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Direction de la séance

Projet de loi

Transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 713 , 712 , 707, 710)

N° 35 rect.

4 juillet 2016


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G  
Non soutenu

M. FRASSA, Mme GIUDICELLI et MM. COMMEINHES, MILON, LEFÈVRE, HOUEL, DOLIGÉ, DUFAUT et GUERRIAU


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 7


I. – Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les juristes d’entreprise exerçant leur profession dans les conditions de l’article 58 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et répondant aux exigences du 3° de l’article 11 de la même loi ou entrant dans la catégorie des personnes visées au 3° l’article 98  du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, le délai qui y est prévu étant ramené à deux ans, peuvent demander leur inscription en qualité de juriste admis au Barreau sur une liste spéciale du tableau qui leur est réservée.

Les juristes admis au Barreau ne peuvent faire état de ce titre qu’après leur admission sur la liste spéciale visée à l’article 1 et s’ils répondent aux exigences des 4° à 6° de l’article 11 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée.

S’ils n’ont pas déjà prêté serment dans les termes de l’article 3 de la loi précitée, ils prêtent serment en ces termes : « Je jure, comme juriste admis au Barreau, d’exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité. »

Les juristes admis au Barreau ne peuvent recevoir des missions confiées par justice au sens de l’article 6 bis de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, de même qu’ils n’exercent pas les fonctions visées à l’article 4 de la même loi.

Ils exercent leurs fonctions dans les conditions de l’article 58 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

Les juristes admis au Barreau sont inscrits par le Conseil de l’Ordre sur une liste spéciale du tableau qui leur est réservée.

Le tableau dont ils relèvent est celui du Barreau du ressort où se situe l’établissement de l’entreprise qui les emploie et auquel ils sont rattachés.

Ils peuvent solliciter leur omission du tableau ou être omis de la liste spéciale du tableau objet du présent article.

Ils peuvent faire l’objet d’une suspension, radiation, sanction disciplinaire, pour des motifs qui seront définis en adéquation avec les caractéristiques des fonctions de juriste admis au Barreau.

Les conditions, modalités et conséquences de toute mesure objet du présent article seront définies par décret.

La confidentialité prévue au premier alinéa de l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 s’applique aux consultations et avis donnés à leur employeur par les juristes admis au Barreau et remplissant les conditions prévues à l’article 1er de la même loi.

Les dispositions du premier alinéa de l’article 66-5 susvisé s’appliquent aux correspondances de toutes natures échangées entre les juristes admis au Barreau, qui ont l’obligation de faire état de ce titre et de ces fonctions dès l’entrée en relation avec un avocat ou un autre juriste admis au Barreau, ainsi qu’avec les avocats extérieurs à leur entreprise n’agissant pas pour le compte de celle-ci. Seules les correspondances portant la mention officielle pour concerner une offre ou l’acceptation d’une offre, ou marquer un accord définitif, y font exception.

Pour protéger la confidentialité des correspondances échangées avec d’autres juristes admis au Barreau ou avec des avocats extérieurs à l’entreprise, le juriste admis au Barreau est tenu d’informer son employeur de leur contenu mais ne peut lui en remettre copie sous quelque forme que ce soit.

Les dispositions de l’article 56-1 du code de procédure pénale sont applicables aux juristes admis au Barreau. Elles sont cantonnées aux lieux de travail occupés ou désignés comme tels par le ou les juristes admis au Barreau ainsi qu’à tout moyen de communication mis à leur disposition par leur employeur.

Les litiges nés à l’occasion du contrat de travail d’un juriste admis au Barreau ou de la convention de rupture, de l’homologation ou du refus d’homologation de cette convention sont portés devant le conseil de prud’hommes conformément aux dispositions du code du travail.

Si, lors de l’examen du litige, la juridiction compétente est saisie d’une question relevant de la déontologie des juristes admis au Barreau, ladite juridiction ne peut statuer sans avoir préalablement recueilli l’avis du bâtonnier du Barreau auprès duquel l’intéressé est inscrit.

L’avis du bâtonnier, en ce qu’il intéresse le comportement déontologique du juriste admis au Barreau, s’impose à la juridiction de jugement. Il doit être déposé dans les trente jours ouvrables de sa saisine.

Si, compte tenu des nécessités de son enquête, le bâtonnier ne peut faire connaître son avis dans le délai de trente jours et souhaite disposer d’un délai supplémentaire, il en avise la juridiction saisie, sans que cette augmentation des délais puisse excéder quinze jours ouvrables.

À défaut d’avis rendu dans ces délais, le juge passe outre et statue au fond. 

Les autres dispositions légales et règlementaires relatives aux avocats ne s’appliquent pas aux juristes admis au Barreau.

Les conditions et modalités de participation, de cotisation et d’éligibilité des juristes admis au Barreau auprès de leur Barreau de ressort seront définies par décret.

