Programme de stabilité et orientation des finances publiques

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le programme de stabilité et l'orientation des finances publiques, à la demande de la commission des finances.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Je suis heureux de vous présenter ce programme de stabilité, qui définit notre stratégie de rétablissement des finances publiques jusqu'en 2027.

Je veux combattre ce procès en insincérité, faux, injuste et déplacé. Depuis que je suis aux affaires, nos prévisions de déficit et de croissance ont été respectées, souvent au-delà de ce qui était prévu. Monsieur le sénateur, feriez-vous le même procès aux instituts de conjoncture économique qui prévoyaient une récession en 2023, alors que nous avions prévu 1 % de croissance et que nous avons eu 0,9 % ?

Le Gouvernement avait prévu une croissance positive en 2024, l'Insee vient de confirmer que nous ferions 0,2 %. Assez de défaitisme ! Assez de cette façon de tout peindre en noir !

Je reconnais qu'il y a eu un accident en 2023 sur les recettes.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances.  - Ah !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Mais ne confondons pas un accident avec un phénomène général. La France réalise les meilleures performances de toute l'Europe.

Ne vaut-il pas mieux adopter un état d'esprit volontariste et saluer les efforts des chefs d'entreprise, par exemple ?

M. Pascal Savoldelli.  - Avant de venir, j'étais avec les Sanofi !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous avons d'abord rétabli les finances publiques et sommes revenus sous les 3 % de déficit, grâce à des mesures courageuses comme la suppression des emplois aidés.

Puis nous avons connu une crise inédite depuis 1929, hors période de guerre. Il a fallu protéger massivement et efficacement ; si c'était à refaire, je referais exactement la même chose. Nous avons ensuite connu une inflation inédite depuis les années 1970, jugulée en deux ans - il en avait fallu dix à l'époque. Nous avons protégé massivement les Français et leurs factures de gaz ; si c'était à refaire, je le referais.

Maintenant, il faut rétablir les finances publiques. En France, les mesures de crise ont tendance à être considérées comme durables. Or ce serait irresponsable. Si nous voulons que l'État protège en cas de crise, il faut retirer les dispositifs exceptionnels, relancer la croissance et réduire les dépenses publiques inefficaces.

Pendant le covid, nous avons choisi de protéger massivement et efficacement. Nous pouvons en être fiers. Vous me poussiez à la roue à l'époque, en disant que je ne faisais pas assez, pour les restaurants, pour les boîtes de nuit... J'ai résisté à certaines demandes !

M. François Bonhomme.  - Merci...

M. Bruno Le Maire, ministre.  - À l'époque, Air France était menacée de faillite...

M. Albéric de Montgolfier.  - Et les autres pays n'ont rien fait ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - ... je suis fier de l'avoir sauvée, comme Renault. Nous avons soutenu les PME, l'aéronautique, la restauration et l'événementiel. Nous avons mis en place des mesures inédites, avec l'activité partielle. (Murmures à droite) Mieux vaut que l'État finance l'activité partielle afin de protéger des compétences plutôt que de risquer de perdre des pans entiers de notre économie !

Les résultats sont là. (M. Pascal Savoldelli ironise.) La France a été la première à retrouver son niveau d'activité d'avant crise.

Maintenant que les crises du covid et de l'inflation sont derrière nous, il faut revenir sur le chemin du rétablissement des finances publiques, comme en 2017, 2018 et 2019.

Ce programme de stabilité est ambitieux : nous voulons faire en trois ans ce que nous aurions dû faire en quatre, afin de revenir sous les 3 %. Plus nous serons nombreux à aller dans ce sens, plus la France gagnera en productivité et en puissance. C'est l'intérêt supérieur de la nation.

Je tends la main à tous les sénateurs qui ont la volonté comme nous de revenir sous les 3 %.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - On vous a proposé 7 milliards d'euros d'économies dans le projet de loi de finances (PLF) !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Le programme repose sur trois piliers.

Le premier, c'est la croissance et le plein emploi. Contrairement à ce que disaient les prévisionnistes, la croissance française est solide. La consommation des ménages augmente de 0,4 point, l'investissement des entreprises de 0,5 point, tout comme les exportations - je rends hommage aux salariés et chefs d'entreprise qui ont rendu ces résultats possibles. Il faut les consolider. Le jour où la France atteindra le plein emploi, ses problèmes des finances publiques seront largement résolus.

Le deuxième pilier, ce sont les réformes de structure.

D'abord, la simplification. Le coût de la complexité administrative est évalué par vous-même à 84 milliards d'euros par an. La simplification, c'est de la croissance, de l'activité et de la liberté pour nos TPE, nos artisans et commerçants ! Ensuite, la réforme de l'assurance chômage, qui doit être une incitation à retrouver un emploi le plus vite possible.

Le troisième pilier, c'est la réduction des dépenses. Celles qui ne donnent pas les résultats attendus doivent être arrêtées.

Voilà notre stratégie, claire et simple.

Certains estiment que l'on peut se moquer de la dette. Je crois au contraire que le rétablissement des finances publiques est dans l'intérêt supérieur de nos compatriotes.

Rompons avec cette manie française de confondre l'exceptionnel et l'ordinaire dans une fuite en avant dommageable à notre nation. Il n'est pas illégitime de rétablir les mesures d'avant la crise, une fois celle-ci passée. Ainsi, nous rétablissons progressivement le niveau de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE). Cela nous redonne des marges de manoeuvre pour faire face aux risques de crise et aux investissements indispensables.

Qui prendrait le risque de désarmer la France alors que les tensions sont là ? Certainement pas moi. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée proteste.) Notre responsabilité est de remplir les caisses, pour faire face aux crises. Le premier des réarmements doit être financier.

Beau débat politique : le rétablissement des comptes est bon pour notre économie. J'entends dire que nous serions tombés dans l'austérité, que nous provoquerions une récession. C'est tout le contraire ! Le niveau de dépenses restera parmi les plus hauts des pays développés ; il y a de la marge avant l'austérité, croyez-moi !

La première conséquence positive de finances publiques bien tenues, c'est le retour de la confiance des ménages et des entreprises, incités à investir et à consommer. Le taux d'épargne des ménages atteint 17 % ! Ils n'ont plus besoin d'épargner car ils n'ont plus de craintes à avoir. Nous n'augmenterons les impôts ni avant, ni après les élections européennes.

Autre conséquence positive : la baisse des taux d'intérêt. Lorsque les agences ne dégradent pas la note de la France, les écarts de taux avec l'Allemagne ne s'accroissent pas. Moins de dette, c'est moins d'argent pour les créanciers de l'État et plus pour les Français.

Cet objectif de 2,9 % serait-il inatteignable, comme je l'entends dire ? Du tout ! C'est une affaire de détermination, de constance et de méthode. La Finlande, la Suède, le Danemark, l'Irlande, le Portugal l'ont fait. Pourquoi pas la France ?

M. Albéric de Montgolfier.  - Pourquoi ne le fixer que maintenant ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Cela suppose de la constance, de la détermination, le dépassement des querelles politiques - nous y sommes prêts.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Le programme de stabilité actualise notre trajectoire, à la suite d'un ralentissement de l'économie mondiale qui nous amène à réviser la prévision de croissance pour 2024 de 1,4 % à 1 % - comme Bruno Le Maire l'a dit depuis février.

Mais les fondamentaux restent solides. Ce matin, l'Insee a annoncé un acquis de croissance de 0,5 % pour 2024. Le 11 avril dernier, la Banque de France a constaté une hausse du PIB de 0,2 % au premier trimestre, ce qui n'est pas incompatible avec une prévision de 1 % sur l'année.

