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Direction de la séance

Projet de loi

Emploi des salariés expérimentés et évolution du dialogue social

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 668 , 667 )

N° 22 rect.

2 juin 2025


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 3


Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 4121-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« ...° Écouter les travailleurs sur le contenu technique du travail, sur son organisation, sur les conditions de travail et les relations au travail. »

Objet

Le maintien en emploi des salarié.e.s expérimenté.e.s est directement lié à la question de la nature de leurs conditions de travail, et à leur adaptation tout au long de leur vie afin de préserver leur santé au travail. Or, l’état de santé des travailleurs.euses se dégrade, comme l’atteste la hausse a minima de 18% des accidents mortels entre 2021 et 2023 et la multiplication par 35 des affections psychiques reconnues d’origine professionnelle en 13 ans (Source : CNAM-TS). Cela traduit la difficulté pour les entreprises à protéger la santé physique et mentale de leurs travailleurs.euses. Ainsi, 37 % des salarié.e.s ne se sentent pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à leur retraite (Source : DARES). Les salarié.e.s expérimenté.e.s arrivent « en bout de chaîne » des démarches de prévention qu'elles ont engagées, et subissent donc fortement les effets de ces conditions de travail non maîtrisées. Ainsi, ce sont les salarié.e.s de plus de 50 ans qui connaissent la durée moyenne d’arrêt maladie la plus élevée (Source Rapport Bérard - Oustric - Seiller), et celles et ceux de plus de 60 ans qui connaissent la fréquence la plus élevée d’accidents du travail mortels (Source : CNAM-TS). La question du maintien en emploi des salarié.e.s expérimenté.e.s est donc directement liée à la qualité des démarches de prévention engagées par les employeurs.euses.

En effet, c’est à l’employeur.euse qu’il revient, au titre de l’article L.4121-1, de « prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Pour le guider vers cet objectif, il a été précisé, à l’article L 4121-2, quels devaient être les neuf principes généraux qu’il doit suivre pour élaborer son dispositif de prévention. Cet article n’a pas de caractère coercitif, et ne peut être sanctionné par une infraction au Code du travail, le comportement attendu de l’employeur.euse n’étant pas assez précis, « normé », pour autoriser une répression pénale (Cass. crim., 14 octobre 1997, n° 96-83.356, Bull. crim. n° 334). Pour autant, il donne un cadre général de référence qui permet d’ordonner la réflexion de l’employeur.euse afin de lui permettre de remplir au mieux son obligation de sécurité, reprenant pour cela certaines dispositions législatives existantes pour en souligner l’importance comme l'évaluation des risques professionnels.

L’écoute que l’employeur.euse doit accorder à la façon dont les travailleurs.euses vivent leurs situations de travail renforce son dispositif de prévention des risques professionnels. Elle permet de mieux comprendre leurs conditions de travail réel, et favorise l’effectivité et l’efficacité de la prévention des atteintes à leur santé physique et mentale. Elle favorise par ailleurs la compréhension par les travailleurs.euses des mesures adoptées. Ainsi, les risques psychosociaux sont réduits, notamment par l’autonomie et les marges de manœuvre générées. Elle n’est pas incompatible avec l’exercice du pouvoir de direction de l’employeur.euse. Elle ne se substitue en rien au dialogue social qui unit sur ce sujet l’employeur.euse aux représentant.e.s du personnel. Il est donc essentiel que chaque travailleur.euse puisse être invité.e à s’exprimer sur ces sujets, l’organisation pour rendre cette écoute effective revenant à l’employeur.euse.

Or, en Europe, la France est le pays qui présente les scores les plus bas d’autonomie et de participation des travailleurs.euses à l’organisation de leur travail, comme le souligne un récent rapport de l’Inspection générale des affaires sociales. Cependant, aucun des neuf principes généraux de prévention n’établit que cette écoute des travailleurs.euses sur leurs conditions réelles d’exercice du travail est un principe incontournable de prévention, au même titre, par exemple, que le neuvième d’entre eux demandant à « donner les instructions appropriées aux travailleurs ».

C’est pourquoi, dans la continuité des Assises du Travail, des rapports du CESE et des nombreuses tribunes et publications qui les ont suivis, il est donc indispensable d’inscrire l’écoute des travailleurs.euses sur le contenu technique du travail, sur son organisation, sur les conditions de travail et les relations au travail à l’article L.4121-2 du code du travail, comme le premier principe général de prévention qui alimentera par ses effets les neuf autres principes existants. Cela répondra à la fois à l’objectif d’améliorer en continu les conditions de travail des salarié.e.s tout au long de leur vie professionnelle, et donc à préserver l’emploi des salarié.e.s expérimenté.e.s, tout en développant leur performance globale et socialement responsable.



NB :La rectification consiste en un changement de place de l'article 1er vers l'article additionnel après l'article 3.