Question de M. CAMBIER Guislain (Nord - UC) publiée le 11/04/2024

M. Guislain Cambier interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics sur la TVA applicable aux produits utilisant des matériaux réemployés. Ces produits sont soumis au même régime que l'objet à l'état neuf, soit un taux de 20 %, ou de 5,5 % pour les produits relevant du taux réduit. Prenant l'exemple concret d'une entreprise éco-responsable du Nord qui conçoit des accessoires vestimentaires à partir des déchets de type tuyaux de lance-incendies, pneus, chambres à air en fin de vie ou cordes d'escalade, il est signalé que sur la vente initiale du pneu de vélo et tous ces produits précités, une TVA d'un taux de 20 % a déjà été appliquée, et qu'une nouvelle TVA d'un taux de 20 % est encore appliquée sur le même pneu transformé en ceinture. Une double taxation est donc appliquée et même une triple lors du passage du pneu à l'état de déchet. Ces produits s'inscrivent pourtant dans une démarche d'économie circulaire, permettant un cycle plus vertueux de réutilisation de déchets. Ces activités qui relèvent de l'économie sociale et solidaire (ESS), contrairement à la fabrication du produit d'origine, créent des emplois directement en France, favorisent la réinsertion de personnes éloignées de l'emploi. Aussi, aux fins d'encourager ces initiatives, il souhaite savoir s'il est envisagé par le ministère de prévoir un taux de TVA réduit pour les produits utilisant des matériaux réemployés, afin d'encourager leur consommation, favoriser leur modèle économique et les rendre compétitifs à l'achat. Rappelons que la Commission européenne a adopté un projet de directive le 18 janvier 2018 permettant de redonner aux États membres la liberté de fixer les taux de TVA (liberté d'appliquer des taux réduits sauf produits spécifiques listés par les textes lorsque cela entraînerait des distorsions de concurrence) et que le Gouvernement avait annoncé étudier des pistes pour favoriser une consommation plus durable dans le cadre de la feuille de route pour l'économie circulaire.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du numérique publiée le 08/05/2024

Réponse apportée en séance publique le 07/05/2024

Mme la présidente. La parole est à M. Guislain Cambier, auteur de la question n° 1222, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.

M. Guislain Cambier. Je vais illustrer ma question par la mention d'un accessoire de mode. (L'orateur brandit une ceinture.)

Cette ceinture n'est pas n'importe quelle ceinture : elle a été réalisée à partir d'un pneu de vélo recyclé par une éco-entreprise du département du Nord, La Vie est Belt, sise à Roubaix.

Or ce produit subit une double taxation : il a déjà été taxé comme pneu, au taux de 20 %, lors de sa mise en circulation ; il l'est de nouveau, toujours au taux de 20 %, lors de sa transformation en ceinture. Je pourrais même parler de triple taxation, puisqu'il faut y ajouter l'écoparticipation acquittée par le citoyen au moment de l'achat.

Ce système encourage peu une démarche d'économie circulaire pourtant vertueuse, s'agissant d'un pneu qui aurait dû être incinéré... Les élus locaux que nous sommes sont pourtant friands de ce type d'initiatives, qui créent des emplois locaux favorisant la réinsertion de personnes éloignées de l'emploi dans nos villes et dans nos quartiers et contribuent à promouvoir une consommation plus durable et plus responsable.

S'agissant d'encourager des initiatives telles que celle qui a conduit à la fabrication de cette ceinture recyclée, le Gouvernement envisage-t-il, madame la secrétaire d'État, de mettre en place une taxation différente sur les produits et matériaux de réemploi ? Un tel taux réduit de TVA permettrait de favoriser ce modèle économique en le rendant plus compétitif. Je précise que, depuis 2018, l'Union européenne permet aux États membres de fixer leurs propres taux de TVA. Le Gouvernement nous avait annoncé une belle feuille de route sur l'économie circulaire, mais nous l'attendons toujours...

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Cambier, les principes et règles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée sont issus du droit de l'Union européenne, et plus particulièrement de la directive relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, dite directive TVA.

La fabrication et la vente de biens neufs par les opérateurs économiques sont normalement soumises à la TVA, sans que la nature des matières premières ou le régime fiscal qui leur a été appliqué dans le cadre d'un cycle de consommation finale antérieur ait d'incidence.

Le droit européen prévoit toutefois un régime particulier, relevant de celui des biens d'occasion, prenant en compte la situation spécifique des biens ayant déjà supporté la TVA et acquis par des acheteurs-revendeurs. De tels biens bénéficient d'une taxation sur leur seule marge lorsqu'ils ont été acquis auprès de particuliers et à la condition que les modifications apportées au bien revendu se limitent à une remise en état et non à sa transformation en un objet nouveau.

Par ailleurs, l'application de taux réduits de TVA est strictement encadrée par la directive précitée, les États membres de l'Union européenne ne pouvant appliquer pareils taux qu'à certaines catégories de biens ou de services.

Or il n'existe aucune disposition autorisant un État membre de l'Union européenne à appliquer un tel taux réduit aux ventes de biens résultant d'un circuit de recyclage. Aussi la vente d'accessoires vestimentaires neufs ou recyclés est-elle soumise de plein droit au taux normal de 20 %.

Au-delà de ces considérations juridiques, monsieur le sénateur, l'expérience a montré que les baisses de taux de TVA sur certains produits ont un coût significatif pour les finances publiques sans pour autant, malheureusement, constituer des leviers efficaces : elles donnent rarement lieu à une baisse des prix au profit des consommateurs.

Pour l'ensemble de ces raisons, il n'est pas envisagé, à ce stade, d'appliquer un taux réduit de TVA aux livraisons de produits résultant de l'utilisation de matériaux recyclés.

Mme la présidente. La parole est à M. Guislain Cambier, pour la réplique.

M. Guislain Cambier. C'est bien dommage, madame la secrétaire d'État ! Que la ceinture soit fabriquée par un acteur écoresponsable à partir d'un produit recyclé ou qu'elle soit importée d'Asie, le taux de TVA est le même, alors que le premier modèle est beaucoup plus vertueux. Je ne peux que vous engager à poursuivre ce débat à l'échelon européen afin d'obtenir des progrès concrets en la matière.

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