Direction de la séance |
Proposition de loi Permettre aux salariés de certains secteurs de travailler le 1er mai (1ère lecture) (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) (n° 777 , 776 ) |
N° 10 30 juin 2025 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL ARTICLE UNIQUE |
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
Objet
L’amendement vise à supprimer l’alinéa qui entend autoriser, le 1ᵉʳ mai, l’ouverture « des établissements assurant, à titre principal, la fabrication ou la préparation de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate ». Cette formulation concerne en premier lieu les boulangeries, dont les organisations professionnelles mènent depuis 2023 un intense lobbying médiatique pour obtenir une dérogation permanente.
La législation actuelle protège actuellement seulement la continuité d’activité lorsqu’elle est réellement incontournable : l’article L3133-6 du Code du travail permet une ouverture dérogatoire lorsque l’employeur démontre l’impossibilité d’interrompre le service.
Toutes les boulangeries ferment certains jours de chaque semaine et auront des difficultés à démontrer que pour le 1er mai, elles se doivent de répondre aux besoins « essentiels » du public de fournir une baguette fraiche : doit-on en déduire qu’en vertu de ce principe, elles sont ouvertes 364 jours sur 365 ?
S’agit-il des artisans ou des grandes chaines ? des boulangeries en milieu rural ou de celles dans les centres commerciaux périurbains ?
Assurer, à titre principal, « la fabrication ou la préparation de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate » concernera bien des établissements au-delà des boulangeries qui ne sont qu’un prétexte, un alibi pour une dérégulation qui va s’étendre à tout le champ de la consommation immédiate de produits alimentaires dont le modèle économique est une ouverture maximale avec des horaires atypiques fragilisant leurs salarié.e.s souvent précaires, où le rapport de force défavorable rend illusoire l’exercice libre du volontariat.
Cette dérogation est le symptôme d’une société qui ne peut s’arrêter de consommer vingt quatre heures pour des biens non essentiels, pour un temps collectif qui fait sens et société.
Cette dérogation dont on perçoit l’inanité, présenterait dès lors le danger d’ouvrir une brèche : en cédant aujourd’hui aux boulangeries dont la population sait très bien se passer les jours de fermeture, on s’expose à une stratégie du pied dans la porte où chaque secteur, pourquoi pas demain les salons de coiffure ou les magasins de bricolage, invoqueront à leur tour une prétendue demande du public sous le prétexte paradoxal que les familles en congé ensemble le 1er mai ont le temps de consommer des biens ou services… produits par ceux qui travailleront pour une journée normale de salaire (le 1er mai, le salarié n’est pas payé double, il est payé normalement en plus du jour payé à tous).
Aujourd’hui, comme hier le travail du dimanche, l’exception deviendra la règle, jusqu’à vider le 1ᵉʳ mai de sa portée symbolique en multipliant des autorisations successives qui, bout à bout, déconstruiront la spécificité du seul jour férié obligatoirement chômé et payé, issu de l’histoire du mouvement social et de son aspiration à l’émancipation.