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Direction de la séance

Projet de loi

Nouvelle organisation territoriale de la République

(2ème lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 451 , 450 , 438)

N° 8

18 mai 2015


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

MM. VERGÈS, FAVIER

et les membres du groupe communiste républicain et citoyen


ARTICLE 1ER


Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’avant-dernier alinéa de l’article 1er de la loi n° 2011–884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique est ainsi rédigé :

« En Guadeloupe et à La Réunion, le congrès des élus départementaux et régionaux est composé des membres du conseil départemental et du conseil régional. »

Objet

Cet amendement est un amendement de cohérence. En effet, il vise uniquement à mettre en conformité la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 dite LOOM (loi d’orientation pour l’outre-mer), avec les textes de la Constitution, issus de la révision constitutionnelle de 2003. Il vise à inscrire La Réunion dans un cadre légal, en s’appuyant sur les dispositions constitutionnelles les plus récentes, c’est-à-dire les textes issus de la révision constitutionnelle de 2003.

Sur le plan juridique

La  révision constitutionnelle de 2003 prévoit « la création par la loi d'une collectivité se substituant à un département et une région d'outre-mer ou l'institution d'une assemblée délibérante unique », après avoir obligatoirement obtenu le consentement des électeurs. Cette possibilité là est bien offerte à La Réunion. En effet, l’alinéa 5 de l’article 73 de la Constitution indique :

 « La disposition prévue aux deux précédents alinéas n'est pas applicable au département et à la région de La Réunion ». Les deux alinéas auxquels fait référence le 5° alinéa de l’article 73 sont les suivants : Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement. Ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Cette énumération pourra être précisée et complétée par une loi organique ».

L’alinéa 5 ne fait qu’exclure les collectivités réunionnaises d’une part, de la possibilité d’adaptation des lois et règlements dans les matières où s'exercent leurs compétences (après y avoir été habilitées à le faire) ; d’autre part, de la possibilité de fixer elle-même les règles applicables dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement.

En tout état de cause, l’alinéa 5 de l’article 73 n’exclut pas La Réunion des deux dispositions (alinéa 6 et alinéa 7 de l’article 73 de la Constitution). Ces alinéas sont les suivants : « Les habilitations prévues aux deuxième et troisième alinéas sont décidées, à la demande de la collectivité concernée, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Elles ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti. La création par la loi d'une collectivité se substituant à un département et une région d'outre-mer ou l'institution d'une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu'ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l'article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités ».

Ainsi,  l’alinéa 5 de l’article 73 ne porte pas sur l’évolution institutionnelle. Celle-ci reste possible. Néanmoins se pose un problème de méthode. En effet, La Réunion, si elle le souhaitait, pourrait opter pour une évolution institutionnelle ou statutaire, puisque la Constitution le lui permet, mais elle ne peut le faire qu’après l’accord du Congrès. Or, La Réunion ne peut réunir LÉGALEMENT un congrès, puisqu’elle n’y est pas autorisée par l’article L5911 -1 du CGCT.

Ce congrès est issu de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 dite LOOM (loi d’orientation pour l’outre-mer). L’article 62 de cette loi donnait la possibilité de créer un Congrès, dans les départements d’outre-mer et régions d’outre-mer.

Le 3 mai 2001, lors de la discussion du projet de loi « actualisation et adaptation du droit applicable à l'outre-mer » (Loi n°2001-503 du 12 juin 2001 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer), un amendement excluant La Réunion de la possibilité de création d’un congrès était adopté. Cet amendement revêtait un caractère d’inconstitutionnalité, puisque c’était un « cavalier législatif ».

Ainsi, sur le plan juridique, il est donc incontestable qu’il y a incohérence entre d’une part, la Constitution et d’autre part, l’article L5911 -1 du CGCT. Cet amendement vise à supprimer cette incohérence.

Sur le plan de la procédure

Lors de l’étude du projet de loi « délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral », le Sénateur Paul VERGÈS avait déposé un amendement visant à permettre à La Réunion de réunir le Congrès. Cet amendement était adopté lors de la séance du 30 octobre 2014. Lors de la deuxième lecture, à l’Assemblée nationale, le gouvernement a fait adopter un amendement de suppression de cette disposition. Dans l’exposé de ses motifs, le gouvernement  concluait par cette phrase : « Ces dispositions trouveraient naturellement leur place dans le cadre de l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, au début de l’année prochaine ».

Ainsi, sur le plan procédural, cet amendement entre dans le cadre des propositions formulées par le Gouvernement. En outre, cet amendement entre parfaitement dans le cadre des dispositions contenues dans la loi portant « Nouvelle organisation territoriale de la République », puisqu’il s’agit de répartition des compétences.

En effet, les prérogatives du congrès est de permettre «  aux élus départementaux et régionaux de délibérer de toute proposition d’évolution institutionnelle, de toute proposition relative à de nouveaux transferts de compétences de l’État vers le département et la région concernés, ainsi que de toute modification de la répartition des compétences entre ces collectivités locales ».

Le cœur même du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République est justement la question de la répartition des compétences. En effet, il s’agit de réparer une injustice qui prive La Réunion d’une possibilité offerte à la Martinique, à la Guyane et à la Guadeloupe.

C’est donc dans ce contexte que s’inscrit cet amendement.