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Direction de la séance |
Projet de loi Projet de loi de finances pour 2026 (1ère lecture) PREMIÈRE PARTIE (n° 138 , 143, 144) |
N° I-1113 24 novembre 2025 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. KERN ARTICLE 19 |
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Supprimer cet article.
Objet
L’article 19 du projet de loi de finances pour 2026 prévoit de porter le montant de l’Imposition Forfaitaire sur les Entreprises de Réseaux (IFER) applicable aux installations solaires photovoltaïques mises en service avant le 1er janvier 2021 de 8,51 € à 16,05 € par kilowatt-crête (kWc), soit une hausse de 88 %.
Une telle mesure à caractère rétroactif aura des conséquences économiques et industrielles particulièrement lourdes pour la filière solaire, déjà soumise à une fiscalité bien plus élevée que les autres modes de production d’énergie décarbonée, de 2 à 6 fois supérieure selon les cas.
L’argument avancé pour justifier cette augmentation serait la nécessité de limiter la charge budgétaire liée aux contrats d’achat de l’électricité solaire, jugée excessive au regard des prix de marché actuels. Cependant, faire peser rétroactivement une hausse fiscale sur des installations existantes, dont le mode de financement a été construit sur la base du taux d’IFER en vigueur lors de leur mise en service, reviendrait à remettre en cause la stabilité du cadre économique et réglementaire sur lequel repose la confiance des investisseurs.
Cette mesure risquerait d’entraîner :
Un signal négatif envoyé aux investisseurs nationaux et internationaux, de nature à compromettre les futurs financements d’infrastructures énergétiques en France.
Au moment où la France connaît une forte fragilité économique liée à sa dette publique et où la note de la France a été dégradée par les agences de notation, les signaux relatifs à la rétroactivité de la parole de l’État sont totalement incohérents et risquent de nuire durablement à la confiance des acteurs financiers. Une déstabilisation économique de nombreuses centrales en exploitation, notamment celles issues des appels d’offres de la CRE présentant les tarifs les plus compétitifs (50 à 60 €/MWh).
Cette mesure compromettrait la viabilité de projets exemplaires en termes de performance économique et de contribution à la transition énergétique.
·Une dégradation des ratios bancaires des projets concernés, certains pouvant se retrouver en situation de défaut en raison d’une baisse de 10 à 15 % des revenus nets disponibles pour le service de la dette. Ce risque systémique pourrait affecter la confiance des établissements financiers dans le financement des projets d’énergies renouvelables.
La destruction d’emplois dans un secteur représentant près de 60 000 emplois directs et indirects, répartis sur l’ensemble du territoire (installateurs, artisans, exploitants agricoles, collectivités locales, PME, etc.). À un moment où le secteur solaire est déjà fortement déstabilisé — fin des appels d’offres, absence de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) — la mise en danger du portefeuille de centrales entraînerait la faillite de nombreuses entreprises concernées, aggravant encore la crise du secteur.
Alors que la filière solaire s’industrialise avec le développement de gigafactories et de projets hybrides (solaire + stockage), affaiblir ce secteur stratégique irait à l’encontre des objectifs de décarbonation et de souveraineté énergétique. Les acteurs du solaire ont déjà su s’adapter à la baisse des soutiens publics, mais une hausse rétroactive de fiscalité mettrait en péril la viabilité de projets existants. Dans un contexte d’incertitude énergétique et en l’absence de PPE actualisée, il est crucial de ne pas ajouter un nouveau facteur d’instabilité.
Par ailleurs, une telle mesure aurait des conséquences économiques lourdes pour les projets photovoltaïques dont une part importante du capital est détenue par des collectivités locales, des SEM et des citoyens investisseurs. Ces participations locales découlent des appels d’offres de la CRE lancés avant 2021, qui ont encouragé l’ouverture du capital à hauteur de 40 % à des acteurs de proximité en échange d’un bonus tarifaire. Ces dispositifs ont permis de mobiliser l’épargne domestique au service de la transition énergétique, dans un cadre de confiance garanti par l’État. Près de 70 % des projets concernés par ces appels d’offres ont ainsi eu recours au financement participatif, représentant plus de 23 000 citoyens. Ces apports en fonds propres vont être directement exposés à une modification rétroactive de la fiscalité locale, susceptible de déséquilibrer les projets et de fragiliser leur capacité à rembourser leur dette. Au-delà de l’impact financier, cette réforme constituerait une rupture de la parole de l’État envers les investisseurs non professionnels et affaiblirait la confiance indispensable à la poursuite de l’investissement participatif dans les territoires
Pour toutes ces raisons, le présent amendement vise à supprimer l’article 19 du projet de loi de finances prévoyant le doublement de l’IFER pour les installations photovoltaïques antérieures à 2021. Il s’agit ici de préserver la sécurité juridique et la confiance des investisseurs professionnels et non professionnels, la stabilité économique des installations existantes, la poursuite d’un développement ambitieux et compétitif de l’énergie solaire en France ainsi que la cohérence de l’action publique en matière de transition énergétique et de politique industrielle.