finaux, d'habitation, pourront aussi comporter des locaux de destination différente, dans un objectif de mixité fonctionnelle. Cela pourrait améliorer le bilan économique de ces opérations coûteuses.

Dans tous les cas, l'opportunité d'accorder ou non la dérogation demeurera à l'appréciation des autorités compétentes en matière d'urbanisme.

L'amendement COM-10 est adopté.

Mme Martine Berthet, rapporteure. - Par l'amendement COM-11, j'entends préciser que, lorsque des opérations de transformation comportent des extensions ou des surélévations, l'autorisation de déroger aux règles du PLU relatives aux destinations s'applique également aux nouvelles surfaces ainsi créées. Là encore, il s'agit de lever d'éventuels blocages.

Mme Sophie Primas. - Ensuite, la mise en conformité du PLU sera-t-elle obligatoire ?

Mme Martine Berthet, rapporteure. - Non, ce ne sera pas nécessaire, il s'agit de dérogations ponctuelles au PLU.

L'amendement COM-11 est adopté.

Mme Martine Berthet, rapporteure. - L'amendement COM-12 introduit la motivation du refus de dérogation au zonage fonctionnel par l'autorité compétente pour délivrer les autorisations d'urbanisme. Je n'ai pas voulu introduire de dérogation de droit, comme les promoteurs le demandent, mais il me semble important que les refus soient justifiés. En outre, le texte prévoit déjà une justification au niveau de l'autorité compétente en matière de PLU.

Mme Sophie Primas. - Ce document peut-il servir en cas de contentieux avec un promoteur ? Le souhait du maire est assez subjectif.

Mme Martine Berthet, rapporteure. - Il faut qu'il y ait une justification, mais c'est attaquable.

Mme Sophie Primas. - Et sans motivation du refus, reste-t-il attaquable ?

Mme Martine Berthet, rapporteure. - Au moment de l'examen du dossier par l'autorité compétente en matière de PLU, une justification est de toute façon requise. Cela incitera les maires à se positionner sur les projets, et à éviter de laisser des opérations éternellement en attente.

M. Vincent Louault. - Dans ma communauté de communes, lorsque nous avons établi le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi), j'ai institué une commission annexée au PLUi qui oblige la conférence des maires à donner un avis sur tout projet de changement de destination. Au passage, on s'exonère de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). C'est le maire de la commune concernée qui présente le projet - il est suivi dans 90 % des cas. On évite ainsi l'abus de dérogation.

Ne pourrait-on pas déposer un amendement sur ce point ? La conférence des maires est stabilisatrice et opposable.

Mme Martine Berthet, rapporteure. - Les critères sur lesquels le maire s'appuie pour s'opposer à un changement de destination sont définis dans la loi ; ils sont assez larges, ce qui limite malgré tout la possibilité de recours.

Mme Antoinette Guhl. - On votera cet amendement, par appétence pour la transparence, mais on s'interroge sur les risques juridiques que cette motivation engendrerait.

Mme Martine Berthet, rapporteure. - Les recours pourront de toute façon avoir lieu dans un second temps, quand l'autorité compétente en matière de PLU délivrera l'autorisation.

L'amendement COM-12 est adopté.

Mme Martine Berthet, rapporteure. - L'amendement COM-13 vise à instaurer un délai d'un mois pour transmettre la demande de dérogation à l'autorité compétente en matière d'urbanisme, afin d'assurer la célérité de la procédure.

L'amendement COM-13 est adopté.

Mme Martine Berthet, rapporteure. - L'amendement COM-14 tend à rationaliser la demande d'avis de la commune sur la demande de dérogation, dans les rares cas où la commune ne dispose plus d'aucune compétence en matière d'urbanisme, en introduisant un délai d'un mois pour la transmission de la demande d'avis ; en remplaçant l'avis du conseil municipal par l'avis du maire ; en rendant cet avis consultatif.

Il prévoit aussi explicitement le cas où la délivrance des autorisations d'urbanisme relève de l'autorité compétente de l'État et non pas seulement du président de l'EPCI.

L'amendement COM-14 est adopté.

M. Christian Redon-Sarrazy. - L'amendement COM-1 prévoit que la dérogation au PLU ne peut être accordée que si l'opération de transformation prévoit un minimum de 30 % de logements sociaux dans les communes carencées, afin de ne pas accroître le déséquilibre. Cet objectif est nécessaire.

Mme Martine Berthet, rapporteure. - Je comprends la logique de votre amendement, mais son imputation me semble problématique : ce sont toutes les opérations de transformation de bâtiments existants qui devraient être visées. En outre, imposer un pourcentage de logements sociaux risque de fragiliser l'équilibre économique de ces opérations, déjà difficiles à réaliser.

Cette proposition de loi ne constitue pas le bon vecteur législatif alors que nous examinerons le projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables dans quelques semaines. Demande de retrait ou à défaut, avis défavorable.

M. Christian Redon-Sarrazy. - Nous aimons mieux tenir que courir, et maintenons donc cet amendement.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

Mme Martine Berthet, rapporteure. - L'amendement COM-15 vise à imposer l'avis obligatoire de la CDPENAF dans les zones agricoles, naturelles et forestières, et de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) en zone naturelle, pour les changements de destination.

L'article 1er permet cependant bien d'élargir les possibilités de changement de destination en zone naturelle, agricole et forestière (NAF) par rapport aux listes restrictives qui figurent dans les PLU.

L'amendement COM-15 est adopté.

Mme Martine Berthet, rapporteure. - L'amendement COM-16 permet d'exempter, au cas par cas, les opérations de transformation des obligations des PLU en matière de proportion de logements d'une taille minimale. Ces opérations, dont l'équilibre économique est souvent précaire, seraient ainsi mieux rentabilisées.

L'amendement COM-16 est adopté.

Mme Marianne Margaté. - Par notre amendement COM-3, nous souhaitons faire en sorte que le changement de destination soit réservé à la réalisation de logements sociaux dans les communes qui ne respectent pas la loi SRU.

Mme Martine Berthet, rapporteure. - Cela va bien plus loin que l'amendement COM-1 et que les mesures de rattrapage qui existent déjà ; cela revient à priver les communes carencées de toute possibilité de transformer des bâtiments en logements en faisant usage de cette dérogation. Il n'y aurait d'ailleurs aucune raison d'être plus contraignant avec ce type d'opérations qu'avec les constructions nouvelles. Demande de retrait ou avis défavorable.

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 1er bis (nouveau)

L'article 1er bis est adopté sans modification.

Article 2

L'amendement COM-4 est adopté.

L'article 2 est ainsi rédigé.

Article 3

L'amendement de suppression COM-5 est adopté.

L'article 3 est supprimé.

Article 3 bis A (nouveau)

L'amendement COM-6 est adopté.

L'article 3 bis A est ainsi rédigé.

Article 3 bis B (nouveau)

L'amendement de suppression COM-7 est adopté.

L'article 3 bis B est supprimé.

Article 3 bis (nouveau)

Mme Martine Berthet, rapporteure. - L'amendement COM-17 vise à étendre le champ des opérations de transformation pour lesquelles des projets urbains partenariaux (PUP) pourraient être mis en oeuvre. En séance, à l'Assemblée nationale, un amendement a eu pour objet de restreindre ce champ aux seules opérations de transformation de locaux d'activités. Revenons-en à l'esprit initial, en visant tous les bâtiments de destination autre qu'habitation, d'autant que la mise en place de PUP est toujours optionnelle pour les collectivités, en accord avec les aménageurs.

Cet amendement concerne les transformations de bâtiments à destination principale et non exclusive d'habitation, afin de permettre les opérations mixtes.

L'amendement COM-17 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-18 est adopté.

L'article 3 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

Mme Martine Berthet, rapporteure. - Par l'amendement COM-19, nous clarifions la procédure d'octroi du permis à destinations multiples en prévoyant une délibération de l'autorité compétente en matière de document d'urbanisme pour déterminer les secteurs dans lesquels l'octroi de ce type de permis sera possible, et ensuite une délivrance des permis, projet par projet, dans les conditions de droit commun.

La commune serait appelée à donner un avis - conforme - lors de la délimitation des zonages concernés, afin de ne pas retarder ensuite l'instruction des demandes de permis.

Enfin, l'amendement tend à supprimer la notion de « construction nouvelle » pour pouvoir utiliser le permis à destinations multiples pour des bâtiments existant déjà.

L'amendement COM-19 est adopté.

Les amendements rédactionnels COM-20 et COM-21 sont adoptés.

Mme Martine Berthet, rapporteure. - L'amendement COM-22 prévoit que le permis à destinations multiples puisse mentionner obligatoirement la première destination de la construction projetée afin de sécuriser les collectivités. Il est néanmoins utile que cela ne demeure qu'une faculté, pour une meilleure flexibilité, notamment dans le cas de projets qui pourraient faire l'objet de changements de destination en cours de réalisation.

L'amendement COM-22 est adopté.

Mme Martine Berthet, rapporteure. - L'amendement COM-23 vise à préciser explicitement que le permis à destinations multiples peut, comme tout permis de construire, déroger aux règles relatives aux destinations fixées dans les documents d'urbanisme, afin d'introduire plus de souplesse.

L'amendement COM-23 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-24 est adopté.

Mme Martine Berthet, rapporteure. - L'amendement COM-25 fixe la durée de validité du permis à destinations multiples à dix ans, renouvelables deux fois pour une durée de cinq ans, contre trois ans, renouvelable deux fois pour une durée d'un an, pour les permis standard, ce qui serait trop court pour requalifier des bâtiments après une première utilisation.

L'amendement introduit en outre une exception à la cristallisation des règles d'urbanisme au moment de la délivrance du permis pour les règles de sécurité.

L'amendement COM-25 est adopté.