Nous maintenons les grands principes de notre action et gardons notre boussole : ramener le déficit public de 5,5 % à 5,1 % en 2024, à 4,1 % en 2025, 3,5 % en 2026, puis sous les 3 % en 2027.

Bruno Le Maire l'a rappelé : avant les crises, notre politique avait permis de revenir à 2,4 % en 2019.

On ne change pas une politique économique qui fait ses preuves. Notre politique de l'offre soutient l'activité. Depuis 2017, 2,4 millions d'emplois ont été créés. Le taux de chômage est le plus bas depuis quarante ans. Notre pays est une des locomotives de l'Europe.

Nous voulons préserver nos marges de manoeuvre. Pour 2024, nous avons déjà annulé 10 milliards d'euros de crédits, dans le cadre prévu par la Lolf. Point d'austérité : cela représente moins de 0,5 % des crédits ouverts sur le périmètre de l'État. Ces annulations portent sur l'aide publique au développement, MaPrimeRénov' et le compte personnel de formation (CPF). Nous avons réduit de 150 millions d'euros la facture énergétique de l'État, cédé pour 280 millions d'euros de biens immobiliers et divisé par trois les dépenses de conseil en deux ans.

Pour tenir l'objectif, il faudra un effort de 10 milliards d'euros supplémentaires. La réserve de précaution, de plus de 7 milliards d'euros, ne sera pas utilisée.

Nous devons tenir les dépenses de l'État en 2024 comme nous l'avons fait en 2023 - l'État avait dépensé 7 milliards d'euros de moins que prévu. En 2024, nous appliquerons la même méthode.

Ces mesures ne remettent pas en question les grands équilibres : les dépenses vertes, de sécurité intérieure, d'armée, de justice, d'éducation nationale ou de recherche continuent d'augmenter.

Nous l'avons redit devant le Haut Conseil des finances publiques locales : la maîtrise des dépenses publiques est un effort partagé. Les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales devront augmenter un peu moins vite que l'inflation, à 1,9 % maximum. Pour y parvenir, il faut réfléchir à l'enchevêtrement des compétences, en s'appuyant notamment sur les travaux menés par Boris Ravignon et Éric Woerth. Le dialogue entre l'État et les collectivités est nécessaire.

Dans le champ social, l'Ondam a été respecté en 2023.

Nous avons subi le ralentissement économique, avec 21 milliards d'euros de recettes de moins qu'anticipé. Ce retournement de conjoncture est arrivé tardivement. Nous avions déjà connu de tels écarts en 2011 par exemple, avec 6 milliards d'euros en moins pour l'impôt sur les sociétés. Ce ralentissement aura donc des répercussions pour 2024, mais nous n'envisageons pas de changer notre politique fiscale, même s'il y aura des mesures ponctuelles, comme pour les énergéticiens ou les laboratoires pharmaceutiques.

Nous pouvons tabler sur 1,4 % de croissance en 2025, grâce à la consommation des ménages et aux exportations. La croissance et l'emploi sont les meilleurs alliés de nos finances publiques.

Nous devons faire des économies dans tous les champs. Le travail est déjà engagé. Nous avons fait des revues de dépenses avec un haut niveau d'ambition, dans le dialogue avec les parlementaires.

Cette nouvelle trajectoire reflète la volonté du Gouvernement de préparer l'avenir. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le programme de stabilité pour 2024-2027, transmis aujourd'hui à la Commission européenne, est, du fait de la réforme des règles du pacte de stabilité et de croissance, le dernier sous sa forme actuelle. On peut s'en réjouir, car ce qui est présenté est révélateur des errements et renoncements du Gouvernement en matière de finances publiques.

En 2023, nous faisons certes légèrement mieux que la zone euro, avec 0,9 % de croissance, mais c'est principalement dû à la récession allemande. Le Gouvernement utilise largement la comparaison avec l'Allemagne, qui est favorable, mais les économies italienne, grecque, portugaise, espagnole sont plus dynamiques, entre 2,3 % et 2,5 % de croissance. On est loin derrière.

Entre fin 2019 et fin 2023, le PIB de la France a progressé d'un point de moins que le PIB de la zone euro sur la même période.

Messieurs les ministres, votre optimisme forcené ne saurait masquer le faible dynamisme de notre économie. Et le scénario macroéconomique de ce programme de stabilité reflète encore ce biais !

La prévision de 1,4 % serait caduque. Votre révision à la baisse de 1 % demeure la plus haute. Elle est battue en brèche par les principaux instituts.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Ils se trompent !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - On verra. Il faut être un peu moins glorieux, à mon avis... Le taux de croissance sera plutôt de 0,7 %.

Peut-on vraiment se féliciter de la prévision de croissance de l'Insee pour le premier trimestre 2024, qui, après 0,1 %, est à 0,2 % ? Cela reste faible. La Banque de France a précisé que ce chiffre de 0,2 % était cohérent avec sa propre prévision de croissance de 0,8 % pour l'année 2024.

Le scénario du programme de stabilité n'est pas partagé par les conjoncturistes : il anticipe 1,5 % de croissance moyenne là où le consensus des économistes est à 1,2 %.

Vous anticipez une croissance de la consommation des ménages, mais n'expliquez pas la baisse de leur taux d'épargne, et vous vous montrez trop optimistes sur le redressement du pouvoir d'achat, lié à l'emploi, alors que de nombreux secteurs peinent à recruter.

Sur le début de la période du programme de stabilité, les effets du resserrement de la politique budgétaire sur l'investissement semblent sous-estimés, comme je l'ai dit l'an dernier. Le niveau de croissance prévu repose sur un niveau de production élevé et une capacité de rebond de l'économie particulièrement forte. Or nous pouvons douter que notre économie fonctionne en dessous de ses capacités.

Vous évaluez la croissance potentielle à plus 1,35 % par an, scénario non partagé par nombre de conjoncturistes. La prévision économique n'est pas une science exacte, par nature, mais votre scénario macroéconomique est assurément trop fragile. Le Sénat avait déjà critiqué votre prévision. Il n'est pas sérieux de manquer de rigueur pour présenter une copie non dégradée... Le rétablissement de nos comptes publics appelle des prévisions plus consensuelles et plus prudentes.

J'en viens à la trajectoire de nos finances publiques : vous avez renoncé à respecter la loi de programmation des finances publiques (LPFP). Quelques semaines après sa promulgation, elle était déjà caduque, avec un déficit de 5,5 % du PIB en 2023 et non 4,9 % comme prévu. Une LPFP qui ne dure que quelques semaines ne sert à rien, disons-le !

La dette, qui devait diminuer pour atteindre 108 points de PIB en 2027, augmentera, pour passer de 110,6 % en 2023 à 112 % en 2027. D'une perspective de désendettement, on passe à une perspective d'accroissement de l'endettement : voilà votre trajectoire. Ce n'est pas l'épaisseur du trait : on parle tout de même de 20 milliards d'euros de dégradation. Il est inadmissible que le Gouvernement ait renoncé à présenter un projet de loi de finances rectificative (PLFR). Je constate votre renoncement à redresser les comptes publics ! Votre mépris du Parlement, votre non-présentation d'un PLFR est très grave. Vous manquez de crédibilité et votre scénario n'est pas documenté.

Sans vision claire des politiques publiques prioritaires, le chemin est aussi impraticable qu'inaccessible. Vous objecterez qu'il n'est pas besoin de détailler toutes les économies à voter jusqu'en 2027. Mais les coupes sont là : 5 milliards d'euros pour l'État et 2,5 milliards d'euros pour les collectivités territoriales, sans documentation. Quid, par ailleurs, des 16 milliards d'euros de crédits de 2023 reportés sur 2024, qui font plus que compenser les efforts d'économies annoncés ? Il y a encore, en 2024, plus de crédits disponibles qu'en loi de finances. Le Gouvernement s'est constitué une grosse cagnotte, lui permettant de ne pas repasser devant le Parlement ! Heureuse situation...