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre…

Des juristes admis au Barreau

Objet

Les articles relatifs à la lutte contre la corruption du projet de loi précisent clairement que cette lutte passe par la mise en place de processus de contrôle internes tels qu’une cartographie des risques ou un dispositif d’alerte interne.

De tels dispositifs prônent donc un fonctionnement en toute transparence de l’entreprise.

Pour que les informations susceptibles d’être portées à la connaissance de l’entreprise dans le cadre de la mise en œuvre de ces processus le soient en toute sécurité, il est important d’assurer leur gestion dans la confidentialité. Le développement des programmes de conformité ou programmes de compliance qui sont un des éléments d’une politique de gestion et de prévention du risque plus globale passe par cette confidentialité : une révélation d’informations prématurée ou à mauvais escient pourrait nuire tant à l’entreprise qu’aux personnes dont les identités seraient révélées.

Or, à ce jour, la réglementation française, contrairement à d’autres, y compris en Europe, ne reconnait toujours pas la confidentialité des avis des juristes internes et permet donc que leurs avis soient saisissables alors même que leur objectif est d’assurer une meilleure conformité de l’entreprise et que l’implication de plus en grande des juristes internes dans ses dossiers est une garantie de leur succès.

L’occasion est ici donnée au législateur, au travers du projet de loi Sapin II de saisir un débat souvent écarté soit par des réactions de protectionnisme corporatiste, soit par la méconnaissance de son rôle : le statut du juriste interne, dont l’activité serait soumise à la discipline des Ordres et à une déontologie l’une et l’autre adaptées aux caractéristiques de la profession de Juriste Admis au Barreau par rapport à la profession d’avocat, et tenant par conséquent compte des règles existantes objet du code de déontologie de la profession de juriste d’entreprise.

Le projet de loi gagnerait ainsi en équilibre et rassurerait les entreprises.

La reconnaissance du statut du juriste interne permettrait également la mise en avant des directions juridiques internes au sein des entreprises et d’accélérer la mise en conformité de celles-ci avec d’autres textes. L’autre sujet d’actualité en la matière étant la nécessité de mettre en œuvre un programme de compliance posée par le Règlement général données personnelles

Bien entendu, comme dans les autres pays, l’entreprise pourra toujours renoncer au bénéfice de cette confidentialité dans le cadre de la coopération avec les autorités, notamment pour obtenir des réductions d’amende, voire une immunité selon les circonstances.

C’est pour ces raisons que nous soumettons par la présente un projet de création du « Juriste Admis au Barreau » (JAB).

Ces Juristes Admis au Barreau ne porteraient pas le titre d’avocat et ne seraient pas auxiliaires de justice. Ce statut particulier devrait donc aplanir les difficultés nées de l’hostilité d’une partie de la profession d’avocat à tout exercice salarié en entreprise.

En revanche, tenus au secret professionnel comme ils le sont déjà sur le fondement des articles 56 et 58 de la loi du 31 décembre 1971, les JAB pourraient faire bénéficier leurs employeurs de la confidentialité inhérente aux dispositions de l’article 66-5 alinéa 1er de la loi n° 71-1130  31 décembre 1971 quant à leurs avis, notes et consultations qui, en l’état actuel de notre droit, ne font l’objet d’aucune protection et introduisent, dans la concurrence internationale, une distorsion préjudiciable à la fois aux entreprises françaises et à la diffusion de notre système de droit.

De même, dans leurs relations professionnelles avec des avocats extérieurs à leur entreprise ou avec d’autres Juristes Admis au Barreau, le principe de la confidentialité des échanges serait également instauré, sans que le contenu intellectuel de ces pourparlers confidentiels puisse être dissimulé à leurs employeurs.

Les Juristes Admis au Barreau seraient inscrits par le Conseil de l’Ordre, dans les conditions prévues par les articles 101 à 103 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, sur une liste spéciale du tableau qui leur est réservée. Les conditions de participation et d’éligibilité aux barreaux devront être définies par décret, une cotisation adaptée pouvant être perçue devra tenir compte de la particularité du statut du Juriste Admis au Barreau qui ne bénéficiera pas, en l’état de la législation, de la qualité d’avocat salarié en entreprise et de l’avis des associations de juristes à cet effet.

Son enregistrement au barreau n’aurait pas d’incidence sur le statut de salarié de ce professionnel, qui continuerait à être soumis au droit du travail, hors ce qui concernerait le respect de la déontologie.

Un tel régime serait en outre en harmonie avec les statuts existant à l’étranger et, notamment, celui de « lawyer admitted to the Bar » des pays de common law, par exemple les États-Unis.

Ce statut, dans l’ordre public français, ne se heurterait pas à la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne concernant le privilège de confidentialité inopposable aux enquêteurs de la Commission en matière de concurrence. Aux termes des arrêts AM’S et AKZO, les États membres, dans leur ordre interne, demeurent libres de légiférer en matière de secret professionnel et de confidentialité.



NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.