Mme Martine Berthet, rapporteure. - Avec l'amendement COM-26, nous clarifions la procédure de déclaration de changement de destination au maire et à l'autorité compétente en matière d'autorisation d'urbanisme, en la recentrant sur le cas où ce changement de destination se fait dans le cadre de la mise en oeuvre du permis à destinations multiples. En effet, lorsque le changement de destination nécessite une autorisation d'urbanisme, l'autorité compétente en est déjà informée : il n'est donc pas utile de le préciser à nouveau.

L'amendement COM-26 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

L'article 5 est adopté sans modification.

Article 5 bis (nouveau)

Mme Martine Berthet, rapporteure. - Le régime dérogatoire de 50 % des règles de constructibilité du PLU est, en l'état actuel, seulement applicable aux résidences universitaires pour les Crous. Pourtant, la situation du logement étudiant en France justifie largement que les bonus de constructibilité soient applicables pour toutes les résidences étudiantes. L'amendement COM-27 permet d'ouvrir ces dérogations à tous, pour produire plus de logements pour nos étudiants.

Mme Antoinette Guhl. - Cela inclut le secteur privé. D'où notre abstention.

L'amendement COM-27 est adopté.

Mme Martine Berthet, rapporteure. - L'amendement COM-28 tend à corriger la rédaction de l'Assemblée nationale, qui restreint le bonus de constructibilité aux constructions nouvelles de résidences étudiantes, omettant ainsi celles qui sont issues de la transformation de locaux existants. Or ceux-ci constituent une réserve très importante de production de logement étudiant. Évitons d'encourager les promoteurs à recourir à la démolition-reconstruction plutôt qu'à la transformation, pour bénéficier de ce bonus.

L'amendement COM-28 est adopté.

L'article 5 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

Mme Martine Berthet, rapporteure. - Par l'amendement COM-8, nous revenons à la rédaction initiale de la proposition de loi en facilitant les changements de destination des commerces en logements.

Cet amendement tend à supprimer l'obligation de l'usage à titre de résidence principale des locaux transformés pendant trois ans, qui est pratiquement inapplicable.

L'objectif, qui est de lutter contre le développement des meublés de tourisme, sera en réalité atteint par les dispositions spécifiques de la proposition de loi relative aux meublés de tourisme.

L'amendement COM-8 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 6

M. Bernard Buis. - L'amendement COM-2 introduit un parallélisme des formes. Dans de petites communes qui manquent de bureaux, un logement pourrait devenir un bureau, pendant trois ans.

Mme Martine Berthet, rapporteure. - Cet amendement se veut le miroir de l'article 6. Il va à rebours de l'idée de fond de ce texte, qui est de créer des logements dans un moment où l'on en manque cruellement. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

Article 7

L'article 7 est adopté sans modification.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Martine Berthet, rapporteure. - Je souhaite, par l'amendement COM-29, mettre en cohérence le titre de la proposition de loi avec l'élargissement de son champ d'application, en remplaçant le terme « logement » par celui d'« habitation », ce qui inclut les bâtiments d'hébergement.

L'amendement COM-27 est adopté.

L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Article 1er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme BERTHET, rapporteure

9

Extension à l'ensemble des autorisations d'urbanisme

Adopté

Mme BERTHET, rapporteure

10

Extension à tous types de bâtiments d'origine ; extension aux bâtiments finaux à usage mixte

Adopté

Mme BERTHET, rapporteure

11

Applicabilité de la dérogation à l'ensemble des travaux nécessaires à la transformation

Adopté

Mme BERTHET, rapporteure

12

Motivation du refus de dérogation par l'autorité compétente pour délivrer les autorisations d'urbanisme

Adopté

Mme BERTHET, rapporteure

13

Clarification de la procédure d'instruction de la demande de dérogation

Adopté

Mme BERTHET, rapporteure

14

Modalités de la consultation de la commune sans compétence en matière d'urbanisme

Adopté

M. REDON-SARRAZY

1

Obligation de 30 % de logements locatifs sociaux pour les opérations de transformation dans les communes carencées

Rejeté

Mme BERTHET, rapporteure

15

Avis obligatoire des commissions compétentes pour les changements de destination en zones NAF

Adopté

Mme BERTHET, rapporteure

16

Possibilité de déroger aux règles du PLU sur les tailles minimales des logements

Adopté

Mme MARGATÉ

3

Limitation de la dérogation à la production de logements sociaux

Rejeté

Article 2

M. SAUTAREL, rapporteur pour avis

4

Extension de l'application de la taxe d'aménagement aux opérations de transformation de locaux non destinés à l'habitation en locaux d'habitation et limitation à la part communale avec introduction d'un abattement de 50 % sur l'assiette.

Adopté

Article 3

M. SAUTAREL, rapporteur pour avis

5

Suppression de l'article

Adopté

Article 3 bis A (nouveau)

M. SAUTAREL, rapporteur pour avis

6

Limitation de l'exonération de taxe sur les bureaux et autres locaux professionnels à des locaux vacants et conditionnement à la réalisation effective des travaux de transformation en locaux à usage d'habitation dans un délai de quatre ans

Adopté

Article 3 bis B (nouveau)

M. SAUTAREL, rapporteur pour avis

7

Suppression de l'article

Adopté

Article 3 bis (nouveau)

Mme BERTHET, rapporteure

17

Extension du champ d'application des PUP

Adopté

Mme BERTHET, rapporteure

18

Amendement rédactionnel

Adopté

Article 4

Mme BERTHET, rapporteure

19

Procédure d'octroi du permis à destinations multiples

Adopté

Mme BERTHET, rapporteure

20

Amendement rédactionnel

Adopté

Mme BERTHET, rapporteure

21

Amendement rédactionnel

Adopté

Mme BERTHET, rapporteure

22

Possibilité pour le maire d'exiger la mention de la première destination

Adopté

Mme BERTHET, rapporteure

23

Possibilité de déroger au zonage du PLU pour le permis à destinations multiples

Adopté

Mme BERTHET, rapporteure

24

Amendement rédactionnel

Adopté

Mme BERTHET, rapporteure

25

Durée de validité du permis à destinations multiples

Adopté

Mme BERTHET, rapporteure

26

Information du maire au moment du changement de destination effectif

Adopté

Article 5 bis (nouveau)

Mme BERTHET, rapporteure

27

Élargissement du bonus de constructibilité à l'ensemble des résidences étudiantes

Adopté

Mme BERTHET, rapporteure

28

Possibilité de bonus de constructibilité pour toute réalisation de résidences étudiantes

Adopté

Article 6

Mme BERTHET, rapporteure

8

Extension des facilitations de transformation dans les copropriétés aux locaux commerciaux et suppression de la servitude de résidence principale

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 6

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. BUIS

2

Faciliter dans les copropriétés les transformations de logements en bureaux ou locaux professionnels dans les copropriétés

Rejeté

Article 7

Intitulé de la proposition de loi

Mme BERTHET, rapporteure

29

Élargissement du champ à l'ensemble des bâtiments existants

Adopté

Proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie - Désignation de rapporteurs

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous devons désigner des rapporteurs sur la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie. Nous prenons acte du renoncement incompréhensible et inadmissible à légiférer sur la programmation énergétique, pourtant annoncé par le ministre chargé de l'industrie et de l'énergie. Le Gouvernement a déclaré qu'il passerait par la voie réglementaire et non par le Parlement, alors que la loi « Energie-Climat » de 2019, dont Daniel Gremillet était le rapporteur, l'y contraignait. En effet, une loi quinquennale sur l'énergie a été introduite, en accord avec le Sénat, l'Assemblée nationale et le Gouvernement, à l'article L. 100-1 A du code de l'énergie. Notre collègue Daniel Gremillet a donc déposé cette proposition de loi, que nous avons cosignée, le président Bruno Retailleau et moi-même : elle comprend 25 articles et entend proposer une programmation nationale ambitieuse et une simplification normative idoine.

La commission désigne MM. Alain Cadec et Patrick Chauvet rapporteurs sur la proposition de loi n° 555 (2023-2024) portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie présentée par M. Daniel Gremillet, Mme Dominique Estrosi Sassone et M. Bruno Retailleau.

La réunion est close à 12 h 10.

- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -

La réunion est ouverte à 16 h 35.

Projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables - Audition de M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous accueillons Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, dans la perspective de l'examen du projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables, qui a été présenté en conseil des ministres le vendredi 3 mai et dont le Sénat est le premier saisi. Notre commission a d'ailleurs nommé, la semaine passée, Sophie Primas et Amel Gacquerre rapporteurs de ce texte.

À vrai dire, monsieur le ministre, c'est sans doute plutôt sur trois, voire quatre ou cinq, textes de loi que nous devrions vous auditionner puisque, selon la méthode du « saucissonnage » que vous revendiquez, vous vous refusez à présenter un projet de loi global sur le logement, lui préférant une série de textes techniques, et si possible des propositions de loi plus rapidement ficelées, sans étude d'impact, avis du Conseil d'État ou consultation du Conseil national de l'habitat (CNH), lequel n'est - il est vrai - pas toujours docile.

Nous examinerons la semaine prochaine deux propositions de loi - la première relative à la régulation des meublés de tourisme, et la seconde facilitant la transformation de locaux tertiaires en logements -, puis un peu moins d'un mois plus tard viendra votre projet de loi. Parallèlement, à l'Assemblée nationale, si la proposition de loi relative au nécessaire encadrement du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) a dû être retirée en cours d'examen en séance par le député Lionel Causse, une autre proposition de loi, déposée par Guillaume Vuilletet et portant sur l'aménagement du calendrier de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « Climat et résilience », s'annonce. Elle devrait être examinée à l'Assemblée nationale avant l'été et au Sénat à l'automne.

Si le saucissonnage peut être une tactique parlementaire efficace, en situation de majorité relative, elle ne permet pas de présenter au Parlement la vision stratégique du Gouvernement pour le logement dans notre pays, si tant est que le Gouvernement ait une telle vision. Personnellement, je le regrette.

