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Direction de la séance

Projet de loi

Politique de développement et de solidarité internationale

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 491 , 490 , 540)

N° 30

19 mai 2014


 

AMENDEMENT

présenté par

C Demande de retrait
G Défavorable
Rejeté

Mme Nathalie GOULET


Article 2

(Annexe)


Après l'alinéa 11

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

À ce titre, la France renforce ses dispositifs juridiques et fiscaux de lutte contre les techniques d’évasion et de fraude fiscale par la pratique dite des « prix de transferts » qui contribuent à l’appauvrissement des pays en voie de développement.

Par ailleurs, l’État, les collectivités territoriales, les entreprises et les associations, dès lors qu’ils s’engagent dans la poursuite d’un programme d’aide au développement, se refusent à la mener à destination ou en partenariat avec un ou plusieurs pays qui seraient bénéficiaires des techniques de la fraude ou de l’évasion fiscale internationale.

Ainsi, la France s’engage dans le cadre de l’Organisation de coopération et de développement économiques à la consolidation de tout outil juridique de lutte contre la pratique des prix de transferts, notamment lorsque celle-ci aurait pour conséquence de contribuer à l’appauvrissement d’un pays en voie de développement.

Objet

La commission d’enquête relative à l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales a mené au cours de l’année 2012 un grand nombre d’auditions qui ont conduit à mettre en relief la problématique particulière des prix de transferts et notamment ses conséquences sur les pays en voie de développement.

Le régime des prix de transferts s’apparente à l’origine à un mécanisme de prévention des doubles impositions qui seraient subis par un même groupe. Or, il s’avère que ce régime est manipulable et peut devenir un outil d’évasion fiscal particulièrement spectaculaire.

Le commerce intra-groupe représenterait d’après les estimations effectuées par la Commission d’enquête près de 70% du commerce international. D’après les estimations publiées dans le rapport de notre commission, effectuées sur la base d’une étude des économistes Pak et Zdanowick portant sur le commerce extérieur des États-Unis (2002), la perte fiscale américaine serait évaluable en 2001 à 53,1 milliards de dollars. Appliquée aux échanges de biens de la France en 2009, la méthodologie de cette étude aboutirait à conclure à des pertes fiscales de 33,3 milliards de dollars, 23,6 milliards d'euros au taux de change de l'année considérée soit 1,24 point de PIB.[1]

Moins de recettes fiscales, c’est moins de moyens mis à disposition des pays en voie de développement.

Par ailleurs, dans le cadre de la commission d’enquête, nous avons pu publier dans le rapport une série d’aberrations qui nous étaient parvenues touchant les prix d'importation ou d'exportation. Coté exportations : des appareils photo vers la Colombie à 7,44 dollars, des diamants naturels à 13,45 dollars par carat, de la dynamite vendue au Canada pour 1,24 dollar le kilo...[2]

Si l’on prend l’exemple de la banane, il apparait que le premier pays exportateur au monde n’est ni le Costa Rica, ni le Brésil, ni un  pays d’Afrique, mais l’île de Jersey. Les 4 entreprises leaders du marché y localiseraient 48% de leur chiffre d’affaires, minimisant d’autant l’impôt versé au détriment du pays de consommation, où est localisé 40% du chiffre d’affaires déclaré. Jusqu’à l’arrivée au port avant écoulement sur le marché européen, ce serait donc 80% du prix de la banane qui resterait dans les paradis fiscaux contre seulement 20% dans le pays producteur.  [3] L’évasion fiscale conduit ainsi à l’appauvrissement des pays producteurs qui sont bien souvent des pays demandeurs de l’aide au développement.

Le présent amendement a ainsi vocation à conduire la France à lutter contre le mitage de ses assiettes fiscales afin de consolider ses canaux de soutien financiers à la politique d’aide au développement. Le présent amendement a également vocation à faire de la France le fer de lance d’une politique globale de lutte contre l’évasion par prix de transferts afin de mettre un terme à l’appauvrissement des pays en voie de développement par ce biais.


[1] Rapport de la Commission, Tome 1, p. 68 à 69

[2] Rapport de la Commission, Tome 1, p. 68

[3] Rapport 2010 de l’ONG « Terre solidaire »