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Direction de la séance

Projet de loi constitutionnelle

Protection de la Nation

(1ère lecture)

(n° 395 , 447 )

N° 75 rect. bis

15 mars 2016


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

Mmes AÏCHI, BOUCHOUX et BLANDIN et MM. DANTEC, GATTOLIN, LABBÉ et BOCKEL


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 2


Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 66 de la Constitution est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Pour assurer la défense de ses libertés fondamentales et des Droits de l'homme, qu'ils soient économiques, sociaux et culturels ou civils et politiques, toute personne doit pouvoir bénéficier d'un avocat libre et indépendant.

« L'avocat exerce ses fonctions sans entrave dans le strict respect de la loi et de sa déontologie. »

Objet

Cet amendement vise à insérer deux nouveaux alinéas à l’article 66 de la Constitution et ainsi à instituer le droit pour toute personne de bénéficier de l’assistance d’un avocat libre et indépendant pour assurer la défense de ses droits et libertés.

La sécurité nationale ne saurait imposer un renforcement sans limite des pouvoirs d’investigation ni la restriction des libertés individuelles, sans garantir corrélativement les droits de la défense.

Si l’on renforce à juste titre l’arsenal antiterroriste, il convient de mettre en place un véritable « Habeas Corpus à la française », avec, à la clé, un indispensable renforcement des droits de la défense notamment en affirmant cette nécessité dans la Constitution.

Concrètement cela signifie qu’il faut garantir le droit pour toute personne de bénéficier de l’assistance d’un avocat.

Le droit à un avocat a toujours été entendu comme un des piliers essentiels de la démocratie en liant consubstantiellement cette indépendance à l’indépendance même de la justice en ce qu’elle permet à tout administré de disposer pleinement des droits de sa défense et partant d’une justice équitable.

Par une recommandation sur la liberté d’exercice de la profession d’avocat adoptée le 25 octobre 2000, le Comité des ministres aux États membres du Conseil de l’Europe reconnait « la nécessité d’un système judiciaire équitable garantissant l’indépendance des avocats dans l’exercice de leur profession sans restriction injustifiée et sans être l’objet d’influences, d’incitations, de pressions, de menaces ou d’interventions indues, directes ou indirectes, de la part de qui que ce soit ou pour quelque raison que ce soit. »

De même, la Cour Européenne des Droits de l’Homme, insiste sur le fait que "le statut spécifique des avocats les place dans une situation centrale dans l’administration de la justice, comme intermédiaire entre les justiciables et les tribunaux, ce qui explique les normes de conduites imposées en général aux membres du barreau" (CEDH, 20 mai 1998, AFFAIRE SCHÖPFER c. SUISSE, n° 25405/94, §§29-30).

Une résolution du Parlement européen sur les professions juridiques et l’intérêt général relatif au fonctionnement des systèmes juridiques du 23 mars 2006 expose que : » Considérant que la Cour de justice des Communautés européennes a reconnu : que l’indépendance, l’absence de conflits d’intérêts et le secret professionnel/la confidentialité sont des valeurs fondamentales de la profession juridique, qui méritent d’être rangées au nombre des considérations d’intérêt public ; que des réglementations visant à protéger ces valeurs fondamentales sont nécessaires pour la bonne pratique de la profession juridique, malgré les restrictions à la concurrence intrinsèques qui pourraient en résulter (…)Considérant que la protection adéquate des libertés fondamentales et des droits de l’homme, qu’ils soient économiques, sociaux et culturels ou civils et politiques, dont toute personne doit pouvoir jouir, exige que chacun ait effectivement accès à des services juridiques fournis par des avocats indépendants. »

D’ailleurs, la CJUE a rappelé que le principe de l’indépendance est consubstantiel à l’exercice de la profession d’avocat qui « répond aux traditions juridiques communes aux États membres et se retrouve également dans l’ordre juridique de l’Union » (CJUE, gr. ch., 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals Ltd & Akcros Chemicals Ltd c/ Comm. UE, aff. C-550/07P).

La Constitution garantit l’indépendance de l’autorité judiciaire et le statut des magistrats (articles 64 à 66). Par réciprocité, il est essentiel de garantir aux citoyens l’accès à un avocat leur assurant la plénitude de l’exercice de leurs droits.Dans le cadre de ce projet de réforme constitutionnelle, il est donc proposé, à l’instar d’autres démocraties telles que l’Allemagne, le Brésil, le Canada, les États Unis ou la Tunisie, d’insérer dans la Constitution un texte consacrant l’indépendance de l’avocat qui n’a pour l’heure qu’une simple valeur législative.



NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.