Alors que la France est confrontée à une grave crise du logement, le Gouvernement a pris des mesures qui aggravent la situation en cassant l'investissement locatif et en freinant l'accession à la propriété. Il poursuit sa politique d'affaiblissement des bailleurs sociaux au travers de la réduction de loyer de solidarité (RLS) et laisse le HCSF prendre des mesures contraignantes sur le crédit immobilier dans un marché déjà gelé par la hausse des taux !

Comme en 2017, la rigueur budgétaire frappe le logement, faisant fi de l'effet de levier de nombre de mesures, mais plus fondamentalement du fait que le logement est un bien de première nécessité. Le Gouvernement fait comme s'il ignorait que la crise du logement est devenue non seulement une bombe sociale, comme l'avait craint votre prédécesseur, mais aussi désormais une bombe politique, poussant au vote extrême. Ce n'est pas la stigmatisation des locataires du parc HLM, à quelques semaines des élections, qui changera les choses ! Comme nous l'avons souligné dans un rapport récent avec mes collègues Amel Gacquerre et Viviane Artigalas, une autre politique du logement est possible et souhaitable. L'Allemagne a pris des mesures massives de relance et a mis en place depuis longtemps un statut du bailleur privé, mais évidemment ses finances sont mieux gérées...

Vous voulez « de l'offre, de l'offre, de l'offre ». Mais qu'en est-il de la demande ? Qu'en est-il de la capacité des acteurs à répondre à ces changements de règles ? Surtout, dans combien de temps le remède bien insuffisant que constitue ce projet de loi commencera-t-il à agir ? Combien de temps le malade mettra-t-il à guérir de la crise aiguë dans laquelle il est plongé ?

Quand j'examine le projet de loi que vous nous soumettez, le doute m'assaille, d'autant que le diable se cache dans les détails. Vous dites faire confiance aux maires, mais, comme dans un dîner avec le diable, c'est avec une longue cuillère que vous les traitez ! Vous introduisez le logement intermédiaire dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), mais vous maintenez serré un carcan où les sanctions inefficaces et contre-productives priment sur le dialogue, et où les préfets sont poussés à faire du chiffre avec des pénalités plutôt qu'à accompagner les maires et à les aider à construire. Vous voulez redonner du pouvoir aux maires dans les attributions, mais c'est uniquement pour les nouveaux logements et la délégation du contingent préfectoral ne se fera qu'en montrant patte blanche.

Vous voulez redonner des marges de manoeuvre aux bailleurs sociaux tant financièrement que réglementairement, en facilitant les ventes de patrimoine, la copromotion, la vente en l'état futur d'achèvement (Vefa) inversée, la production de logements intermédiaires, l'usufruit locatif social, ce qui est assurément utile, mais aussi en autorisant des augmentations exceptionnelles de loyers dans le parc social. Pourtant, le Gouvernement n'a-t-il pas fait voter deux lois de plafonnement des revalorisations de loyers pour protéger le pouvoir d'achat des Français ? Ce qui m'a encore plus étonnée, c'est que, à la page 131 de l'étude d'impact, l'effet de cette mesure est évalué, à l'horizon de quinze ans, à 1,2 milliard d'euros hors indexation des loyers, soit justement le montant annuel de la RLS ! Il est tout de même un peu fort de constater, d'un côté, que les bailleurs sociaux n'ont plus de capacités d'action, et de l'autre, que l'on fait payer la facture aux locataires ! On voit aussi au travers de ce « détail » qu'une remise en cause de la RLS aurait eu un effet massif et immédiat, même si elle devait être temporaire ou conditionnée, comme nous l'avons évoqué dans le récent rapport de la commission.

C'est dire, monsieur le ministre, que nous ne manquerons pas de décortiquer et d'enrichir le texte que vous allez nous présenter maintenant.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. - Je tenais à vous présenter la vision globale du Gouvernement sur la question du logement. J'ai pu mesurer l'expertise de plusieurs membres de cette commission, qui sont à la fois des spécialistes de ce sujet et des porte-voix des territoires, à l'occasion du débat sur la loi visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement.

Lorsque je présidais la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, nous avions réussi à nous accorder, via des commissions mixtes paritaires conclusives, sur des textes ambitieux relatifs à des sujets essentiels - nucléaire, énergies renouvelables, zéro artificialisation nette (ZAN), industrie verte. Ce dialogue continu entre les membres des deux assemblées est le premier fondement de ma méthode en matière législative. Je forme le voeu que nous puissions continuer de travailler ainsi sur la proposition de loi relative à la régulation des meublés de tourisme et sur celle facilitant la transformation de locaux tertiaires en logements, et je salue la qualité de vos travaux sur ces deux textes qui seront examinés en séance publique la semaine prochaine. Quant au projet de loi que j'ai présenté en conseil des ministres le 3 mai dernier, il sera prochainement soumis à votre commission.

Vous êtes aux premières loges pour observer les effets de la crise actuelle du logement. Un récent rapport de votre commission en a examiné les déterminants et les impacts. Concernant à la fois l'offre et la demande, elle est le fruit de facteurs structurels, mais aussi, de manière conjoncturelle, de la hausse des taux d'intérêt que nous avons connue ces dernières années. En dix-huit mois, ces taux ont pris 400 points de base. Le secteur du logement est celui qui est le plus sujet à une telle pression.

Partout en Europe, cette situation se fait sentir. J'étais hier en Allemagne, qui est également touchée par la hausse des taux d'intérêt. La France, qui connaît une baisse des transactions et des constructions, ne fait pas exception.

La crise du logement est aussi, plus largement, une crise de l'emploi et de toute l'économie. Elle a des impacts sociaux délétères et pèse sur notre trajectoire de réindustrialisation et de croissance. Les investissements présentés lors du sommet Choose France lundi dernier par le Président de la République ne pourront se faire dans la durée sans construction rapide de logements. Dans cette optique, nous travaillons depuis trois mois sur plusieurs chantiers, dont je vais détailler cinq priorités qui me paraissent les plus directement liées à l'agenda législatif.

Première priorité : l'accès aux logements abordables pour les classes moyennes, qui est au coeur du projet de loi que j'ai présenté en conseil des ministres.

De nombreux territoires ont connu ces dernières années une hausse des prix qui empêche l'accès aux logements abordables et entrave les projets de vie de nombreux Français. Nous devons nous donner les moyens de redresser cette situation. Nous agissons de façon globale pour la création de programmes de logements mixtes à prix réglementés et abordables. Avec Christophe Béchu et Bruno Le Maire, nous avons passé un pacte d'investissement avec les investisseurs institutionnels pour produire 75 000 logements locatifs intermédiaires logement (LLI).

Le logement intermédiaire accueille un public de classes moyennes. Son effet joue à plein dans les zones les plus tendues, où le LLI peut être jusqu'à 30 % inférieur au prix de marché. Nous avons entamé une révision du zonage pour reclasser quelque 800 communes en zone tendue, ce qui permettra à leurs habitants d'avoir davantage accès à des dispositifs d'aide à l'accession, en particulier le prêt à taux zéro (PTZ) et le bail réel solidaire (BRS). Les chapitres Ier, III et IV du projet de loi que je défendrai devant vous en juin iront plus loin dans cette direction, en permettant d'intégrer la production de logements intermédiaires dans le dispositif de la loi SRU, en ouvrant la voie à un pilotage plus dynamique de leurs ressources par les bailleurs sociaux ou encore en encourageant l'accession sociale à la propriété.

Deuxième priorité : la simplification des procédures pour relancer l'offre, en actionnant par tous les leviers la construction de nouveaux logements. Les chantiers continuent d'être freinés par des processus administratifs complexes et lourds et des recours abusifs. J'ai d'ores et déjà annoncé cinq chantiers, soit dix mesures, de simplification administrative, dont une grande partie pourra être menée par la voie réglementaire. De prochains paquets de simplification seront annoncés également d'ici à l'été. Je compte sur la coconstruction parlementaire pour aller le plus loin possible en matière de simplification administrative.

Le chapitre II du projet de loi, consacré à cette question, permet au travers de l'article 4 de réduire les délais de recours, qui passent de six à deux mois, et de l'article 6 de favoriser les opérations d'aménagement multisites. Nous devons avoir constamment à l'esprit l'objectif de rendre la vie des artisans et des entreprises du bâtiment et travaux publics (BTP) plus facile, afin que les projets sortent de terre rapidement. Je sais pouvoir compter sur vos propositions pour que nous y parvenions.

Troisième priorité : construire des logements là où sont les besoins.

La relance de la production de logements doit être ciblée pour répondre aux besoins économiques de nos territoires, en y associant les élus locaux. C'est tout l'esprit du programme des territoires engagés pour le logement, et nous avons annoncé une première vague de 22 lauréats en février dernier. Nous donnerons ainsi un coup d'accélérateur à des programmes stratégiques de création de logements : 30 000 logements sortiront de terre dans ces 22 territoires, dans les trois prochaines années. Nous poursuivrons cette démarche ciblée en cartographiant précisément les besoins de logements associés à nos projets industriels, de réacteur pressurisé européen (EPR) ou de RER métropolitains, et en nous donnant les moyens de produire des logements là où sont nos besoins.

Cette dynamique rejoint notre préoccupation en matière d'aménagement du territoire, et nous portons une politique ambitieuse de réduction par deux de l'artificialisation des sols dans la prochaine décennie. Cette politique est indispensable si nous voulons assurer notre souveraineté agricole et protéger nos terres et face aux aléas climatiques. Il importe plus que jamais, lorsque l'on veut créer une offre nouvelle, de s'appuyer sur des espaces déjà urbanisés. Cet objectif sera au coeur de notre action dans ce domaine, en surélevant l'existant quand c'est possible, ou bien en densifiant les zones pavillonnaires.

