Logo : Sénat français

Direction de la séance

Projet de loi

République numérique

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 535 , 534 , 524, 525, 526, 528)

N° 57 rect. ter

26 avril 2016


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Défavorable
Tombé

Mmes DEROCHE et PROCACCIA, MM. BOUCHET et BÉCHU, Mmes CAYEUX et DEROMEDI, M. DOLIGÉ, Mmes DUCHÊNE et GARRIAUD-MAYLAM, M. GOURNAC, Mme GRUNY, M. KENNEL, Mme LAMURE, MM. LAUFOAULU, LEFÈVRE et de LEGGE, Mme MORHET-RICHAUD et MM. MOUILLER, PELLEVAT, PIERRE, PILLET, REVET, VASSELLE, DELATTRE, LAMÉNIE, CÉSAR, CHASSEING et HUSSON


ARTICLE 43


Rédiger ainsi cet article :

I. – L’article 78 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « déficientes auditives » sont remplacés par les mots : « sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication » ;

b) Les mots : « écrite simultanée » sont remplacés par les mots : « simultanée écrite » ;

2° Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les services d’accueil téléphonique destinés à recevoir les appels des usagers sont accessibles aux personnes sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication par la mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle. Les numéros de téléphones concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite et visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par le service public, soit confiée par le service public, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. » ;

3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le service garantit le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites. »

II. – Le code de la consommation est ainsi modifié :

1° La section 4 du chapitre IV du titre II du livre II dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation est complétée par une sous-section 3 ainsi rédigée :

« Sous-section 3

« Service téléphonique d’accueil et d’assistance 

« Art. L. 224-58-... – Les acteurs économiques du secteur privé qui vendent, offrent ou proposent directement aux consommateurs ou aux bénéficiaires des biens et des services rendent accessibles leurs services d’accueil téléphonique aux personnes sourdes malentendantes ou handicapées de la communication par la mise à disposition d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle. Ce service comprend une transcription écrite ou l’intervention d’un interprète en langue des signes française ou d’un codeur en langage parlé complété. Les numéros de téléphone concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite ou visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par l’acteur économique, soit confiée par l’acteur économique, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. Il garantit le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites ».

« Les « professionnels » définis à l’article L. 151-1 sont des acteurs économiques au sens du présent article. »

III. – Le titre IV de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est complété par un chapitre … ainsi rédigé :

« Chapitre … : Télécommunications électroniques

« Art. 54 - … – I. – Il est créé un groupement interprofessionnel des prestataires de la filière professionnelle de la transcription et de la traduction simultanée qui délivrent les services mentionnés à l’article 78 de la présente loi et à l’article L. 224-58-... du code de la consommation, dont l’objet est d’assurer le développement de l’accessibilité téléphonique pour les besoins interpersonnels. À ce titre, le groupement assure notamment la création et le fonctionnement du centre relais défini au II.

« II. – Un centre relais téléphonique est créé par le groupement interprofessionnel mentionné au I pour permettre l’accès au service téléphonique au public des personnes sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication pour leurs besoins interpersonnels sur l’ensemble du territoire métropolitain et des collectivités d’outre-mer.

« Le centre relais téléphonique assure, en mode simultané et à la demande de l’utilisateur, l’interprétariat français en langue des signes française, la transcription simultanée écrite, le codage en langage parlé complété, ou une communication multimodale adaptée, des appels passés et reçus par les personnes sourdes, malentendantes, ou handicapées de la communication.

« Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi n°     du              pour une République numérique, le centre relais téléphonique fournit le service d’accès au service téléphonique au public.

« Dans un délai de dix ans à compter de la promulgation de la loi n°     du             pour une République numérique, le centre relais téléphonique fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tous les jours de l’année.

« III. – La mise en place et le fonctionnement du centre relais téléphonique mentionné sont déterminés conjointement avec le ministre chargé des personnes handicapées. Le centre relais téléphonique garantit le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites ainsi que la prévention de la violation des données à caractère personnel mentionnée à l’article 34 bis de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. »

IV. – Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement présente un plan des métiers visant à développer les formations conduisant aux professions spécialisées nécessaires à la mise en œuvre du présent article.

V. – La mise en œuvre des I à III peut s’appuyer sur des applications de communications électroniques permettant la vocalisation du texte, la transcription de la voix en texte, la traduction en et depuis la langue française de signes ou la transcription en et depuis le langage parlé complété. Cette mise en œuvre ne peut se substituer au service de traduction simultanée écrite et visuelle mentionné aux mêmes I à III qu’à la condition de garantir une accessibilité de qualité équivalente et d’offrir les mêmes conditions de traduction à toutes les personnes sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication.

