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Direction de la séance

Projet de loi

Responsabilité pénale et sécurité intérieure

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 47 , 46 )

N° 1

13 octobre 2021


 

Question préalable

Motion présentée par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

MM. BENARROCHE et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE, GONTARD, LABBÉ et PARIGI, Mme PONCET MONGE, M. SALMON et Mmes TAILLÉ-POLIAN et Mélanie VOGEL


TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE


En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après de la procédure accélérée, relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (n° 47, 2021-2022).

Objet

Nous examinons la septième loi sécuritaire du quinquennat. Celle-ci propose un fourre-tout de mesures répressives et de surveillance policière, dans une logique, désormais habituelle, de surenchère sécuritaire.

En premier lieu, ce projet de loi reprend dans ses articles 7, 8 et 9 des dispositions déjà examinées par la loi sécurité globale et censurées par le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021. Lesdites mesures avaient été déclarées irrecevables car elles ne présentaient pas une conciliation équilibrée entre les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et le droit au respect de la vie privée.

Il n’est donc pas concevable que le Parlement introduise à nouveau dans un projet de loi des mesures précédemment jugées attentatoire aux libertés individuelles et écartées par le Conseil constitutionnel. De tels procédés illustrent la seule intention d’affichage politique de ces lois sécuritaires, en dépit de toute réflexion sur leur validité juridique.

Le texte est porteur d’une rupture philosophique majeure sur la protection des mineurs, du respect de leurs droits spécifiques, de la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le traitement des mineurs non accompagnés en est l’exemple frappant, en attestent les alertes de la Défenseure des droits dans son avis du 20 septembre 2021. Nous déplorons l’examen de ces dispositions attentatoires à la justice spécialisée des mineurs, contraires à la philosophie de l’ordonnance du 2 février 1945 et qui ne résoudront en rien la crise de l’accueil des mineurs étrangers isolés sur notre territoire.

Enfin, le volet sur la pénalisation en cas de trouble mental résultant d’une intoxication est très caricatural et comporte plusieurs éléments problématiques : ces dispositions fragilisent l’élément intentionnel de l’infraction et aggravent le risque de pénaliser la maladie mentale.

Ces mesures attestent d’une défiance envers notre Justice et des experts psychiatres, qui ne seraient pas pleinement capables de déterminer l’intentionnalité et la responsabilité des auteurs dans une affaire de meurtre. Selon les mots de Paul Bensussan, expert psychiatre agréé par la Cour de cassation : “aucun expert psychiatre ni juge ne déresponsabilise quelqu’un qui aurait pris un toxique pour se donner du “cœur à l’ouvrage” dans la perspective d’un crime prémédité. L’élément moral et intentionnel est bien là, donc la responsabilité totale.”

Nous examinons donc un texte qui prétend renforcer la poursuite pénale des personnes atteintes de troubles psychiatriques et consommatrices de substances toxiques, mais dont les lacunes et insuffisances sur le sujet sont désolantes : aucune mesure sur le manque d’attractivité de la profession d’experts psychiatres, leurs faibles rémunérations, aucune mesure sur la prise en charge et la demande de soin des personnes atteintes de troubles psychiatriques déclarées pénalement irresponsables, aucune mesure pour améliorer le cadre de l’expertise légale.

Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste, Solidarité et Territoires estime que notre chambre haute s’honorerait à rejeter ce texte.



NB :En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, cette motion est soumise au Sénat avant les orateurs des groupes.