Nous souhaitons aussi transformer des zones d'activité en entrée de ville en les densifiant et en mixant leurs fonctionnalités urbaines pour aboutir à une ville plus agréable, plus fonctionnelle, plus écologique. C'est le sens de l'initiative que nous avons lancée avec ma collègue Olivia Grégoire, et dont les premiers lauréats pourraient receler un potentiel de 25 000 logements. À Avignon, par exemple, 900 logements sortiront d'une zone commerciale, dont 150 l'été prochain. Ces grandes zones commerciales, déjà artificialisées, constituent un gisement d'offre de logements.

Le même objectif est au coeur de la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements, qui a été adoptée à l'unanimité de l'Assemblée nationale et qui sera prochainement examinée au Sénat. Dans certains territoires, les modes de travail évoluent et un gisement important de logements apparaît de ce fait, qu'il nous faut à tout prix exploiter. En Île-de-France, 4,5 millions de mètres carrés de bureaux vacants sont concernés. Je me félicite de la volonté sénatoriale, et particulièrement de celle de Mme la rapporteure Berthet, de renforcer ce texte en élargissant sa portée et son champ d'application dans une optique de compromis et de confiance accordée aux élus. En cohérence avec les travaux législatifs, je proposerai aux acteurs de la filière des objectifs ambitieux pour massifier la transformation des bureaux en logements.

Quatrième priorité : créer un choc de confiance pour encourager l'offre locative.

La libération de l'offre passe par la réactivation du parc de logements existant, qui est sous-exploité. En année pleine, la construction de l'offre neuve ne représente plus que 1 % de ce parc, et 80 % des logements dont nous disposerons en 2050 existent déjà.

L'attrition du logement dans les zones les plus tendues est une problématique urgente à laquelle nous avons commencé à nous attaquer. Cette dynamique se poursuit encore, concernant localement jusqu'à 20 % ou 30 % du parc locatif, du fait de la hausse de l'immobilier de tourisme, de la transformation d'une partie du parc en résidences secondaires et en meublés de tourisme, mais aussi de la vacance volontaire - des propriétaires choisissent, face à l'insécurité de la mise en location, de laisser leurs biens sans occupant plutôt que de risquer des ennuis ou des difficultés.

Nous devons poursuivre le travail que nous avons déjà entamé pour désinciter, dans les zones à fort besoin, aux usages de l'immobilier à des fins autres que résidentielles. Je me réjouis donc de l'examen en séance publique, la semaine prochaine, de la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue, présentée par les députés Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz, et dont j'étais signataire quand j'étais député. Le Gouvernement est favorable à l'adoption de ce texte utile, souhaité par les élus de nos territoires pour faire face à l'essor de la location de tourisme, qui a pu contribuer à l'attrition du logement. Sur ce sujet comme sur d'autres, je suis convaincu qu'il faut faire confiance aux élus locaux pour prendre les meilleures décisions ; je partage totalement la philosophie de la rapporteure Sylviane Noël, dont je veux saluer l'implication à cet égard.

Cinquième priorité : la transition écologique dans le logement.

Nous devons continuer d'adapter le parc de logements aux exigences écologiques. Concernant la rénovation énergétique de l'habitat, nous continuons d'améliorer et d'optimiser le dispositif. Nous avons travaillé avec les filières du bâtiment pour simplifier les procédures d'agrément dans le cadre du dispositif MaPrimeRénov'. Nous avons ajusté le mode de calcul du diagnostic de performance énergétique pour mieux prendre en compte les consommations énergétiques des petites surfaces, et ainsi nous assurer que 140 000 logements ne sortiront pas indûment au 1er janvier prochain du parc de logements.

Aujourd'hui même, ce 15 mai, l'assouplissement de MaPrimeRénov' entre en vigueur, ce qui comprend notamment la suppression de l'obligation du diagnostic de performance énergétique (DPE) dans le cadre d'une rénovation par geste, ou encore la possibilité de recourir à des travaux monogestes.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Cela a fortement chuté...

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. - C'est la raison pour laquelle nous avons pris des mesures correctives, madame la présidente.

Les résultats sont là : les inscriptions sur le site MaPrimeRénov' sont en augmentation et le flux y est de plus en plus important. J'incite donc nos concitoyens à déposer un dossier et à engager des travaux de rénovation.

L'Assemblée nationale devrait étudier à la mi-juin une proposition de loi déposée par le député Guillaume Vuilletet et les membres du groupe Renaissance, qui permettra de sécuriser les bailleurs de bonne foi et d'aménager de manière ciblée et pragmatique les travaux de rénovation énergétique, notamment dans les copropriétés, sans pour autant revenir sur le calendrier des obligations énergétiques. J'imagine que la discussion parlementaire sera nourrie...

Nous travaillons avec tous les acteurs de la filière - fabricants de matériaux, plateformes de mise en location, diagnostiqueurs - pour organiser un mouvement commun de restructuration du secteur de la rénovation. J'ai annoncé en avril dernier un pacte de confiance : les premières réunions de travail se sont tenues dans un climat très positif et j'ai fixé l'objectif d'une signature de ce pacte d'ici à l'été prochain.

Je me suis efforcé, depuis ma nomination voilà bientôt cent jours, de mettre en oeuvre une feuille de route ambitieuse et exigeante, en utilisant les différents leviers à ma disposition. En dialoguant en permanence avec les acteurs du secteur, les élus locaux et les parlementaires, j'essaie de lever les freins qui empêchent une relance rapide et puissante du secteur. Je souhaite le faire avant tout en bonne intelligence avec les différentes parties prenantes, et notamment les élus qui sont les mieux à même de connaître les besoins de leur territoire. Il nous faut faire confiance aux maires, que nous encourageons à bâtir davantage ; c'est ma philosophie constante. Je souhaite décentraliser et donner un maximum de pouvoir à ces élus.

Avec le présent texte, nous ne voulons rajouter aucune contrainte et proposons exclusivement des dispositions qui simplifient la vie des acteurs et les encouragent à bâtir, dans le droit-fil des travaux de Mme Sophie Primas, que nous avons en grande partie retenus.

Ces chantiers n'épuisent pas l'action de mon ministère. J'aurais pu vous citer aussi l'action que je mène, avec mon administration, en matière d'hébergement dans les outre-mer, les projets destinés à favoriser l'accession à la propriété et les différents chantiers en matière fiscale qui vous seront soumis lors de l'examen du projet de loi de finances. Je suis à votre disposition pour répondre à l'ensemble de vos questions sur les différents textes dont nous débattrons ensemble. Je sais pouvoir compter sur la sagesse sénatoriale pour que nous puissions répondre collectivement à la crise du logement, en faisant confiance à l'ensemble des acteurs, en particulier les élus locaux.

Mme Sophie Primas, rapporteur. - Le saucissonnage dont il a été fait mention n'inclut pas le projet de loi de finances ; c'est frustrant, car beaucoup de clés s'y trouvent pour résoudre la crise du logement.

Vous souhaitez développer l'offre de logements abordables, et notamment les logements locatifs intermédiaires. Je partage cet objectif, et suis satisfaite que vous ayez entamé une révision des zonages. Mais pourquoi ne pas rendre éligibles au logement intermédiaire toutes les communes soumises à la loi SRU ? Il y aurait environ 200 communes pour lesquelles le projet de loi n'aurait aucun effet. Comptez-vous mettre en cohérence ces zonages pénalisants ?

Par ailleurs, l'un des obstacles à la production de logement social, dans certaines communes, c'est le ZAN. Comment faire du logement social quand on ne peut pas faire de logement du tout ou quand, sur un foncier disponible, le logement est mis en balance avec un équipement public départemental ou national, ou avec l'implantation d'une entreprise ? Ne faudrait-il pas en tenir compte dans les contrats de mixité sociale et dans la décision de « carencer » une commune ?

Sur la régulation des prix du foncier et de l'immobilier, vous proposez que le droit de préemption urbain (DPU) puisse être utilisé dans les secteurs où les prix sont trop élevés. Pourquoi pas ? C'est toujours un outil supplémentaire à la main des maires, mais j'ai du mal à voir comment ce nouveau DPU pourrait avoir un impact réel sur les prix du foncier et de l'immobilier. Avez-vous exploré d'autres pistes - je pense tout particulièrement aux chartes promoteurs, qui attendent une sécurisation législative - pour réguler réellement les prix du foncier et de l'immobilier ? Si oui, pourquoi n'ont-elles pas été retenues ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - Je suis ravie parce que nous n'avons jamais autant parlé de logement, ce qui est une très bonne chose. Pour autant, la multiplication des projets et des boîtes à outils techniques ne remplace pas une grande vision sur ce sujet.

Un article du présent projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables nous tient particulièrement à coeur, celui relatif au pouvoir des maires d'attribution des logements sociaux. Vous dites faire confiance aux maires ; tant mieux. Or le texte prévoit que ce pouvoir ne porte que sur la première attribution d'un logement social neuf. Pourquoi ne leur faire confiance qu'une seule fois ?

Aujourd'hui, la gestion du droit au logement opposable (Dalo) est remise en question. Certains disent que le préfet doit garder la main pour garantir l'attribution de logements aux ménages concernés. Pourquoi ne pas faire confiance aux maires en leur confiant cette gestion ? Actuellement, le dispositif empêche les maires de loger des habitants déjà présents dans leur commune, parce qu'ils sont obligés d'accueillir des personnes venant d'ailleurs. Quelle est votre position sur ce sujet ?

À la lecture de l'avis du Conseil d'État, on se rend compte que l'un des articles du projet de loi, qui devait faciliter l'accession à la propriété, a été abandonné. N'est-ce pas l'un des angles morts de ce texte ? L'Institut Montaigne soulignait récemment que la véritable aspiration des classes moyennes était non pas l'accès au logement intermédiaire, mais l'accession à la propriété. Dès lors, ne manquez-vous pas la cible ?

