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Direction de la séance

Projet de loi

Immigration et intégration

(1ère lecture)

(URGENCE)

(n° 362 , 371 )

N° 88 rect.

6 juin 2006


 

AMENDEMENT

présenté par

C Sagesse du Sénat
G Défavorable
Retiré

MM. OTHILY, MARSIN et BARBIER


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 72 TER


Après l'article 72 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
En Guyane, pendant une période de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, le représentant de l'Etat, soit d'office, soit à la demande du maire, soit à la demande de l'organe exécutif d'une autre collectivité territoriale ou de l'établissement public concerné peut faire constater, par procès verbal, l'implantation sur le domaine public ou le domaine privé de l'Etat, d'une collectivité territoriale ou de leurs établissements publics ou d'un établissement public de coopération intercommunale, de toute construction, même ne comportant pas de fondation, ou la réalisation de travaux à cette fin.
Lorsque la construction est implantée sur le domaine d'une collectivité territoriale ou de l'un de ses établissements publics, ou d'un établissement public de coopération intercommunale, le procès verbal est aussitôt transmis, pour information, au maire de la commune intéressée et, le cas échéant, à l'organe exécutif de la collectivité territoriale ou de l'établissement public dont le domaine public ou privé est concerné.
Sur le fondement de ce procès verbal et après mise en demeure notifiée par tout moyen restée sans résultat, le représentant de l'Etat prescrit, par arrêté, la destruction de la construction ou des éléments de construction, ainsi que la remise en état des lieux. Cet arrêté est aussitôt transmis, pour information, aux autorités mentionnées à l'alinéa précédent.
L'arrêté du représentant de l'Etat est transmis, aux fins d'homologation, au juge des référés administratifs. Celui-ci se prononce dans les cinq jours de sa saisine.
Dans le cas où la construction est utilisée pour l'habitation, l'arrêté mentionne les possibilités de relogement provisoires offertes aux occupants en attendant qu'il soit statué sur la régularité de leur situation sur le territoire national.
Le représentant de l'Etat ne peut recourir à l'exécution forcée pour l'application des dispositions du présent article qu'après la  notification de la décision du juge des référés l'homologuant.
Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice de celles de l'article L. 173-4 du code forestier.

Objet

Le présent amendement a pour objet de donner à l'État les moyens de lutter efficacement contre la prolifération incontrôlée et préoccupante des constructions illicites réalisées par les immigrés en situation irrégulière, sur le domaine public et privé de l'Etat et des collectivités territoriales en Guyane.
Ce phénomène est en pleine croissance en raison des flux migratoires et de la géographie du département. En Guyane,  8 000 constructions de ce type ont d'ores et déjà été recensées, et leur nombre augmente chaque année encore de 1 000 nouvelles constructions au moins.
De telles constructions illégales sont sources de désordres importants, qui dépassent largement le domaine de l'illégalité : en effet, réalisées en dehors de toute autorisation conforme aux règles d'urbanisme, elles ne répondent pas aux normes d'habitabilité en vigueur, et leur occupation est ainsi préjudiciable à la salubrité publique et porte une atteinte grave au respect de l'environnement. Elles sont responsables de zones importantes de déforestation.
Le régime très ancien, très particulier et très rigoureux de la domanialité publique est dominé par l'idée que le domaine est inaliénable et que l'administration doit exercer des pouvoirs très étendus pour en garantir l'intégrité. Elle a, dans ce domaine, une véritable obligation de résultat. Quant au domaine privé des collectivités publiques, même s'il est en théorie soumis à un régime de droit privé, il n'en demeure pas moins un élément de la propriété publique, laquelle est protégée par la Constitution au même titre que la propriété privée. Depuis l'incorporation de la Charte de l'environnement de 2004 à la Constitution, la protection de l'environnement constitue un objectif de valeur constitutionnelle, tout comme, depuis déjà de nombreuses années, la protection de la santé publique. La protection de l'ordre public constitue, de même, une obligation constitutionnelle pour toutes les autorités publiques.
La situation que connaît la Guyane étant devenue intolérable, il convient d'y mettre fin.
Il est donc prévu d'instaurer un dispositif adapté à la situation particulière de la Guyane pour permettre au représentant de l'Etat d'intervenir, soit d'office, soit à la demande du maire ou de l'organe exécutif d'une autre collectivité publique concernée,  dès la constatation de l'implantation d'une construction qui contreviendrait aux règles d'occupation des domaines privé et public de l'Etat.
L'arrêté du représentant de l'Etat ne pourra entrer en vigueur qu'après son homologation par le juge administratif des référés : cette procédure est très étroitement inspirée de celle déjà en vigueur pour les immeubles menaçant ruine (art. L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, tel que modifié en dernier lieu par l'ordonnance n° 2005-1566 du 15 décembre 2005). Un tel dispositif, déjà admis pour des immeubles appartenant à des propriétaires privés, nous paraît pouvoir être transposé sans difficulté au domaine des collectivités publiques, que ce domaine soit soumis au régime du domaine public ou à celui du domaine privé. Aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle ne nous paraît s'opposer à la modification, sur ce point précis et limité, de la répartition traditionnelle des compétences entre les deux ordres de juridiction ; on rappellera que les dépendances du domaine privé des collectivités publiques ne sont pas entièrement soustraites à la compétence du juge administratif, qui statut en particulier sur la légalité des actes des collectivités publiques les acquérant ou les cédant. On rappellera également que, dans une occurrence certes différente, l'article 9-I de la loi 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage a donné compétence au tribunal de grande instance pour, y compris sur le domaine public, ordonner l'évacuation forcée des résidences mobiles : la modification de la répartition des ordres de juridiction est donc susceptible d'aménagements ponctuels. Pour ce qui concerne la Guyane, la prédominance des phénomènes de constructions illégales sur le domaine des collectivités publiques nous conduit à privilégier la compétence du juge administratif. Cette nouvelle procédure n'interdira d'ailleurs pas à l'autorité compétente de recourir par ailleurs aux voies de droit habituelles pour ce qui concerne l'expulsion du domaine public.
Une fois l'arrêté du représentant de l'État homologué par le juge administratif des référés, au terme d'une procédure qui ne devra pas excéder cinq jours, il pourra être procédé à l'exécution forcée pour son application.
La nouvelle procédure n'est pas exclusive de dispositions en vigueur du code forestier, qui pénalisent l'atteinte à l'intégrité du domaine forestier.
Cette procédure offre ainsi toutes les garanties requises.


NB :La rectification porte sur la liste des signataires.