Le programme de stabilité prévoit un déficit public qui passe de 5,1 points de PIB à 2,9 points en 2027. En termes structurels, c'est un ajustement de 67 milliards d'euros.

Je rappelle qu'en 2022, le Sénat avait adopté un PLF dans lequel l'ajustement structurel était inférieur et permettait pourtant d'atteindre une cible plus ambitieuse, à 1,7 %, au lieu des 2,9 % du Gouvernement. On nous avait critiqués pour la brutalité et le caractère déraisonnable de nos propositions.

M. Bruno Retailleau.  - Je m'en souviens !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Vous demandez un effort sans précédent, dans un temps très court. Or, comme le dit pudiquement le HCFP, votre documentation est lacunaire !

En ce qui concerne les recettes, peu de changement. Aucune mesure de recettes nouvelles n'est prévue pour les années à venir.

Le dégagement d'un excédent de 0,4 point de PIB en 2027 repose en réalité sur le cycle électoral ; il relève d'un voeu pieux et non d'une volonté de rectifier le tir.

La majorité des efforts repose sur la sphère sociale, la seule dont les comptes sont à l'équilibre. (M. Bruno Le Maire le conteste.) C'est un peu fort de café.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - J'ai dressé un constat, j'ai critiqué les prévisions de croissance, tout est lié. Je regrette votre triple renoncement : à une loi de programmation, à une trajectoire de désendettement, à un redressement des comptes du pays par un PLFR. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Démarrons par le seul point de satisfaction : le programme de stabilité a été remis dans les temps. (Sourires) Il suit la publication du déficit pour 2023, à 5,5 % de déficit au lieu des 4,9 % prévus. Cela est dû à des recettes surévaluées - pour dire les choses d'une belle façon : 1,4 milliard d'euros pour l'impôt sur le revenu, 1,4 milliard d'euros pour la TVA, 4,4 milliards d'euros pour l'impôt sur les sociétés, dont, vous le savez, le cinquième acompte est à la main des entreprises et donc difficile à estimer. Il aurait fallu davantage de prudence.

J'ai vérifié ce point : en 2017, il y a eu 64 milliards d'euros de produits ; cette année, il y a eu 56 milliards d'euros de produits. Corrigé de l'inflation, cela fait 48 milliards d'euros. Cela correspond à la diminution du taux de l'impôt sur les sociétés : de 33 à 25 %. Donc non, monsieur le ministre, on ne peut pas raconter qu'en diminuant le taux, on augmente le produit.

Spéciale dédicace à la taxation de la rente inframarginale de la production d'électricité : estimée initialement à 12,3 milliards d'euros, elle rapporte finalement 600 millions d'euros. Excusez du peu...

Si l'on pousse les estimations de façon imprudente, un jour ou l'autre, tous les indicateurs passent au rouge et l'on obtient les résultats d'aujourd'hui.

Les résultats ne pouvaient pas plus mal tomber : deux mois après l'adoption d'un projet de loi de finances par 49.3, et deux mois après l'adoption d'une LPFP déjà obsolète. Notre crédibilité auprès de nos partenaires européens est entamée, tout comme votre crédibilité auprès des parlementaires et des Français.

Nous espérons que le discours ridicule sur les baisses d'impôt sera abandonné et que des recettes complémentaires seront enfin envisagées, ainsi que nous l'avons proposé. Nous avons aussi besoin de vrais chiffres sur l'impact sur la croissance des baisses de crédits.

À ce niveau d'impasse budgétaire, nous avons besoin d'un débat sur les choix politiques, non de manipulations financières : PLFR, débat de l'article 50-1 de la Constitution, vous avez le choix des armes...

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) L'an dernier, notre débat s'inscrivait dans le contexte du rejet par l'Assemblée nationale de la LPFP, fort modifiée par le Sénat ; cette année, nous disposons d'une LPFP, mais elle est caduque au bout de quelques mois à peine... Nous n'avons donc plus de programmation des finances publiques. Mais cette LPFP se rappellera à notre bon souvenir chaque année, si le HCFP considère que le déficit structurel est supérieur de plus de 0,5 point de PIB à la prévision.

À l'automne dernier, la commission des affaires sociales avait exprimé ses doutes. Sur la base des hypothèses de croissance du consensus des conjoncturistes, la commission avait calculé un excédent des administrations de sécurité sociale de 0,2 point de PIB en 2027 -  et non de 1 point, comme prévu dans la LPFP. L'exécution 2023 a conforté nos doutes : l'excédent a été de 0,5 point de PIB, et non 0,7... L'objectif d'un excédent de 1 point en 2027 s'éloigne.

Ce programme de stabilité n'apaise pas nos doutes. Comment passe-t-on d'un déficit 2023 très supérieur aux prévisions à un objectif inchangé pour 2027 ? « Mystère et boule de gomme » écrirait Montherlant !

Comme le souligne le HCFP, le programme de stabilité manque de cohérence : les importantes économies prévues auront un impact sur la croissance, et l'hypothèse de croissance retenue est supérieure au consensus. Le Gouvernement veut-il préserver la croissance ou faire des économies, ce qui réduirait la croissance ? Débattons-nous du réalisme de l'objectif des 3 % ou des moyens de l'atteindre ?

In fine, ce qui importe, c'est le pilotage de nos finances publiques. Or ce programme de stabilité ne comporte aucune mesure concrète. La LPFP prévoyait de réaliser 6 milliards d'euros d'économies sur la sphère sociale en 2025. On nous parle désormais de 10 milliards, d'une réduction de la durée d'indemnisation du chômage et des indemnités journalières, entre autres.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Comment le Gouvernement compte-t-il atteindre les objectifs de ce programme de stabilité ? Nous attendons des réponses. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Thierry Cozic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le contexte budgétaire est alarmant : en 2023, la dette publique a atteint 3 100 milliards d'euros et le déficit budgétaire 148 milliards... Ramener le déficit à 3 % en 2027 par des revues de dépenses au fil de l'eau et sans utiliser le levier fiscal semble irréaliste !

Selon le HCFP, votre trajectoire manque de crédibilité et de cohérence. L'an dernier, il jugeait votre hypothèse de croissance trop optimiste. On connaît la suite... Revenir sous les 3 % nécessitera un ajustement massif en quatre ans. Le HCFP, vigie budgétaire indépendante, chiffre cet effort à 2,2 points de PIB, soit environ 65 milliards d'euros -  plus de 95 milliards d'euros, en prenant en compte la charge de la dette...

Cet effort est inédit, d'autant que le Gouvernement ne précise pas comment il compte y parvenir. En 2025, il faudrait 27 milliards d'euros, c'est colossal !

Avec 900 milliards de dette supplémentaire en sept ans, le Mozart de la finance joue désormais en ré mineur ! Après le « quoi qu'il en coûte », voici le « quoi qu'il en coupe ». (On apprécie sur les travées du groupe SER.) Vous êtes désormais à la merci des Républicains qui agitent la motion de censure comme un tigre de papier.

De l'aveu du Président de la République, nous n'avons pas un problème de dépenses, mais de recettes. Si vous n'écoutez ni les oppositions ni votre majorité, écoutez au moins le Président !

M. Vincent Capo-Canellas.  - C'est perfide !

M. Thierry Cozic.  - Qui pilote ? Le ministre Le Maire - qui voudrait un collectif budgétaire -, le Président de la République - qui n'en veut pas -, ou le Premier ministre ?

