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Direction de la séance

Proposition de loi

Modernisation de la transmission d'entreprise

(1ère lecture)

(n° 516 rect. , 515 , 514)

N° 34

6 juin 2018


 

AMENDEMENT

présenté par

C Favorable
G Favorable
Adopté

Mme LAVARDE

au nom de la commission des finances


ARTICLE 13


Supprimer cet article.

Objet

Cet amendement vise à supprimer l’article 13, qui prévoit une déduction d’impôt sur le revenu au bénéfice des agriculteurs, des artisans et des commerçants sur le point de céder leurs fonds en contrepartie de l’octroi d’une avance remboursable au repreneur à hauteur des deux tiers de l’avantage fiscal.

Cet article avait été maintenu au stade de l'examen en commission afin qu'il puisse être expertisé plus en détail. Cependant, en l’état, ce dispositif ne paraît pas en adéquation avec l’objectif visé et sa conformité à la Constitution est incertaine.

D’une part, censé fluidifier et sécuriser la transmission d’exploitations agricoles et artisanales, il soulève de très nombreuses interrogations du point de vue de sa mise en œuvre pratique. En particulier, le régime fiscal applicable aux remboursements demeure incertain et le remboursement de l’avance ne paraît pas sécurisé pour le contribuable qui s’engagerait dans l’expérimentation. Concernant la qualité du repreneur dans le domaine agricole, les précisions mentionnées ne sont pas homogènes avec celles prévues dans le cadre des aides aux jeunes agriculteurs, en particulier sous l’angle de la qualification du nouvel exploitant. Doivent aussi être mentionnées les interrogations que pourrait susciter la déclinaison du dispositif dans l’hypothèse où l’exploitation serait reprise par une pluralité d’opérateurs, le statut du remboursement en cas de décès du cédant ou encore le calendrier de ce remboursement. Enfin, bien que ce dispositif ait d’abord été pensé à destination des exploitations agricoles, il s’appliquerait également aux commerçants et artisans, soit un ensemble hétérogène de très nombreuses petites entreprises sur lesquelles les conséquences du dispositif proposé ne sont pas anticipées.

Le statut d’expérimentation ne permet pas d’écarter ces difficultés dans la mesure où la durée d’application du dispositif, qui inclut la période du remboursement de l’avance (dix ans), dépasse sensiblement celle de l’expérimentation. En outre, dans l’hypothèse où l’évaluation conduite se révélerait négative, la sortie du dispositif nécessiterait, compte tenu de son inscription dans la longue durée, une période transitoire complexe de débouclage des situations constituées.

D’autre part, l’avantage fiscal tel qu’il est prévu suscite la question de sa conformité avec le principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques.

En premier lieu, s’il ne fait aucun doute que la préoccupation d’améliorer la reprise des exploitations agricoles et artisanales est un motif d’intérêt général, la déduction fiscale telle qu’elle est prévue pourrait ne pas être proportionnée à cet objectif. En particulier, il ne va pas de soi que la répartition de la déduction envisagée, qui réserve un tiers de la somme déduite au cédant, puisse être considérée comme concourant à l’objectif d’intérêt général.

En second lieu, l’exclusion du bénéfice du dispositif des exploitants placés sous un régime fiscal autre que celui du réel agricole conduit à traiter différemment des exploitants connaissant des situations analogues sans justification particulière tirée de l’objectif poursuivi.

Afin d’aider à la reprise des exploitations agricoles, plusieurs pistes plus simples peuvent être explorées, comme l’allocation de moyens budgétaires supplémentaires et l’assouplissement des critères d’attribution de la dotation au jeune agriculteur (DJA), qui est une aide définitive élevant la capacité de financement du jeune agriculteur, ou encore la création d’un prêt à taux zéro ad hoc porté par Bpifrance.

Les limites constitutionnelles au droit d'amendement parlementaire ne permettent pas d'envisager la création directe de tels dispositifs. Il reviendra donc au Gouvernement de proposer des solutions pérennes et crédibles au problème de la transmission des entreprises agricoles, par exemple dans le cadre du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable qui sera discuté au Sénat à la fin du mois de juin, ou du projet de loi de finances pour 2019 de l'automne prochain.