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Direction de la séance |
Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2026 (1ère lecture) (n° 122 ) |
N° 1 13 novembre 2025 |
Question préalableMotion présentée par |
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Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE |
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En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2026 (n° 122, 2025-2026).
Objet
Le groupe écologiste, solidarités et territoires estime qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le PLFSS 2026, d’une part car celui-ci est insincère. En effet, les hypothèses macro-économiques manquent de crédibilité, en particulier sur la masse salariale ; et par ailleurs les dépenses de la branche maladie sont extrêmement sous-estimées. D’autre part, ce projet de budget laisserait la sécurité sociale sans aucune marge de manœuvre sur le plan financier, en particulier dans l’éventualité de la perspective d’un choc négatif.
Les parlementaires que nous sommes devraient être sensibles à sincérité du débat budgétaire, et se préoccuper de la résilience financière de la protection sociale. C’est pourquoi il nous paraît nécessaire de rejeter la copie du Gouvernement dans son ensemble.
Pour évaluer le cadrage macroéconomique, il faut d’abord revenir sur l’exercice 2025 en cours de clôture.
Or d’après le HCFP, dans son avis sur le PLFG 2025 paru le 10 novembre 2025, “L’hypothèse de croissance de la masse salariale des branches marchandes non agricoles (+1,8 %) [en 2025] est atteignable mais paraît toujours un peu haute au regard des dernières informations, notamment en provenance de l’Urssaf. Le Haut Conseil estime que la prévision de dépenses publiques, légèrement ajustée à la hausse par rapport au PLF pour 2026 (+1,0 Md €) est vraisemblable, avec des aléas à la hausse notamment sur la sphère sociale [...] L’évolution des dépenses en 2025 est plus soutenue dans le secteur des administrations sociales que dans les autres sous-secteurs.”
Ainsi, en effet de base sur l’exécution 2025, les aléas sont à la baisse sur la masse salariale BMNA, et à la hausse sur la dépense sociale. Cela devrait appeler à la prudence sur les prévisions 2026.
Par ailleurs, aux dernières nouvelles, le chômage est en hausse de 0,3 points interannuel au T3 2025 pour atteindre 7,7 % (+0,1 point par rapport au trimestre précédent). Le budget d’austérité pour 2026 pourrait accélérer cette tendance, pesant à la baisse sur la masse salariale (et donc sur les recettes en prélèvements obligatoires de la sécurité sociale).
Or, dans son avis du 9 octobre 2025 sur les textes budgétaires 2026, le HCFP affirmait déjà que “pour 2026, [...] le scénario économique [...] repose sur des hypothèses optimistes, associant une consolidation budgétaire importante à une accélération de l’activité permise par une reprise de la demande privée. La prévision de croissance n’est que juste au-dessus de celles des organismes auditionnés par le Haut Conseil et du consensus des économistes (0,9 %). Mais par rapport à ces prévisions, le projet dont le HCFP a été saisi retient une orientation plus restrictive des finances publiques, qui pèserait donc davantage à court terme sur l’activité. En compensation, malgré un environnement international peu porteur, cette prévision suppose une reprise de la demande intérieure privée dont l’ampleur paraît volontariste au regard du climat général d’incertitude, en particulier pour l’investissement des entreprises et dans une certaine mesure la demande des ménages. La prévision [...] de masse salariale (2,3 %) est un peu haute.”
Ainsi, la prévision de masse salariale pour 2026 était déjà jugée un peu haute début octobre, or les dernières informations nouvelles font état d’aléas baissiers supplémentaires. Le cadrage macroéconomique est donc probablement peu plausible, et certainement imprudent.
Mais l’insincérité la plus criante de ce budget concerne les prévisions de dépense de l’Assurance maladie. En effet, le plan de l’exécutif pour l’exercice 2026 semble suivre le modèle de son “prédécesseur” l’exercice 2025 : sous-estimer l’Ondam en PLFSS, déclencher une alerte dépassement au printemps, et prendre des mesures unilatérales à la mi-année.
Pour revenir sur l’exercice en cours : en 2025, le montant global de l’Ondam est parti pour être tenu, mais au prix de remaniements en cours d’année par l’exécutif, c’est-à-dire que l’Ondam 2025 n’a pas été exécuté tel que voté. En effet, à la suite de l’avis du comité d’alerte de juin, des mesures ont été prises afin de limiter son dépassement. De ce fait, il a été décidé de mobiliser l’ensemble des mises en réserves et limiter le FIR, en plus de reporter des revalorisations conventionnelles (pour 150M €, ce qui a consisté pour l’exécutif à s’asseoir sur les accords consentis avec les professionnel.le.s de santé, ce qui n’est pas acceptable). Ces mesures compensent le dépassement prévu sur les établissements de santé, les indemnités journalières et le plan de baisse exceptionnel de prix du médicament partiellement exécuté. En complément de ces mesures, la réserve de 420 M € relative aux recettes tarifaires des établissements de santé (coefficient prudentiel) demeure possible pour compenser l’incidence d’un surcroît d’activité.