Si vous mettiez la même énergie à taxer les profiteurs de crise qu'à faire les poches des chômeurs, cela ferait longtemps que les 3 milliards seraient dans les caisses de l'État. Fort avec les faibles, faible avec les forts, voilà la doctrine de votre cinquième réforme de l'assurance chômage. C'est la « foire à la saucisse » au sommet de l'État !

Vous avez perdu la confiance des Français, en témoigne le taux d'épargne record : 18 %.

Le mur de la dette se rapproche et vous discutez de sa couleur !

Les besoins de financement sont colossaux - services publics, armée, décarbonation, grand âge... Or, à cause de votre impéritie, nous sommes à l'os ! Nous devons augmenter le degré de solidarité pour faire face aux besoins sociaux.

Monsieur le ministre, la dépense publique n'est pas un fardeau, elle est redistributive. Sans cette prise de conscience, vous condamnez notre pays au recul et nos concitoyens aux extrêmes ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Messieurs les ministres, vous ne manquez pas d'aplomb et êtes satisfaits de votre oeuvre.

M. Albéric de Montgolfier.  - Il n'y a pourtant pas de quoi...

M. Bruno Retailleau.  - Mais la situation de nos finances publiques se caractérise par trois mots : décrochage, dissimulation, démission. Les 1 000 milliards d'euros d'endettement supplémentaire accumulés par Emmanuel Macron sont le symbole de vos choix irresponsables.

Tout d'abord, le décrochage. La France est désormais le pays le plus mal géré d'Europe : médaille d'or pour la dépense publique, médaille d'argent pour les prélèvements obligatoires !

Quand on se compare, on se désole. En matière d'endettement, seules la Grèce et l'Italie font moins bien que nous et Emmanuel Macron a fait moins bien que ses prédécesseurs. En matière de déficit public, nous sommes à l'avant-dernière place avec la Belgique et nous n'atteindrons pas les objectifs que vous vous êtes fixés, car les hypothèses sur lesquelles est bâtie notre trajectoire sont fausses.

La France a une singularité : c'est la seule à cumuler déficit budgétaire et déficit commercial, des déficits jumeaux, voire siamois, qui se tiennent et s'entretiennent. Terrible conjonction pour notre nation !

Derrière les chiffres, il y a la France et les Français. Notre pays est menacé dans sa prospérité et sa souveraineté.

On a menti aux Français, en disant que la dépense publique faisait la croissance et la qualité des services publics. Si c'était vrai, nous serions à l'avant-garde du bonheur universel ! Or nos grands services publics, qui coûtent plus cher qu'ailleurs, s'effondrent. Nous sommes premiers sur la dépense publique, 168e sur la croissance...

En s'endettant, la France s'appauvrit. En 2027, les intérêts d'emprunt équivaudront au produit de l'impôt sur le revenu. On lève chaque année 300 milliards d'euros sur les marchés. Les Français aussi s'appauvrissent, qu'on les compare aux Américains ou aux Allemands.

C'est aussi une question de souveraineté, car la moitié de notre dette est détenue par des étrangers. Napoléon disait que la main qui donne est toujours au-dessus de la main qui reçoit. Un pays qui ne tient pas ses comptes ne tient pas son rang.

Voilà pourquoi le discours de la Sorbonne sonne creux : comment le cancre de la classe européenne peut-il donner des leçons à tous les Français et à tous les Européens ? Alors qu'après les élections européennes, la procédure pour déficit excessif sera déclenchée...

Après le décrochage, la dissimulation. Évidemment, vous saviez et avez caché la réalité aux Français. (M. Thomas Cazenave s'en défend.) Lors du dernier PLF, notre rapporteur général vous disait que vos hypothèses étaient fantaisistes. Grâce au travail de la commission des finances et du contrôle sur pièces et sur place du rapporteur général, les Français savent désormais que vous saviez...

Bien sûr, nous sommes des patriotes qui veulent relever la France. Nous vous avons tendu la main en décembre dernier, pourquoi ne l'avez-vous pas prise ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Nous avons proposé 7 milliards d'euros d'économies !

M. Bruno Retailleau.  - Nous aimons la France ! La politique du pire, c'est la pire des politiques.

Quand le Président de la République incrimine les moindres recettes, vous vous défaussez. Vous parlez d'accidentologie : un pépin météorologique, imprévisible... Mais non ! C'est la marque de l'imprévoyance.

Vous avez dissimulé, et vous persistez. Jean-François Husson a évoqué les 16 milliards d'euros de reports de crédits -  une façon de contourner le Parlement. Vous ne présenterez pas de collectif budgétaire : vous persistez !

Idem sur les hypothèses intenables du programme de stabilité, selon la Cour des comptes, le HCFP, les agences de notation, le Fonds monétaire international (FMI)... Seuls vous croyez encore aux 3 % de déficit en 2027. Un tel effort sur trois ans n'a jamais été réalisé.

Enfin, la démission. Bruno Le Maire a raison de dire que certains pays se sont spectaculairement redressés -  le Portugal, la Grèce. Rien n'est irréversible si l'on agit avec détermination, en actionnant les bons leviers : croissance et réforme.

Mais vous y allez soit à petits pas, soit en zigzag.

La France a un déficit de travail : il manque trois semaines de travail dans une année par rapport à la moyenne européenne. (M. Laurent Burgoa renchérit.) Et pourtant, le Premier ministre parle de semaine en quatre jours et vous concluez des accords scandaleux avec la SNCF et les aiguilleurs du ciel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le contrat de travail unique (CTU), promesse présidentielle, dévalorise le travail.

M. Albéric de Montgolfier.  - En même temps !

M. Bruno Retailleau.  - Votre réforme de l'État se limite à la réforme de l'ENA -  avec la suppression du corps préfectoral et du corps diplomatique que le monde entier nous enviait. Notre administration est toujours plus nombreuse et toujours plus paupérisée. Voyez votre dernière création : une agence pour conseiller les agences...

Nous devons aussi réformer notre modèle social et lutter contre le gaspillage et les fraudes : où en est-on de la carte Vitale biométrique, votée ici il y a deux ans ?

Le Premier ministre serait favorable à une réforme réglementaire de l'aide médicale de l'État (AME). N'y a-t-il pas un problème de répartition de l'effort entre les Français et les étrangers ?

Le dernier décret de la précédente réforme de l'assurance chômage date de janvier 2023 et on nous promet déjà une nouvelle réforme, qui lui serait contradictoire...

Voilà pourquoi vous ne redresserez pas vos comptes.

Vous avez creusé le déficit, la dette, et vous avez plombé l'avenir. « Aucune génération n'a le droit d'en amoindrir une autre », disait Balzac. Vous apprécierez, monsieur le ministre, vous qui êtes un littéraire.

Face aux grands défis qui viennent, nous n'avons plus de marge de manoeuvre. Il faudrait beaucoup plus qu'un tel programme de stabilité aux hypothèses hasardeuses et aux pistes d'économies vaporeuses. Nous avons besoin de rompre avec ce modèle dépassé, qui appauvrit les Français.

Notre note n'a pas été dégradée et je m'en félicite : on ne peut vouloir le pire pour le pays. Mais gare à l'envolée des taux d'intérêt !

Larry Summers, secrétaire au Trésor américain, disait qu'en économie, les choses vont beaucoup plus lentement qu'on ne le pense, mais quand la crise démarre, cela va toujours beaucoup plus vite que ce que l'on croyait. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Christopher Szczurek .  - Après sept ans au pouvoir, vos comptes ne sont pas bons. La France est l'homme malade de l'Europe. Vous devez trouver 95 milliards d'euros d'ici 2027 pour faire de notre déficit abyssal un déficit seulement catastrophique : mission impossible avec votre prisme idéologique.

