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Direction de la séance

Projet de loi

Réforme des collectivités territoriales

(2ème lecture)

(n° 560 , 559 , 573)

N° 46

23 juin 2010


 

AMENDEMENT

présenté par

C Favorable
G Sagesse du Sénat
Adopté

MM. LAMBERT, DÉTRAIGNE, MÉZARD et SIDO


ARTICLE 34 BIS A


Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Des conventions qui ont pour objet la réalisation de prestations de services peuvent être conclues entre les collectivités territoriales, leurs établissements publics, leurs groupements et les syndicats mixtes. Lorsque les prestations qu'elles visent à accomplir portent sur des services non économiques d'intérêt général au sens du droit de l'Union européenne ou lorsque, portant sur d'autres tâches d'intérêt public, les prestations sont appelées à s'effectuer en coopération entre les personnes signataires, ces conventions ne sont pas soumises aux règles prévues par le code des marchés publics ou par l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics. La participation au financement d'une prestation ne saurait, à elle seule, être assimilée à une coopération au sens du présent alinéa. »

Objet

Le texte du projet de loi prévoit que les conventions de services passées entre collectivités territoriales ou avec leurs groupements sont soumises au droit de la commande publique (code des marchés publics ou ordonnance du 6 juin 2005).

Ce faisant, il n'apporte rien de nouveau en ce qui concerne les conventions entre collectivités territoriales, lesquelles sont déjà soumises à ce droit, selon une interprétation qui a été confirmée par des réponses ministérielles à des questions écrites.

En ce qui concerne les conventions entre les collectivités territoriales et leurs groupements, le projet de loi semble même aggraver la situation actuelle et aller bien plus loin que ne l'exige le droit communautaire : pourquoi soumettre toutes ces conventions au droit de la commande publique alors que l'on sait qu'elles y échappent lorsqu'elles remplissent les critères dits « de Teckal » (ou du « in house » ?) ? Pourquoi une telle exigence, à portée générale, alors que l'on sait (le rapporteur de la commission des Lois l'a d'ailleurs écrit) qu'il n'y a pas lieu d'appliquer le droit de la commande publique pour les mutualisations, au moins descendantes, entre un EPCI et ses communes membres ?

Bref, le texte du projet de loi est, dans sa rédaction actuelle, largement inutile et en partie regrettable. Il faut donc le changer.

Mais il ne convient pas de le changer pour mentionner un principe qui de toute manière, s'impose même dans le silence des textes (à savoir la soumission des conventions au droit de la commande publique). Il convient de le changer simplement pour mentionner les exceptions à ce principe et pour les encadrer. C'est ainsi que le législateur sécurisera les initiatives de mutualisation conventionnelles entre personnes morales de droit public ; c'est ainsi, également, qu'il fera œuvre pédagogique et respectera le principe -de valeur constitutionnelle- de clarté de la loi : en indiquant aux acteurs locaux quand et dans quelles conditions ils peuvent effectuer des mutualisations sans recourir obligatoirement à un marché public.

Quelles peuvent être ces exceptions ?

Leur champ d'application doit être défini au regard de deux critères :

            - le premier critère est celui de la raison d'être d'un droit de la commande publique : l'éthique, d'abord, en fournissant des critères objectifs à la sélection des candidats ; l'efficacité de l'action locale, ensuite, grâce à la mise en concurrence, laquelle permet à une collectivité de retenir l'offre la plus intéressante. Les pratiques que nous pourrions dispenser du droit de la commande publique ne sauraient, en aucune manière, menacer l'éthique et l'efficacité ; inversement, dès lors que ni l'éthique, ni l'efficacité ne sont menacées, il n'y a pas plus de raison de leur appliquer le droit de la commande publique qu'il n'y en a à administrer un remède à un malade bien-portant ;

            - le second critère est celui du respect du droit communautaire : les prestations que nous entendons viser doivent, par leur objet ou par leurs conditions de réalisation, entrer dans la catégorie de celles qui sont dispensées par le droit communautaire de la commande publique.

Pour définir au mieux ce champ d'application, les signataires du présent amendement ont interrogé plusieurs hauts responsables de la Commission européenne et du Conseil. Des points de vue souvent différents ont été émis sur la portée du « champ des possibles », telle qu'elle résulterait à la fois de la jurisprudence de la Cour de Justice et des Traités, notamment après l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne.

Pour éviter de prêter le flanc à la moindre critique de la part de la Commission européenne, le présent amendement se greffe sur l'interprétation la plus restrictive en reprenant ce qui a été confirmé par tous leurs interlocuteurs, à savoir :

            - d'une part, que les conventions sur des prestations qui visent à accomplir des services non économiques d'intérêt général échappent au droit communautaire, en application d'une mention expresse contenue dans le protocole n° 26 annexé au Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

            - d'autre part, que les conventions sur des prestations relevant d'autres tâches d'intérêt public échappent également au droit communautaire, à la double condition d'être signées uniquement entre personnes de droit public (ce qui est bien le cas, puisque l'amendement concerne les collectivités territoriales et leurs établissements publics) et de donner lieu entre les signataires à une véritable coopération (ce que prévoit l'amendement, lequel va jusqu'à préciser que cette coopération ne saurait se déduire d'une simple participation financière).

Les auteurs de l'amendement se sont donc limités à des propositions a minima. Ils considèrent, comme la démonstration en a été faite dans le rapport de la délégation à la décentralisation sur la mutualisation des moyens (Sénat, n° 495, 2009-2010), que le droit communautaire permet probablement d'aller plus loin, mais ils prennent en compte le souci du Gouvernement, dont celui-ci avait fait part en première lecture, de ne pas donner de prétexte à de nouveaux contentieux avec le Commission. Ils estiment qu'il conviendra, lorsque la jurisprudence communautaire sur les mutualisations se sera précisée, d'en tirer toutes les conséquences au nom de l'efficacité de l'action publique locale.