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Direction de la séance

Projet de loi

engagement national pour le logement

(2ème lecture)

(n° 188 , 270 )

N° 474

28 mars 2006


 

AMENDEMENT

présenté par

C
G  
Non soutenu

M. DESESSARD et Mmes BLANDIN, BOUMEDIENE-THIERY et VOYNET


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 11


Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les deux ans suivant la promulgation de la présente loi, le gouvernement rendra compte de son état d'avancement au Parlement, et présentera un projet de loi visant à rendre le droit au logement opposable au plus tard le 1er janvier 2009.

Objet

Il s'agit ici d'une simple mise en cohérence. En effet, l'exposé des motifs de l'article 9 affirme se situer « dans la perspective d'un droit au logement opposable ». S'agissant de droit, il convient d'inscrire cette perspective dans la loi. C'est le but de cet amendement qui prend acte de cet engagement national volontariste. L'opposabilité du droit au logement suppose un calendrier, une progressivité, des dispositifs légaux complexes, qui expliquent la prudence de cet amendement. Pour ce faire, nous pourrons nous inspirer de l'exemple écossais.

Les mesures prises hors d'un cadre global et contraignant mènent à des impasses où s'échouent les plus défavorisés. Seule l'opposabilité du droit, parce qu'elle représente ce cadre global et contraignant déjà appliqué, avec succès, aux autres droits fondamentaux reconnus par la loi d'orientation de juillet 1998, peut garantir cet engagement.

Rappelons qu'un droit opposable cela sous-entend :

- Un État garant, alors qu'il tend, actuellement, à se désengager, chaque année un peu plus, du logement

- Une obligation de résultat quantifiée et planifiée dans le temps à partir d'une reconnaissance précise des besoins.

- Un recours ouvert à toute personne s'estimant bafouée de son droit

Comme le rappelle l'Avis du Conseil Economique et Social sur le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, « Affirmer que la mise en œuvre du droit au logement suppose un offre suffisante ne doit nullement signifier que la production de celle-ci doit précéder et conditionner celle-là, mais que deux volontés complémentaires doivent s'additionner ».

J'ai bien entendu la réponse faite au cours du débat par notre rapporteur Dominique Braye. Je tiens à dire que cette revendication n'est pas incantatoire, ce n'est pas du « yaka fokon », pour reprendre ses termes. Ou alors, il faudra écrire une lettre à des associations aussi diverses que Emmaüs, l'Armée du Salut, ATD Quart Monde, les Restos du cœur, la Ligue des droits de l'homme, la confédération syndicale des familles, le Syndicat de la Magistrature ou le Secours catholique, qui se sont regroupées dans une plate-forme pour un droit au logement opposable, et leur dire qu'elles prônent le « yaka fokon ».

Une autre réponse, qui venait de Jean-Louis Borloo, consistait à dire qu'il préférait un droit au logement « effectif » à un droit au logement « opposable ». Mais cela revient au même ! Si le droit au logement est effectif, il peut être opposable sans problème : si tout le monde a accès au logement, personne ne viendra le réclamer en justice. Rendre le droit au logement opposable, c'est simplement un engagement du législateur envers les citoyens.

Alors bien sûr, aujourd'hui, en 2005, nous manquons de logements, c'est ce que vous nous avez dit. C'est vrai, c'est pour cela que notre amendement prévoit un calendrier pour la mise en œuvre du droit au logement opposable. En Ecosse, ils ont prévu d'y parvenir en 2020. Nous vous proposons de prévoir une loi pour commencer à rendre le droit au logement opposable à partir de 2009. Votre programmation pour la cohésion sociale doit prendre fin en 2010. Comme, selon vous, elle vise à rendre le droit au logement effectif, je vous invite à ce que le Sénat s'engage à rendre ce droit également opposable, pour être bien sûr que personne ne passe à côté de l'engagement national pour le logement. Monsieur Borloo a dit hier dans cette enceinte : « le droit au logement opposable est un concept républicain hautement estimable. », avant d'ajouter : « Quand la situation sera redressée, que seront stabilisées les délégations de compétence, notamment pour les aides à la pierre, nous pourrons reparler du droit opposable ». Très bien, je vous prends au mot, et je vous engage donc à voter notre amendement qui propose, justement, que l'on s'engage à reparler de ce sujet aussi vite que possible.

Je vous cite, entre autres, pour enrichir notre débat, la proposition de Marie-Noëlle Lienemann, ancienne ministre du logement : garantir l'opposabilité dans les cas de logements indignes, pour obliger les propriétaires à faire des travaux. Ensuite, rendre le droit au logement opposable pour les SDF, en leur assurant un hébergement d'urgence, au moins, c'était d'ailleurs le sens de mon amendement sur les hébergements d'urgence. Troisième temps : pour les personnes qui ont des enfants à charge. Etc etc.

Je vous rassure tout de suite, il n'est pas question de mettre qui que ce soit en prison. Le recours des mal-logés devrait pouvoir se faire devant le tribunal administratif, avec une astreinte journalière au cas où le droit au logement ne serait pas exercé.

Astreinte pour qui, me direz-vous ? On peut en débattre, mais je pense que les collectivités en charge du logement doivent être responsabilisées, en donnant la possibilité, en dernier ressort, de diriger l'action en justice vers l'Etat, qui reste l'ultime garant du droit au logement.