Aurez-vous le courage devant le Sénat de diminuer encore les maigres subsides aux collectivités territoriales ? Allez-vous encore, après les contrats de Cahors, restreindre une autonomie financière fantomatique, alors que les collectivités territoriales assurent 70 % de l'investissement public ?

Vous publiez des chiffres optimistes, voire mensongers. Personne ne vous croit plus. Vous estimez la croissance en 2024 à 1 %, contre 0,7 % selon l'OCDE.

Tout le monde savait que vos prévisions de PLF étaient illusoires. Pour redresser ce radeau de la Méduse, vous publiez en catimini un programme de stabilité et un programme de réformes très plat.

Comment continuer à vous faire confiance avec 1 000 milliards d'euros de dette supplémentaires, dont 700 milliards pour mauvaise gestion structurelle ?

Vous préparez une cure d'austérité souterraine. Mais quand vous attaquerez-vous enfin aux dépenses indues de l'immigration, de la fraude fiscale ou de la surcontribution à l'Union européenne ?

Votre responsabilité politique est engagée. Nous attendons que les LR se décident à l'Assemblée nationale et provoquent un retour aux urnes : nous y sommes prêts. Dans l'attente, il faudra un PLFR. (M. Aymeric Durox applaudit.)

M. Emmanuel Capus .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) En économie, il faut éviter deux excès : l'excès d'optimisme...

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Et l'excès de modération !

M. Emmanuel Capus.  - ... et l'excès de pessimisme.

L'excès d'optimisme, on y cède quand on se focalise sur les bonnes nouvelles, irénisme coupable. On s'y complaît lorsqu'on manque de lucidité ou que l'on ferme les yeux sur les dangers.

L'excès de pessimisme, c'est faire du mauvais temps une ligne de conduite. Certains ne voient même plus les éclaircies passagères. (M. Claude Raynal rit.)

Ces deux excès nuisent à la confiance, qui est le fondement de l'économie. Pas de commerce, d'investissement, ni de recrutement sans confiance en l'avenir. Les responsables politiques qui sont dans ces excès manquent de lucidité et risquent le discrédit. Difficile de gagner la confiance quand on perd prise avec le réel.

Vendredi dernier, Moody's et Fitch ont maintenu la note de la France. Mauvaise nouvelle pour ceux qui veulent critiquer le Gouvernement. Pour notre groupe, c'est une bonne nouvelle et c'est le sentiment qui devrait prédominer au Sénat. Les agences de notation ne cèdent pas aux excès. Elles ne se prononcent pas sur le passé, mais sur l'avenir : elles estiment que la France pourra rembourser sa dette, ni plus ni moins.

Certes, le rythme de réduction du déficit n'est pas assez rapide. On fait toujours moins que ce l'on prévoit, alors autant faire preuve d'ambition.

Mais ce programme de stabilité ne pèche ni par excès d'optimisme ni par excès de pessimisme : l'hypothèse de croissance -  inférieure à celle que nous avons connue sous le gouvernement d'Edouard Philippe  - est réaliste. Elle dépend du contexte géopolitique en Ukraine, au Proche-Orient et en Arménie - je reviens d'un déplacement avec le groupe d'amitié. Mais l'hypothèse d'un embrasement généralisé menant à une troisième guerre mondiale aurait été un excès de pessimisme.

Il faut un cap clair : baisser les dépenses publiques pour réduire le déficit public et amorcer le désendettement de la France. Le groupe INDEP a fait des propositions en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Pierre Jean Rochette.  - Excellent !

M. Vincent Capo-Canellas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le dérapage de nos finances publiques est documenté, avec une dette 2023 supérieure à la prévision.

Le HCFP pointe un problème de crédibilité. Aucune LPFP n'a été respectée depuis vingt ans. Heureusement, notre dette demeure un bon placement, mais cela ne durera pas éternellement. Sa charge sera bientôt notre premier poste de dépenses.

Nous avons un problème de crédibilité sur notre objectif de déficit public à l'horizon 2027, car l'effort nécessaire est inédit.

Coupes budgétaires, soutien à la croissance, politique pro-business, équité sociale et territoriale, stabilité fiscale : c'est la quadrature du cercle.

La clé, c'est l'augmentation du taux d'activité : saluons les avancées. Nos problèmes ne se régleront pas uniquement avec de la croissance ou des baisses de dépenses. On peut fermer quelques robinets, mais cela sera récessif et probablement insuffisant. Il faut redéfinir les missions de l'État. Certains opérateurs de l'État y sont parvenus, inspirons-nous-en.

À court terme, il faut réduire les dépenses et augmenter quelques recettes -  taxation de la rente inframarginale sur l'énergie, des rachats d'actions et des surprofits de crise, mais aussi étalement des baisses d'impôts.

Nous devons investir dans l'innovation, l'intelligence artificielle, la transition écologique, la défense, la santé et le bien-vieillir. L'Union européenne doit aussi prendre sa part sur l'innovation, la transition écologique et l'intelligence artificielle.

À la veille des élections européennes, nous devons faire preuve de responsabilité. Avons-nous intérêt à aboutir à une crise politique ? Non. Certes, le dialogue est difficile à l'Assemblée nationale, en raison de l'absence de majorité. Le Gouvernement a été obligé de procéder par voie réglementaire, ce qui nous heurte. Mais nous devons surmonter cette situation politique, sans crise, car les marchés financiers détestent de telles incertitudes.

Nous devons définir des priorités comme le redressement des finances publiques, et adapter la méthode. Nos concitoyens sont, à juste titre, inquiets quand ils mettent en regard le taux de pression fiscale et l'inefficacité de l'État.

Le groupe UC, force de propositions, est très inquiet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Ghislaine Senée .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le pacte de stabilité et de croissance est obsolète. En 25 ans, la France n'a jamais respecté ses obligations. De plus, les investissements verts qui préparent l'avenir et les investissements bruns qui menacent la biodiversité sont mis sur un pied d'égalité dans la définition du déficit public.

Le HCFP dénonce une trajectoire qui n'est ni crédible ni cohérente, bâtie sur des hypothèses déraisonnablement optimistes. L'objectif posé par le nouveau pacte, adopté sans les voix écologistes, est hors de portée.

Pour réduire le déficit, on peut baisser les dépenses ou augmenter les recettes. Vous avez choisi de faire des cadeaux fiscaux aux entreprises et aux plus aisés depuis 2017. Pour plaire à la Commission européenne et aux agences de notation, vous actionnez le seul levier de la réduction des dépenses publique -  c'est le plus inégalitaire et il paupérise les plus précaires.

Vous sacrifiez les politiques redistributives, les services publics et le climat, et faites des cadeaux fiscaux et budgétaires sans contrepartie aux grandes entreprises du CAC 40, tenantes d'un néolibéralisme prédateur. Comment le Gouvernement peut-il se féliciter des projets de Renault alors que la nouvelle Twingo électrique sera produite en Slovénie et non plus à Flins-sur-Seine ? Des milliers d'emplois vont disparaître.

Qu'allez-vous encore couper ? Nous ne le savons pas. Vous aviez oublié, jusqu'à ce matin, de nous transmettre le programme de réformes - document lacunaire de 25 pages, contre 247 l'année dernière.

Où allez-vous faire ces économies ? Sur les prestations sociales, les retraites, les minima sociaux, les allocations logement ? Depuis sept ans, votre créativité antisociale est sans limite. Et vous licenciez des agents de la fonction publique : enseignants, militaires, agents communaux...