Certes, l'article 14 du projet de loi facilite un peu la vente HLM, mais il ne faut pas oublier les restrictions sur le PTZ et la suppression de l'APL (aide personnalisée au logement) accession. Ne doit-on pas avancer sur le sujet des acquisitions utilisant les outils de démembrement de propriété ?

Vous connaissez bien la problématique du logement des salariés et des travailleurs de première ligne ; or ce texte comporte peu de dispositions permettant d'avancer sur ce sujet. Vous proposez de donner la possibilité aux préfets de déléguer leurs contingents au bénéfice des salariés à Action Logement. Cette disposition ne me dérange pas, au contraire, car nous reconnaissons les mérites de ce groupe paritaire. Mais n'y a-t-il pas d'autres acteurs volontaires ? Que fait-on pour les agents hospitaliers, ceux des transports en commun, les éboueurs et les autres travailleurs, qu'ils relèvent ou non du secteur public ? Ont-ils été oubliés ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. - Madame la rapporteure Primas, la tradition veut que peu d'articles traitant de fiscalité figurent dans les textes législatifs non fiscaux, ce qui explique le saucissonnage. Il y a cependant des exceptions : la proposition de loi relative à la régulation des meublés de tourisme et celle visant à faciliter la transformation de locaux tertiaires en logements comportent des dispositions fiscales. Il n'y en a pas dans ce projet de loi, et je l'assume.

Pour ce qui concerne le zonage, il est vrai que 200 communes soumises à la loi SRU ne peuvent pas produire des LLI, ce qui est un problème. Nous allons faire en sorte de les ajouter aux 800 communes pour lesquelles le zonage a été révisé : c'est une bonne idée, je vous rejoins sur ce point.

S'agissant du ZAN, l'objectif de renforcement des contrats de mixité sociale est intéressant. Vous avez raison, il faut prendre en compte les difficultés que rencontrent certaines communes pour construire. Il convient d'objectiver les contraintes - risque d'incendie et de feux de forêt, plan de prévention des risques d'inondation (PPRI), artificialisation des sols, capacité à construire, etc. - qui empêchent des communes d'atteindre leurs objectifs de construction de logements.

Sur la préemption, nous avons mis en place un dispositif qui a été validé par le Conseil d'État. La question est compliquée parce que le droit de propriété est un principe à valeur constitutionnelle. Fallait-il bloquer les prix des transactions ? Cette mesure aurait été excessive et sans doute sanctionnée par le Conseil constitutionnel. Nous avons donc permis aux communes qui le souhaitent de préempter, sans bloquer lesdits prix. D'autres outils peuvent-ils être utilisés ? Vous avez évoqué les chartes promoteurs ; c'est une bonne idée à laquelle nous pouvons réfléchir. Les accroches sont suffisantes dans le projet de loi pour assurer leur sécurisation juridique ; je suis ouvert sur le sujet.

Madame la rapporteure Gacquerre, pour ce qui concerne l'attribution de logements, le projet de loi permettra aux maires de trier les profils qui lui sont proposés pour l'ensemble des contingents, y compris ceux qui relèvent du Dalo. Action Logement, le préfet, les fonctionnaires et les réservataires auront toujours, chacun, leur contingent, mais les maires auront la possibilité de mettre un veto, en motivant leur décision, et donc d'avoir un poids décisionnel. La rédaction que nous avons proposée permet déjà de satisfaire votre intention : le maire est au coeur du processus d'attribution, y compris sur les profils Dalo du contingent préfectoral. Pour autant, si vous souhaitez améliorer le dispositif, nous pouvons en discuter ensemble.

En évoquant l'accession à la propriété, vous avez mis le doigt sur une mesure que nous aurions souhaité introduire dans le texte initial, mais nous nous sommes rendu compte qu'elle avait un impact fiscal ; cet article 14, qui a été supprimé, prévoyait de raccourcir le délai à l'issue duquel il est possible d'acheter son LLI. Aujourd'hui, les locataires de LLI doivent attendre dix ou quinze ans avant de pouvoir acheter leur logement ; dans une logique d'accélération de l'accession à la propriété, nous voulions que ce délai passe à cinq ans. Nous souhaitons inscrire cette belle mesure dans le prochain projet de loi de finances, car nous voulons avancer sur ce point. Je suis ouvert à d'autres propositions de nature réglementaire qui permettraient d'accélérer l'accession à la propriété.

Pour faciliter l'accession à la propriété des locataires du parc social et la vente de logements sociaux, nous voulons transférer l'autorisation préfectorale aux maires, dans une logique de décentralisation et, là encore, de confiance faite au maire. Aujourd'hui, le préfet donne l'autorisation quand le maire ne donne qu'un avis ; nous souhaitons que ce soit le maire qui décide.

Les mesures législatives ne sont pas seules en jeu lorsqu'il s'agit de favoriser l'accession à la propriété, surtout dans le contexte actuel de hausse des taux d'intérêt. Ce qui la freine principalement, ce sont tout de même les taux d'intérêt ! Tout ne passe pas par la voie législative. Il s'agit d'encourager les banques à trouver de nouveaux mécanismes de financement plus flexibles, par exemple les prêts in fine ou les montages permettant d'acheter les murs d'un logement, mais pas le terrain. Il y a un frein culturel dans ce domaine ; nous pourrions étudier ce que font en la matière d'autres pays européens, qui connaissent des montages financiers plus innovants.

Le prêt à taux zéro n'a pas disparu : il a été recentré sur l'achat d'un logement neuf collectif. Le projet de loi de finances prévoit ainsi 40 000 PTZ.

Je suis très sensibilisé à la question du logement des travailleurs, et souhaite que des logements sociaux leur soient attribués plus facilement. À cet égard, le projet de loi prévoit un conventionnement avec Action Logement, qui fait un très beau travail en fournissant des logements aux salariés des entreprises qui en ont le plus besoin. Faut-il l'étendre à d'autres acteurs ? Pourquoi pas, dès lors que les logements vont aux salariés ? Si tel est le cas, il est possible d'envisager un élargissement de l'article.

Vous avez évoqué la situation des fonctionnaires. Le député David Amiel m'a remis, ainsi qu'à Stanislas Guerini, un rapport préconisant de bonnes mesures auxquelles je souscris et que je souhaite faire prospérer, mais qui nécessitent de mener des concertations - c'est la raison pour laquelle nous ne les avons pas intégrées dans ce texte initial. L'une d'entre elles porte sur la clause de fonction, qui permet d'encourager l'investissement des acteurs publics dans le logement. Il y a dans le projet de loi des accroches qui vous permettront de travailler sur le sujet, et les députés pourront aussi apporter leur pierre à l'édifice.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - Pourquoi ne faire confiance aux maires qu'au moment de la première attribution d'un programme ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. - La rédaction du texte répond à une logique d'encouragement à la construction de logements sociaux.

Mme Viviane Artigalas. - Ma question concerne l'article 1er du projet de loi.

La loi SRU a déjà été assouplie par la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS, qui a supprimé la date butoir de la fin 2025 pour atteindre le taux légal de 20 % ou 25 % de logements sociaux, assoupli les conditions de rattrapage pour les communes retardataires, élargi les conditions d'exemption, et prévu la possibilité de conclure un contrat de mixité sociale pour adapter localement les taux cibles de logements sociaux. À l'époque, mon groupe et moi-même avions soutenu ces mesures portées par la ministre Emmanuelle Wargon. Aucune évaluation n'a été faite de ces ajustements, que ce soit auprès des communes concernées, des préfets chargés de faire appliquer ces mesures, de la commission nationale SRU ou de l'Union sociale pour l'habitat (USH). Je m'interroge donc sur le bien-fondé de cette nouvelle modification de la loi SRU.

Pour ce qui concerne les modalités d'aménagement prévues dans les contrats de mixité sociale, c'est-à-dire la baisse des objectifs de rattrapage, une commune pourra-t-elle cumuler cet aménagement de 2022 avec la possibilité d'atteindre les objectifs de rattrapage par la production de logements intermédiaires prévue à l'article 1er ? Si tel est le cas, il ne va plus rester grand-chose des objectifs de construction de logements sociaux.

Mme Martine Berthet. - Pourquoi ce projet de loi ne comporte-t-il pas de mesures en faveur du recyclage foncier et de la requalification urbaine, qui sont pourtant des gisements importants pour la production de logements ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. - Madame Artigalas, la loi 3DS a effectivement pérennisé la loi SRU, dans une logique de consolidation de ce texte datant de l'an 2000, et non de déconstruction ou de détricotage de ladite loi.

Nous proposons que soient maintenus les objectifs et les mécanismes de déficit et de carence prévus dans la loi SRU, et que, dans les flux de rattrapage qui sont conférés aux maires concernés, une part de 25 %, donc minoritaire, puisse être consacrée au logement locatif intermédiaire. Le LLI a en effet des vertus : il est susceptible de bénéficier aux classes moyennes dont les revenus sont trop importants pour qu'ils puissent accéder à un logement social - je rappelle que 2 millions de personnes attendent pendant des années un logement HLM. Par ailleurs, le prix des LLI est de 20 % à 25 % moins élevé que le prix de marché.

Aujourd'hui, on demande aux travailleurs des classes moyennes de se débrouiller pour se loger dans le parc privé ; nous leur proposons une autre solution, qu'il convient de saluer. Par ailleurs, le logement intermédiaire permet d'équilibrer des opérations qui comportent du logement social. Lorsqu'elles intègrent une part de LLI, celles-ci sont économiquement plus viables. Si tel n'était pas le cas, des programmes de logement, y compris social, ne sortiraient pas de terre ! Par ailleurs, le fait d'intégrer dans un grand ensemble du logement social et du logement intermédiaire favorise la mixité sociale.