VI. – Le 2° du I et le II entrent en vigueur selon des modalités et à une date prévues par décret, et au plus tard, deux ans après la promulgation de la présente loi pour les services publics de l’État et les acteurs économiques du secteur privé, trois ans après la promulgation de la présente loi pour les services publics gérés par les collectivités territoriales.

Objet

Amendement de repli.

L’article 43 vise à rendre les services téléphoniques plus accessibles aux personnes sourdes et malentendantes.

Le texte issu de l’Assemblée Nationale propose d’imposer une obligation d’accessibilité téléphonique à trois types d’acteurs : les services publics, les entreprises et les opérateurs de télécommunication, ces derniers devant fournir une offre pour les seuls besoins interpersonnels.

La rédaction de l’article 43 proposée par la commission des lois du Sénat refonde entièrement le texte adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale.

Il retient la création d’un centre relais téléphonique (CRT) généraliste visant à couvrir la totalité des 3 obligations d’accessibilité fixées par le texte adopté par l’Assemblée Nationale (Public, Privé et Opérateurs de télécommunication) dont la gestion est confiée à un groupement interprofessionnel des dits opérateurs constitué à cette fin.

A notre sens, la création d’un tel centre relais généraliste contredit directement :

- d’une part, le principe de libre concurrence garanti par les traités de l’Union (un secteur économique innovant se développe sur un marché très dynamique de la traduction simultanée et permet déjà de garantir pour les professionnels une accessibilité à un coût réduit) ;

- d’autre part, la jurisprudence constante de la cour de justice des communautés européennes qui interdit le financement par des opérateurs de communications électronique d’activité qui ne relèvent pas de la stricte mise en œuvre des autorisations générales.

Dès lors, elle induit un financement de l’accessibilité qui reposera, soit de manière exclusive sur les utilisateurs directs du service (ce qui paraît choquant au regard de l’idée même de solidarité), soit sur les seuls abonnés.

Plus généralement elle aménage de façon contradictoire avec l’esprit de la loi de 2005 un transfert de la charge de l’accessibilité sur les seuls opérateurs de communication électronique. Elle est ainsi susceptible de créer un précédent dangereux qui pourrait conduire, à terme, à un désengagement de tous les acteurs publics et privés au détriment desdits opérateurs sur d’autres problématiques d’accessibilité.

En revanche, il nous semble que les associations de personnes sourdes ont été justement entendues lorsqu’elles ont fait valoir que le projet de texte adopté par l’assemblée ne permettait sans doute pas d’embrasser tous les publics handicapés de la communication dans le champ de l’obligation d’accessibilité retenue.

En prenant en compte dans le principe l’amendement adopté par la commission des lois pour la seule partie qui concerne les prestataires de la filière professionnelle de transcription et de traduction simultanée, le présent amendement vise à recentrer l’obligation d’accessibilité  sur l’ensemble des acteurs concernés en rejetant l’idée, choquante, de faire peser sur les opérateurs de communication électronique (et sans doute in fine sur l’ensemble des abonnés), dont ce n’est pas le métier et qui n’ont pas la compétence pour le faire, la responsabilité de l’obligation générale d’accessibilité. 

Il retient aussi le principe d’inviter les prestataires de la filière à se regrouper pour assurer le développement de l’innovation dans le domaine de l’accessibilité téléphonique.

Il permet donc sans création de charges nouvelles et tout en respectant la loi de 2005 :

-  de réaffirmer l’obligation intransférable d’accessibilité  qui doit être équitablement partagée entre l’Etat, les collectivités et des entreprises ou associations relevant des secteurs publics et privés et les prestataires de la filière professionnelle de transcription et de traduction simultanée ;

- de prendre en compte la réalité  multiple des besoins des personnes sourdes et malentendantes que ne permettra pas de satisfaire une réponse unique d’un CRT généraliste ;

- de soutenir les conditions du développement d’une offre concurrentielle (garante de la qualité de service) par la filière existante, tout en sécurisant ce secteur économique innovant ;

- de sécuriser un secteur économique français en plein développement et à la pointe de l’innovation  en lui permettant de continuer de créer des emplois ;

- de permettre ce faisant le développement harmonieux  d’une accessibilité complète des publics concernés, tant pour la prise de rendez-vous par téléphone que lors d’un rendez-vous ;  

- d’adapter les délais d’entrée en vigueur des dispositions en tenant compte non seulement des ressources existantes et en offrant aux collectivités locales un délai supplémentaire pour se rendre accessibles.


NB : La mention « Tombé » signifie qu'il n'y avait pas lieu de soumettre l'amendement au vote du Sénat dans la mesure où soit l'objectif poursuivi par l'amendement a été atteint par l'adoption d'un autre amendement (ex. : amendement de rédaction globale incluant la modification proposée), soit, au contraire, l'amendement était incompatible avec un amendement précédemment adopté (ex. : l'adoption d'un amendement de suppression fait tomber tous les autres).