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Direction de la séance

Projet de loi

Projet de loi de finances pour 2026

(1ère lecture)

PREMIÈRE PARTIE

(n° 138 , 143, 144)

N° I-1209

24 novembre 2025


En attente de recevabilité financière

 

AMENDEMENT

présenté par

C
G  

Mme SCHILLINGER, MM. IACOVELLI, RAMBAUD, FOUASSIN, PATIENT, BUIS et BUVAL, Mmes CAZEBONNE, DURANTON et HAVET, MM. KULIMOETOKE, LEMOYNE, LÉVRIER et MOHAMED SOILIHI, Mme NADILLE, M. PATRIAT, Mme PHINERA-HORTH, MM. ROHFRITSCH, THÉOPHILE

et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 35


Après l’article 35

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après la section 3 ter du chapitre IV du titre III du livre III de la troisième partie du code général des collectivités territoriales, est insérée une section 3 ... ainsi rédigée :

« Section 3 ...

« Fonds de mobilisation départementale pour les jeunes majeurs de la protection de l’enfance

« Art. L. 3334-16-4. – Il est institué un fonds de mobilisation départementale pour les jeunes majeurs de la protection de l’enfance sous la forme d’un prélèvement sur les recettes de l’État et dont bénéficient les départements. Ce fonds est constitué de deux parts. Il est doté, en 2026, de 800 millions d’euros.

« La première part, d’un montant de 500 millions d’euros en 2026 est répartie entre les départements en fonction des dépenses constatées en moyenne l’année N-1 pour l’accompagnement des jeunes majeurs, le budget prévisionnel afférent pour 2026 et le nombre d’enfants de 17 ans confiés à l’aide sociale à l’enfance au 31 décembre de l’année N-1.

« L’application des quatre premiers alinéas fait l’objet d’un décret pris après l’avis du comité des finances locales.

« La deuxième part, d’un montant de 300 millions d’euros en 2026, est répartie entre les départements pour concourir à des projets innovants présentés par les conseils départementaux et ayant pour objet de soutenir l’inclusion des jeunes majeurs dans la société. »

II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Objet

Cet amendement porté et adopté de manière transpartisane à l’Assemblée nationale vise à instituer un fonds national de 800 millions d’euros pour assurer la mise en œuvre concrète de la législation du 7 février 2022 sur la protection infantile.

Cette réglementation représente indéniablement un progrès significatif pour les jeunes adultes pris en charge par les services de protection de l’enfance. Elle établit juridiquement, pour la première fois, l’exigence d’un suivi systématique prolongé jusqu’à 21 ans, témoignant ainsi de la reconnaissance du caractère essentiel de la continuité pédagogique lors du passage à l’indépendance.

Cependant, après trois années d’existence de la réforme « Taquet » , l’enquête menée par le collectif « Cause Majeur ! » révèle une situation alarmante : de multiples collectivités territoriales n’honorent pas encore cette exigence légale. Par conséquent, de nombreux jeunes adultes quittant le système de protection se trouvent plongés dans une vulnérabilité économique, logistique et psychologique qui compromet toute possibilité d’établir des bases solides pour leur avenir.

Dans les faits, les dispositifs d’accompagnement n’excèdent généralement pas 21 mois en moyenne, s’arrêtant vers 19 ans et 9 mois, ce qui demeure très éloigné des ambitions législatives. Cette défaillance trouve principalement son origine dans le déficit de ressources budgétaires accordées aux collectivités pour opérationnaliser ce mécanisme.

Effectivement, lors des précédentes discussions budgétaires, les pouvoirs publics n’ont alloué qu’un budget complémentaire de 50 millions d’euros pour accompagner cette nouvelle contrainte réglementaire. Cette dotation se révèle manifestement inadéquate face aux nécessités établies et aujourd’hui unanimement reconnues par l’écosystème de la protection infantile.

Cette dotation de 800 millions d’euros s’additionnerait aux 1,2 milliard d’euros que les départements consacrent déjà annuellement au soutien des jeunes adultes issus de l’ASE.

Cette initiative poursuivrait une double finalité :

• Assurer une affectation contraignante des ressources exclusivement dédiées au soutien des jeunes adultes, prévenant ainsi tout éparpillement financier dans les enveloppes budgétaires départementales générales ;

• Établir un partage plus juste du financement de cet accompagnement entre l’échelon national et les autorités locales, actant la coresponsabilité dans cette mission de substitution familiale exercée auprès de cette population.

Bien que cette disposition constitue un investissement conséquent dans le contexte économique actuel, elle matérialiserait une mobilisation déterminée de l’État pour les jeunes issus de la protection infantile et exprimerait une ambition affirmée de briser la spirale de vulnérabilité qui touche actuellement une proportion majeure de ces jeunes adultes sortant de l’ASE, sachant qu’un quart des individus en situation d’errance proviennent d’anciens placements ASE, proportion qui grimpe à 40 % chez les sans-logis de moins de 25 ans.

L’ampleur de cette enveloppe doit également être contextualisée puisqu’elle équivaut finalement à 7 % des 11 milliards d’euros mobilisés annuellement pour la protection des mineurs en péril. Ces investissements, malgré leur importance, n’atteignent pas leur pleine efficacité tant que les bénéficiaires ne jouissent pas d’un accompagnement intégral jusqu’à leur intégration socioprofessionnelle pérenne.

Renforcer l’encadrement de ces jeunes au moment de leur sortie de l’ASE contribuerait donc à optimiser pleinement les 11 milliards d’euros déjà mobilisés pour leur protection avant la majorité, tout en générant à terme des économies en matière d’hébergement d’urgence et plus largement de prise en charge des personnes sans domicile.