Oui, il s'agit d'une cure d'austérité, qui va annihiler une croissance économique déjà bien faible.

Les écologistes vous l'ont demandé lors des dialogues de Bercy : quand allez-vous sortir de vos dogmes et apporter une réponse budgétaire fiable et responsable ? Vous pouvez souffler, monsieur le ministre, mais nous sommes nombreux à vous le dire. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

M. Éric Bocquet .  - Un gouvernement qui décide seul devrait assumer seul.

Vous avez multiplié les 49.3 sur les lois de finances et la loi de programmation des finances publiques, mais les oppositions avaient raison : cette dernière était caduque dès avant son adoption, et toutes les projections et trajectoires qu'elle comportait ont volé en éclats.

Vous refusez de reconnaître que la politique de l'offre est une impasse : alors que les entreprises sont abreuvées d'argent public - les dépenses de l'État ont progressé de 100 milliards d'euros depuis 2019 -, la croissance est atone.

Les chiffres de l'emploi sont gonflés par le million d'apprentis subventionnés. La réindustrialisation serait à l'oeuvre, mais la balance commerciale dévisse. Les entreprises se gavent de crédit d'impôt recherche, pour un coût de 94,2 milliards d'euros pour les finances publiques, mais Sanofi a supprimé 10 000 postes depuis 2018, dont 330 dans la recherche. Vous créez un crédit d'impôt pour l'industrie verte, mais si Systovi menace de mettre la clé sous la porte, ce n'est pas à cause de la fiscalité.

La fin de la concurrence mondiale, des barrières douanières européennes, des clauses de réciprocité, bref, de la protection et la fin du libre-échange débridé : voilà ce qu'attendent les entreprises. Serons-nous un jour compétitifs, pour reprendre votre langage, face à la Chine ? Cela ne nous empêche pas d'être plus intelligents.

Pas moins de 100 000 emplois devraient disparaître cette année et 68 000 défaillances d'entreprise sont attendues alors que la marée des prêts garantis par l'État (PGE) se retire. Résultat : le taux de chômage devrait s'établir à 8,4 % en fin d'année, contre 6 % dans l'Union européenne. La politique de l'offre n'ouvre décidément aucune perspective !

Décider seul, c'est aussi croire que les finances publiques pourront se redresser sans amélioration des recettes. Vous avez repoussé toutes nos propositions sur les niches des plus riches et pour plus d'équité.

Adoptée dans le projet de loi de finances, la taxation des superdividendes s'est heurtée à une fin de non-recevoir du ministre Le Maire, au motif qu'elle nuirait aux salariés actionnaires. Mais les 2,6 millions de salariés actionnaires qui perçoivent en moyenne 1 000 euros de dividendes par an ne seront pas concernés - au contraire des 0,78 % qui raflent 94 % des dividendes versés.

Notre groupe a fait adopter, avec le groupe centriste, un amendement en projet de loi de finances pour taxer les rachats d'actions - mesure que vous avez également balayée. Et voici que le Premier ministre annonce qu'il est envisageable de taxer ces opérations...

Vous voulez décider seul, en feignant d'organiser des dialogues de Bercy et autres comités de concertation. Mais c'est au Parlement que le débat doit avoir lieu, à visage découvert. Examinons un projet de loi de finances rectificative, et nous verrons qui propose et qui vote quoi. Vous voulez éviter le débat avec les parlementaires : vous avez si peur d'avoir raison avec nous que vous préférez avoir tort tout seuls !

Les économies que vous prévoyez dans le programme de stabilité - 27 milliards d'euros l'an prochain - ne sont pas étayées et d'une brutalité inouïe ; personne n'en veut, car la confiance est rompue. Pendant ce temps, le ministre des finances et le Président de la République débattent dans la presse, l'un considérant les dépenses, l'autre les recettes...

En septembre dernier, monsieur Le Maire, vous vouliez réduire la dépense publique de 16 milliards d'euros. En même temps, vous décidiez d'emprunter 285 milliards d'euros aux marchés financiers, auxquels nous paierons cette année 52 milliards d'euros d'intérêts. L'urgence est de rétablir la souveraineté fiscale et budgétaire de notre République ! (Applaudissements à gauche)

M. Raphaël Daubet .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Instabilité : le terme eût été mieux choisi pour qualifier ce programme, tant notre trajectoire se caractérise, depuis un certain temps, par l'incertitude des prévisions, l'insécurité géopolitique et la fragilité économique de nombreux ménages.

Le principal problème de ce programme, c'est qu'il n'a pas été écrit à partir de la réalité économique, mais d'objectifs que nous voulons atteindre, ceux de Maastricht.

Je ne me fais guère d'illusions sur les suites de ce débat, mais il est important, car mon groupe est très attaché au projet européen, aussi perfectible soit-il dans sa traduction. D'autre part, l'état de nos finances publiques prend une dimension politique, avec le coût exorbitant de la crise sanitaire, les révélations sur le déficit pour 2023, des prévisions de croissance invraisemblables et finalement fausses, une charge de la dette en passe de devenir la première dépense de l'État : l'inquiétude et le sentiment d'insécurité gagnent nos concitoyens.

Ce que nous attendons du dialogue - sincère - que vous devriez ouvrir avec la représentation nationale, c'est la démonstration que l'orientation de nos finances publiques n'est pas un exercice comptable, mais un projet politique pour la nation.

Bien sûr, le RDSE se réjouit que la note de la France n'ait pas été dégradée. Force est de constater que la politique de soutien à l'activité a porté ses fruits, que le chômage est au plus bas depuis quarante ans et que la réindustrialisation a commencé.

Le projet politique que nous attendons désormais est celui du redressement et de la consolidation de notre modèle social et républicain, un facteur majeur de résilience économique. Les chefs d'entreprise de mon département me le disent : ce modèle rassure les investisseurs et donne de la stabilité à notre économie. Sa consolidation pose évidemment la question de l'efficacité de nos politiques publiques, car la dépense ne résout pas tout.

La trajectoire financière que nos concitoyens attendent, c'est celle qui redressera l'école de la République, redonnera un accès aux soins à tous les Français, sauvera l'hôpital de la faillite et rétablira la justice fiscale.

Messieurs les ministres, vous nous présentez un itinéraire bis : même destination, mais la pente promet d'être raide...

Vous comptez sur une croissance supérieure à celle projetée par tous les prévisionnistes - pas hors d'atteinte, selon le Haut Conseil des finances publiques, mais optimiste. Vous misez sur le recul de l'inflation pour relancer la consommation, mais je m'inquiète du cap, franchi en 2023, du million d'interventions pour impayés de factures d'électricité. Vous pariez sur la relance de l'investissement des entreprises, mais nombre de PME peinent à rembourser leur PGE.

Quant aux annulations de crédits et au gel des réserves de précaution, ils ne constituent pas une réforme structurelle : ils s'apparentent plutôt à un tour de vis dans le fonctionnement des ministères. C'est une solution d'urgence, pas d'avenir. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Georges Patient .  - Le début d'année nous a apporté son lot de mauvaises nouvelles économiques et budgétaires : une croissance légèrement plus faible et surtout un déficit plus important que prévu en 2023.

Paradoxalement, cette dégradation du déficit est en partie liée à une bonne nouvelle : le reflux de l'inflation, qui entraîne de moindres rentrées fiscales. Autrement dit, les cordons de la bourse sont tenus, mais les recettes trop dépendantes d'aléas conjoncturels.

