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Direction de la séance

Projet de loi

LOPPSI

(1ère lecture)

(n° 518 , 517 , 480, 575)

N° 77

2 septembre 2010


 

Question préalable

Motion présentée par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

M. PEYRONNET

et les membres du Groupe socialiste, apparentés et rattachés


TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE


En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (n° 518, 2009-2010).

Objet

Les auteurs de cette motion estiment que le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) est le paradigme de la production législative de la majorité en matière de sécurité, tant il rassemble en un seul élément toutes les caractéristiques de l'instrumentalisation politique du thème de l'insécurité par celle-ci depuis 2002. 

Tel un objet de communication permanente, ce projet de loi sert de produit promotionnel, alimenté et mis à jour régulièrement, à chaque étape de la discussion parlementaire, en fonction des faits divers rapportés par les médias.

Cybercriminalité, fichiers, vidéosurveillance, scanners corporels, protection des agents des services de renseignement, intelligence économique, écoutes, captation des données informatiques, couvre-feu pour les mineurs, aggravation des peines pour les vols et les cambriolages, délits routiers, saisies, polices municipales, vidéoconférence, ADS...

Loin d'être une véritable loi de programmation - les aspects budgétaires étant renvoyés à une annexe sans valeur normative, citée à l'article 1er - en réalité, ce projet de loi est un texte comportant diverses dispositions relatives à la sécurité.

La première loi de programmation devait démontrer que par un accroissement des effectifs, par une nouvelle organisation du travail et la culture du résultat, la sécurité des Français était acquise. Entre 2002 et 2009, plus de trente lois sont venues modifier le droit pénal. Les six premiers mois de l'année 2010 n'ont pas fait exception. Pour quels résultats ?

Cette politique menée depuis 2002 n'a pas donné les résultats promis. En dépit de l'accent mis sur la politique sécuritaire, on note une augmentation constante des violences contre les personnes. Ainsi depuis 2002, les atteintes volontaires à l'intégrité physique ont continué d'augmenter. La politique du chiffre a eu pour conséquence de détériorer les rapports entre la police nationale et la population. On constate une aggravation de la fracture territoriale avec la concentration dans certaines zones de formes de délinquance particulièrement violentes.  

Conscient de ne pouvoir entretenir financièrement le fonds de commerce de la lutte contre l'insécurité publique dans le cadre d'un contexte budgétaire restreint, la LOPPSI 2 se caractérise par l'insistance sur le développement des nouvelles technologies et la police technique et scientifique. Dès 2007, le président de la République a parlé de redéploiement tout en continuant à faire baisser la délinquance à effort budgétaire quasi constant. En clair : faire plus avec moins.

La révision générale des politiques publiques concernant la sécurité intérieure doit être gelée. Alors que le Gouvernement et la majorité clament que la première richesse de la police et de la gendarmerie nationales, ce sont les hommes et les femmes qui y travaillent, les forces de l'ordre ne seront pas préservées de la politique générale de déflation des effectifs publics ce qui alimente en particulier toutes les inquiétudes sur le maillage territorial de la gendarmerie en milieu rural. Ces baisses annoncées vont venir annuler l'accroissement des effectifs de la dernière loi de programmation. Au final, les gains de cette dernière vont se dissoudre en raison de l'application de la RGPP.

Partant de ce constat, que  représente véritablement la LOPPSI 2  si ce n'est  un fourre-tout qui  ne comporte pas de fil directeur et annonce l'abandon de l'État en matière de politique de sécurité publique de proximité au détriment des collectivités territoriales : 

- en annexant les moyens des polices municipales ;

- en s'appuyant sur  le tout technologique (comme si les machines pouvaient remplacer la présence pérenne des hommes de terrain) ;

- au profit su secteur de la sécurité privée.

Ce désengagement sans précédent de l'État n'est pas acceptable.

La majorité s'entête à entretenir  l'inflation textuelle sécuritaire, pratique résumée par la formule martiale et réitérée du ministre de l'intérieur: « les formes de délinquance évoluent ; il y aura donc autant de lois, de décrets, de textes, de plans d'action qui seront nécessaires pour y faire face ».

Or, cette dernière a prouvé son inefficacité. Elle brouille l'échelle des peines, altère le sens et l'exemplarité des sanctions, rend illisible l'action des pouvoirs publics et devient contreproductive. Selon la garde des Sceaux, 40 % des incriminations en matière pénale ne sont jamais utilisées par le juge. Il faut juger condamner, sanctionner les crimes et les faits délictueux car la sécurité est un élément de la liberté. Ce n'est pas par autoritarisme ou en cédant à la pratique des sommations itératives que l'État pourra reconquérir les zones de non droit, mais avec une présence pérenne, quotidienne, et un vrai travail de police judiciaire en donnant toute la place qui devrait leur revenir à des mesures spécifiques d'accompagnement social, éducatif ou d'aide à la réinsertion.

Telles sont les raisons pour lesquelles les auteurs de la motion considèrent qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de ce projet de loi.



NB :En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, cette motion est soumise au Sénat avant la discussion des articles.