Question de M. CAMBIER Guislain (Nord - UC) publiée le 14/03/2024

M. Guislain Cambier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'absence de réciprocité des normes appliquée aux produits importés par l'Union européenne qui créent une concurrence déloyale vis-à-vis des producteurs européens.
Alors que le Gouvernement a fait de la réciprocité des normes une des priorités de la présidence française du Conseil de l'Union européenne (UE) au premier semestre 2022, les consommateurs français et européens continuent de voir commercialisés sur le territoire européen des produits ne respectant pas les normes européennes aussi bien sur le plan sanitaire, environnemental qu'en matière de bien-être animal.
La Commission européenne a récemment adopté un Règlement d'exécution 2024/399 le 29 janvier 2024 complétant le Règlement délégué 2023/905 du 27 février 2023 qui concerne l'application de l'interdiction d'utiliser certains médicaments antimicrobiens chez les animaux ou dans les produits d'origine animale exportés à partir de pays tiers vers l'Union européenne. Or, ce règlement d'exécution ne prévoit qu'une demande d'attestation sur l'honneur de l'exportateur, via le vétérinaire officiel, que les animaux ou la viande voués à être importés vers l'UE sont issus d'animaux qui n'ont pas reçu de médicaments antimicrobiens destinés à favoriser la croissance ou à augmenter le rendement, sans que l'exportateur n'ait de preuve à fournir et sans imposer aucune garantie de traçabilité.
Par ailleurs, ce règlement entre en vigueur en le 3 septembre 2026, soit 8 ans après l'élargissement aux produits importés de l'interdiction d'utiliser des antibiotiques activateurs de croissance qui date de 2006 pour les produits européens. En l'absence de preuve à fournir ou de sanctions appliquées en cas de non-respect de l'interdiction, cette mesure miroir ne pourra être appliquée correctement. Le signal envoyé aux consommateurs et aux éleveurs européens est donc très mauvais, surtout lorsque l'accord de libre-échange avec le Chili qui ne contient aucune clause miroir est approuvé par le Parlement européen un mois après l'adoption de ce règlement d'exécution.
C'est maintenant au tour du projet de loi de ratification du CETA, de passer devant le Sénat le 21 mars 2024, alors même que l'accord ne contient aucune clause miroir non plus et que des antibiotiques activateurs de croissance sont utilisés au Canada.
Cette situation de concurrence déloyale qui met en danger nos consommateurs et notre souveraineté alimentaire ne peut plus durer, il interroge donc le Gouvernement sur les mesures qu'il prendra pour que la réciprocité des normes, dont il avait fait sa priorité, soit enfin réellement appliquée.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 30/05/2024

Le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire confirme qu'il importe d'assurer la cohérence entre la politique agricole commune (PAC), le Pacte vert pour l'Europe et la politique commerciale commune, notamment pour répondre aux attentes des consommateurs européens et prévenir les effets négatifs indésirables, liés en particulier au phénomène de fuites environnementales vers les pays tiers. C'est pourquoi le Gouvernement a fait de la réciprocité des normes une des priorités de la présidence française du Conseil de l'Union européenne (UE) au premier semestre 2022 et continue de porter des initiatives et des propositions sur ces sujets avec la même détermination, à travers le déploiement des outils pertinents aux niveaux multilatéral, bilatéral et unilatéral. À ce titre, le Gouvernement défend l'évaluation systématique dans les études d'impact de la Commission de la pertinence d'introduire des mesures miroirs dans la réglementation européenne ainsi que des conditionnalités tarifaires dans les accords commerciaux. Les conditionnalités tarifaires permettent, dans le cadre d'un accord de libre-échange négocié entre l'UE et un partenaire commercial, de réserver le bénéfice des tarifs douaniers préférentiels à des produits qui respectent certains critères de durabilité comme des standards environnementaux ou sociaux. Elles sont complémentaires des mesures miroirs qui sont des dispositions introduites dans les directives et règlements européens et qui étendent l'application de tout ou une partie d'une règlementation aux produits importés dans l'UE, ainsi que des autres mesures unilatérales, comme l'abaissement des limites minimales de résidus (LMR) ou encore la coopération avec les pays tiers. Les mesures miroirs, comme celles incluses dans le règlement sur les médicaments vétérinaires, s'appliquent à l'ensemble des pays tiers qui souhaitent exporter leurs produits vers l'UE, et pas seulement dans le cadre d'un accord commercial. Par conséquent, la mesure miroir sur les médicaments vétérinaires promoteurs de croissance concernera bien les importations en provenance du Chili et du Canada. Par ailleurs, lors de la définition d'une mesure miroir, comme d'une conditionnalité tarifaire, il est nécessaire de prendre en compte la faisabilité technique et le coût des contrôles à mettre en place pour garantir l'application d'une telle mesure. Ainsi, la France porte auprès de la Commission européenne la créaton d'une force européenne de contrôle sanitaire, le renforcement de la qualité des contrôles et un accroissement des missions d'audits sur les normes de production dans les pays tiers, tout comme les missions d'audit « accès au marché », comme dans le cas de l'interdiction de l'utilisation des hormones à des fins de croissance. L'entrée en application, en septembre 2026, de l'article 118 du règlement (UE) n° 2019/6 nécessite d'ores-et-déjà de doter la Commission européenne des moyens lui permettant de diligenter des audits dans les pays-tiers qui souhaiteront poursuivre leurs exportations de produits animaux vers l'UE, estimés à près d'une centaine. Enfin, la France a rappelé à de nombreuses reprises à la Commission l'importance d'une adoption rapide des actes secondaires permettant l'application de la mesure miroir contenue dans le règlement (UE) n° 2019/6 sur les médicaments vétérinaires. La publication en février 2024 de l'acte d'exécution sur les certificats sanitaires, lançant le délai jusqu'à l'échéance de septembre 2026, est un signal positif pour l'application effective de cette mesure. Dans cette attente, le Gouvernement a prolongé le 26 juin 2023 l'arrêté interministériel portant suspension d'introduction, d'importation et de mise sur le marché en France de viandes et produits à base de viande issus d'animaux provenant de pays tiers à l'UE et ayant reçu des médicaments antimicrobiens pour favoriser la croissance ou augmenter le rendement, et ce jusqu'à la mise en oeuvre effective de l'article 118 du règlement (UE) n° 2019/6.

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