L'objectif reste inchangé : le retour du déficit budgétaire sous la barre des 3 % à l'horizon 2027. Mais la tâche s'annonce ardue et les équilibres fragiles à maintenir. Dès février, vous avez annoncé 10 milliards d'euros d'économies cette année et 20 milliards d'euros l'année prochaine. Le budget des outre-mer a, comme les autres, été mis à contribution, avec 79 millions d'euros de crédits annulés ; il n'en reste pas moins en forte hausse, de 14 %.

Ces économies sont nécessaires pour éviter un dérapage plus important et montreront à nos partenaires, à la Commission européenne et aux marchés financiers notre volonté d'être responsables. Mais elles ne seront pas neutres : elles amputeront la croissance de 0,2 point cette année et de 0,6 l'année prochaine, selon l'OFCE. L'équilibre entre responsabilité budgétaire et soutien à la croissance sera au coeur de nos préoccupations dans les prochaines années.

Aussi devons-nous oeuvrer, comme vous l'avez annoncé, à recouvrer les recettes fiscales escomptées. La contribution sur les rentes inframarginales dans le secteur énergétique n'a rapporté l'an dernier que 300 millions d'euros sur les 3 milliards prévus. Monsieur le ministre, vous avez affirmé que le Gouvernement était prêt à améliorer le dispositif pour le rendre plus efficace dès cette année : c'est une bonne chose.

L'inflation énergétique des deux dernières années a fortement contribué à la dégradation de l'économie, qui a retenti sur le budget de l'État du fait des mécanismes de protection mis en place. Il est juste que ceux qui ont bénéficié de marges excessives au moment où les prix atteignaient des sommets participent au financement de ces dispositifs. Par ailleurs, la réforme en cours du marché européen de l'électricité devrait éviter que ce genre de situations ne se reproduise.

Plus généralement, une meilleure évaluation de la dépense fiscale pourrait offrir des marges de manoeuvre. Les outre-mer ont déjà fait cet effort dans la dernière loi de finances : certains dispositifs ont été réévalués pour en améliorer l'efficacité et réduire les effets d'aubaine. Les documents budgétaires sont ambitieux, prévoyant 6 milliards d'euros d'économies annuelles à partir de 2025 par la remise à plat des dépenses budgétaires et fiscales.

Le programme de stabilité prévoit une dégradation de notre objectif de dette, à 112 %. C'est une mauvaise nouvelle, mais qui doit s'apprécier au regard de l'ambition d'assainissement et de soutien aux investissements stratégiques. Notre économie peut supporter ce niveau de dette. D'ailleurs, Fitch et Moody's n'ont pas abaissé notre note.

La question qui se pose tient plus aux négociations à venir avec la Commission européenne. Une procédure pour déficit excessif sera-t-elle ouverte contre la France ? On peut regretter que la réforme des règles budgétaires de l'Union européenne ne permette pas de sortir les investissements pour la transition écologique du calcul de la dette, d'autant que l'Allemagne, par exemple, loge ces budgets dans des fonds spéciaux non comptabilisés.

La priorité doit aller à la croissance, à l'emploi et au pouvoir d'achat. En la matière, la politique du Gouvernement est une réussite, avec un taux de chômage au plus bas, à tel point que le chômage a disparu des préoccupations principales des Français.

La politique conduite depuis 2017 porte ses fruits : la France est devenue la nation la plus attractive d'Europe pour les investissements étrangers, les créations d'entreprises sont au plus haut et nous avons créé 2 millions d'emplois, dont 100 000 dans l'industrie.

Il ne faudrait pas qu'une politique budgétaire et fiscale trop restrictive compromette ces résultats. En ce sens, la trajectoire présentée dans le programme de stabilité est cohérente et réaliste. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Florence Blatrix Contat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Présenté un mois après l'annonce d'un dérapage inédit du déficit public l'année dernière, ce programme de stabilité a été vivement critiqué par le Haut Conseil des finances publiques. Celui-ci considère que la trajectoire prévue n'est ni crédible à court terme ni soutenable à moyen terme et qu'elle ne permettra pas de mobiliser les financements nécessaires à la transition écologique et à la réindustrialisation. Tant que vous persisterez dans votre politique de désarmement fiscal, votre trajectoire ne sera qu'un mirage !

Ce sont vos choix qui sont responsables des déséquilibres actuels : suppression de l'ISF, de la taxe d'habitation et de la CVAE, baisse de l'impôt sur les sociétés. Pourtant, vous persistez et signez, avec une trajectoire envisagée sous le seul angle de la réduction des dépenses.

La littérature économique indique toutefois que la réduction de la dépense peut avoir un effet récessif : selon l'OFCE, les 20 milliards d'euros d'économies prévues pour l'an prochain pourraient nous coûter 0,6 point de croissance.

La voie française que vous dessinez est une impasse. Écoutez les économistes et les institutions qui suggèrent de nouvelles pistes, comme l'OFCE qui recommande une augmentation de la fiscalité épargnant les plus modestes et les classes moyennes. Le taux effectif d'impôt sur le revenu des trente-sept ménages les plus aisés se limite à 0,26 %, selon Gabriel Zucman !

Pour retrouver des marges fiscales, réintroduisons un impôt sur la fortune, taxons les rachats d'actions et les superprofits et rééquilibrons la fiscalité entre le travail et le capital.

En ce qui concerne les dépenses, vous avez l'embarras du choix... Vous pourriez réduire les dépenses antiécologiques, supprimer certains allègements fiscaux ou reconsidérer des décisions inutiles, comme le service national universel (SNU) ou l'uniforme à l'école. Mais vous préférez vous en prendre à la sphère sociale et, une fois de plus, aux collectivités.

Des solutions existent. Mais, comme d'habitude, vous méprisez le Parlement et décidez seul. Ainsi, le Gouvernement n'a toujours pas répondu à notre demande de débat au titre de l'article 50-1 de la Constitution sur un budget pour protéger les Français et préparer l'avenir.

Comme d'habitude, les premières victimes de votre politique seront la transition écologique et les classes moyennes. Vous continuerez à nourrir la défiance des Français à l'égard de l'impôt, avec les risques démocratiques que cela comporte.

Ce programme de stabilité porte en lui tous les risques : déstabilisation de l'économie, injustice sociale, renoncement aux ambitions environnementales. Il aggravera les injustices, sans nous empêcher d'être le cancre de la zone euro. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST et sur plusieurs travées du groupe CRCE-K)

M. Hervé Maurey .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains) La trajectoire prévue dans ce programme est étonnamment différente de celle présentée, par le même ministre, dans la loi de programmation des finances publiques promulguée il y a moins de quatre mois...

La trajectoire de croissance est revue fortement à la baisse, et la prévision de déficit public pour cette année est portée à 5,1 %, soit une augmentation de plus de 20 milliards d'euros en quelques semaines !

Dès lors, comment ne pas mettre en doute la crédibilité des prévisions du Gouvernement, voire leur sincérité ? Il semble, en outre, qu'il ait été informé dès le 7 décembre dernier que le déficit pourrait s'élever à 5,2 %, au lieu de 4,9 %.

Les conjoncturistes n'adhèrent pas davantage à ce scénario qu'aux précédents. Le Haut Conseil des finances publiques considère ainsi que la trajectoire de PlB potentiel est surévaluée et qu'il existe un risque important que la part structurelle du déficit soit revue à la hausse. Il estime aussi que la France restera parmi les trois pays les plus endettés de la zone euro.

Ainsi, toute votre stratégie d'amélioration des comptes repose sur des hypothèses non documentées et non partagées par la vingtaine d'instituts composant pour la France le Consensus Economics. Le maintien - de justesse - d'un retour du déficit sous les 3 % en 2027 relève de l'incantation et de la méthode Coué. D'après le Haut Conseil, il supposerait un ajustement structurel massif et la mise en place d'une gouvernance rigoureuse : tout est dit ! Vous-mêmes ne croyez pas un instant à cet objectif, et je suis prêt à parier qu'il ne sera pas tenu.