Le dispositif que nous proposons est très pragmatique. Nous continuons à fixer des objectifs de rattrapage et de construction, et nous n'empêchons pas un maire de construire 100 % de logement social s'il le souhaite. Mais s'il souhaite « panacher » son offre, il pourra construire, sur 1 000 logements sociaux, jusqu'à 250 logements intermédiaires et 750 logements sociaux. À la fin des fins, on construira plus de logements, on favorisera la mixité sociale et on répondra à la demande des travailleurs des classes moyennes qui se trouve dans une sorte de no man's land. Voilà pourquoi nous voulons développer le logement intermédiaire.

Si j'avais modifié les mécanismes de carence, supprimé les objectifs assignés aux communes ou relevé le seuil de la loi SRU, vous auriez pu nous reprocher de détricoter celle-ci. Or ce n'est pas ce que prévoit l'article 1er. Il s'agit non pas d'un détricotage, mais d'un ajustement qui permettra à tous les Français de bénéficier d'une offre abordable.

Pour répondre à votre dernière question, le cumul que vous évoquez sera possible, le LLI étant plafonné dans le rattrapage.

Madame Berthet, nous avons l'ambition de réutiliser le foncier déjà existant, de reconstruire la ville sur la ville et d'utiliser les friches commerciales pour les transformer en logements. Olivia Grégoire et moi-même avons priorisé 74 zones commerciales, lesquelles recèlent un potentiel de 25 000 logements supplémentaires. Ces zones étant déjà artificialisées, nous n'allons pas nous priver de cette possibilité de les recycler.

Par ailleurs, nous souhaitons accélérer la densification du foncier déjà utilisé et artificialisé des lotissements, en concertation avec les maires.

En matière de foncier disponible, si les friches industrielles posent un problème, car elles ne se trouvent pas systématiquement dans des zones où l'on peut construire des habitations, en revanche, la transformation des bureaux en logements constitue un gisement énorme.

Nous devons mobiliser des espaces déjà artificialisés afin d'augmenter l'offre de logements et d'éviter de supprimer des terres agricoles, que nous devons préserver pour conserver notre souveraineté alimentaire et notre capacité productive et exportatrice agricole.

M. Frédéric Buval. - Du fait de la crise actuelle du logement, nos concitoyens, en particulier ceux qui sont locataires, ont de plus en plus de mal à accéder à la propriété. L'accession à la propriété demeure pourtant, pour de nombreux foyers, un facteur d'intégration. Ce projet de loi permettra-t-il aux locataires d'accéder à la propriété ? Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour faciliter l'accession à la propriété des primo-accédants ?

De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer un détricotage de la loi SRU. Quels garde-fous le texte prévoit-il ?

M. Yannick Jadot. - Concernant la rénovation, nous y travaillons depuis longtemps, mais malheureusement, depuis les lois Borloo, l'instabilité permanente des règles et des budgets fait que la rénovation est un échec depuis près de vingt ans. La logique est claire : la déstabilisation des règles entraîne une moindre consommation du budget et, à chaque coup de rabot budgétaire, on gratte de l'argent sur le budget de la rénovation en prétextant qu'il n'a pas été consommé.

Ma question porte sur l'article 1er. Nous avons suffisamment d'expérience pour ne pas considérer que la crise du logement a démarré avec la hausse des taux d'intérêt. Pour ce qui concerne les LLI, on sait que seuls 3 % des 2,6 millions de ménages qui sont en demande de logement social dépassent le plafond du prêt locatif social (PLS). Vous êtes peut-être en train d'ouvrir davantage le logement intermédiaire aux classes moyennes - et nous voulons que tout le monde puisse accéder à un logement peu cher -, mais reconnaissez que cela va se faire au détriment de ceux qui ont encore moins de moyens. Vous dites qu'il est indispensable de prévoir du LLI pour rentabiliser une opération de construction. Effectivement, face au manque de moyens, il faut rentabiliser et donc vendre : au final, ceux qui sont les moins favorisés accèdent encore moins au logement social, lequel devient de plus en plus rare.

M. Bernard Buis. - Le rapport Woerth sera bientôt publié. Considérez-vous que les élus locaux ont assez de compétences en matière de logement ? Ne devrions-nous pas décentraliser les compétences liées à ce secteur ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. - Monsieur Buval, en ce qui concerne les primo-accédants, nous avons souhaité permettre aux locataires de logements intermédiaires d'acheter plus rapidement leur bien - dès cinq ans. Cette disposition ne figurera pas dans le projet de loi que je présente, mais dans le projet de loi de finances.

Sur la primo-accession, le PTZ existe toujours et d'autres dispositions nouvelles pourraient être prévues lors du prochain PLF pour donner un coup de pouce à des jeunes qui souhaitent accéder à la propriété, mais ne le peuvent pas du fait de la hausse des taux. Un mécanisme leur permettant d'obtenir un pécule de départ pour réduire la facture bancaire, reposant sur une aide intergénérationnelle au sein des familles, est actuellement à l'étude.

Je l'ai dit, nul esprit de détricotage dans l'article 1er : cet article raisonnable, ciblé, permet d'ouvrir aux LLI le flux de rattrapage des communes concernées par la loi SRU.

Monsieur Jadot, je rappelle que nous mettons 4 milliards d'euros sur la table pour la rénovation ! Le sujet est non pas de ponctionner ce budget, mais plutôt de l'atteindre, car celui de 2023 n'a pas été consommé.

C'est pourquoi, en début d'année, nous avons décidé, avec Christophe Béchu, d'ouvrir MaPrimeRénov' aux travaux monogestes, à des personnes n'ayant pas encore fait leur DPE, et d'ouvrir l'accès aux maisons classées « F » et « G ». Ces mesures entrent en vigueur aujourd'hui même. Elles ont été très critiquées, mais elles visent à simplifier et à élargir l'accès au dispositif, afin de permettre à un maximum de Français de faire leurs travaux de rénovation et d'éviter d'avoir en fin d'année un budget sous-consommé.

Par ailleurs, les accompagnateurs sur le terrain seront beaucoup plus nombreux : l'accélération des procédures permettra d'homologuer des milliers de structures d'ici à l'été.

Enfin, nous avons également simplifié les labellisations pour les artisans.

Concernant l'article 1er sur le LLI, je souhaite déconstruire l'argument selon lequel il ne concernerait qu'une minorité de Français, ceux qui seraient au-dessus du plafond du logement social et en dessous du plafond du LLI. Tous ceux qui sont sous le plafond du logement social peuvent aussi demander un LLI. Au total, cela représente environ 80 % de la population. Ce produit est important pour les classes moyennes, mais il n'est pas encore assez développé : nous avons 5,5 millions de logements sociaux - leur nombre est de 1 million en Allemagne -, contre seulement 140 000 LLI. Les ménages des classes moyennes qui sont techniquement éligibles au logement social n'en auront pas en raison de la règle de priorisation : ils doivent se débrouiller sur le marché privé. Nous voulons donc encourager le recours à ce produit pour tous ceux qui gagnent de zéro euro au plafond du LLI, tout en continuant à construire plus de logements sociaux - nous avons toujours des objectifs ambitieux en la matière.

Nous voulons également augmenter la circulation au sein du parc : l'évaluation des revenus et du patrimoine des locataires du parc social est une mesure non pas de stigmatisation de ces derniers, mais de bonne gestion.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Tout dépend où l'on met le curseur !

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. - Nous en discuterons ensemble.

Lorsqu'on a 2 millions de personnes en attente d'un logement social, il est normal de se poser la question pour ceux qui ont durablement dépassé de 20 % les plafonds, déjà très élevés, ou qui ont hérité d'un bien d'une valeur équivalente à leur logement. C'est une mesure de bon sens, qui devrait être largement saluée, y compris par la gauche, pour donner le logement social à ceux qui en ont le plus besoin.

Monsieur Buis, concernant la décentralisation, je suis aligné sur les propositions de M. Woerth. Ce projet de loi ne contient aucune contrainte nouvelle pour les maires : il leur donne au contraire des outils supplémentaires, au travers de l'article 1er sur la loi SRU - il est possible d'inclure du LLI dans les objectifs de rattrapage -, du droit de préemption élargi, de leur poids dans l'attribution des logements sociaux, et de l'autorisation de la vente de logements sociaux.

Dans d'autres textes encore, nous donnons la main aux élus locaux. C'est le cas dans la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif, avec des outils de régulation, de quotas ou de compensation, et dans la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements, avec le permis réversible.

Dans l'ensemble des textes que je porte, ce sont des mesures qui visent à remettre les élus locaux, notamment les maires, au coeur du dispositif, dans une logique de décentralisation. Je suis ouvert à la discussion pour aller encore plus loin. Je serai toujours à vos côtés pour donner de nouveaux outils aux élus locaux, afin de faciliter l'aménagement de leurs territoires et d'augmenter l'offre de logements.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - En ce qui concerne le logement intermédiaire, j'entends ce que vous dites. Mais l'objectif n'est pas de faire entrer des personnes dans le logement intermédiaire pour qu'elles se précarisent davantage ou aient plus de difficultés à assumer le loyer et les charges. Si le logement intermédiaire présente un intérêt, notamment dans les zones tendues, il faut aussi tenir compte de la capacité de nos concitoyens à assumer les dépenses contraintes au regard de leurs revenus.

Par ailleurs, concernant la mobilité dans le parc social, j'attire votre attention sur les difficultés que vont rencontrer les bailleurs sociaux pour évaluer chaque situation particulière. Cela mobilisera beaucoup de moyens humains et matériels, notamment pour obtenir des pièces qui n'étaient pas forcément exigées auparavant et faire le lien avec l'administration fiscale pour les déclarations GMBI (Gérer mes biens immobiliers). « L'aspiration » d'une partie des fonds propres des bailleurs sociaux pour faire ces évaluations pourrait les mettre en difficulté financière.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. - Je comprends vos préoccupations, mais permettez-moi de rappeler quelques éléments factuels. Aujourd'hui, sur 140 000 demandes de logements sociaux émanant de ménages au-dessus des plafonds du prêt locatif à usage social (PLUS), seules 8 000 sont satisfaites. Cela revient à dire aux classes moyennes de se débrouiller. Développer le logement intermédiaire leur offre une solution supplémentaire, plutôt que de les renvoyer vers le parc libre.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je préfère cette réponse à celle que vous nous avez faite précédemment !