Pour 2026, alors que le tendanciel est estimé à de l’ordre de +4 %/an (au moins +3,6 % d’après la DSS), l’Ondam est prévu +2 % après amendement du Gouvernement à l’Assemblée. Là encore, la séquence rappelle les débats budgétaires en 2025 : l’exécutif sous-estime l’Ondam au point qu’il n’en est pas crédible (1,6 % pour 2026 dans le PLFSS), puis, “grand prince”, rallonge l’enveloppe d’un milliard en cours du débat parlementaire (dans le PLFSS 2026 comme l’an passé pour le PLFSS 2025). L’Ondam hospitalier est rehaussé par le Gouvernement à +3,2 % en 2026 (contre 2,4 % dans le projet initial), mais il faut en déduire la hausse de la CNRACL qui en absorberait de l’ordre de ¾ de point.
Cet Ondam prévoit d’accuser une hausse aussi faible en 2026 du fait de transferts aux assuré.e.s, autrement dit une dé-socialisation partielle de la dépense de soins. Par rapport au +1,6 % de dépense de l’Assurance maladie du budget initial, il y a en outre +1,3 % de dépenses de santé qui sont des transferts aux assuré.e.s (soit une hausse totale des dépenses de +2,9 %). Ces dé-remboursements ce traduiront par des hausses de reste à charge, mais aussi fatalement par du renoncement aux soins (baisse des volumes).
D’après le syndicat d’omnipraticien.ne.s MG france, ces hausses des restes à charge/coupes dans les montants conventionnels sont le “cheval de troie” de la financiarisation, à travers une part toujours plus importante laissée à la dépense privée. Le Gouvernement appelle ce déremboursement “responsabilisation”, un retournement digne de la novlangue orwellienne.
Même avec tous ces déremboursements, le comité d’alerte de l’Ondam vient déjà de rendre un avis pour dire que cette prévision est sujette à de nombreux aléas.
En effet, six milliards d’économies sont prévues sur l’Ondam dans ce budget (en écart à l’Ondam tendanciel), dont les mesures nouvelles consistent pour moitié en mesures de maîtrise tarifaire et de régulation, et pour moitié entransferts de charges vers les organismes complémentaires, les employeurs et les assuré.e.s (le reste correspond à des montées en charge de mesures adoptées précédemment). Le premier volet de ces mesures nouvelles est volontariste voire peu crédible, le second volet est certainement antisocial.
Par ailleurs, la prévision d’inflation sous-jacente à l’ondam est de 1,1 %, alors que l’OCDE table sur +1,6 %, et le consensus des économistes bien au dessus également, à +1,45 % prévus pour 2026 en septembre 2025 (d’après l’avis du HCFP sur le budget 2026). Elle semble donc clairement sous-estimée.
Pour finir, ce budget laisse la sécurité sociale sans aucun filet de sécurité / coussin amortisseur financier. L’Acoss, prévoyant d’être saturée en 2026, se trouve en effet sans aucune marge de manœuvre. Ce budget est donc irresponsable en plus d’être insincère. Il prévoit pour l’an prochain un état d’extrême vulnérabilité financière du système de protection sociale, qui pourrait se retrouver sans trésorerie en cas de nouveau choc type pandémie par exemple.
En théorie (à condition de recourir à une nouvelle loi organique) l’Acoss pourrait transférer son déficit à la Cades, mais pour cela il y a un préalable : la présentation d’une trajectoire de retour à l’équilibre ; et par ailleurs pour transférer dette à la Cades il est juridiquement nécessaire de transférer les ressources afférentes. Mais de toute manière, à ce stade aucun nouveau transfert à la Cades n’est possible sans loi organique.
L’Acoss, qui n’a, rappelons-le, pas vocation à prendre en charge des déficits durables, se trouve donc saturée et sans échappatoire.
La Caisse des dépôts et consignations a déjà fait appel à un pool bancaire en cas de besoin, mais à date elle soutient qu’elle ne pourrait pas lever plus de 12 Md €, ce qui ne permettrait pas d’amortir un choc économique majeur.
Pour toutes ces raisons (insincérité et imprudence), le GEST propose de ne pas examiner ce PLFSS 2026.