Monsieur le ministre, comme vous l'a rappelé le Président de la République, vous avez la charge de nos finances depuis sept ans. Pourquoi nous alimenter en permanence de prévisions qui ont prouvé qu'elles ne sont pas crédibles ? Pourquoi avoir fait adopter une loi de programmation des finances publiques dont nous avions souligné l'absence de crédibilité ? Pourquoi avoir refusé les propositions d'économies et de recettes du Sénat ?

Et pourquoi le Gouvernement continue-t-il à annoncer chaque semaine des mesures qui aggravent notre déficit ? À vouloir réduire les recettes de l'État ? Le Premier ministre vient de confirmer qu'une baisse d'impôts de 2 milliards d'euros pour les ménages interviendrait en 2025... La suppression de la taxe d'habitation et de la contribution à l'audiovisuel public et la baisse de la CVAE coûtent déjà 35 milliards d'euros par an à l'État !

Pourquoi ne jamais reconnaître vos erreurs ? Pourquoi ne pas vous attaquer réellement à la baisse des dépenses publiques ? Pourquoi vouloir faire peser sur les collectivités territoriales une partie des conséquences de cette situation, alors qu'elles n'en sont nullement responsables ? Pourquoi refuser que le Parlement soit saisi de ces questions essentielles ?

Sur toutes ces questions, nous attendons vos réponses. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Je vous remercie pour la qualité de ce débat.

Monsieur le rapporteur général, je ne suis pas spécialement optimiste : j'essaie d'être réaliste. S'agissant de nos performances économiques sur 2017-2023, je veux rendre aux Français ce qui leur appartient. Notre croissance cumulée a été la plus forte de toutes les nations européennes : près de 7 %, contre 3,7 % en Allemagne, 5,6 % au Royaume-Uni et 5,8 % en Italie.

Ce n'est pas un hasard si la France est devenue le pays européen le plus attractif pour les investissements étrangers : c'est la preuve de l'efficacité de notre politique économique.

Vous taxez d'insincérité le Gouvernement, qui tient pourtant ses prévisions de croissance, mais, puisque vous parlez des conjoncturistes, vous pourriez regarder de leur côté... L'un d'entre eux, qui fait référence, assène dans tous les médias que la France fera 0,5 % de croissance cette année. Comme nous avons déjà 0,5 % d'acquis, cela supposerait que notre croissance soit nulle jusqu'à la fin de l'année, ce qui n'est pas plausible... Élargissons donc notre regard aux prévisions fausses de certains. Au reste, le même prévisionniste avait annoncé, avec force assurance, que nous serions en récession en 2023.

Je ne le dis pas pour le Gouvernement, mais pour les Français qui travaillent, les entrepreneurs, les PME et les industriels. Dans un environnement difficile, notre économie est l'une de celles qui ont le mieux résisté.

Le vrai problème n'est pas la croissance française, mais la productivité européenne. La croissance européenne est de 1 à 1,5 point derrière celle des États-Unis, parce qu'au lieu d'encourager l'innovation et de prendre des risques, l'Union européenne multiplie les normes et la complexité administrative. Il faut libérer la croissance européenne : nous nous y employons avec le Président de la République.

Monsieur le président de la commission des finances, je suis d'accord avec vous sur la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité (Crime). Nous avons eu 300 millions d'euros de recettes au lieu de 3 milliards, c'est un échec. Nous corrigerons le dispositif pour obtenir les recettes attendues.

Madame Doineau, des comptes bien tenus sont le gage d'une croissance solide, parce qu'ils inspirent confiance aux ménages et aux entreprises.

M. Cozic nous accable sur le mur de la dette, mais ne propose rien pour le faire tomber, sinon des impôts nouveaux. Nous croyons à la croissance, aux réformes et aux réductions de dépenses.

M. Retailleau a eu des mots durs : irresponsabilité, décrochage, mensonge. Mais, dans le fond, qui aime bien châtie bien... (Sourires)

Notre problème d'endettement remonte à plusieurs années, pour ne pas dire plusieurs décennies. Le premier décrochage a eu lieu pendant la crise financière de 2008 : 26 points de dette supplémentaires. Nous avons ensuite poursuivi dans la même direction, contrairement à nos partenaires. Résultat : en 2017, la dette française approchait déjà des 100 %.

Nous avons consenti 15 points de dette supplémentaires pendant la crise du covid - dans la moyenne haute des pays européens, parce que nous avons plus dépensé pour mieux protéger. C'est maintenant que tout se joue : renouons-nous avec nos vieux démons en laissant filer la dette ou, pour la première fois depuis trois décennies, rétablissons-nous nos comptes ? Notre choix est fait.

Monsieur Retailleau, vous m'avez appelé à la sollicitude envers certaines professions pendant le covid : vous demandiez plus d'aides pour les masseurs-kinésithérapeutes, les commerces de gros, les discothèques, le textile...

M. Bruno Retailleau.  - Je n'ai jamais contesté le bouclier tarifaire !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Si la sollicitude est à votre honneur, elle est au débit des comptes de la nation.

Je vous rejoins, en revanche, quand vous dites que le pire de la politique, c'est la politique du pire. Renouons-nous avec nos vieux démons ou inventons-nous un nouveau chemin ? Je vous propose d'inventer ensemble un nouveau chemin.

Nous avons réussi à relancer notre économie après le covid et à maîtriser en deux ans la crise inflationniste. Soyons-en fiers et, maintenant, rétablissons nos comptes.

Oui, il y a un déficit de travail. C'est pourquoi nous avons réformé l'assurance chômage, les retraites et l'apprentissage. Un taux d'activité plus élevé est la première réponse au déficit et à la dette.

Vous avez raison aussi de parler d'investissement : nous proposons l'union des marchés de capitaux pour que nos entreprises puissent grandir.

Nous avons suffisamment de points communs sur les choix stratégiques pour ne pas nous opposer sur des choix anecdotiques.

Monsieur Szczurek, j'ai bien peur que stopper l'immigration ne mette pas un terme à nos maux financiers.

Monsieur Capus, je vous remercie d'avoir salué le rôle d'Édouard Philippe dans le rétablissement des comptes publics ; il avait le même ministre des finances que Gabriel Attal...

Madame Senée, nous ne faisons pas de cadeaux fiscaux aux entreprises : si vous voulez que Renault fabrique sa R5 à Douai plutôt qu'en Slovénie, il faut lui garantir des conditions de compétitivité satisfaisantes. Ce n'est pas du néo-libéralisme prédateur, mais une politique de responsabilité.

Non, monsieur Bocquet, nous ne décidons pas seuls. Vous avez proposé de taxer les rachats d'actions : le Premier ministre s'y est dit ouvert. (M. Claude Raynal ironise.) En politique, vous le savez, il faut insister, et la porte s'ouvre parfois...

Monsieur Daubet, monsieur Patient, merci d'avoir souligné que notre politique de soutien à l'activité a porté ses fruits.

Madame Blatrix Contat, les premiers qui doivent retrouver de la marge de manoeuvre, ce sont nos compatriotes qui travaillent, pas l'État. Je rappelle que 10 % des contribuables paient 72 % de l'impôt sur le revenu : aller au-delà serait déraisonnable et injuste.

Monsieur Maurey, j'étais heureux qu'un Eurois conclue notre débat... Nous avons tenu nos objectifs de déficit et de croissance par le passé, à l'exception des années de crise. Nous les tiendrons à nouveau dans l'avenir. (Applaudissements sur les travées du RDPI)