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. - En ce qui concerne les moyens des bailleurs sociaux, je suis ouvert à toute proposition de simplification, notamment pour les commissions d'attribution des logements et d'examen de l'occupation des logements (Caleol). Cela permettrait de faire diminuer les coûts de gestion.

Nous faciliterons les choses au maximum pour les bailleurs sociaux, y compris par des transmissions accélérées, voire automatiques, d'informations détenues par le fisc. La question est de savoir si nous sommes d'accord sur le principe, ce qui semble être le cas d'une partie des bailleurs sociaux.

Des marges de manoeuvre existent aussi pour leur donner plus de moyens. La moitié des loyers sont aujourd'hui sous les plafonds réglementaires nationaux du fait du conventionnement APL local. Un article du projet de loi permettra aux bailleurs, pour les nouveaux entrants, de déroger aux conventions APL et d'appliquer les plafonds réglementaires nationaux. Cela représente plusieurs centaines de millions d'euros de ressources supplémentaires potentielles.

Les bailleurs sociaux pourront également faire deux fois plus de logements intermédiaires - leur taux passerait de 10 % à 20 % -, recourir à la Vefa inversée, réaliser des opérations de copromotion avec les promoteurs. Nous avons travaillé avec la pluralité du monde HLM, et certains grands bailleurs sociaux nous ont encouragés à proposer des dispositions leur donnant davantage de moyens d'action et de ressources pour produire plus de logements.

M. Jean-Claude Tissot. - Un chiffre m'a interpellé : en 2022, sur près de 420 000 logements sociaux attribués, seuls 5,8 % ont bénéficié à des ménages reconnus prioritaires au titre du Dalo. Dans un rapport de janvier 2022, la Cour des comptes a appelé à une réforme du droit au logement opposable et a pointé que « pour de trop nombreux ménages, le Dalo n'est pas encore un droit effectif et le risque qu'il devienne un droit source de désillusions augmente ». Elle recommandait de sanctionner les bailleurs refusant sans motif valable d'attribuer un logement à un ménage Dalo et de mieux accompagner les demandeurs.

Or, comme vous l'avez très clairement expliqué, avec votre projet de loi, vous facilitez uniquement le logement intermédiaire pour les classes moyennes supérieures, tout en durcissant les critères d'accès au logement social pour les ménages modestes, avec le plafonnement et les suppléments de loyers.

Ne pensez-vous pas que l'urgence devrait être de répondre réellement aux demandes Dalo ?

M. Denis Bouad. - En 2023, nous n'avons produit que 82 000 logements sociaux, contre 124 000 en 2016, alors même que nous atteignons le triste record de 2,6 millions de demandeurs. Vous annoncez des mesures, comme la transformation de bureaux en logements, qui ne concerne pas mon département - je n'habite pas la région parisienne -, ou la construction de logements intermédiaires. La différence avec un logement social représente 300 euros de pouvoir d'achat, comme l'a rappelé Mme la présidente. Vous avez évoqué les surloyers : parlons-nous encore de mixité sociale ?

Tout cela m'inquiète et les chiffres que j'ai rappelés ne peuvent être dissociés des choix politiques menés depuis 2017 : RLS, hausse de la TVA, prélèvement sur Action Logement, mise à mal de la capacité financière des bailleurs sociaux... Sans compter que la Fédération française du bâtiment prévoit 150 000 suppressions d'emplois dans l'année à venir ; en incluant les promoteurs, agents immobiliers et autres acteurs du logement, ce sont plus de 300 000 emplois menacés.

Face à la baisse des rentrées fiscales et à la crise dans le BTP, vos services ou ceux de Bercy ont-ils évalué l'impact budgétaire et économique de vos politiques 

Mme Anne-Catherine Loisier. - Monsieur le ministre, je salue votre annonce du jour sur MaPrimeRénov'. Revenir sur certaines décisions inopportunes est important pour permettre à nos concitoyens de s'engager dans des réhabilitations.

J'aurai deux questions complémentaires.

Combien de logements estimez-vous rendre disponibles avec le dispositif des surloyers ?

Nous avons entendu dire que les taux devraient baisser au début du mois de juin. Vos interventions semblent infirmer cette rumeur. Pouvez-vous clarifier ce point ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. - Monsieur Tissot, concernant le Dalo, le parc social joue pleinement son rôle d'accueil des personnes précaires. En effet, 70 % des attributions se situent sous les plafonds du prêt locatif aidé d'intégration (PLAI), avec un record de 24 500 attributions aux ménages Dalo et 32 000 aux sortants d'hébergement grâce au plan Logement d'abord en 2022.

Quant à la nécessité de construire davantage de logements sociaux, nous en convenons ! La France figure parmi les pays européens qui en comptent le plus. Toutefois, face à une demande très importante, il est indispensable d'en construire davantage, tout en veillant à une bonne gestion.

Monsieur Bouad, je comprends que tous les dispositifs ne correspondent pas forcément à votre territoire rural. La transformation de bureaux en logements, par exemple, n'est pas la question principale dans le Gard, mais cette mesure est importante pour les zones tendues comme l'Île-de-France. D'autres dispositions, telles que celles contenues dans la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif, pourraient davantage vous concerner.

Concernant les surloyers, rappelons que les plafonds sont très élevés, puisque deux tiers des Français sont éligibles au logement social. Dans le Gard, un surloyer ne s'appliquera qu'à partir de 2 698 euros nets mensuels pour une personne seule, 3 603 euros pour un couple sans enfant, 3 939 euros avec un enfant et 5 231 euros avec deux enfants. À Paris, ce dernier seuil atteint 7 260 euros. Est-il scandaleux de demander un surloyer à des personnes ayant ces niveaux de revenus, alors que 2 millions de personnes, bien en deçà de ces plafonds, attendent depuis des années ? C'est une mesure de justice sociale. En Allemagne, il existe plusieurs tarifications en fonction des seuils de revenus. Quand on dépasse un certain niveau, on passe dans la catégorie supérieure.

Nous faisons une évaluation fiscale des mesures que nous prenons. Ainsi, le dispositif Pinel, qui aura permis de construire 500 000 logements depuis sa création jusqu'à la fin 2024, date à laquelle il sera arrêté, aura coûté au total 25 milliards d'euros jusqu'en 2036, soit environ 50 000 euros d'argent public par logement. Toutes les politiques publiques sont évaluées, et nous les examinerons une par une lors du PLF. Soyez assurés de ma vigilance quant au bon usage de l'argent public, auquel je suis très attaché.

Madame Loisier, concernant le supplément de loyer de solidarité (SLS), 130 000 logements sont concernés sur un parc de 5,5 millions, pour des montants faibles.

Enfin, sur les taux, vous avez raison, les choses évoluent. Les banques nous ont indiqué en février dernier que « le robinet du crédit se rouvrait ». Elles continuent de tenir ce discours. Les chiffres du crédit, bien qu'encore faibles par rapport à ceux d'il y a deux ans, augmentent d'un mois sur l'autre. Les taux sont passés sous le seuil symbolique des 4 %. Espérons une baisse des taux de la Banque centrale européenne dans l'année à venir, ce qui faciliterait grandement l'accès à la propriété. La situation s'améliore par rapport à l'année dernière, et je vous encourage à dire à nos concitoyens de refaire leurs simulations de demande de crédit, même en cas de refus précédent.

Mme Marianne Margaté. - Permettez-moi d'exprimer mes inquiétudes sur ce projet de loi qui vise à développer l'offre de « logements abordables » ; vous avez précisé qu'il visait les classes moyennes. Il omet totalement la question du logement social, pourtant au coeur des enjeux actuels.

Au-delà du détricotage de la loi SRU, ce sont les mesures visant les locataires qui m'alarment : fin du bail facilitée, surloyer, hausse du loyer. Les locataires devront payer le prix du désengagement de l'État dans le logement social. Demain, les loyers financeront encore davantage la construction de logements sociaux, opposant les locataires entre eux, alors que le véritable problème réside dans le niveau insuffisant de construction de ces logements en France.

Quand vous évoquez les classes moyennes, de qui parlez-vous exactement ? Selon l'Insee, une personne seule appartenant à la classe moyenne gagne entre 1 530 et 2 700 euros. Ces personnes trouvent légitimement leur place dans le logement social, en particulier en PLUS et en PLS. Les orienter vers du LLI ne fera que les fragiliser davantage. Étrangler les classes moyennes est profondément injuste.

Quels sont les objectifs du Gouvernement en matière de construction de logements sociaux pour les années à venir ? Les chiffres sont extrêmement bas, tant en agréments qu'en construction.

Mme Antoinette Guhl. - Je m'interroge sur votre définition des classes moyennes, qui me semble erronée. Prenons l'exemple de Paris : 71 % des demandeurs de logement social ont un revenu inférieur aux plafonds du prêt locatif aidé d'intégration (PLAI), soit 31 000 euros pour un ménage de quatre personnes. Il s'agit donc de demandeurs de logements sociaux et très sociaux. Ceux à qui vous répondez au travers le logement intermédiaire ne représentent que 3 % des demandeurs. Vous faites le choix de répondre à 3 % des demandeurs, au détriment des 71 % que j'ai évoqués puisque vous avez fait un arbitrage.

Quand vous prétendez vouloir rendre le logement abordable aux classes moyennes, vous trompez votre auditoire. Défendre le logement social, voilà ce qui rend réellement le logement abordable aux classes moyennes.

Par ailleurs, quelle place accordez-vous aux bailleurs sociaux dans votre politique du logement ? Avec votre projet de loi, je constate que vous les aidez à optimiser leur politique de loyers, autrement dit à gagner un peu plus d'argent sur leur activité actuelle. Vous les incitez également à vendre ce patrimoine de logement social, c'est-à-dire le patrimoine de ceux qui n'en ont pas.

M. Christian Redon-Sarrazy. - Nous avons souvent évoqué le patrimoine public géré par les maires, avec notamment la reconquête d'un certain nombre d'habitations dans le cadre du ZAN ou la transformation de bâtiments publics en logements. Toutes ces opérations ont un coût en ingénierie et en préparation de dossiers. Aujourd'hui, nous allons encore demander aux maires d'être à l'initiative d'un certain nombre de démarches, mais ils n'ont pas les moyens pour le faire. Quel appui pourrait leur être apporté pour qu'ils puissent répondre à ces ambitions légitimes, traduites dans les différents textes que nous allons examiner, dans ce contexte de manque criant de moyens ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. - Madame Margaté, je ne parviendrai pas à vous convaincre que je ne suis pas en train de détricoter la loi SRU. J'ai l'impression de toucher à une vache sacrée, alors qu'elle a été modifiée dix fois depuis sa création.

M. Yannick Jadot. - On veut juste qu'elle soit appliquée !

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. - Les législateurs que vous êtes ou vos prédécesseurs ne se sont pas privés d'y toucher. Je veux bien qu'on m'accuse de tous les maux, mais je rappelle que nous sommes simplement en train d'ajuster la trajectoire de rattrapage en intégrant une part minoritaire, jusqu'à 25 %, de logements intermédiaires pour compléter de nouveaux objectifs de création de logements. Nous ne sommes pas en train de désinciter à la construction !

Vous affirmez que les classes moyennes trouvent leur place dans le logement social, mais c'est théorique ! La réalité, c'est que 2 millions de demandeurs attendent des années leur logement social, et que 65 % des Français y sont éligibles ! Sur 30 millions de ménages logés, il y a 5,5 millions de logements sociaux et 2 millions de demandeurs. Je vous parie que nous assisterons, dans les mois qui viennent, à une augmentation du nombre de demandeurs de logements sociaux. Car nous débattons des plafonds d'accessibilité au logement social, et certains ménages découvrent qu'ils y sont éligibles.

M. Yannick Jadot. - Il y a un petit sujet de pouvoir d'achat dans notre pays !

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. - Bien sûr, il faut construire plus de logements sociaux pour répondre à la demande. Je ne dis pas le contraire, sinon je n'aurai pas prévu, à l'article 1er du projet de loi, des mécanismes d'incitation à la construction de ces logements. On construit toujours plus de logements sociaux...

M. Daniel Salmon. - On en construit de moins en moins !

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. - ... et nous voulons simplifier la vie des bailleurs sociaux pour qu'ils continuent à construire.

Mais il faut aussi mieux gérer le parc existant. Madame Margaté, vous dites que nous allons mettre des locataires à la porte, mais il faudra avoir des revenus supérieurs de 20 % aux plafonds d'éligibilité pendant plus de deux années consécutives, et nous laissons dix-huit mois au locataire pour se retourner ! En Île-de-France, pour le droit au maintien dans les lieux, c'est 3 724 euros nets mensuels pour un célibataire, 5 566 euros pour un couple sans enfant, 6 083 euros pour un couple avec un enfant et 8 015 euros pour un couple avec deux enfants.

Je veux bien que l'on n'ait pas la même définition des classes moyennes, mais il me paraît normal de dire à des ménages ayant ces niveaux de revenus de laisser la place à des personnes qui attendent depuis des années d'avoir un logement social ! Qui protégeons-nous ? C'est une mesure de bon sens qui aurait dû être prise depuis belle lurette ! La gauche elle-même a pris des mesures pour augmenter les surloyers : Mme Cosse est la dernière ministre à l'avoir fait. Il ne faudrait pas remettre en cause le droit à un logement à vie, mais quand nous avons 2 millions de demandeurs, il ne faut pas seulement construire davantage, il faut prendre des mesures de bonne gestion.

Madame Guhl, vous évoquez un taux de 3 %, mais vous prenez en compte seulement ceux qui demandent un logement social, et pas ceux qui n'ont plus le courage de le faire. De nombreuses personnes techniquement éligibles à un logement social ne font pas de dossier, car elles savent qu'elles ne l'obtiendront jamais. Nous développons le logement intermédiaire pour répondre à ces personnes des classes moyennes qui ont besoin de se loger à un prix réduit par rapport au prix du marché. Ce n'est pas moi qui trompe le public, mais vous ! Expliquer que le logement intermédiaire ne concerne que les classes supérieures, c'est faux ; qu'il ne répond pas à un besoin, c'est aussi faux ; que tout le monde peut avoir un logement social, c'est encore faux, car ils vont attendre de nombreuses années. Cette situation n'est pas de mon fait : cela dure depuis bien longtemps.

M. Yannick Jadot. - Personne ne dit le contraire !

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. - Monsieur Redon-Sarrazy, nous souhaitons donner aux maires bâtisseurs plus de moyens et les encourager à construire, en leur attribuant un poids plus important dans le mécanisme d'attribution et en prenant des mesures de simplification en ce qui concerne le PLU. Je suis favorable à toute mesure allant dans ce sens.

D'ailleurs, je n'aime pas que l'on stigmatise les maires non bâtisseurs ; j'entends parfois des expressions extrêmement violentes, comme celle de « maires délinquants ». Certains maires voudraient construire, mais rencontrent quelques difficultés pour le faire. Ce n'est pas à la chambre des territoires que je vais l'apprendre : il faut respecter les élus qui, dans leur immense majorité, ont envie de construire plus de logements, y compris du logement social et du logement abordable. Nous souhaitons, j'y insiste, leur simplifier la vie. C'est exactement le sens du projet de loi. N'hésitez pas à me proposer des mesures qui vont en ce sens pour les accompagner au mieux !

- Présidence de Mme Viviane Artigalas, vice-présidente -

Mme Viviane Artigalas, présidente. - Monsieur le ministre, je tiens à souligner qu'aucun d'entre nous n'est opposé à la construction de logements intermédiaires. Toutes les catégories de logements sont essentielles pour accueillir nos concitoyens, et nous manquons de logements dans tous les secteurs. Ce que nous souhaitons, c'est que la construction de logements intermédiaires ne se fasse pas au détriment de celle des logements sociaux.

M. Fabien Gay. - Je suis d'accord avec de nombreuses remarques qui ont été faites. Nous ne parviendrons pas à nous convaincre mutuellement, monsieur le ministre. Le débat devra porter sur ce qu'on entend par « logement social » et sur les personnes y ayant droit.

Vous nous dites qu'on va construire - un peu - et qu'une bonne gestion est nécessaire. Combien de locataires dépassent pendant deux ans de 20 % le montant de revenus que vous avez indiqué ?

M. Rémi Cardon. - Intéressant !

M. Fabien Gay. - Je pense que c'est un piège et qu'en réalité seules 1 000 ou 2 000 personnes sont concernées en France... Donnez-nous des chiffres concrets ! Si cela concerne 100 000 personnes, il y a matière à débat ; mais si cela ne touche que 2 000 personnes, ce n'est pas avec cela que nous résoudrons la crise du logement ! Nous devons donc revenir au débat initial : combien construit-on de logements sociaux en France chaque année ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. - Je vous remercie d'avoir précisé, madame la présidente, que personne n'était contre le LLI, car en entendant les fausses représentations qui sont véhiculées sur le logement intermédiaire, j'ai parfois des doutes... Je le rappelle, les bailleurs sociaux se sont engagés, dans le cadre d'un pacte, à construire des logements intermédiaires.

Monsieur Gay, vous m'interrogez sur les chiffres. En ce qui concerne les revenus, ils sont normalement évalués chaque année. Actuellement, 8 % du parc social est occupé par des personnes dépassant le plafond de ressources. En excluant les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), cela représente 200 000 logements. Parmi eux, 80 000 logements sont occupés par des personnes dépassant de 20 % le plafond de ressources. La seule donnée qui nous manque, c'est celle concernant le patrimoine éventuel, acquis ou hérité, des locataires, car il n'est pas mesuré. Personne ne peut vous répondre sur ce point.

C'est ce que vise à corriger le projet de loi. La gauche devrait se réjouir d'une telle mesure ! Ce n'est pas antinomique avec le fait de construire plus. Qui essayons-nous de protéger ? Les personnes dont les revenus sont supérieurs de 20 % aux plafonds déjà très élevés ou qui ont hérité d'un patrimoine et qui pourraient se débrouiller pour se loger dans le parc privé ? Il ne s'agit pas d'un piège ! C'est une mesure de justice sociale, qui permettra d'accélérer la file d'attente pour ceux qui attendent depuis des années. Car on parle d'évaluer le patrimoine et le revenu de ceux qui sont dans les déciles 8, 9, 10. La gauche s'offusque d'une telle mesure, alors qu'elle relève du bon sens et de la bonne gestion.

Concernant les objectifs de construction, je vous rassure : ils sont ambitieux et territorialisés. J'ai évoqué les 22 territoires engagés pour le logement, soit 30 000 logements d'ici à 2027. Le Pacte pour le logement intermédiaire représente 75 000 logements que les acteurs, y compris les bailleurs sociaux et l'USH, se sont engagés à construire dans les trois ans à venir. Dans les zones commerciales, nous prévoyons 25 000 logements supplémentaires.

Nous territorialisons la politique du logement là où il y en a le plus besoin. Sur chaque élément - zones commerciales, LLI, territoires engagés -, nous publions des chiffres et avons des objectifs ambitieux de construction de logements pour tous les Français.

Mme Viviane Artigalas, présidente. - Merci, monsieur le ministre, de votre intervention. Les débats ont été vifs ; nous les poursuivrons en commission et en séance.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 18 h 15.